C. LES RÉVISIONS DE RECETTES ASSOCIÉES AU COLLECTIF POUR 2000
1. Une loi de finances pour 2000 manifestement insincère
Votre
rapporteur général ne reviendra pas sur l'analyse qu'il avait
longuement développée sur ce point lors de l'examen du projet de
loi de finances pour 2000, à l'automne dernier
6(
*
)
, puis lors de l'examen du projet de loi
de finances rectificative
7(
*
)
.
Il souhaite simplement rappeler que la commission des finances du Sénat
avait alors estimé que les évaluations de recettes fiscales
associées au projet de loi de finances pour 2000 n'étaient pas
sincères, car elles reposaient sur une révision des recettes de
1999 de 30 à 40 milliards de francs inférieure à la
réalité.
Pour contrer cette analyse notamment par voie de communiqué de presse,
le gouvernement avait multiplié les arguments techniques, invoquant
à plusieurs reprises des " phénomènes
calendaires " particulièrement sur l'impôt sur les
sociétés et l'impôt sur le revenu, ou la faiblesse de
l'inflation concernant les rentrées de TVA.
Déjà, votre rapporteur général relevait
"
qu'au delà des justifications techniques, les rendez-vous
politiques relatifs à la distribution des excédents fiscaux sont
déjà annoncés ".
C'est l'objet même du
projet de loi de finances rectificative pour 2000 qui est
présenté au Parlement.
2. Une transparence contrainte et inachevée
Par un
heureux hasard, la réévaluation de recettes inscrite dans le
projet de loi de finances rectificative correspond exactement au chiffrage
effectué par le rapporteur général de la commission des
finances à l'Assemblée nationale, tel qu'il figure dans son
rapport d'information publié en mars 2000 sur les premiers
éléments disponibles concernant l'exécution du budget en
1999.
Loin d'avancer un chiffre aussi précis que 51,4 milliards de francs,
votre rapporteur général se bornera à rappeler quelques
faits :
- les recettes fiscales ont été bien supérieures aux
prévisions en 1999, de plus de 30 milliards de francs et auront un
" effet base " sur 2000 ;
- selon le rapport préliminaire de la Cour des comptes portant sur
l'exécution des lois de finances pour 1999, des recettes ont
été reportées par le gouvernement de 1999 sur 2000, pour
environ 18 milliards de francs s'agissant des recettes non fiscales et 9
milliards de francs en recettes fiscales, soit au total près de 27
milliards de francs ;
- la croissance devrait être plus forte que prévue, soit 3,6 %
selon les estimations du gouvernement et rapporter ainsi 10 milliards de francs
supplémentaires.
On peut donc estimer que, compte tenu des effets de reports et de la croissance
attendue, il s'agit d'une révision
a minima
. En effet, selon une
étude
8(
*
)
réalisée à la demande du Président de la commission
des finances du Sénat, M. Alain Lambert, par l'Observatoire
français des conjoncture économiques (OFCE), les recettes
fiscales peuvent être réévaluées de
50 milliards de francs pour 2000. Cependant, il faudrait également
tenir compte des reports de recettes fiscales de 1999 sur 2000
(9 milliards de francs selon la Cour des comptes). De surcroît,
l'OFCE fait l'hypothèse d'une croissance plus forte (4,2 %), qui
pourrait apporter des recettes complémentaires pour l'Etat.
D'une certaine manière,
des précautions ont été
prises afin d'anticiper une meilleure exécution budgétaire
,
qui devrait
in fine
se traduire par une amélioration du
déficit budgétaire. Dans son rapport sur le collectif
2000
9(
*
)
, M. Didier Migaud note
ainsi, que "
compte tenu de ces bonnes perspectives, on peut
raisonnablement penser que le déficit de l'Etat pour l'exercice 2000
sera, en définitive, réduit par rapport aux prévisions du
présent projet
". M. Laurent Fabius, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, a lui-même
évoqué un déficit réduit à 200 milliards de
francs pour 2000, lors du débat d'orientation budgétaire pour
2001 devant l'Assemblée nationale.
Enfin, votre rapporteur général tient à souligner que
le débat sur " la répartition des fruits de la
croissance " reste tronqué
, notamment du fait de la
séparation du débat budgétaire et du débat sur les
finances sociales. Comme le montre l'OFCE, le surplus de recettes
généré par la croissance s'élève à
72 milliards de francs pour l'ensemble des administrations publiques.
La réestimation du compte des administrations publiques pour 2000 : les résultats de l'étude menée par l'OFCE à la demande de la commission des finances du Sénat
•
Si la croissance s'élève en 2000 à 3,6 %, soit
l'hypothèse retenue par le gouvernement, le supplément de
recettes fiscales pour l'Etat en 2000 par rapport aux estimations de la loi de
finances initiale s'établirait à 35 milliards de francs environ,
dont :
- 24,7 milliards de francs d'effet de base, qui correspond à la
différence entre les recettes constatées en 1999 et les recettes
prévues pour 2000 au moment de la LFI 2000 ;
- 10 milliards de francs d'excédents de recettes fiscales par rapport
à la LFI 2000, imputables à une hypothèse de croissance
plus forte de 0,8 point.
Le report sur 2000 de recettes non fiscales initialement prévues pour
1999 pour un montant de 15 milliards de francs, porterait
le
supplément de recettes pour l'Etat à 50 milliards de
francs.
• Une croissance plus forte ayant une incidence sur les autres
administrations publiques,
les surplus de recettes pour l'ensemble des
administrations publiques atteindraient 72 milliards de francs en 2000
,
soit 50 milliards de francs pour l'Etat, 14 milliards de francs pour la
Sécurité sociale et 8 milliards de francs pour les
collectivités locales.
• L'hypothèse de croissance de 3,6 % pour 2000 est plus basse
que la prévision de croissance de l'OFCE, qui s'établit à
4,2 % pour 2000. Dans ces conditions,
les surplus
s'élèveraient à 92 milliards de francs,
dont 56
milliards de francs pour l'Etat, 25 milliards de francs pour la
Sécurité sociale et 11 milliards de francs pour les
collectivités locales.
• Les mesures fiscales annoncées par le gouvernement auraient un
impact positif sur l'activité, donc sur les rentrées fiscales,
et
s'autofinanceraient en partie
. Dans ces conditions, le
supplément de recettes pour l'ensemble des administrations publiques par
rapport à la LFI 2000,
après les mesures annoncées
dans le collectif budgétaire, s'élèverait à
32 milliards de francs
(pour une croissance de 3,6 %) : 4
milliards de francs pour l'Etat, 19 milliards de francs pour la
Sécurité sociale et 9 milliards de francs pour les
collectivités locales.