EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 25 mai 1999 sous la présidence de
M. Roland du Luart, vice-président, la commission a entendu la
communication
de
M. Jacques Chaumont
,
rapporteur
spécial des crédits des affaires étrangères
,
sur
la mission de contrôle
en Inde
qu'il a effectuée
du 9 au 21 janvier 1999.
En introduction,
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a
présenté les raisons du choix de l'Inde pour sa mission de
contrôle. Il s'est interrogé sur les raisons de l'absence
française, en précisant que le nombre d'expatriés est
inférieur à 1.000 personnes pour un pays d'un milliard
d'habitants et que la France n'est que le douzième client et le
dix-septième fournisseur de l'Inde.
Par ailleurs, il a observé un renouveau d'intérêt dans les
relations franco-indiennes depuis le voyage du Président Jacques Chirac
en janvier 1998 à l'occasion du 50
e
anniversaire de la
République indienne, suivi par les visites de plusieurs ministres
français.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a évoqué
la situation politique de la "plus grande démocratie du monde". La
récente chute du gouvernement de coalition dirigé par le Bharata
Janata Party, parti nationaliste hindou, illustre l'absence de grands partis
capables d'obtenir la majorité absolue des sièges aux
élections législatives depuis le déclin du Parti du
Congrès, sanctionné par sa lourde défaite
électorale de 1996.
Il a souligné que le développement des partis régionaux et
la volatilité de l'électorat indien condamnent le pays à
des gouvernements de coalition. Il a ensuite relevé que, dans le cadre
de la campagne électorale actuelle, le Parti du congrès est
handicapé par les polémiques autour de l'origine italienne de
Sonia Gandhi, veuve de Rajiv Gandhi, et estimé que le Bharata Janata
Party fait figure de favori pour les élections législatives qui
devraient avoir lieu à l'automne.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a évoqué
les développements de la politique extérieure indienne en
direction de la Chine et des pays asiatiques, ainsi que la continuation de la
coopération avec la Russie. Il a rappelé qu'une
libéralisation de l'économie indienne a été
engagée depuis 1991 à la suite d'une crise des paiements
extérieurs et précisé que les droits de douane moyens ont
diminué de 87 % à 20 % aujourd'hui, pour se rapprocher d'un
objectif de 12 %, équivalent à la moyenne des pays asiatiques.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a ensuite
évoqué la segmentation du marché indien et la
difficulté de définir une population appartenant à la
"classe moyenne". Il a conclu sur la nécessité d'effectuer des
études de marché approfondies préalablement à
l'exportation de produits en Inde, et de trouver un partenaire indien pour y
investir.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a ensuite
présenté les investissements français en Inde, constatant
que la France ne représente que 2 % du stock d'investissements, ce
qui la place à la 14
e
position.
Les entreprises françaises installées en Inde sont environ 150 et
emploient 25.000 personnes. Il a donné des exemples d'entreprises
françaises et présenté les secteurs porteurs : eau,
transport, pharmacie, cosmétique, pétrole, ainsi que le secteur
des assurances qui devrait être ouvert prochainement aux investisseurs
étrangers.
Il a souligné l'existence de secteurs de pointe en Inde aux
côtés de secteurs arriérés, en prenant comme exemple
le développement de l'industrie informatique. La qualité des
informaticiens indiens attire de nombreuses entreprises
étrangères et notamment américaines. La "Silicon Valley"
créée à Bangalore en 1970 approchant le seuil de
saturation, un deuxième noyau informatique a été
développé à Hyderabad.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a ensuite
présenté le réseau des services français en Inde,
composé d'une ambassade à New Delhi, de deux consulats
généraux à Bombay et à Pondichéry et d'une
chancellerie détachée à Calcutta, soit moins de 200
personnes pour un budget de fonctionnement d'environ 40 millions de francs. Il
s'est ému de la fermeture de la chancellerie détachée de
Calcutta envisagée par le ministère des affaires
étrangères, en faisant valoir l'importance culturelle et
économique de Calcutta et le fait que tous les grands pays entretiennent
un poste consulaire dans cette ville.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a abordé le
problème de l'écart de rémunération entre le
personnel local de l'ambassade et celui du poste d'expansion économique,
regroupés dans un même bâtiment à New Delhi. Tandis
que le poste d'expansion économique attire du personnel d'excellente
qualité en proposant des salaires supérieurs de 20 % à
ceux du marché, l'ambassade n'arrive pas à recruter du personnel
pour certains postes à cause de son barème de
rémunération largement inférieur. Il a indiqué que
ce problème dépassait le cadre de l'Inde, puisque le coût
unitaire du personnel employé est d'environ 130.000 francs pour la DREE
(Direction des relations économiques extérieures), contre
75.000 francs pour le ministère des affaires
étrangères.
Il s'est également élevé contre le manque de moyens des
consulats, celui de Bombay ne disposant plus de personnel expatrié au
service des visas, alors que plus de 10.000 visas y sont délivrés
chaque année. Il a enfin déploré les carences de la
politique immobilière de la France en Inde, en citant l'exemple de la
résidence du consul à Bombay, dont le loyer est exorbitant.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
, a ensuite exposé
la situation du français en Inde, qui est la première langue
étrangère, avec 300.000 étudiants et 20.000 à
25.000 élèves dans les 15 alliances françaises d'Inde. Il
s'est inquiété de la situation de certaines alliances
françaises : celle de Calcutta a récemment
brûlé et plusieurs procès portant sur les locaux sont
actuellement en cours à Calcutta, Hyderabad et Bombay.
Il a indiqué que le seul établissement français important
est le lycée français de Pondichéry qui accueille 1.350
élèves, souvent de condition modeste. Il s'est
félicité des bons résultats obtenus par ce lycée et
regrette la disparition du tamoul à l'épreuve de langue du
baccalauréat français. Il a insisté sur la
nécessité de préparer, dès à présent,
la reconversion du lycée du fait du déclin de la population
française à Pondichéry.
Après avoir regretté le faible nombre d'étudiants indiens
en France et présenté les centres de recherche scientifique
français en Inde, il a conclu en estimant opportun que la France se dote
de davantage de moyens pour assurer sa présence en Inde.
Un débat s'est alors ouvert.
M. Roland du Luart, président
, a estimé que le Quai
d'Orsay n'a pas pris toute la mesure de l'importance économique et
géostratégique de l'Inde.
M. Jacques Pelletier
a fait part de son inquiétude quant à
la faiblesse des moyens en personnel du service des visas et
suggéré que la commission prépare une question orale avec
débat sur ce sujet, puis s'est interrogé sur le fonctionnement du
système judiciaire indien.
M. Yann Gaillard
a fait remarquer que le marché indien
était largement segmenté et a évoqué la
nécessité pour la France de s'ouvrir sur la culture indienne. Il
s'est enfin interrogé sur les raisons de la faiblesse de la
présence française en Inde.
M. François Trucy
a souhaité connaître les
principales données économiques, financières et
monétaires indiennes.
M. Hubert Haenel
s'est interrogé sur la corruption en Inde et sa
compatibilité avec un régime démocratique. Il a ensuite
demandé si des améliorations avaient été
constatées à la suite des rapports budgétaires
précédents du rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin
a évoqué le poids du fardeau
démographique pesant sur l'avenir de l'Inde, et s'est interrogé
sur l'influence du système des castes sur son développement
économique. Il s'est ensuite demandé si, vue de l'Inde, la France
se distinguait encore au sein de l'Union européenne.
M. Michel Charasse
s'est demandé s'il n'existe pas un
problème de désintérêt du Quai d'Orsay pour les pays
anglophones, en général, et les anciennes colonies anglaises en
particulier. Il s'est inquiété de l'avenir du lycée
français de Pondichéry en proposant son rattachement à une
université française et a estimé nécessaire une
mission d'évaluation commune au ministère des affaires
étrangères et au ministère de l'éducation à
ce sujet. Il a ensuite observé que la politique immobilière
française à l'étranger devrait être davantage
contrôlée.
M. Henri Torre
a souhaité connaître les initiatives prises
par le Forum d'initiative franco-indien mis en place à la suite de la
visite du Président de la République en Inde en janvier 1998.
En réponse,
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial,
a
rappelé que le système judiciaire indien est calqué sur le
système britannique mais souffre de la longueur des procédures et
de l'engorgement des tribunaux. Il a ensuite précisé que le
système judiciaire est régulièrement en conflit avec le
pouvoir politique à l'occasion des affaires de corruption. Celles-ci
sont largement liées au non-respect du plafond des dépenses
électorales, les frais engagés par le candidat devant ensuite
être remboursés durant le mandat.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial,
a ensuite insisté
sur les efforts particuliers à accomplir dans le domaine culturel. Il
s'est félicité de la visite du ministre de l'éducation en
Inde à l'occasion des Forums Edufrance qui ont présenté
l'offre d'enseignement supérieur française aux étudiants
indiens. Il a salué la volonté affichée par le
ministère des affaires étrangères de remettre de l'ordre
dans ses opérations immobilières, et a estimé que ses
missions de contrôle antérieures ont contribué à cet
effort de rigueur bienvenu. Il a toutefois regretté l'absence de
politique immobilière cohérente du ministère en Inde.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial,
a souligné que la
mise en oeuvre de mesures coercitives en matière de démographie
en Inde a toujours conduit ses promoteurs à des échecs
électoraux. L'Inde devrait devenir, aux environs de 2025, le pays le
plus peuplé du monde. Il a ensuite rappelé que le Gouvernement
indien a mis en oeuvre des mesures de discrimination positive en faveur des
basses castes, afin de favoriser leur accès à l'université
et à la fonction publique notamment. Il a estimé que la
progression électorale du Bharata Janata Party résulte de la
réaction d'une partie de la population contre ces quotas.
La commission
a donné acte au rapporteur des conclusions de sa
communication
et a décidé, à l'unanimité, de
les publier
sous la forme d'un
rapport d'information.