C. L'ATTENTE DE RÉFORMES COURAGEUSES
1. " L'hydre " des retraites
En matière de retraites, alors que les rapports et études se multiplient depuis vingt ans comme en témoigne le tableau ci-dessous, le gouvernement ne brille pas par sa précipitation.
Les retraites : vingt ans de rapports
Voici
les principaux rapports publiés depuis vingt ans sur le thème des
retraites :
• 1980 : rapport de Robert Lion ;
• 1983 : rapport de Jean-Pierre Sueur
• 1985 ; rapport de Maurice Ragot pour le Conseil économique
et social (CES) ;
• 1987 : rapport de Philippe Seguin ;
• 1988 : rapport d'Yvon Chotard ;
• 1989 : rapport de René Teulade pour le Xème
plan ;
• 1990 : rapport de Denis Kessler pour la Fédération
française des sociétés d'assurance ;
• 1991 : Livre blanc de Michel Rocard et Claude Evin ; rapports
de Bernard Chevalier pour le Plan et le CES ;
• 1992 : rapport Cottave ;
• 1992 : rapport de Bernard Brunhes ;
• 1994 : rapports de l'Inspection générale des
affaires sociales et de Jean-Pierre Thomas ;
• 1995 rapport du Plan ;
• 1996 : rapport de Charles de Courson ;
• 1997 : audit des finances publiques de MM. Bonnet et Nasse ;
• 1998 : rapports de Laurent Caussat, François Morin, Olivier
Davanne (Conseil d'analyse économique), de Jérôme Cahuzac,
de Jean-Baptiste de Foucauld ;
• 1999 : rapports de René Teulade, de la Fondation
Copernic, de Jean-Michel Charpin, de Dominique Taddéi ;
• 2000 : rapports de René Teulade et de Marisol Touraine...
Source :
Les Echos
du 15 avril 2000
Cependant, en dehors même de la légitime et forte
inquiétude qui commence à se faire jour chez les Français
sur l'avenir de leurs retraites, il devient urgent pour l'état de nos
finances publiques de tracer une voie pavée de décisions
précises, et non plus de travaux d'attente.
Or les annonces du gouvernement en février 2000 ont
consisté : à confirmer la création du Fonds de
réserve pour les retraites (FRR) dont on attend, plus d'un an
après sa création, de connaître avec précision le
mode de gestion ; à mettre en place un Conseil d'orientation sur
les retraites qui semble tenir de la bonne conscience eu égard à
l'urgence des problèmes ; à affirmer des principes sans y
adjoindre de décisions.
Celles-ci se font attendre : qu'il s'agisse des différences entre
les régimes privés et publics, de l'âge de départ en
retraite, des modes supplémentaires de constitution volontaire d'une
épargne retraite, sur aucun des points essentiels le gouvernement n'a
apporté de réponse, alors que chacun a une traduction
financière. Il ne faut pas se laisser abuser par l'équilibre de
la branche vieillesse du régime général qui n'est qu'un
répit.
2. Le système de santé aux abonnés absents
En
matière de santé également, les vraies réformes se
font attendre. Le gouvernement se contente de gérer la hausse constante
des dépenses, voire d'y contribuer, par exemple en accordant aux
hôpitaux publics 10 milliards de francs.
Or cette passivité face à la hausse des dépenses ne
constitue pas une politique. Les 10 milliards de francs de l'hôpital
public (dans l'attente d'une somme équivalente pour les cliniques) iront
dans leur très grande majorité à des dépenses de
personnel au lieu d'accompagner les efforts nécessaires et attendus pour
adapter les structures hospitalières aux enjeux sanitaires
d'aujourd'hui.
Cette remarque vaut encore plus pour les dépenses de santé. Il ne
faut pas se contenter d'un solde, d'ailleurs encore largement
déficitaire, mais réfléchir à l'utilisation de
l'argent public. Correspond-elle aux besoins de Français d'aujourd'hui
et prépare-t-elle bien l'avenir ? Si l'industrie pharmaceutique
sait prendre en compte les évolutions sanitaires, alors peut-être
que le rythme très élevé de progression de ses
dépenses n'est pas injustifié. A l'inverse, s'interroge-t-elle
assez sur le service rendu, la place des médicaments dits
génériques ? Il en va de même d'autres domaines comme
l'évolution de la démographie médicale, les bonnes
pratiques, les attentes en matière de soins dentaires et optiques, les
nouvelles maladies.
Préparer l'avenir ce n'est pas octroyer une rallonge aux dépenses
de personnel de l'hôpital public et constater les dépassements de
l'ONDAM. Les Français attendent autre chose. Nos finances publiques
aussi.
*
La
stratégie des finances publiques est la même pour l'Etat et les
finances sociales.
Elle part du double constat d'une progression sans précédent des
prélèvements obligatoires et d'un rythme trop élevé
de hausse des dépenses. Elle aboutit à la conclusion simple que
la meilleure manière d'équilibrer les soldes sans poursuivre dans
la voie de la hausse des prélèvements, réside dans la
maîtrise des dépenses et la lisibilité de l'action.
Force est de constater que sur aucun de ces points les finances sociales ne
peuvent donner satisfaction : prélèvements toujours
élevés, dépenses en hausse constante, absence de
réforme.
Le solde prend alors une importance relative dans la mesure où il ne
peut en aucun cas apparaître comme le fruit d'une politique saine et
volontaire mais comme la bonne nouvelle d'une croissance retrouvée et de
recettes à l'unisson.
Il n'y a certainement pas de politique du gouvernement en matière de
finances sociales. Elles semblent être en complète liberté
et évoluer au fil de l'eau.