c) Le poids des charges sociales et des prélèvements fiscaux incitent les entrepreneurs à délocaliser leur entreprise ou à la développer à l'étranger
C'est au
niveau des charges sociales que la différence entre la France et la
Grande-Bretagne est la plus manifeste. Les charges sociales obligatoires sont,
en Angleterre, de 0 % pour les salaires hebdomadaires en dessous de
83 livres et de 12, 2 % au-dessus, contre plus de 40 % en France. Mais le
rapport de 1 à 4 doit être corrigé du fait du très
faible niveau des prestations sociales servies outre-Manche au titre des
cotisations obligatoires, ce qui oblige les entreprises à souscrire pour
leurs salariés une assurance complémentaire. Aussi estime-t-on
que le niveau moyen des charges sociales effectivement assumées par les
employeurs se situe, en Grande-Bretagne, autour de 20 %, soit
moitié moins qu'en France.
Si on ajoute aux charges sociales, l'impôt sur le revenu, la
différence est forte tant pour les entreprises que pour les
salariés, comme le montre le tableau suivant.
SALAIRE NET APRÈS IMPÔTS ET COTISATIONS SOCIALES
ET COÛT DU TRAVAIL EN %
|
Pour
un salaire de
|
Pour
un salaire de
|
||
|
Il reste au salarié** |
Il en coûte à l'employeur* |
Il reste au salarié* |
Il en coûte à l'employeur* |
France |
66,6 % |
143 % |
48,5 % |
140 % |
Allemagne |
62 % |
119 % |
53,4 % |
105 % |
Pays-Bas |
63,1 % |
109 % |
46,2 % |
102 % |
Luxembourg |
80 % |
111 % |
60,1 % |
104 % |
Suisse (Genève) |
79,8 % |
118 % |
59,6 % |
116 % |
Royaume-Uni |
74,2 % |
111 % |
63,7 % |
112 % |
Irlande |
70,9 % |
111 % |
56,6 % |
103 % |
Etats-Unis (New York) |
77,1 % |
108 % |
61,8 % |
104 % |
*
Après impôts et cotisations
Source : HSD Ernst & Young
Pour un salaire brut de 328.000 francs, une entreprise payera en France 470.000
francs, le salarié recevant 218 000 francs. En Angleterre, l'entreprise
n'acquittera que 364.000 francs, le salarié percevant
240.000 francs.
Les différences de charges varient, certes, en fonction de la situation
familiale des salariés et ne correspondent pas aux mêmes
prestations sociales. Mais elles constituent pour les entrepreneurs, notamment
dans les secteurs à forte intensité de main d'oeuvre
qualifiée, dans les services et dans le secteur des nouvelles
technologies, un facteur important dans le choix d'une implantation.
Les comparaisons internationales en matière de fiscalité des
entreprises placent également la France dans une position moins
favorable que ses partenaires européens. L'étude du cabinet Baker
Mc Kenzie réalisée pour le compte du gouvernement hollandais dont
les résultats ont été rendus publics le
15 janvier 1999, est à ce propos intéressante. Elle
compare les taux effectifs d'imposition des entreprises pour des
investissements dont le rendement avant impôt est identique. Il en
ressort que la France est le pays de l'Union européenne dont le
taux effectif d'imposition est le plus élevé, pour un rendement
avant impôt de 10 %
63(
*
)
. Le tableau ci-après
récapitule les résultats de l'étude.
CLASSEMENT DES ETATS MEMBRES
PAR TAUX D'EFFECTIF
D'IMPOSITION
DES ENTREPRISES
(POUR UN RENDEMENT AVANT IMPÔT DE
10 %)
Grèce |
13,74 |
Suède |
17,19 |
Italie |
17,73 |
Finlande |
18,14 |
Irlande |
22,29 |
Royaume-Uni |
22,34 |
Portugal |
22,52 |
Danemark |
22,83 |
Pays-Bas |
23,16 |
Luxembourg |
23,48 |
Belgique |
23,48 |
Autriche |
27,04 |
Espagne |
32,76 |
Allemagne |
37,02 |
France |
40,71 |
Moyenne UE |
24,30 |
Source : Cabinet Baker Mc Kenzie.
*
Le calcul du taux effectif d'imposition prend en compte l'impôt sur
les sociétés, les taxes foncières, la taxe
professionnelle, différentes taxes et participations sur les salaires
(à l'exclusion des cotisations patronales).
De telles différences ne peuvent que peser très lourd sur les
décisions des chefs d'entreprises concernant le choix d'une
implantation. Il est rare, cependant, d'entendre ceux qui se sont
expatriés dire qu'ils franchissent le pas uniquement pour ce motif. Le
coût de la fermeture d'une usine en France et sa réouverture
à l'étranger, les avantages que présente, par ailleurs, la
qualité des infrastructures et celle de la main d'oeuvre
qualifiée disponibles en France sont pris en compte et rendent la prise
de décision complexe.
En revanche, il est de plus en plus fréquent qu'ayant implanté
des filiales à l'étranger, les entreprises françaises
décident, pour des raisons fiscales, d'y développer leurs
investissements et d'y réaliser leur croissance. Une étude
réalisée auprès de plus 80 filiales françaises
implantées en Grande-Bretagne montre que 60 % d'entre elles jugent
que le niveau de la fiscalité et des charges sociales est nettement plus
avantageux en Grande-Bretagne de sorte que "
cela permet de se
développer et d'investir plus facilement sans prendre de paris aussi
risqués qu'en France
"
64(
*
)
.