B. UN TRIOMPHALISME DÉPLACÉ
1. Le poids de la dette présente et à venir
Il peut
sembler quelque peu déplacé de crier victoire alors que les
régimes sociaux sont confrontés à deux dettes, d'ampleur
différente mais qui pèsent sur les finances sociales, l'une
aujourd'hui et encore pour près de quinze ans, l'autre dans un avenir
qui se rapproche sans cesse.
La dette d'hier, c'est celle de la CADES. Elle supporte une double dette :
208 milliards de francs inscrits à son bilan et 84,7 milliards de francs
de dettes envers l'Etat soit encore 292,7 milliards de francs à
rembourser. A cet effet, les Français ont payé en 1999 plus de 28
milliards de francs au titre de la contribution au remboursement de la dette
sociale.
La dette à venir, ce sont les retraites. Sans reprendre des chiffres
trop connus, il convient de rappeler que les système français de
retraite est condamné à se réformer et que cette
réforme aura un coût qui viendra gravement altérer nos
finances publiques faute de maîtrise d'autres postes de dépenses
comme l'assurance maladie, et de baisse des prélèvements
obligatoires sociaux.
2. " L'arlésienne " de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie
Dans le
rapport sur le débat d'orientation budgétaire, le gouvernement
indique que
" outre le surplus de recettes, l'amélioration des
comptes résulterait de manière importante de la modération
des dépenses de prestations, au premier rang desquelles les
dépenses de maladie. Ces dernières évolueraient pour 2000
en ligne avec l'objectif national des dépenses d'assurance maladie
fixé en loi de financement de la sécurité sociale (2,4 %
en valeur) et respecteraient en 2001 l'objectif défini de par le
programme pluriannuel de finances publiques (1,5 % en volume) ".
Les derniers résultats de la Commission des comptes de la
sécurité sociale viennent ébranler ces prévisions.
Ainsi, ils reconnaissent d'ores et déjà que la prévision
de l'ONDAM est erronée et que sa réévaluation semble
également optimiste. Les prévisions de
" dépenses
doivent être relevées pour tenir compte notamment de
l'accélération des dépenses d'assurance maladie
enregistrée au cours des derniers mois. Pour l'ensemble de
l'année, l'hypothèse retenue dans la prévision est que les
dépenses du régime général sur le champ de l'ONDAM
seraient supérieures de 3,5 milliards de francs à l'objectif
initial. Cette hypothèse suppose un ralentissement sensible des
dépenses dans la suite de l'année par rapport aux tendances les
plus récentes. (...) En termes de dépenses remboursées, la
superposition des phénomènes rend l'objectif de la loi de
financement 2000 difficile à tenir. (...) Au vu des tendances
récentes, même si elles sont difficiles à
interpréter, le risque principal est bien celui d'un dépassement
de l'hypothèse retenue dans ce compte
[c'est à dire
majorée de 3,5 milliards de francs pour l'ONDAM] pour les
dépenses d'assurance maladie. "
Par ailleurs, la Commission a
pris acte du dépassement prévu de 11,6 milliards de francs de
l'ONDAM en 1999, en hausse de 2,9 % par rapport à 1998.
En fin de compte, les dépenses maladie continuent à croître
plus vite que prévu par le programme pluriannuel, et elles ne
respecteraient les nouveaux objectifs, déjà trop
élevés, qu'au prix d'un renversement des tendances en oeuvre. On
ne voit cependant guère quel renversement pourrait s'opérer sans
réformes fortes et courageuses dont rien n'indique, faute de loi de
financement rectificative, qu'elles interviendront rapidement.
3. Les incertitudes financières des décisions gouvernementales
D'autres
éléments d'incertitude pèsent sur l'évolution des
finances sociales et leur capacité à respecter le programme
pluriannuel des finances publiques.
La première source d'incertitude reste le financement de la
réforme des cotisations sociales et du passage aux 35 heures. Le Conseil
constitutionnel a en effet annulé une des taxes mises en place pour
compléter le plan de financement, privant les administrations de
Sécurité sociale, par le biais du FOREC, de plus de 7 milliards
de francs de recettes qu'il conviendra bien de trouver. De ce point de vue
là aussi, l'absence de loi de financement rectificative paraît
difficilement explicable ainsi que l'a remarqué le Président de
la République lors de la promulgation de la loi du financement
censurée en janvier dernier.
Parallèlement, la bonne santé financière de l'assurance
chômage (UNEDIC), contribue très largement au solde positif des
finances sociales en dégageant un excédent prévisionnel de
plus de 6 milliards de francs en 2000 et de près de 10 milliards de
francs en 2001. Or les discussions en cours entre patronat et syndicats, mais
aussi entre partenaires sociaux et Etat, risquent de mettre à mal cet
excédent : que toutes ces discussions conduisent à une
baisse des taux de cotisations, à une hausse des dépenses ou
à des transferts de charges de l'Etat vers l'UNEDIC, le solde s'en
retrouvera altéré et la stratégie européenne du
gouvernement en matière de finances publiques aussi.
Par ailleurs, le gouvernement a décidé de mettre en oeuvre une
réforme de la Prestation spécifique dépendance qui se
traduira nécessairement par de dépenses supplémentaires
dont on peut se demander si elles sont prises en compte dans le programme
pluriannuel.
Enfin, les relations entre l'Etat et la Caisse nationale des allocations
familiales manquent de clarté puisque le collectif budgétaire ne
fait pas figurer les 5,5 milliards de francs promis par l'Etat à la CNAF
pour financer la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Il
ne faudrait pas que les bons résultats de la branche famille soient
utilisés par l'Etat pour revenir sur ses engagements et fragiliser
l'équilibre de la sécurité sociale.
Aussi les incertitudes ne manquent-elles pas sur les finances sociales et sur
le respect des engagements européens de la France en la matière.