2. Entre collectivités locales : la promotion de la collectivité chef de file

Le bilan établi par votre mission d'information a souligné qu'à l'expérience, il était apparu illusoire de chercher à supprimer toute forme de cofinancements entre collectivités pour la réalisation d'un même projet. Tel est en particulier le cas pour la réalisation de grands équipements, le concours de plusieurs collectivités étant alors souvent indispensable.

Le cofinancement, s'il s'exerce dans le cadre d'un véritable partenariat , peut également traduire de véritables solidarités et complémentarités en vue d'une plus grande efficacité de l'action publique.

La notion de collectivité chef de file peut contribuer à assurer une plus grande cohérence des actions communes ainsi conduites.

Elle a été mise en avant, sur l'initiative du Sénat, par la loi d'orientation du 4 février 1995. Le II de l'article 65 de cette loi a prévu, en effet, qu'une loi de clarification des compétences entre l'Etat et les collectivités locales devrait définir " les conditions dans lesquelles une collectivité pourra assumer le rôle de chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales. "

Or cette notion, n'a, à ce jour, pas reçu de traduction législative .

Pourtant elle conserve toute sa pertinence pour clarifier les conditions d'exercice des compétences

C'est pourquoi, lors de l'examen de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le Sénat avait adopté un article additionnel prévoyant la désignation d'une collectivité chef de file pour des actions communes menées par la voie conventionnelle par les collectivités et leurs groupements en matière d'aménagement du territoire et de développement économique .

Le texte issu des travaux du Sénat, écarté par l'Assemblée nationale lors de la lecture définitive du projet de loi après échec de la commission mixte paritaire, était libellé comme suit :

" Lorsque, pour l'exercice de leurs compétences relatives à l'aménagement du territoire et au développement économique, les collectivités territoriales et leurs groupements décident de mener des actions communes dans des conditions fixées par une convention, cette convention désigne pour chacune des actions envisagées l'une de ces collectivités ou l'un de ces groupements pour en coordonner la programmation et l'exécution.

"  La convention peut charger la collectivité ou le groupement chef de file d'exercer pour le compte des parties à la convention les missions du maître d'ouvrage au sens de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée et d'en assumer les droits et les obligations. Un cahier des charges annexé à la convention peut, en outre, définir les moyens communs de fonctionnement nécessaires à la réalisation de ces actions.

" Sauf stipulations contraires, pour des actions communes à la région, au département et au groupement : la région est la collectivité chef de file pour la programmation et l'exécution des actions d'intérêt régional ; le département ou le groupement est la collectivité chef de file des actions relatives au développement local et à la promotion des solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural. "


Ainsi conçue, cette notion de collectivité chef de file n'a pas pour objet de modifier la répartition actuelle des compétences entre les collectivités territoriales. Elle a vocation à régir la mise en oeuvre d'actions communes à plusieurs collectivités, notamment celles décidées dans le cadre du contrat de plan.

Dans le dispositif adopté par le Sénat, la collectivité chef de file devait jouer un rôle de coordination de la programmation et de l'exécution de ces actions communes.

Garante de la cohérence des objectifs communs aux différentes collectivités, la collectivité chef de file n'exercerait en aucun cas un pouvoir de contrainte.

Cette notion ne remet donc pas en cause le principe fondamental des lois de décentralisation qui prohibe toute tutelle d'une collectivité sur l'autre.

Chaque collectivité pourrait exercer ses compétences dans le cadre du partenariat avec d'autres collectivités autour d'objectifs communs et d'engagements librement pris ou sous une autre forme qui lui paraîtrait plus appropriée.

Ce partenariat ne modifierait pas, par ailleurs, les compétences de l'Etat dans son rôle de garant de la cohésion nationale.

La fonction de chef de file est donc une fonction d'animation et de coordination dans un cadre volontaire destiné à favoriser une plus grande cohérence de l'action des collectivités territoriales.


En outre, le Sénat avait prévu que les parties à la convention pourraient décider de lui confier les responsabilités du maître d'ouvrage. Un cahier des charges annexé à la convention pouvait définir les moyens communs de fonctionnement nécessaires à la réalisation de ces actions.

Le Sénat avait jugé nécessaire de désigner dans la loi la collectivité qui serait, en principe, chef de file pour des actions communes à la région et aux départements . Les parties à la convention auraient eu néanmoins la faculté, en fonction du contexte local, de désigner un autre chef de file.

Sauf stipulation contraire , pour des actions communes à la région et au département, la région devait être la collectivité chef de file des actions d'intérêt régional , le département exerçant la même mission pour le développement local et la promotion des solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural.

Il serait évidemment souhaitable que s'applique un principe de subsidiarité dans le choix de la collectivité chargée d'exercer cette mission de coordination.

Ainsi précisé, ce dispositif semblait de nature à répondre aux exigences constitutionnelles, telles qu'explicitées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 , notamment quant à l'exercice par le législateur de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution de définir les principes de la libre administration des collectivités, de leurs compétences et de leurs ressources.

Votre mission d'information considère que la notion de collectivité chef de file, sans remettre en cause le contenu des compétences, peut apporter une clarification utile dans la mise en oeuvre des partenariats entre collectivités.

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