V. LA CULTURE

A. L'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES A PRIS SON ESSOR AVANT LA DÉCENTRALISATION

Après la Révolution et la disparition des corporations et des maîtrises, le secteur culturel, beaucoup plus réduit que nous ne l'entendons aujourd'hui, était désorganisé. L'intervention de l'Etat dans le domaine de la culture a été très tardive, ses premières grandes initiatives datant du XVIIIe siècle, et restant cantonnées à la capitale. Sous la pression des besoins, les municipalités prirent l'initiative de créer des établissements d'enseignement musical. Puis ce schéma se répéta dans tous les secteurs culturels que les collectivités territoriales ont peu à peu investis. Dès le XIXe siècle les grandes villes avaient ainsi développé leurs équipements culturels, notamment des théâtres, des bibliothèques et des musées, sans subvention ou aide d'aucune sorte de l'Etat, constituant un tissu important d'institutions culturelles.

Freinées par les besoins de la reconstruction, les collectivités locales ont cependant pris quelques initiatives culturelles très modernes sous la IVe République. Les villes de Strasbourg, Avignon ou Cannes ont notamment organisé des festivals, de théâtre ou de musique, dès le début des années cinquante. Sous la Ve République, l'effort des collectivités locales en faveur de la culture s'est développé. Les départements ont ainsi eu dès les années soixante un important patrimoine culturel à gérer.

La création du Ministère des Affaires culturelles en 1959 n'a pas entravé les initiatives locales. Au contraire, près de vingt ans avant le mouvement de décentralisation, les ministres français de la culture ont tendu à associer les collectivités territoriales à leur action en faveur du développement et de la diffusion de la culture.

Alors qu'André Malraux, qui s'est vu confié la création du ministère, défend une conception très centralisatrice dans le domaine de la culture, il incite les collectivités locales à collaborer à la mise en oeuvre de ses initiatives les plus importantes. Il va ainsi les associer progressivement à l'exécution des plans quinquennaux de modernisation économique et sociale, qu'il a mis en place dans le domaine de la culture, et à l'inventaire général des richesse artistiques de la France. Il prévoit également des partenariats directs avec les collectivités territoriales, en créant les maisons de la culture, financées à parité par l'Etat et les villes concernées.

Les initiatives de Jacques Duhamel, ministre des affaires culturelles de 1971 à 1973, ont concrétisé la prise de conscience du rôle essentiel des collectivités locales dans le domaine de la culture , et ont visé à accroître les moyens de coopération entre les collectivités locales et l'Etat, notamment à travers la politique des chartes entre l'Etat et les villes, la transformation des maisons de la culture en centres d'action culturelle, le plan décennal pour la musique, la collaboration avec la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) et la mise en place du fonds d'intervention culturel (FIC), permettant de financer des opérations innovantes proposées par les collectivités locales.

Aux termes de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, les collectivités locales participent, dans le cadre des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE), aux missions d'information du public dans ces domaines et à la formation des personnels intervenant dans le secteur de la construction.

Ainsi, l'intervention culturelle des collectivités locales a trouvé son plein essor dans les années soixante-dix. D'abord influencées par les orientations définies par l'Etat, les collectivités territoriales ont mis en place à cette époque des politiques culturelles autonomes et ont augmenté leur effort financier en faveur de la culture.

L'évolution des dépenses culturelles des départements montre que l'augmentation des sommes consacrées à la culture n'est pas directement corrélée aux lois de décentralisation, mais résulte de la politique volontariste menée par les départements . Entre 1979 et 1978, le budget culturel des départements progresse de 88 %, puis de 80,6 % entre 1978 et 1981, passant de 0,305 milliard de francs en 1975 à 1 milliard de francs en 1981 (288( * )) .

La même remarque peut s'appliquer aux communes . Elles consacraient près de 9,6 milliards de francs en 1978 à la culture. De 1978 à 1993, ces dépenses ont progressé en moyenne de 5 % par an, l'augmentation la plus forte se situant en début de période entre 1978 et 1984.

Lorsque les lois de décentralisation sont votées, les collectivités locales se sont déjà vu reconnaître de fait une place essentielle dans l'action culturelle , soit en partenariat avec l'Etat, soit de leur propre initiative.

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