II. DE SOMBRES PERSPECTIVES
A. UN FRAGILE ÉQUILIBRE
1. La conjonction de facteurs favorables pour 1999 et 2000
a) La croissance retrouvée...
La bonne
tenue de la croissance économique permet à la
Sécurité sociale de bénéficier, comme l'Etat, de
recettes en hausse.
Ce fut le cas pour 1999, puisque la Commission des Comptes de la
Sécurité sociale de septembre 1999 a relevé à la
hausse les prévisions de recettes et que celles-ci le furent encore par
la commission des comptes de mai 2000. La masse salariale de 1999 pourrait
avoir augmenté de 4,1 % contre 3,7 % attendus en septembre dernier.
Le phénomène s'est accentué en 2000. Comme l'écrit
le secrétaire général de la Commission des comptes de la
Sécurité sociale dans son rapport de mai 2000 :
" les recettes bénéficient de la bonne conjoncture
économique. Avec une hypothèse de croissance du PIB
désormais fixée à 3,6 % en volume, en 2000, la progression
de la masse salariale du secteur privé est estimée à 5,4 %
(y compris emplois-jeunes) soit un point de plus qu'il n'était attendu
à la rentrée de 1999. Ceci correspond à un
supplément de recettes d'environ 9 milliards pour le régime
général ".
Cette progression de la masse salariale est liée à la hausse des
salaires plus forte que prévue (2,5 % contre 2,3 %) et, surtout,
à la reprise de l'emploi salarié (2,65 % contre 1,7 %).
Ces surplus liés à la croissance économique pourraient
d'ailleurs augmenter au long de l'année, comme le reconnaît la
Commission des Comptes :
" l'hypothèse retenue dans le
compte doit être considérée comme prudente "
.
Toute réévaluation des recettes ne devra cependant pas servir
à cacher un dérapage des dépenses.
b) ...utilisée en partie pour de nouvelles dépenses
L'année 1999 a été marquée par l'utilisation des très forts surplus de recettes afin de couvrir les surplus de dépenses non anticipés.
Les
surplus de recettes et dépenses du régime général
pour 1999
(en milliards de francs)
|
Estimations mai 1999 |
Estimations septembre 2000 |
Ecart |
Recettes |
1.253,3 |
1.293,7 |
+ 40,4 |
Dépenses |
1.258,5 |
1.293,4 |
+ 34,9 |
Solde |
- 5,2 |
+ 0,3 |
+ 5,5 |
Source : CCSS
Le surplus de recettes lié à l'accélération de la
croissance s'élèvera donc en 1999 à 40,4 milliards de
francs, qui correspondent à l'écart positif entre la
prévision d'évolution de la masse salariale et de la croissance
économique de mai 1999 et celle de mai 2000.
Or, dans le même temps, le solde attendu du régime
général de Sécurité sociale ne
s'améliorerait que de 5,5 milliards de francs (déficit attendu de
5,2 milliards de francs en mai 1999)
Cela signifie que 34,9 milliards de francs de recettes supplémentaires
ont été utilisés pour financer un dérapage des
dépenses
De même que pour l'Etat, on peut donc constater que les surplus de
recettes dont bénéficie la Sécurité sociale en 2000
serviront aux sept huitièmes à financer de nouvelles
dépenses.
2. Le dynamisme de la sphère des finances sociales
Le
gouvernement a opéré de profondes modifications dans le
système de recettes des finances sociales depuis 1997 :
• en augmentant la substitution de la CSG aux cotisations maladie ;
• en opérant des transferts d'impositions de l'Etat vers les
finances sociales ;
• en multipliant les organismes dotés de missions
particulières et de ressources propres.
Le fruit de ces différentes réformes s'observe aujourd'hui
où le régime général mais aussi le bloc des
finances sociales en général connaissent un très fort
dynamisme de leurs recettes : 4,7 % de hausse en 1997, 4,4 % en
1998, 4,6 % en 1999 et 3,8 % de hausse en 2000 pour le seul
régime général, soit un rythme de progression à
chaque fois supérieur à celui de la croissance économique.
La hausse des prélèvements obligatoires sociaux explique le
redressement comptable du régime général
47(
*
)
. Ce dernier ne peut en aucun cas
être considéré comme vertueux puisqu'il repose
entièrement sur des hausses de recettes qui cherchent tant bien que mal
à suivre la dynamique des dépenses.
Le gouvernement aura réussi, en matière sociale, à
créer un mécanisme de prélèvement aligné en
période de croissance sur le mécanisme d'évolution des
dépenses. Il a échoué à maîtriser les
dépenses de même qu'il échouerait en cas de retournement de
la croissance à faire face aux chutes de recettes.
Au régime général, il convient d'ajouter les
différents fonds créés pour assumer des missions
particulières, comme le fonds de financement de la couverture maladie
universelle, financé par subvention de l'Etat et
prélèvement obligatoire sur les assurances et les mutuelles, le
fonds de réserve pour les retraites, le fonds de financement de la
réforme des cotisations (FOREC) bénéficiaire de 40
milliards de francs de droits sur les tabacs mais aussi de la taxe
générale sur les activités polluantes, ou encore le fonds
d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui perçoit 200 millions de
francs de droits sur les tabacs et une subvention. Ceci explique la progression
très rapide de la sphère sociale dans les finances publiques et
atténue quelque peu, par des débudgétisations et
transferts de ressources, les efforts de compression de la sphère de
l'Etat.
Et cette évolution n'est pas favorable à l'Etat qui voit fuir la
ressource fiscale, mais aussi croître sans cesse les transferts vers les
administrations de sécurité sociale. Le gouvernement le
reconnaît lui-même dans le rapport sur le débat
d'orientation budgétaire : ces transferts représentaient en
1999 10 % des dépenses de l'Etat et croissaient à un rythme
de 7 % en volume.
3. Le nécessaire respect des décisions des partenaires sociaux
Il
convient également de rappeler que l'agrégat des administrations
de sécurité sociale (ASSO) utilisé pour le débat
d'orientation budgétaire et la transmission à la Commission
européenne du programme pluriannuel de finances publiques ne recouvre
pas, loin s'en faut, le seul régime général, mais aussi
les régimes complémentaires d'assurance maladie et vieillesse, le
régime d'indemnisation du chômage et les régimes
spéciaux non inclus dans le régime général.
Or si une partie dépend en effet des décisions de l'Etat, une
large part lui échappe et reste aux mains des partenaires sociaux qui
sont engagés dans démarche très ambitieuse de
redéfinition des relations sociales dans la Nation.
Le retour à l'équilibre des finances sociales ne peut bien
sûr prendre en considération les résultats de ces travaux
mais il ne faudrait pas préjuger des décisions des partenaires
sociaux dont plusieurs pourront influencer les finances sociales.