3. Une exigence constitutionnelle
La
Constitution du 4 octobre 1958 n'établit pas de lien explicite entre la
principe de libre administration et l'existence d'une fiscalité directe
locale.
Ce lien a été établi à deux reprises par la
jurisprudence du Conseil constitutionnel :
- le Conseil a fixé un principe général selon lequel
"
les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour
effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités locales
au point d'entraver leur libre administration
"
365(
*
)
;
- le Conseil a établi qu'un prélèvement par l'Etat sur les
ressources fiscales d'une collectivité ne peut être
opéré "
qu'à titre exceptionnel et ne doit
concerner qu'une partie de l'impôt local ; il doit être
défini avec précision quant à son objet et à sa
portée ; il ne doit pas avoir pour conséquence d'entraver la
libre administration des collectivités
concernées
"
366(
*
)
;
Le Conseil n'a jamais considéré que ces principes avait
été enfreints mais a eu l'occasion de les réaffirmer. Il a
jugé conforme à la Constitution un prélèvement sur
les recettes fiscales d'une collectivité en relevant "
qu'eu
égard au montant du prélèvement en cause par rapport
à l'ensemble des recettes de fonctionnement du budget de la ville de
Paris, sa suppression n'est pas contraire au principe de libre administration
des collectivités territoriales
"
367(
*
)
.
Lorsqu'il s'est prononcé sur la conformité à la
Constitution de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe
professionnelle, le Conseil a rappelé que les règles
posées par la loi "
ne sauraient avoir pour effet de restreindre
les ressources fiscales des collectivités au point d'entraver leur libre
administration
" mais a considéré que, puisque
"
en contrepartie de la suppression progressive de la part salariale de
la taxe professionnelle, la loi institue une compensation
(...)
ces
règles n'ont ni pour effet de diminuer les ressources globales des
collectivités locales ni de restreindre leurs ressources fiscales au
point d'entraver leur libre administration
"
368(
*
)
.
La décision relative à la suppression de la part salariale de la
taxe professionnelle confirme l'existence d'un
seuil minimal de ressources
fiscales
en deçà duquel la libre administration des
collectivités locales serait remise en cause. En effet, elle laisse
entendre que la transformation d'un impôt en dotation pourrait porter
atteinte à la libre administration par deux biais
différents :
- d'une part, si la mesure proposée avait pour effet de diminuer les
ressources globales des collectivités locales ;
- d'autre part, si la mesure proposée restreignait de manière
exagérée les ressources fiscales locales.
Il ressort de ce double critère qu'une réforme qui remplacerait
un impôt local par une compensation plus intéressante
financièrement pour les collectivités locales pourrait
malgré tout être jugée contraire à la Constitution
si elle faisait disparaître une part trop importante des recettes
fiscales locales.