II. DES COLLECTIVITÉS LOCALES TROP COÛTEUSES POUR L'ÉTAT ?
En
soulignant que "
les transferts de l'Etat vers les administrations
publiques locales
(...)
augmentent plus vite que la dynamique des
dépenses de l'Etat
", le gouvernement sous-entend l'idée
que le financement des collectivités locales constituerait une charge
budgétaire telle pour le budget de l'Etat qu'elle l'empêcherait
d'améliorer ses performances en matière de maîtrise de ses
dépenses.
Il est vrai que l'Etat doit améliorer ses performances en matière
de maîtrise de ses dépenses
42(
*
)
. Il est également vrai que les
concours financiers de l'Etat aux collectivités locales augmentent plus
vite que l'ensemble des charges du budget général. Les charges du
budget général ont augmenté de 3,6 % entre 1998 et
1999, tandis que les dotations de l'Etat aux collectivités locales ont
progressé de 4,5 %
43(
*
)
. En tenant compte des compensations
d'exonération fiscales, les concours de l'Etat ont progressé de
12,3 %, et de 10,3 % en prenant également en compte les
dégrèvements de fiscalité locale pris en charge par l'Etat.
Pour autant, il est difficile de déduire de l'évolution des
concours financiers de l'Etat que les collectivités locales font partie
des postes de dépense dont il conviendrait d'endiguer le
dérapage, pour deux raisons :
A. DES MODALITÉS D'EVOLUTION DES DOTATIONS DE L'ÉTAT DÉFAVORABLES AUX COLLECTIVITÉS LOCALES
Les
dotations de l'Etat évoluent en fonction de taux d'indexation
fixés par la loi, dans des conditions qui ne sont pas forcément
à l'avantage des collectivités locales :
- le taux d'indexation le plus répandu est celui de la dotation globale
de fonctionnement (DGF), qui est déterminé en prenant en compte
l'évolution des prix et 50 % du taux de croissance du PIB. Cet
indice détermine notamment l'évolution de la DGF et celle de la
dotation générale de décentralisation. Or, le coût
des charges de fonctionnement des collectivités locales, ainsi que celui
des charges transférées, est souvent supérieur à
l'indice de la DGF. Par exemple, en 1998, en 1999 et en 2000, le coût
pour les collectivités locales de l'accord salarial dans la fonction
publique du 10 février 1998 a été supérieur
à l'augmentation du montant total de la DGF inscrit dans la loi de
finances.
Coût de l'accord salarial du 10 février
1998
et augmentation de la DGF en 1998, 1999 et 2000
(en milliards de francs)
Source : lois de finances, " jaune " sur les rémunérations dans la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 1999
En
matière de compensation des charges transférées, le ratio
" coût des compétences transférées/ressources
transférées " s'élevait à 0,89 pour les
départements et à 0,66 pour les régions en 1996,
dernière année connue ;
- les subventions d'équipement de l'Etat aux collectivités
locales, évoluent en fonction du taux d'évolution de la formation
brute de capital fixe des administrations publiques. En cas de réduction
de l'effort d'investissement des administrations publiques, l'augmentation du
montant des subventions est ralentie ;
- les dotations de l'Etat aux fonds nationaux de péréquation
de taxe professionnelle (FNPTP et FNP) sont indexées sur
l'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat. Ce mode d'indexation
présente l'inconvénient de subordonner l'évolution des
dotations aux modifications dans le périmètre du budget de
l'Etat. En 2000, par exemple, le taux de progression des recettes fiscales de
l'Etat a été calculé après transfert à la
sécurité sociale de près de 40 milliards de francs,
ce qui a conduit à réduire le montant des dotations de l'Etat au
FNP et au FNPTP ;
-
depuis 1996, l'évolution du montant des dotations de l'Etat
aux collectivités locales est plafonnée
, conformément
aux mécanismes de l'enveloppe normée.
Les lois de finances pour 1996, puis pour 1999, ont déterminé le
taux de progression plafond de l'ensemble des dotations qui composent
l'enveloppe normée. Ce plafond était le taux d'évolution
des prix de 1996 à 1998. Il est maintenant déterminé en
fonction d'un indice qui prend en compte l'évolution des prix et une
fraction du taux de croissance du produit intérieur brut (20 % en 1999,
25 % en 2000 et 33 % en 2001). Si l'évolution spontanée
des dotations qui composent l'enveloppe est supérieure au taux de
progression des dotations qui composent l'enveloppe, la dotation de
compensation de la taxe professionnelle (DCTP) joue le rôle de variable
d'ajustement et son montant diminue
44(
*
)
. Ainsi, alors que les recettes de
l'Etat ont une élasticité au PIB supérieure à 1,
l'évolution des recettes des collectivités locales qui viennent
de l'Etat évoluent en fonction d'un taux qui prend en compte, au mieux,
un tiers de la croissance du PIB.
Envisager une dérive des dotations de l'Etat aux collectivités
locales semble particulièrement incongru alors que, au contraire, le
mécanisme de l'enveloppe normée s'est révélé
depuis 1996 être un instrument particulièrement efficace, pour
l'Etat, de réduction des crédits en faveur des
collectivités locales.