II. L'ÉCHEC D'UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ

A. LA MISSION CONFIÉE AU COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN POURSUIVAIT UN OBJECTIF PÉDAGOGIQUE

1. Un objectif : " un diagnostic aussi partagé que possible "

La mission confiée au Commissariat général du Plan visait implicitement à faire prendre conscience aux partenaires sociaux de l'ampleur des défis et à " tester " quelques voies de réforme.

La lettre du Premier ministre soulignait : " Il est du devoir du Gouvernement d'attirer l'attention des partenaires sociaux et de l'ensemble des citoyens sur le caractère brutal de ce choc démographique inéluctable, et de les appeler à débattre des conséquences de cette évolution pour nos régimes de retraite. "

Elle confiait à M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan, la mission d'élaborer " un diagnostic aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes. "

Conformément à la demande du Premier ministre, le Commissaire général du Plan a réuni une commission de concertation qui comprenait des représentants de l'ensemble des organisations syndicales et patronales, des retraités, des régimes de retraites et des ministères concernés.

Cette commission s'est réunie à onze reprises, du 8 octobre 1998 au 25 mars 1999 (cf. calendrier de la commission de concertation).

Chaque réunion été précédée de la remise aux participants de documents techniques réalisés par des experts sur les thèmes évoqués.

La réunion du 25 mars 1999 a été consacrée à la présentation du rapport par M. Charpin. A l'issue de cette réunion, les organisations syndicales et patronales ont été invitées à faire parvenir au Commissariat général du Plan leurs commentaires sur le rapport. Ces commentaires et déclarations ont été annexées au rapport sous la rubrique " Avis des organisations ".

Le rapport final se compose donc du rapport proprement dit et des avis des partenaires sociaux, à l'image de certains rapports du Conseil économique et social.

Cette présentation n'était probablement pas celle qui était souhaitée initialement par le Premier ministre lorsqu'il évoquait " un diagnostic aussi partagé que possible ". Il n'a cependant pas été possible de procéder autrement tant se sont révélées fortes les réserves des partenaires sociaux sur le contenu du rapport.

Calendrier de la commission de concertation

Séance n° 1

Niveau de vie des retraités

8 octobre 1998

Séance n° 2

Présentation des différents régimes de retraite

23 octobre 1998

 

(Organisation du système et masses financières en jeu)

 

Séance n° 3

Les transitions de l'activité vers la retraite, les

5 novembre 1998

 

dispositifs de préretraite et le cumul emploi-retraite

 

Séance n° 4

Comparaisons internationales (les systèmes de retraite

 
 

étrangers, les réformes et projets de réforme, et la

19 novembre 1998

 

méthode de concertation adoptée)

 

Séance n° 5

Projections à long terme : présentation des hypothèses

 
 

démographiques et macro-économiques (conséquences

3 décembre 1999

 

macro-économiques du choc démographique)

 

Séance n° 6

Projections financières des régimes de retraite

17 décembre 1998

Séance n° 7

Projections financières des régimes de retraite (suite)

7 janvier 1999

Séance n° 8

Comparaisons inter-régimes

28 janvier 1999

Séance n° 9

Comparaisons inter-régimes (suite) et examen de

11 février 1999

 

variantes de projections financières

 

Séance n° 10

Variantes de projections financières (suite)

25 février 1999

Séance n° 11

Examen du projet de rapport

25 mars 1999

2. Un souci évident de concertation

Lors de ces réunions, la commission de concertation a examiné les travaux d'analyse et de projection préparés par les experts ; elle a pu, comme le souhaitait le Premier ministre dans sa lettre de mission, commander des variantes et a offert à chacun des participants la possibilité d'exprimer son appréciation sur les éléments présentés.

Cette démarche de concertation parallèle à l'avancement des travaux était innovante. Sur ce point, la mission Charpin se distingue des travaux menés antérieurement dans le cadre du Livre blanc ou du rapport Briet de 1995 qui constituaient essentiellement des travaux d'experts.

Il faut saluer le rôle essentiel joué par le Commissaire général du Plan dans le bon fonctionnement de la commission de concertation : M. Charpin a maintenu un dialogue permanent avec les représentants des partenaires sociaux, acceptant très volontiers, sur leur demande, de modifier certaines hypothèses, d'introduire de nouvelles variantes ou d'approfondir certains points.

La variante à 3% de chômage - il s'agit d'une variante et non d'un scénario - a ainsi été introduite à la demande de certaines organisations syndicales. Elle a eu pour intérêt de montrer que même un retour au plein emploi ne résolvait pas les difficultés futures des régimes de retraite.

Elle constitue cependant le seul véritable apport des partenaires sociaux au contenu du rapport.

En effet, si chaque organisation a pu faire part de ses positions sur les documents présentés, les véritables échanges entre les participants ont été finalement rares. Ces échanges ont surtout porté sur les hypothèses : le taux de croissance de 1,5% a été jugé modeste, le choix d'un scénario central comportant un taux de chômage d'équilibre à 9% a été très contesté.

Il semble en revanche qu'il n'y ait pas vraiment eu de discussions approfondies sur les propositions de réformes, qui ont surtout donné lieu à l'expression, par les partenaires sociaux, de positions traditionnelles.

Malgré le souci évident de concertation qui animait le Commissaire au Plan, la commission n'a pas fonctionné comme un véritable groupe de travail. Au demeurant était-ce sa vocation ?

Le rapport final est celui du Commissariat général du Plan, pas celui de la commission de concertation.

Le diagnostic a donc été indéniablement concerté. Mais, comme le souligne lui-même M. Jean-Michel Charpin, " il serait abusif de le présenter comme un diagnostic partagé ".

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page