ANNEXES
- Annexe n° 1 : Lettre de saisine du président de la commission des lois.
- Annexe n° 2 : Compte rendu des auditions
- Annexe n° 3 : Position de la fédération nationale des maires ruraux
- Annexe n° 4 : Présentation du dispositif de financement public des partis et groupements politiques
ANNEXE N° 1 - LETTRE
DE SAISINE DU PRÉSIDENT
DE LA COMMISSION DES LOIS
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COMMISSION
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Le Président |
Paris, le 26 janvier 2000 Madame Dinah Derycke Présidente de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes Palais du Luxembourg 75006 PARIS |
C. 0028
Madame la Présidente,
Au cours de sa réunion du mercredi 26 janvier 2000, la commission des Lois a décidé, sur ma proposition, de saisir la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du projet de loi n°2012 (AN XIème législature) tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives et du projet de loi organique n° 2013 (AN XIème législature) tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna.
Conformément aux dispositions du paragraphe III de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, sans préjudice des compétences de la commission des Lois saisie au fond de ces projets de loi, la commission souhaiterait recueillir votre avis sur les conséquences de ces projets de loi sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Je vous indique que ces deux projets de loi ont été adoptés le mardi 25 janvier par l'Assemblée nationale et que la commission des lois devrait les examiner, sur le rapport de M. Guy Cabanel, le mercredi 23 février.
Je vous prie de croire, Madame la Présidente, à l'assurance de ma considération distinguée.
Jacques LARCHÉ
ANNEXE N° 2 - COMPTE RENDU DES AUDITIONS
Mardi 14 décembre 1999 - Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.-
La délégation a procédé à l'audition de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle .
Mme Nicole Péry a tout d'abord présenté les axes prioritaires de son action, qui portent sur la parité politique entre hommes et femmes, l'information sur les méthodes contraceptives, l'égalité professionnelle entre hommes et femmes ; ainsi qu'une meilleure insertion des femmes dans la société, en partenariat avec les membres du Gouvernement.
Evoquant le projet de loi, récemment adopté en conseil des ministres, sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, Mme Nicole Péry a précisé que le Premier ministre avait souhaité que ce projet établisse un dispositif d'une grande simplicité de compréhension et d'application. C'est ainsi qu'ont été retenus le principe d'une parité de candidatures pour tous les scrutins de liste à la proportionnelle, et celui d'une minoration du financement public des partis politiques en cas de non-respect de la parité dans les candidatures aux scrutins plurinominaux.
Mme Nicole Péry a ensuite annoncé qu'un budget de 20 millions de francs avait été dégagé pour financer une campagne d'information sur la contraception, qui débutera le 11 janvier prochain, et se déroulera durant toute l'année 2000. Cette campagne s'adressera prioritairement aux adolescents.
Relevant ensuite que le rapport récemment rédigé par Mme Génisson sur l'égalité professionnelle soulignait qu'il existe un écart moyen de 25 % entre les salaires masculins et féminins, elle a évoqué une possible initiative législative sur ce point durant l'année 2000.
Elle a souligné que l'ensemble du Gouvernement était impliqué dans la recherche de l'égalité entre hommes et femmes, et a évoqué, en exemple, les réflexions menées conjointement avec la Chancellerie sur les violences conjugales, celles menées avec le ministère de l'éducation nationale sur une éducation non sexiste et non violente, et celles poursuivies avec le ministère de l'équipement pour promouvoir l'accès au logement des femmes en situation précaire.
Un débat s'est ensuite instauré.
Mme Hélène Luc a souhaité obtenir des précisions sur les réserves qui avaient été primitivement émises sur la constitutionnalité du projet de loi sur la parité. Elle a également souligné que, chaque année, 10.000 grossesses non désirées étaient comptées parmi les adolescentes, conduisant à 6.700 interruptions volontaires de grossesse (IVG), ce qui pourrait impliquer la modification de la loi « Neuwirth » sur la contraception pour permettre aux infirmières scolaires de délivrer la « pilule du lendemain ».
M. Serge Lagauche a critiqué, dans le projet de loi, l'absence de sanctions financières pour les partis politiques qui ne présenteraient pas un nombre égal d'hommes et de femmes aux élections sénatoriales se déroulant au scrutin majoritaire.
M. Serge Lepeltier a souligné que le financement public des partis politiques était calculé au regard des candidatures aux élections législatives et non aux sénatoriales.
Mme Hélène Luc a affirmé que seule l'instauration du scrutin proportionnel pour tous les types d'élection permettrait une application complète du principe de parité. Faute de l'utilisation de ce mode de scrutin, certains types d'élections, comme les cantonales, demeureraient hors du champ d'application de la future loi.
Mme Paulette Brisepierre a insisté pour que les désignations, faites dans différents organismes comme, par exemple, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, soient l'occasion d'instaurer un meilleur équilibre entre hommes et femmes. Elle a regretté que les sanctions financières prévues par le projet de loi puissent faire apparaître les femmes comme une « marchandise ».
Mme Dinah Derycke, présidente, s'est interrogée sur le remède à apporter à une situation qui verrait l'existence de beaucoup de candidates, mais de peu d'élues. Elle a souhaité qu'une campagne d'information forte soit menée en faveur de la parité.
Mme Odette Terrade a rejoint cette inquiétude, et a souhaité connaître le sentiment de Mme Nicole Péry sur l'éventualité où un parti regrouperait toutes ses candidates en fin de liste.
Mme Gisèle Printz a jugé que les conseils généraux étaient des structures déterminantes pour la vie locale, et a souhaité savoir s'il ne serait pas possible d'imposer aux partis politiques de proposer comme candidats aux élections cantonales à la fois un homme et une femme.
M. Xavier Darcos s'est interrogé sur l'application du principe de parité au sein des conseils municipaux.
Mme Josette Durrieu a rappelé qu'elle siégeait, pour un troisième mandat consécutif, au sein du conseil général des Hautes-Pyrénées, et a souligné que les candidatures féminines étaient bien acceptées en milieu rural ; c'est d'ailleurs là qu'on trouve le plus de femmes maires.
En réponse, Mme Nicole Péry a précisé que :
- le Gouvernement s'attache à nommer le plus de femmes possible, que ce soit au sein des administrations ou d'instances extérieures, comme le Conseil économique et social ;
- peu d'interlocuteurs, au sein des partis politiques, ont exprimé des réserves sur le principe de sanctions financières en cas de non-application de la parité de candidatures ;
- le Premier ministre s'est engagé à ce que l'application du principe de parité ne constitue pas une manière biaisée de modifier les modes de scrutin actuellement en vigueur, notamment pour les élections cantonales ;
- les deux motifs d'inconstitutionnalité éventuelle du projet de loi tenaient à la rupture d'égalité, d'une part pour les élections sénatoriales, entre les départements où le scrutin est proportionnel et ceux où il est majoritaire, d'autre part, pour les élections législatives, sur une possible atteinte à l'égalité de financement entre les partis ; les consultations juridiques menées sur ces deux points ont dissipé ces inquiétudes ;
- le projet de loi sur la parité ne peut pas régler tous les aspects de la souhaitable égalité entre hommes et femmes dans le domaine politique ; il faut cependant relever que la pénalisation financière qu'il introduit est importante, et donc incitative ;
- il reviendra aux partis politiques de déterminer les places qu'ils réservent aux femmes sur les listes de candidatures, mais on voit mal qu'ils décident de reléguer toutes les candidates en fin de liste ;
- une vaste campagne d'information sera menée l'an prochain sur l'ensemble des droits des femmes, notamment au travers du milieu associatif.
Abordant ensuite les problèmes liés à la contraception, les sénateurs présents ont soulevé plusieurs questions.
Mme Dinah Derycke, présidente, s'est interrogée sur la nécessité d'une éventuelle modification de la loi « Neuwirth » pour donner une base juridique à la délivrance de la pilule du lendemain.
Mme Paulette Brisepierre a fait valoir que cette délivrance en milieu scolaire posait deux problèmes : l'un, relatif à l'opportunité d'une contraception accordée dans ce cadre, l'autre, sur les éventuelles limites d'âge à instaurer pour la permettre.
M. Serge Lagauche a déploré que l'information en matière de contraception, prévue par la loi « Neuwirth », ait été délaissée, et qu'on tente d'y remédier par un « coup » médiatique, dont les résultats seront éphémères. Il a plaidé pour la mise en place de structures permanentes, tenues de présenter périodiquement leurs résultats, et qui s'adresseraient à tous les publics, quels que soient leurs âges.
M. Guy Cabanel a rappelé que la loi « Neuwirth » contenait en effet un article de « sécurité » qui prévoyait qu'aucun produit contraceptif ne pourrait être délivré sans ordonnance médicale. L'agence du médicament, qui a autorisé la mise sur le marché de la « pilule du lendemain », n'a aucune autorité en matière législative ; son accord pour commercialiser cette spécialité n'a donc pas d'effet sur ce plan. Il a souligné qu'une telle contraception ne pouvait qu'être occasionnelle, et devrait conduire à une consultation médicale permettant le recours à d'autres méthodes, plus durables. Il a déploré l'absence d'une véritable éducation sanitaire globale, qui devrait être dispensée au collège, et porterait également sur la prévention envers le Sida.
Mme Dinah Derycke, présidente, a estimé que cette proposition pourrait faire l'objet d'une recommandation de la délégation ; elle a souhaité que les études de médecine prennent mieux en compte la contraception.
Mme Gisèle Printz s'est inquiétée d'une éventuelle recommandation de l'organisation internationale du travail (OIT) sur la réduction de la durée des congés de maternité, et sur une plus grande facilité pour licencier les femmes enceintes.
En réponse, Mme Nicole Péry a rappelé que :
- la campagne d'information prochainement lancée sur la contraception serait orientée en priorité en direction des jeunes gens et jeunes filles ;
- il est avéré que les campagnes de prévention envers le Sida, certes indispensables, ont occulté les problèmes spécifiques à la contraception ;
- la longueur de certains congés parentaux d'éducation, comme par exemple celui de trois ans accordé dès le deuxième enfant, a incontestablement des effets pervers : la moitié des femmes ayant pris ce type de congés n'ont pu, à son issue, retrouver leur place sur le marché du travail ; il n'est pas pour autant question, en France, de réduire la durée des congés de maternité.
Mercredi 26 janvier 2000 - Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.
La délégation a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Catherine Génisson, rapporteur général de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
Dans un propos liminaire, Mme Catherine Génisson s'est félicitée de l'adoption par l'Assemblée nationale, au cours de la nuit précédente, des projets de loi organique et ordinaire tendant à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions électives.
Puis elle a évoqué les très nombreuses auditions de parlementaires, représentants des élus locaux et de la société civile auxquelles l'Observatoire de la parité avait antérieurement procédé dans cette perspective.
Ces auditions ont permis d'éclairer les points forts, ainsi que les limites, du projet de loi en cours de discussion. Ses atouts sont d'être clair, simple et efficace, en portant à la fois sur les scrutins de liste et les scrutins uninominaux.
Les quelques réserves qu'il a pu susciter portent sur l'exclusion des communes de moins de 3 500 habitants ainsi que des élections cantonales de son dispositif, sur la place respective des hommes et des femmes sur les listes pour les scrutins qui y recourent (sénatoriales et européennes qui comptent un seul tour ; régionales et municipales, qui en comptent deux), ainsi que sur la non-soumission des exécutifs locaux au principe de parité.
L'Observatoire a donc avancé une série de propositions pour remédier à ces insuffisances :
- abaissement du seuil de population des communes visées par le projet de loi de 3 500 à 2 500 habitants ;
- pour les communes de plus de 2 500 habitants, obligation de dépôt de listes complètes et conformes au principe de parité ;
- pour les scrutins de liste à un seul tour, alternance stricte des hommes et des femmes dans leur composition ;
- pour les scrutins de liste à deux tours, alternance entre hommes et femmes par groupes de six candidats.
Mme Catherine Génisson a ensuite évoqué les difficultés suscitées par l'application de la parité aux élections cantonales, du fait que les cantons de moins de 9 000 habitants sont exclus des bases du calcul du financement public des partis politiques, et que près de 40 % des conseillers généraux ne sont pas affiliés à un parti politique national. Elle en a conclu que seule une éventuelle modification du mode de scrutin utilisé lors de ces élections - modification qui n'est pas aujourd'hui d'actualité - permettrait d'appliquer la parité à ces élections, très importantes dans la vie locale de notre pays.
Mme Catherine Génisson a conclu son exposé en rappelant que le recours au principe de parité n'était qu'un moyen pour obtenir le but souhaité : un égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Un débat s'est ensuite instauré.
M. Patrice Gélard a souligné la contradiction existant, selon lui, entre l'esprit et la lettre de la récente révision des articles 3 et 4 de la Constitution visant à « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », et la teneur de l'exposé que venait de faire Mme Catherine Génisson. Il a relevé, en effet, une distorsion entre l'objectif « d'égal accès » désormais inscrit dans la Constitution, et celui de « parité », défendu par l'Observatoire de la parité, qui lui semblait antidémocratique, antirépublicain, et contraire aux principes énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui évoque dans son article VI l'égale admissibilité des citoyens « à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Cette dérive grave est de nature, d'après lui, à fonder l'hostilité de la majorité du Sénat au projet de loi tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale, alors que le texte proposé par le Gouvernement ne suscitait pas la même opposition.
Il a déploré que ce projet ainsi modifié, notamment par un seuil d'application aux élections municipales abaissé à 2 000 habitants, vise non plus à favoriser, mais à imposer la parité, devenant ainsi une arme politique aux mains de la majorité parlementaire pour déstabiliser l'opposition.
Mme Dinah Derycke, présidente , a rappelé que la révision constitutionnelle avait clairement prévu, pour son application, l'élaboration de lois telles que celle actuellement en discussion.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a rappelé l'engagement du Premier ministre à ne pas modifier les modes de scrutin existants à l'occasion de l'application du principe de parité, et s'est interrogée sur l'opportunité de ne pas le respecter simplement pour englober dans le champ d'application du projet de loi les quelque 2 000 communes qui regroupent de 2 000 à 3 500 habitants.
M. Alex Türk s'est déclaré en désaccord avec la présentation du projet de loi en discussion consistant à n'y voir qu'une pure et simple application de la révision constitutionnelle. Il s'est interrogé sur l'organisation de la pénalisation financière prévue dans ce projet pour ceux des partis politiques qui ne respecteraient pas la parité de candidatures lorsque les candidats ne seront pas affiliés à un parti politique national, ainsi que sur la rupture d'égalité que le projet instaurait en matière d'élections sénatoriales, selon qu'elles se feraient aux scrutins majoritaire ou proportionnel.
Mme Janine Bardou s'est déclarée choquée par l'extrême rigidité du projet de loi issu des délibérations de l'Assemblée nationale ; elle a également souligné combien le mandat de conseiller général était adapté aux candidatures féminines, car privilégiant les liens de proximité.
Mme Annick Bocandé a déclaré partager les réserves exprimées par M. Patrice Gélard, et a souligné le caractère irréaliste de l'abaissement du seuil d'application de la parité aux communes de 2 000 habitants, alors qu'il est d'ores et déjà difficile de trouver des candidats pour constituer des listes complètes dans la situation actuelle.
Mme Danièle Pourtaud a rappelé que la révision constitutionnelle n'était pas une simple pétition de principe, mais visait à l'application du principe de parité, moins d'ailleurs aux candidats qu'aux élus. Elle a également estimé que le produit des pénalités financières prévues par le projet de loi devrait être affecté à l'incitation des partis politiques à présenter des candidates dans des circonscriptions « gagnables ».
En réponse, Mme Catherine Génisson a précisé que :
- le Gouvernement s'était engagé devant l'Assemblée nationale à élaborer un rapport d'application de la loi une fois votée ;
- les déclarations de candidatures devraient mentionner le sexe du candidat, ne serait-ce que pour permettre des études statistiques ;
- l'inégalité la plus flagrante affectant les femmes se manifeste dans le domaine professionnel ;
- le Premier ministre s'est essentiellement engagé sur la stabilité du mode de scrutin utilisé pour les élections législatives ;
- l'affectation des sommes produites par les pénalités financières qui seront éventuellement appliquées aux partis politiques ne respectant pas le principe de parité ne serait pas conforme au principe de l'universalité budgétaire ;
- la représentation politique française est caractérisée par un certain élitisme, que l'application de la parité permettra sans doute de corriger.
Puis, la délégation a procédé à l'audition de M. Guy Carcassonne, professeur à l'Université Paris X-Nanterre.
En introduction, M. Guy Carcassonne a rappelé qu'il était partisan de la parité et qu'il s'était réjoui de l'introduction de ce principe dans la Constitution. Il a fait remarquer que le projet de loi adopté la veille par l'Assemblée nationale constituait une avancée décisive : désormais, à compter des prochaines élections, tous les Conseils régionaux seront paritaires, tandis que 75 % des Français vivront dans des communes dont les Conseils municipaux seront également soumis à la règle de la parité. En outre, il a souligné les progrès apportés par le projet de loi pour les candidatures aux élections européennes, sénatoriales et législatives.
Puis M. Guy Carcassonne a dressé la liste des problèmes subsistants : tout d'abord, le principe de parité ne s'appliquerait pas aux communes de moins de 2.000 habitants ; mais ce constat doit être relativisé, car elles ne représentent qu'un quart de la population française. S'agissant des départements, il a estimé qu'au-delà du problème de la parité, ces derniers souffraient d'un manque de légitimité politique ainsi que d'un mode de scrutin inadapté, ce qui se traduit par une relative désaffection des Français à l'égard des élections cantonales.
Evoquant les élections législatives, il a relevé que la loi prévoyait de sanctionner financièrement les partis qui ne respecteraient pas le principe de parité et s'est alors demandé si les crédits destinés au financement des partis politiques, et rendus disponibles en raison de la non-application de la parité, ne pourraient pas être reversés aux partis, au prorata des candidates élues. Il a récusé l'argument selon lequel les règles de la comptabilité publique ne permettraient pas de réaliser cette opération de transfert de crédits.
Sur ce point, il a souligné le caractère péjoratif du terme de « prime à la femme », en faisant remarquer qu'il était usuel dans notre législation de soutenir par le biais d'une incitation financière les pratiques que les gouvernements cherchent à encourager.
Un large débat s'est alors ouvert.
M. Patrice Gélard a revendiqué la légitimité des départements et a rappelé que la participation des Français aux élections cantonales était supérieure à celle enregistrée aux élections européennes et régionales. Il a estimé que les conseillers généraux entretenaient un contact réel avec la population et a regretté que le texte voté par l'Assemblée nationale permette de nombreuses manipulations en matière de candidatures aux élections législatives. Il a soulevé le risque d'anticonstitutionnalité d'une application de la parité aux seuls départements dans lesquels les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel, ainsi que du reversement des crédits rendus disponibles pour les répartir entre les partis politiques au prorata du nombre de femmes élues.
Mme Hélène Luc s'est félicitée de l'adoption du projet de loi tendant à favoriser l'égalité des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives par l'Assemblée nationale, mais elle a exprimé son regret de voir les élections cantonales exclues de son champ d'application. Elle a rappelé que le fait de devenir conseiller général constituait très souvent un tremplin pour entamer une carrière politique au niveau national. A cet égard, elle s'est interrogée sur la responsabilité des partis politiques pour encourager les femmes à se présenter à ces élections. En revanche, elle s'est réjouie de l'introduction de la parité à compter des prochaines élections sénatoriales dans tous les départements régis par le mode de scrutin proportionnel.
M. Jean-Louis Lorrain a critiqué l'attitude consistant à minorer l'importance politique des petites communes en ne considérant que la population qu'elles regroupent. Puis, il a affirmé qu'une plus grande participation des femmes à la vie politique ne serait pas possible tant que nombre d'entre elles ne parviendraient pas à se libérer de leurs contraintes familiales ou professionnelles. Il a regretté que la question de l'égalité entre les hommes et les femmes face aux mandats électoraux et aux fonctions électives soit réglée par un dispositif législatif coercitif.
Mme Paulette Brisepierre a constaté que le nombre de femmes élues au Conseil supérieur des Français à l'étranger avait fortement augmenté sans qu'il ait été nécessaire d'instaurer une parité contraignante. Elle a craint que le fait d'imposer la parité entre hommes et femmes ne dévalorise l'image de ces dernières en politique ; elle a en outre estimé que l'argent économisé sur le financement des partis politiques lorsque ces derniers ne respecteront pas les nouvelles dispositions législatives devrait être utilisé, de façon concrète, pour permettre aux femmes de concilier leur vie familiale et politique par la construction de crèches, par exemple.
Mme Gisèle Printz a estimé que l'augmentation du nombre de femmes au sein des conseils municipaux, généraux et régionaux s'accompagnerait de ce fait même du développement de mesures concrètes permettant aux femmes de mieux assumer leurs différentes activités.
Mme Danièle Pourtaud s'est montrée favorable à l'adoption de dispositions visant à inciter les partis à présenter des candidates dans des circonscriptions où elles ont de réelles chances d'être élues, et a soutenu la disposition votée à l'Assemblée nationale visant à reverser les crédits soustraits du financement public des partis à des actions en faveur de la parité politique.
En réponse, M. Guy Carcassonne a rappelé que le mode de scrutin pour les élections sénatoriales différait selon le nombre de sénateurs à élire dans chaque département ; en conséquence, il a estimé que les dispositions en matière de parité n'étaient pas anticonstitutionnelles puisqu'elles résultaient de la coexistence antérieure de deux modes de scrutin différents. Par ailleurs, il a estimé qu'une mesure visant à utiliser les sommes économisées en faveur des partis dont les candidates ont été élues serait conforme à la Constitution.
La délégation a ensuite procédé à l' audition de Mme Janine Mossuz-Lavau, directeur de recherche au centre d'études de la vie politique française (CEVIPOF).
Mme Janine Mossuz-Lavau s'est félicitée de la rapidité avec laquelle le Gouvernement avait élaboré le projet de loi tendant à favoriser l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, et a approuvé la solution retenue, à savoir la parité, qu'elle a jugée meilleure que les quotas puisque ces derniers, même s'ils permettent de renforcer la présence des femmes en politique, perpétuent leur sous-représentation.
Puis, Mme Janine Mossuz-Lavau a rappelé que l'Assemblée nationale avait opté, d'une part, pour une stricte alternance homme-femme sur toutes les listes pour les élections à la proportionnelle à un tour et, d'autre part, pour une parité par groupe de six candidats pour les élections à la proportionnelle à deux tours.
S'agissant de l'abaissement du seuil démographique de 3 500 à 2 000 habitants pour l'application du scrutin proportionnel aux élections municipales, elle a reconnu que l'application de cette disposition pourrait se révéler difficile. En revanche, elle s'est déclarée favorable à l'abaissement de ce seuil à 2 500 habitants.
Par ailleurs, Mme Janine Mossuz-Lavau a regretté que la règle de stricte alternance homme-femme n'ait pas été étendue aux élections régionales, pour lesquelles, selon le texte voté par l'Assemblée nationale, la parité sera appréciée par tranches de 6 candidats. En outre, elle a fait part de sa déception concernant l'absence de mesure incitant les partis à présenter des candidates aux élections législatives dans des circonscriptions où elles auraient de réelles chances d'être élues. Elle a estimé nécessaire de reverser aux partis, au prorata du nombre de voix obtenues par les candidates, les crédits rendus disponibles en raison de la non-application de la parité.
En conclusion, Mme Janine Mossuz-Lavau a dressé une liste des questions qui restaient en suspens. Elle a ainsi cité le problème des élections cantonales, et a considéré que l'actuel mode de scrutin ne permettait pas de favoriser la parité. En effet, ces élections ne font l'objet d'aucune subvention financière dans les cantons de moins de 9 000 habitants et, en outre, un nombre important de candidats se présentent sans étiquette politique. Elle a donc prôné une modification du mode de scrutin, tout en rappelant l'engagement du premier ministre de ne pas utiliser l'application de la parité pour opérer de telles modifications. Elle a également évoqué le problème de l'intercommunalité, domaine dans lequel la parité ne pourrait s'appliquer que si les représentants étaient élus au suffrage universel direct et non désignés par les communes.
Enfin, Mme Janine Mossuz-Lavau a insisté sur la nécessité d'établir un bilan de l'application de cette loi.
Un large débat s'est alors ouvert.
Mme Hélène Luc a regretté l'absence de mesure en faveur de la parité pour les élections cantonales et a souligné la responsabilité des partis afin d'inciter les femmes à se présenter à ces élections. Elle s'est également montrée très favorable à l'évaluation de cette loi.
Mme Gisèle Printz s'est déclarée réservée sur l'idée de réserver aux femmes des circonscriptions dans lesquelles leur élection est quasiment assurée, estimant que la candidature d'une femme dans une circonscription difficile peut modifier les rapports de force.
Mme Dinah Derycke , présidente, a tenu à relativiser ces derniers propos en faisant remarquer que les femmes étaient souvent envoyées dans des circonscriptions où elles avaient très peu de chances de l'emporter. Elle a souligné que l'argent destiné au financement des partis politiques qui ne serait pas utilisé en raison du non-respect des règles de parité pourrait être consacré, soit à des campagnes de sensibilisation, soit à la création d'un système incitant les partis à avoir 50 % de femmes élues. Elle a rappelé que deux propositions avaient été émises sur ce point, portant sur une répartition entre les partis des sommes ainsi économisées soit au prorata du nombre des femmes élues, soit au prorata du nombre des voix obtenues par les femmes, et a constaté que cette deuxième solution avait l'avantage de ne susciter, selon elle, aucun risque constitutionnel.
Mercredi 2 février 2000 - Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.
La délégation a procédé à l' audition de Mme Régine Saint-Cricq, présidente de l'Association Parité.
Mme Régine Saint-Cricq a tenu à rappeler, en introduction, le caractère déterminant des actions entreprises par les associations dans l'émergence de la priorité actuellement accordée à la parité entre hommes et femmes.
Elle a précisé que l'association qu'elle préside avait été créée au mois de mars 1992.
Rappelant que le débat théorique opposant les tenants de l'universalité des citoyens à ceux qui prônent une différence à opérer entre hommes et femmes pour favoriser l'accès de ces dernières à la vie publique avait été tranché lors des débats préalables à la révision constitutionnelle de 1999, elle a estimé qu'il convenait désormais d'en examiner les conditions d'application, telles qu'elles figurent dans le projet de loi actuellement en discussion au Parlement.
Mme Régine Saint-Cricq a présenté à la délégation les positions de son association sur ces textes.
S'agissant des scrutins de liste à un ou deux tours, utilisés pour les élections européennes, sénatoriales, régionales et municipales, l'association Parité prône une alternance stricte entre hommes et femmes ; or les débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi ont, certes, amélioré les dispositions initialement prévues par le Gouvernement, mais de façon insuffisante. En effet, il subsiste le risque que les têtes de liste soient systématiquement des hommes, et l'alternance par tranche de six candidats, adoptée pour les scrutins à deux tours, n'aboutit pas à une réelle parité.
En revanche, l'association se félicite de l'abaissement du seuil d'application du projet de loi aux communes de plus de 2 000 habitants.
La principale réserve formulée par l'association Parité touche aux élections cantonales, qui ne sont pas incluses dans le dispositif législatif en discussion, alors que les dernières élections de ce type ont vu élire 8 % de femmes, bien qu'il y eût 37 % de candidates. Cette distorsion démontre qu'en l'absence de règles contraignantes, les femmes sont défavorisées.
Evoquant ensuite les élections législatives, Mme Régine Saint-Cricq a estimé préférable une pénalisation à une incitation financière ; elle s'est ainsi référée à la loi sur l'égalité professionnelle, dont le dispositif incitatif n'a guère produit de résultats. Elle a cependant regretté que les sanctions financières éventuelles soient calculées à partir du nombre de candidates, et non pas d'élues, et a estimé que ce point méritait d'être approfondi. De même a-t-elle déploré que l'accès aux fonctions électives, pourtant mentionnées dans la réforme constitutionnelle, ne soit pas évoqué dans le projet de loi. Mme Régine Saint-Cricq a cependant reconnu, sur ce point, que les exécutifs des structures intercommunales, notamment, n'étant pas élus au suffrage universel direct, il était difficile d'instaurer un mécanisme contraignant les touchant.
Elle a conclu son exposé en rappelant la nécessité, pour une pleine application du principe de parité, de l'instauration d'un statut de l'élu, de l'aboutissement du projet de loi sur le cumul des mandats, et de l'organisation d'une campagne institutionnelle sur le rôle, désormais indispensable, des femmes dans la vie publique.
Selon Mme Régine Saint-Cricq, il est impératif de renouveler la vie publique et la démocratie ; les femmes, ainsi que les jeunes, n'étant guère représentés dans la classe politique, la parité offre un moyen de contribuer à ce nécessaire renouvellement.
Un débat s'est ensuite instauré.
M. Patrice Gélard a rappelé les critiques qu'il avait formulées à la suite de l'exposé fait, la semaine précédente, par Mme Génisson, au nom de l'observatoire de la parité, et dont les propos tenus par Mme Régine Saint-Cricq lui semblaient très proches.
Ces thèses, similaires, témoignent d'une profonde méconnaissance de la nature même des élections cantonales, dont les candidats ne font pas l'objet d'investiture des partis nationaux, auxquels d'ailleurs la plupart ne sont pas affiliés. Il a insisté sur la méprise manifestée par Mme Régine Saint-Cricq sur le sens de la révision constitutionnelle, qui visait « l'égal accès » des femmes et des hommes, et non la parité, contraire à l'idéal démocratique.
Soulignant que la carence à laquelle il convenait de remédier en priorité dans notre pays était le manque de préparation des femmes aux contraintes inhérentes à la vie publique, il a évoqué l'exemple des pays scandinaves, dans lesquels les hommes se détournent actuellement de la vie politique, car elle offre plus d'inconvénients que d'attraits à leurs yeux.
M. Patrice Gélard a conclu en rappelant combien l'imposition de la parité homme-femme dans chaque assemblée lui semblait une erreur, le dispositif plus souple présenté par le Gouvernement lui paraissant en revanche acceptable.
Mme Josette Durrieu s'est déclarée en plein accord avec les remarques formulées par M. Patrice Gélard, en particulier à propos des élections cantonales. Elle a rappelé la nécessité pour les femmes de prendre pleine conscience de leur valeur : seule cette conviction leur permettra de conquérir des places dans la vie publique. Elle a estimé que, s'il était certes plus facile de promouvoir des femmes par des scrutins de liste, les élections au scrutin uninominal ne leur étaient pas fermées pour peu qu'elles prennent confiance en elles, les difficultés spécifiques de la représentation politique des femmes en France tenant essentiellement à un terreau culturel et éducatif qui ne les y prépare pas.
Mme Danièle Pourtaud a rappelé que, dans les pays scandinaves, l'insertion des femmes dans la vie publique était passée prioritairement par la voie politique, alors qu'en France, elle s'est opérée par la voie professionnelle. Elle a précisé qu'une des raisons majeures de la féminisation de la vie publique dans les pays du nord de l'Europe résidait dans la faiblesse de la rémunération des mandats électifs.
Puis elle a interrogé Mme Régine Saint-Cricq sur l'opportunité de compléter les pénalisations financières, prévues à l'encontre des partis qui ne respecteront pas la parité de candidatures aux élections législatives, par des mesures incitatives de nature à favoriser l'élection de candidates.
M. Claude Domeizel a critiqué cette suggestion, qui pourrait aboutir à pénaliser des partis politiques qui auraient respecté la parité de candidatures, alors que le résultat d'une élection à l'Assemblée nationale dépend des électeurs et non des partis.
M. Gérard Cornu s'est déclaré plus favorable à une parité de candidatures dans les scrutins proportionnels qu'à l'organisation d'une alternance homme femme, stricte ou par groupe de six candidats. Il a exprimé son opposition à l'abaissement du champ d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2 000 habitants, où il lui est apparu inopportun de modifier le mode de scrutin et irréaliste d'introduire la parité.
S'agissant des exécutifs locaux ignorés par le projet de loi, il a estimé que l'accès des femmes à ces fonctions serait favorisé par la limitation du cumul des mandats et l'amélioration du statut de l'élu. Il a notamment souligné les difficultés rencontrées par les élus pour retrouver un emploi à l'issue de leur mandat. Il a considéré que les structures intercommunales devraient être prises en compte dans la limitation du cumul des mandats.
Mme Dinah Derycke, présidente, a estimé que l'évolution des départements et la réforme des élections cantonales viendraient en débat dans les années à venir.
Mme Régine Saint-Cricq a regretté que la loi ne puisse comporter de dispositions, notamment financières, conduisant à une « obligation de résultat » en nombre de femmes élues aux élections législatives, même sous forme d'énoncé de principe.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a estimé que chaque parti ferait l'effort de présenter des femmes dans des circonscriptions « gagnables ».
Mme Danièle Pourtaud a suggéré, afin d'inciter les partis à présenter les femmes dans des circonscriptions « gagnables », que les sommes résultant de la pénalisation pour non-respect de la parité de candidatures soient reversées aux partis, au titre de la première fraction de l'aide publique, en fonction du nombre de suffrages obtenus par leurs candidates.
M. Claude Domeizel a objecté que la détermination a priori des circonscriptions « gagnables » ou non était particulièrement aléatoire, un grand nombre de sièges étant soumis à l'alternance.
Mme Régine Saint-Cricq a redouté que la loi soit de peu d'effet sur l'augmentation du nombre de femmes élues à l'Assemblée nationale.
A propos de l'abaissement du seuil de la proportionnelle aux élections municipales, elle a estimé qu'il ne convenait pas de s'inquiéter d'un éventuel défaut de candidatures féminines en milieu rural. Le discours paritaire est maintenant repris dans toutes les couches de la société.
M. Gérard Cornu a jugé inopportun de remettre en cause le mode de scrutin dans les communes de 2 000 à 3 500 habitants, soulignant en particulier qu'il serait délicat de remplacer des candidats déjà sollicités et volontaires par des candidates difficiles à convaincre.
Mme Dinah Derycke, présidente, a déclaré ne pas partager les inquiétudes exprimées, estimant que les ruraux ne sont pas fermés à la parité. Elle a souligné que les communes de plus de 3 500 habitants représentent 100 000 conseillers municipaux, et trouvé regrettable que les 4 000 000 conseillers des communes de moins de 3 500 habitants restent tous à l'écart de la parité.
M. Patrice Gélard a observé qu'une commune de 2 000 habitants ne compte en fait qu'un millier d'électeurs, dont la moitié a l'âge de la retraite et le tiers travaille en ville, ce qui ne laisse qu'un petit noyau de personnes disponibles.
Mme Régine Saint-Cricq a estimé que l'instauration de la parité était un honneur pour la France, qui serait sans doute imitée. A propos des élections cantonales, elle a observé que les candidatures isolées étaient moins nombreuses en milieu urbain qu'en milieu rural.
En conclusion, elle a souligné que la nécessité de mettre en oeuvre une parité « obligée » résultait de la responsabilité des partis, faute d'efforts librement consentis pour faire de la place aux femmes dans les assemblées politiques.
M. Xavier Darcos a objecté que l'idée même d'une « obligation de résultat » lui paraissait irrecevable dans une démocratie.
La délégation a ensuite procédé à l' audition de Mme Mireille Lacombe, déléguée nationale aux femmes, représentant la Fédération nationale des élus socialistes et républicains.
Mme Dinah Derycke, présidente , a indiqué d'emblée à Mme Mireille Lacombe les principales questions qui préoccupaient la délégation : l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2 000 habitants, voté par l'Assemblée nationale ; l'absence de dispositions concernant les élections cantonales ; le moyen d'obtenir aux élections législatives une « obligation de résultat » en nombre de femmes élues ; la place respective des hommes et des femmes sur les listes pour les élections au scrutin proportionnel.
Mme Mireille Lacombe, déléguée nationale aux femmes, représentant la Fédération nationale des élus socialistes républicains , a précisé qu'elle avait suivi au sein de la commission mixte des élus socialistes et républicains l'évolution du processus législatif vers la parité. Elle a souligné l'intérêt suscité au sein de cette commission par les débats sur le projet de loi, au-delà des clivages entre milieux urbain et rural et entre les différents niveaux de collectivités. Elle s'est félicitée de ce que les femmes soient en passe d'obtenir le droit de cogérer la vie de leur cité, de leur circonscription et de leur région pour mettre en oeuvre une démocratie paritaire, à condition que les partis rompent avec l'immobilisme. La loi, en effet, « favorise » mais « n'impose pas » et il faut rompre avec les habitudes selon lesquelles, en milieu rural, les hommes sont élus municipaux et les femmes s'occupent des associations à vocation sociale.
Rappelant que la loi concernerait les élections sénatoriales dans les départements où s'applique le scrutin proportionnel, Mme Mireille Lacombe a souhaité que des femmes siègent dans les conseils généraux en plus grand nombre et que les structures intercommunales ne soient pas laissées en dehors de la parité.
Pour favoriser la mixité sociale, elle a appelé de ses voeux des mesures de politique familiale permettant aux jeunes, hommes et femmes, de se sentir concernés par la vie publique. Le renouvellement de la classe politique passera par de nouvelles formes de régulation du marché du travail, par une modernisation de la protection sociale, favorisant de nouvelles structures familiales, et par la lutte contre les exclusions.
Mme Mireille Lacombe a insisté sur la nécessité de promouvoir l'indépendance des femmes, en sorte qu'elles puissent accéder aux mandats représentatifs et au travail sans devoir recourir à l'autorisation du chef de famille, comme c'est encore trop souvent le cas en milieu rural
Mme Mireille Lacombe a souhaité que l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel -et donc de la parité- aux communes de 2 000 habitants soit confirmé. En sa qualité de membre du Conseil économique et social, elle a souligné tout l'intérêt des mesures en cours d'élaboration susceptibles de favoriser la parité dans la vie professionnelle.
M. André Boyer a estimé que la limitation du cumul des mandats devait intégrer les structures intercommunales. Il a rappelé que le mode de scrutin aux élections cantonales favorisait, notamment dans les cantons ruraux, l'émergence de personnalités proches des électeurs et le plus souvent sans étiquette partisane. Le développement de l'intercommunalité, phénomène nouveau, devrait modifier profondément la physionomie politique du monde rural. Pour ne pas être marginalisé au conseil général, il faudra être élu municipal et participer aux conseils des structures intercommunales. Les présidents de communautés de communes auront la parole dans « les pays ». Dans ces conditions, a conclu M. André Boyer , il serait souhaitable, pour faire une place aux femmes dans les conseils généraux, de s'orienter vers le passage au scrutin proportionnel départemental.
Mme Mireille Lacombe a estimé que si un pourcentage de sièges était réservé aux femmes aux élections cantonales, les élues municipales désireuses d'accéder aux conseils généraux pourraient bénéficier du soutien des partis politiques. A propos du cumul des fonctions de maire, de président de groupement de communes et de conseiller général, elle a observé que les maires ruraux eux-mêmes, trop occupés, tendaient à se faire représenter dans les structures intercommunales.
M. André Boyer a considéré que cette nouvelle répartition des fonctions faciliterait l'accès des femmes aux conseils des structures intercommunales.
En réponse à Mme Dinah Derycke, présidente, Mme Mireille Lacombe a indiqué que les maires des petites communes avaient exprimé des réserves sur l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2 000 habitants avant que l'Assemblée nationale ne vote cette disposition. Leur principale crainte était de ne pas trouver de candidates en assez grand nombre. Cependant, si ce vote était confirmé, les maires s'adapteraient. Mme Mireille Lacombe s'est déclarée optimiste.
M. André Boyer a souligné les difficultés rencontrées par les maires sortants pour faire de la place aux candidates sur leur liste.
Mme Mireille Lacombe a rappelé que beaucoup de maires avaient annoncé qu'ils ne se représenteraient pas.
Mme Dinah Derycke, présidente, a indiqué que 37 % des maires n'avaient pas sollicité un nouveau mandat aux élections municipales de 1995.
Mme Mireille Lacombe a appelé l'attention sur l'évolution du rôle respectif des hommes et des femmes dans la gestion quotidienne de la cité. Traditionnellement consignées dans des compétences réputées « féminines », les nouvelles élues revendiquent les secteurs jusqu'alors réservés aux hommes. Les jeunes élus, hommes et femmes, sont favorables à ce nouveau partage, signe de l'évolution des mentalités.
Mme Dinah Derycke a observé que les femmes ne seront plus confinées aux affaires scolaires ou sociales dès lors qu'elles occuperont 42 % des sièges dans les conseils municipaux, si la parité sur les listes par groupe de six candidats est retenue par le Parlement.
M. André Boyer a souligné que beaucoup de petites communes n'auront plus que des compétences résiduelles en raison des transferts importants opérés au profit des communautés de communes ou d'agglomération.
Mme Maryse Bergé-Lavigne et Mme Danièle Pourtaud ont approuvé la nécessité de prendre en compte les évolutions résultant de la réforme de l'intercommunalité.
Mme Mireille Lacombe , en conclusion, a souligné combien les élus masculins, majoritaires au sein de la commission mixte des élus socialistes et républicains, avaient apporté au débat.