II. UN PROGRAMME FISCAL GOUVERNEMENTAL SANS GRANDE COHÉRENCE
A. DES ALLÉGEMENTS D'IMPÔTS HÉTÉROCLITES
Les
allégements d'impôts prévus dans le projet de loi de
finances rectificative pour 2000 sont au nombre de trois
10(
*
)
:
- une réduction de la taxe d'habitation pour un coût de 11
milliards de francs ;
- un allégement de l'impôt sur le revenu à hauteur de 11
milliards de francs (diminution d'un point de chacun des deux premiers taux
d'imposition) ;
- la baisse d'un point du taux normal de la TVA pour 18,45 milliards de francs
en 2000.
Votre commission a fait procéder à
une évaluation des
mesures fiscales
présentées dans le collectif
budgétaire. Les effets les plus marquants des mesures fiscales
annoncées, tels que les traduit le modèle de l'OFCE
11(
*
)
, sont les suivants :
- l'augmentation du revenu disponible des ménages et du taux de marge
des entreprises se traduit par une légère
accélération de la croissance en 2000 (+0,1 point de croissance)
et 2001 (+0,2 point de croissance) ;
- une baisse de 1 point du taux de TVA entraîne un ralentissement de
l'inflation de 0,2 point en 2000 et 2001 ;
- l'allégement fiscal (40 milliards de francs) en 2000 représente
0,4 % du PIB et 0,7 % (53 milliards de francs) en 2001, mais le
déficit public n'est augmenté que de 0,4 % du PIB en 2001
(35 milliards de francs), du fait de l'effet de relance des mesures (celles-ci
s'autofinancent en partie).
Cette évaluation montre que les mesures fiscales envisagées ne
concernent que les ménages et contribuent au soutien de la demande.
Pourtant le contexte actuel est déjà celui d'une bonne tenue de
la demande intérieure, alors que des doutes subsistent sur l'aptitude de
l'économie française à accroître ses
capacités de production et, en conséquence, à soutenir une
croissance soutenue sans saturation de l'offre et sans risque inflationniste.
Or l'Union européenne se caractérise par des différences
sur les fiscalités du travail, de l'épargne et des entreprises,
qui constituent des ressources délocalisables. C'est sur ce type
d'impôts qu'une réforme est nécessaire, de façon
à améliorer la compétitivité fiscale. Ni cette
contrainte, ni celle de l'harmonisation des fiscalités en Europe ne sont
prises en compte dans le programme d'allégements d'impôts
annoncé au risque d'accroître les phénomènes de
délocalisation.
Les délocalisations pour motif fiscal : l'étude de la
direction générale des impôts
Selon ses propres termes "
la direction générale des
impôts (DGI) ne dispose que d'informations partielles et donc
minorées sur les départs à l'étranger de
contribuables
".
Cependant, si "
l'analyse des données ne permet pas de conclure,
pour la généralité des contribuables, à la
prédominance des motifs fiscaux dans les décisions de
départ
", elle reconnaît que "
les
caractéristiques présentées par les contribuables
disposant d'un patrimoine élevé laissent présager
l'importance du facteur fiscal
".
L'étude de la direction générale des impôts montre
ainsi que le
" taux d'expatriation "
des hauts revenus
(0,3 %) est quatre fois plus élevé que pour la moyenne des
contribuables.
Il existe deux principaux motifs de délocalisation: la taxation
des plus-values et l'imposition du patrimoine.
En outre, les délocalisations dûes à l'impôt de
solidarité sur la fortune sont importantes et entraînent une perte
de richesse significative pour la France. "
La perte de capital par
la France peut être estimée à 13 milliards de francs
et
la perte d'impôt qui en résulte représente 140 millions de
francs par an
".
La DGI indique enfin
"
c'est en effet dans le total
constitué par l'ISF, l'IR et la taxation des plus-values (y compris
prélèvement social) qu'il faut chercher le déclencheur
éventuel de la délocalisation
". Elle précise
ainsi :
" il semble que les motifs fiscaux de
délocalisation résident notamment dans la combinaison de la
taxation des plus-values (qui peuvent être exonérées ou peu
taxées à l'étranger) et de l'imposition du
patrimoine ".
Les délocalisations pour motif fiscal résultent donc, pour
l'essentiel, de la combinaison de l'impôt sur le revenu, de l'impôt
de solidarité sur la fortune et de la taxation des plus-values.
Rappelons, en outre, qu'aux termes d'une étude commandée par la
commission des finances du Sénat à l'Observatoire français
des conjonctures économiques (OFCE), notre pays apparaît comme
l'un de ceux où la pression fiscale est la plus élevée en
Europe, en occupant, impôt par impôt, une position moyenne au
regard de cet indicateur mais en faisant usage cumulativement de toutes les
assiettes fiscales concevables en application de raisonnements plus politiques
ou budgétaires qu'économiques. La France se trouve donc en
mauvaise situation pour affronter une recrudescence éventuelle de la
concurrence fiscale
12(
*
)
.