II. UNE RÉPARTITION PLUS RATIONNELLE DES COMPÉTENCES AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE
La
mission n'a pas limité ses réflexions aux moyens de clarifier le
cadre juridique de l'exercice des compétences.
Elle s'est interrogée sur l'opportunité de nouveaux transferts de
compétences de l'Etat aux collectivités locales, dans le sens
d'une décentralisation renforcée.
Sans couvrir tout le champ de l'action publique, elle a voulu formuler quelques
propositions, en tenant compte de la
vocation principale
de chacun des
niveaux de collectivités locales, des
évolutions
constatées
dans le partage du financement des compétences de
l'Etat ainsi que des
réalités du terrain
.
Les suggestions de la mission concernent l'éducation, la formation
professionnelle, l'équipement, l'action sociale et
médico-sociale, la culture, la sécurité, les services
d'incendie et de secours et, enfin, les interventions économiques.
D'autres domaines pourraient justifier un examen complémentaire, afin de
mieux préciser la répartition des compétences. Tel
pourrait en particulier être le cas de
l'environnement
, même
si, dans ce domaine, la détermination de blocs de compétences
très délimités peut être difficile à
concevoir et pas nécessairement souhaitable. Pour autant, le financement
de la gestion de l'eau, les limites territoriales de compétence pour la
gestion des déchets et l'énergie, constitueront des enjeux
importants pour l'action publique locale au cours des prochaines années.
Ces propositions -dont la mise en oeuvre exigera une réelle
volonté politique- sont formulées sous les réserves
précédemment soulignées. Toute nouvelle
décentralisation de compétence suppose en particulier un accord
préalable sur la réalisation de deux conditions
déterminantes : une
compensation
juste et évolutive
des charges transférées et une
liberté réelle
d'organisation
pour les collectivités locales.
L'expérimentation
sur la base du volontariat, chaque fois que
possible, présente l'avantage de garantir l'adhésion des
collectivités intéressées et de préserver
l'avenir.
A. L'ÉDUCATION : TRANSFÉRER LA RESPONSABILITÉ DES BÂTIMENTS UNIVERSITAIRES AUX RÉGIONS
La
participation substantielle des collectivités territoriales
-et en
particulier des régions-
au financement des universités
,
dans le cadre du plan " université 2000 ", axé sur
l'investissement immobilier, puis du plan " U3M ", inscrit dans les
contrats de Plan Etat-Région 2000-2006 et comportant un nouveau volet
" vie étudiante ", pose de longue date la question du
transfert aux régions de l'enseignement supérieur,
compétence de l'Etat.
La mission a pris position en faveur d'un transfert aux régions de la
construction et de l'entretien des bâtiments universitaires
. La
vocation de la région en matière de développement
économique et d'aménagement du territoire, de même que ses
compétences dans le domaine de la formation professionnelle, en
particulier en faveur des jeunes, plaident pour ce transfert. L'Etat
contribuerait à assumer la charge du personnel enseignant et des
dépenses pédagogiques.
L'ampleur des dépenses nécessaires pour réhabiliter un
patrimoine dégradé et adapter ses capacités d'accueil
à l'explosion du nombre d'étudiants ne doit pas être
éludée. Il est clair qu'un transfert aux régions devrait
être subordonné à un
état des lieux
et faire
l'objet d'une
négociation préalable
, sérieuse, sur
les modalités de compensation par l'Etat des charges
transférées, tenant compte de la richesse des régions et
du nombre d'étudiants prévisible. Ce transfert ne serait pas
exclusif d'une participation des départements volontaires et des villes
au financement.
La mission d'information n'entend remettre en cause la compétence
pédagogique de l'Etat ni dans l'enseignement supérieur, ni dans
les enseignements primaire et secondaire, tout en préconisant le
développement de l'expérimentation, nécessaire pour mieux
adapter le système éducatif à l'évolution de
besoins diversifiés.
*
* *
La
mission s'est par ailleurs préoccupée des conditions de
recrutement et de gestion des personnels intervenant dans la vie quotidienne
des établissements du second degré.
Les personnels administratifs, techniques, ouvriers, de service et de
santé (ATOS) ne sont pas un ensemble homogène. Ceux qui
relèvent du cadre A (21 %) ont des fonctions de direction. Les ATOS du
cadre B (8 %) s'occupent d'administration scolaire et universitaire. Le
cadre C (71 %) est chargé de l'entretien général et
de la vie pratique quotidienne des établissements scolaires. L'ensemble
de ces personnels représentent 205 520 agents (dont un quart dans
les établissements universitaires). Enfin, les ATOS se partagent entre
un petit nombre affecté à l'administration centrale (4 042
personnes) et dans les services académiques (29 773 personnes). La
plupart des ATOS sont donc déconcentrés, c'est-à-dire en
l'occurrence affectés dans les établissements du second
degré et du supérieur. Les emplois ATOS sont répartis, par
l'administration centrale, entre les académies. En l'absence de
création de poste, il y a redéploiement entre les
académies, mais aujourd'hui il n'existe plus de marge pour
redéployer.
Aussi bien les établissements que les collectivités locales
déplorent que le nombre des personnels ATOS reste insuffisant.
Le rôle des ATOS relevant du cadre C pour le bon fonctionnement des
établissements et l'importance de cette présence adulte au milieu
des élèves sont reconnus par tous et tout le monde s'accorde pour
demander la création de postes nouveaux. La Commission d'enquête
sénatoriale sur la situation et la gestion des personnels des
écoles et des établissements du second degré s'en est
émue
340(
*
)
.
La gestion des personnels ATOS est rendue difficile aujourd'hui en raison du
transfert de compétences aux collectivités locales en
matière de constructions scolaires. En effet, après avoir
consacré, comme on l'a vu, des sommes considérables à la
restauration et à la construction d'établissements, les
collectivités locales ne comprennent pas que maintenant l'Etat leur
mesure chichement les moyens de l'entretien quotidien des bâtiments.
Ce problème est resté pendant, car toute évolution sur le
statut ou le mode de recrutement des ATOS constitue un point très
sensible dans les discussions avec les organisations syndicales. En effet, ces
dernières considèrent que les ATOS contribuant à la bonne
exécution du service public de l'éducation doivent conserver leur
statut actuel et ne dépendre que de l'Etat en tant que fonctionnaires
associés au projet éducatif global dont l'Etat a la
maîtrise.
Une première solution consisterait à rationaliser la gestion
de ces personnels au niveau académique en favorisant la mutualisation
des moyens entre plusieurs établissements.
Une partie des tâches des ATOS pourrait également être
confiée à des sous-traitants : cela est plus
particulièrement vrai pour le nettoyage et la restauration. Le
ministère de l'Education nationale étudie actuellement le
développement des formules d'externalisation.
Interrogé par la Commission d'enquête sur la situation et la
gestion des personnels des écoles et des établissements du second
degré, le précédent ministre de l'éducation
nationale avait indiqué à la commission que le ministère
étudiait des formules de contractualisation avec les
collectivités territoriales afin qu'elles puissent participer au
recrutement de personnels ATOS supplémentaires.
Pour répondre aux besoins des établissements et aux
préoccupations des élus locaux, au nom de la proximité et
de l'efficacité, le transfert aux collectivités locales du
recrutement et de la gestion des personnels intervenant dans la vie quotidienne
des établissements du second degré devrait être
envisagé
. Un tel transfert de compétences devrait
s'accompagner d'une compensation financière correspondante. Les
collectivités seraient libres d'opter pour le type de gestion qui leur
semblerait, au vu des circonstances locales, le mieux adapté.
Pour les responsables locaux, cette réforme ne serait pas
entièrement une nouveauté puisqu'ils ont déjà en
charge cette compétence pour le primaire et qu'ils complètent
déjà les défaillances de l'Etat dans le secondaire et le
supérieur.
Une telle réforme devrait s'engager dans la plus large concertation avec
les personnels concernés.