RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION
- Considérant que la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a ouvert la voie permettant au législateur de prendre des mesures favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives,
- Considérant que les projets de loi présentés par le gouvernement posent en principe la parité de candidatures, en obligeant les partis à présenter des listes paritaires pour les élections au scrutin proportionnel et en prévoyant des sanctions financières pour ceux qui n'investiront pas un nombre équivalent de candidates et de candidats aux élections législatives,
- Considérant que les projets de loi transmis au Sénat tendent à renforcer les droits des femmes et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes,
LA DÉLÉGATION A ADOPTÉ LES RECOMMANDATIONS SUIVANTES
1°) Tous les acteurs de la vie politique doivent contribuer à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, quel que soit le mode de scrutin applicable, ainsi qu'aux fonctions électives.
2°) Des dispositions devraient être proposées pour favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux conseils des structures intercommunales.
3°) Des campagnes d'information devront être organisées afin de faire connaître aux femmes les possibilités nouvelles que leur offrira la loi et de les convaincre qu'elles sont à leur place, au même titre que les hommes, dans les assemblées et conseils politiques.
4°) L'amélioration du statut de l'élu doit être mise à l'étude et aboutir à une réforme qui bénéficiera aux hommes comme aux femmes.
5°) Des mesures devront être prises pour développer la mixité à tous les niveaux de la vie professionnelle, familiale et sociale afin de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes à la vie publique.
EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION
La délégation a examiné le rapport d'information de Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, sur les deux projets de loi dont elle avait été saisie par la commission des lois, au cours de sa réunion du mardi 8 février 2000, sous la présidence de Mme Dinah Derycke.
En introduction, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a rappelé que la commission des lois, saisie au fond sur ces textes, avait souhaité recueillir l'avis de la délégation sur leurs conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entres les hommes et les femmes. Elle a tenu à rappeler que la délégation ne devait pas se substituer à la commission des lois, saisie au fond, et n'avait pas vocation à examiner les textes article par article ni à proposer des amendements, mais devait formuler des recommandations.
Puis, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a souligné la nécessité de prendre des mesures législatives pour donner une impulsion décisive à l'ouverture de la vie politique aux femmes dans la mesure où ces dernières restent encore peu présentes dans les assemblées politiques en France.
Elle a ensuite estimé qu'une approche pragmatique faciliterait le succès de cette réforme. Ainsi, l'objectif de cette loi est de parvenir à un meilleur équilibre de la représentation des hommes et des femmes, plutôt qu'à une égalité d'élus de chaque sexe au sein de chaque conseil. En outre, il faudra tenir compte de la diversité des modes de scrutin, et mettre en oeuvre des mesures d'accompagnement susceptibles d'inciter les femmes à participer pleinement à la vie politique.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a alors présenté les grandes lignes du dispositif législatif soumis au Sénat. Elle a précisé que le texte initial du Gouvernement imposait la parité de candidatures pour les élections au scrutin proportionnel, et sanctionnait financièrement les partis qui ne présenteraient pas autant d'hommes que de femmes aux élections législatives. Elle a ajouté que l'Assemblée nationale s'était attachée à favoriser la parité de candidats et de candidates effectivement élus en organisant plus strictement la composition des listes et en abaissant le seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2000 habitants pour les élections municipales.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a ensuite énuméré la liste des élections qui étaient exclues du champ d'application du projet de loi transmis au Sénat. Il s'agit des élections sénatoriales dans les départements où les sièges sont pourvus au scrutin majoritaire, des élections cantonales, et des élections municipales dans les communes de moins de 2000 habitants. Par ailleurs, elle a regretté que le projet de loi ne comprenne pas de disposition expresse visant à favoriser l'égal accès aux fonctions exécutives locales, ou dans les conseils des structures intercommunales.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a fait plusieurs recommandations. Elle s'est déclarée favorable à une alternance homme-femme pour les élections européennes, en rappelant que le taux de féminisation au sein de la délégation française au Parlement européen atteignait déjà 40 %. En ce qui concerne les élections sénatoriales qui sont régies par le scrutin proportionnel, elle a estimé que seule l'alternance stricte contribuerait à féminiser la Haute assemblée. Elle a indiqué que l'introduction de la parité de candidatures par groupe de 6 personnes, sur les listes pour les élections régionales et pour les élections municipales dans les communes où s'applique le scrutin proportionnel, porterait le taux de féminisation à 42 %. Elle a considéré que l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2000 habitants ne pouvait être jugé contraire ni aux droits des femmes, ni à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
En ce qui concerne les élections législatives, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur , a défendu l'instauration d'un dispositif visant à inciter les partis politiques à présenter suffisamment de candidatures féminines dans des circonscriptions où elles auraient des chances d'être élues. Elle s'est également interrogée sur les mesures à prendre pour favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux conseils généraux, aux conseils de groupements de communes, ainsi qu'aux fonctions exécutives locales, sans pouvoir proposer de dispositions concrètes. Elle s'est cependant montrée optimiste et a considéré que l'effet de contagion permettrait de combler ces lacunes. A cet égard, elle a insisté sur le rôle confié par le projet de loi à l'Observatoire de la parité d'évaluer périodiquement les effets de la réforme, non seulement dans les conseils et assemblées expressément visés par la loi, mais aussi dans les autres ainsi que dans les exécutifs locaux.
Enfin, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a proposé trois séries de mesures d'accompagnement pour assurer le succès de la réforme : organiser des campagnes d'information afin de faire connaître aux femmes les possibilités nouvelles que leur offrira la loi pour s'investir en politique, améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux, notamment pour permettre aux élus de mieux concilier l'exercice du mandat avec une activité professionnelle, ou de suspendre leur activité pour les élus qui souhaitent exercer leur mandat à plein temps, enfin, favoriser la mixité de la vie sociale à tous les niveaux.
Un large débat s'est alors ouvert.
M. Patrice Gélard , tout en félicitant le rapporteur sur le travail qu'elle avait accompli, a observé que la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 autorisait l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux sans pour autant imposer la parité. Il a donc regretté que l'Assemblée nationale ait dénaturé le projet de loi du Gouvernement. En outre, il a critiqué l'absence de réflexion sur les mesures à prendre pour libérer les femmes de leurs contraintes quotidiennes afin qu'elles puissent s'engager plus facilement en politique. Il a par ailleurs déploré le système de stricte alternance adopté par l'Assemblée nationale, estimant qu'il limiterait le choix de l'électeur. Enfin, il s'est opposé à l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2000 habitants, et s'est étonné qu'aucune étude d'impact n'ait été menée à ce sujet.
M. Serge Lepeltier a regretté que la délégation ne prenne pas position sur la modification du seuil d'application du scrutin proportionnel aux élections municipales. Il a fait remarquer que la parité ne devait s'appliquer aux élections indirectes qu'en ce qui concerne le choix des candidatures au premier niveau. Il s'est déclaré défavorable à la recommandation de Mme Danièle Pourtaud visant à inciter financièrement les partis politiques à présenter des candidates dans des circonscriptions où elles auraient des chances d'être élues, et a affirmé solennellement qu'il n'était pas possible de préjuger du vote des électeurs.
M. Xavier Darcos s'est inquiété des risques de dérive contenus dans le projet de loi voté par l'Assemblée nationale, avec une confusion possible entre représentativité et représentation par le renforcement, non plus du nombre de candidates, mais du nombre des élues. En revanche, il a regretté l'absence de dispositions visant à favoriser la parité aussi bien dans les conseils des structures intercommunales que dans le choix des adjoints au maire.
MM. Claude Domeizel et Gérard Cornu ont souhaité que figure, parmi les recommandations de la délégation, la nécessité de favoriser la parité dans les structures intercommunales. Ils ont considéré que les délégués à l'intercommunalité disposent de responsabilités et de pouvoirs croissants auxquels les femmes doivent être associées.
Mme Janine Bardou a contesté l'utilisation de ce projet de loi pour modifier le mode de scrutin pour les élections municipales dans les communes dont la population varie entre 2000 et 3500 habitants. Elle a fait remarquer que la parité pourrait avoir des effets pervers dans les toute petites communes dans lesquelles les femmes sont parfois surreprésentées.
Mme Paulette Brisepierre a estimé qu'il serait préférable de ne pas imposer la parité mais de prendre des mesures visant à former les futures candidates ou encore à les aider financièrement pour qu'elles s'investissent en politique.
Mme Anne Heinis, tout en se déclarant favorable à la promotion des femmes en politique, a rejeté le principe de la parité qu'elle a jugé trop rigide et dont elle a craint les effets pervers. Elle a également manifesté son opposition à l'abaissement du scrutin proportionnel aux élections municipales des communes de 2000 habitants, ce qui limite la liberté de choix des électeurs.
M. Gérard Cornu s'est demandé s'il ne fallait pas étendre le principe de la parité aux titulaires et aux suppléants. Puis il a précisé qu'il voterait contre la recommandation tendant à inciter financièrement les partis à présenter des candidates dans des circonscriptions où elles ont des chances d'être élues, et contre celle qui propose d'autoriser les élus à suspendre leur activité pour exercer leur fonction à plein temps. Il a estimé que la parité ne devait pas être mêlée à une question d'argent, et que l'égalité entre les élus pouvait être rétablie en supprimant la possibilité dont bénéficient certaines catégories socioprofesssionnelles de retrouver leur emploi lorsqu'ils abandonnent leur carrière politique.
M. Yann Gaillard a rappelé qu'il avait voté la révision constitutionnelle, mais il a critiqué les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale. Il a alors cité deux mesures qu'il a considérées contestables : l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2000 habitants pour les élections municipales, et le système de stricte alternance pour les élections à la proportionnelle.
Mme Dinah Derycke, présidente, a affirmé qu'il n'était pas logique de faire une distinction entre le principe d'égalité d'accès voté lors de la révision constitutionnelle, et le principe de parité présenté dans le projet de loi examiné par l'Assemblée nationale. Elle a rappelé que la modification de la constitution était apparue nécessaire parce que, lorsqu'en 1982 le législateur avait voulu introduire un système de quotas pour favoriser l'accès des femmes aux mandats électoraux, le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition. Puis, elle a récusé l'affirmation selon laquelle le système de l'alternance stricte limiterait le choix de l'électeur, en faisant remarquer qu'en l'absence de panachage, le citoyen doit se contenter soit d'accepter, soit de rejeter la liste qui lui est proposée. En ce qui concerne l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de plus de 2000 habitants, elle a estimé que les seuils n'avaient pas vocation à être intangibles. Elle s'est également prononcée en faveur de l'adoption d'une recommandation qui préciserait que le non cumul des mandats favorise l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
En réponse aux intervenants, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur , a d'abord souligné que, si elle n'avait fait aucune recommandation visant à favoriser la parité dans les structures intercommunales, elle était cependant favorable à cette initiative. Par ailleurs, s'agissant des exécutifs municipaux, elle a estimé que l'augmentation du nombre de conseillères aura certainement un impact favorable sur le nombre d'adjointes.
Puis Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a défendu l'application du système d'alternance stricte aux élections sénatoriales dans les départements soumis au scrutin de liste proportionnel. Elle a estimé que ces élections entraient dans le champ d'application de la loi, puisqu'elles obéissent au scrutin de liste. Par ailleurs, elle s'est opposée à la critique selon laquelle l'alternance limitait le choix des électeurs en constatant que l'absence de panachage ou de choix préférentiel constituait déjà des freins à la liberté de vote.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a ensuite admis qu'elle n'avait pas pris position sur l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2000 habitants afin de concentrer ses observations sur l'impact des mesures adoptées par l'Assemblée nationale en matière d'accès des femmes aux fonctions électives. Elle a cependant ajouté que la délégation pouvait légitimement se saisir de ce sujet et faire une recommandation.
La délégation s'est ensuite prononcée sur les considérants et les recommandations présentés par le rapporteur.
La délégation a adopté le premier considérant rappelant que la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 avait ouvert la voie permettant au législateur de prendre des mesures favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions législatives, le deuxième considérant précisant que les projets de loi présentés par le Gouvernement posent en principe la parité de candidatures, et le quatrième affirmant que les textes soumis au Sénat renforcent les droits des femmes et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
En revanche, la délégation a rejeté le troisième considérant rappelant que l'Assemblée nationale avait apporté au dispositif des aménagements de nature à garantir l'accès effectif d'un plus grand nombre de femmes aux assemblées et conseils élus au scrutin de liste, le cinquième considérant estimant regrettable que ne soient compris dans le champ d'application du projet de loi, ni les élections au scrutin uninominal, autres que les élections législatives, ni les conseils des structures intercommunales, ni les exécutifs locaux, et le sixième considérant constatant qu'il ne suffit pas d'aménager le code électoral, mais que des mesures concrètes d'accompagnement sont nécessaires.
Puis, la délégation a adopté la première recommandation affirmant que tous les acteurs de la vie politique doivent contribuer à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux, quel que soit le mode de scrutin applicable, ainsi qu'aux fonctions électives.
Elle a adopté une nouvelle recommandation selon laquelle des dispositions doivent être présentées pour que l'accès des femmes dans les conseils des structures intercommunales soit favorisé.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a alors retiré la recommandation visant à accorder une incitation financière aux partis présentant des candidates dans des circonscriptions où elles ont des chances d'être élues.
La délégation a adopté la troisième recommandation proposant l'organisation de campagnes d'information, ainsi que la quatrième recommandation modifiée selon laquelle l'amélioration du statut de l'élu doit être mise à l'étude et aboutir à une réforme qui bénéficiera aux hommes comme aux femmes.
Enfin, après avoir rejeté une nouvelle recommandation proposée par Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, sur le cumul des mandats, la délégation a adopté la dernière recommandation préconisant des mesures pour développer la mixité à tous les niveaux de la vie professionnelle, familiale et sociale.