RÉFORME DES RETRAITES : peut-on encore attendre ?
VASSELLE (Alain)
RAPPORT D'INFORMATION 459 (98-99) - Commission des Affaires sociales
Table des matières
-
AVANT-PROPOS
- I. UN CONSTAT RÉITÉRÉ : LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER NOS RÉGIMES DE RETRAITE
- II. L'ÉCHEC D'UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ
- III. LES CHOIX IMPLICITES DE L'INACTION
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
- ANNEXES
-
ANNEXE 1
-
LETTRE DE MISSION DU PREMIER MINISTRE -
ANNEXE 2
-
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR -
ANNEXE 3
-
AUDITIONS PAR LA COMMISSION
DE M. JEAN-MICHEL CHARPIN,
COMMISSAIRE GÉNÉRAL DU PLAN
N°
459
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la réforme des retraites ,
Par M.
Alain VASSELLE,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Retraites. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Par lettre en date du 29 mai 1998, le Premier ministre chargeait
M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan,
d'établir, sur la situation et les perspectives de notre système
de retraite,
" un diagnostic aussi partagé que possible par les
partenaires sociaux et les gestionnaires des différents
régimes. "
1(
*
)
Après avoir indiqué que le Gouvernement entendait adopter
" une démarche transparente et ouverte ",
la lettre du
Premier ministre précisait que ce diagnostic devait porter sur le
régime général, les régimes spéciaux, les
régimes des professions non salariées et les régimes
complémentaires, ainsi que sur les transferts de compensation entre
régimes.
Le Commissariat général du Plan était chargé
d'actualiser et de compléter les projections disponibles sur la
situation financière des différents régimes de retraite.
Il devait également réunir des informations sur les
systèmes de retraites de nos principaux partenaires et sur les
politiques mises en oeuvre pour assurer leur équilibre à moyen et
long terme.
La lettre de mission du Premier ministre formulait le souhait que les
projections financières soient complétées par une analyse
des dispositions respectives des différents régimes, analyse qui
tienne compte des contributions versées par l'assuré et
éventuellement par son employeur, de son revenu d'activité et des
spécificités liées à son statut. Elle
précisait qu'il serait également utile de fournir des
éléments d'appréciation sur l'évolution du niveau
de vie des retraités.
Le Commissaire général du Plan avait enfin pour mission de
réunir en temps voulu une commission de concertation qui examinerait les
travaux de projection et d'analyse, pourrait commander des variantes et offrir
" à chacun des participants la possibilité d'exprimer son
appréciation sur les éléments
présentés ".
Le rapport de M. Charpin, intitulé
" L'avenir de nos
retraites ",
a été finalement remis au Premier ministre
le 29 avril 1999.
La commission des Affaires sociales du Sénat a considéré
pour sa part que le Parlement ne saurait rester à l'écart de la
réflexion et du débat sur les retraites.
Après avoir auditionné M. Jean-Michel Charpin à deux
reprises -le 16 décembre 1998, après le début des travaux
de la commission de concertation, et le 5 mai 1999, après la remise
officielle du rapport au Premier ministre-, la commission a confié
à votre rapporteur la mission de préparer un rapport
d'information.
Présenté à la commission le 24 juin 1999, le
présent rapport s'appuie sur l'audition de l'ensemble des organisations
syndicales et régimes de retraite ayant participé à la
commission de concertation de la " mission Charpin ".
Il répond à trois questions :
quels
éléments véritablement nouveaux apportent les travaux du
Commissariat général du Plan ? L'ambition d'un diagnostic
" partagé " a-t-elle été couronnée de
succès ? Quelles sont aujourd'hui les suites prévisibles de
ce rapport ?
A l'examen, il apparaît que le rapport Charpin confirme, sans surprise,
la nécessité de réformer nos régimes de
retraite ; il recommande d'engager cette réforme dès
à présent, avant que le choc démographique ne fasse sentir
ses effets.
Le diagnostic n'a pas été " partagé ". Le
rapport Charpin s'avère très contesté par les partenaires
sociaux : les critiques portent autant sur les hypothèses que sur
les pistes de réforme envisagées.
Enfin, alors que toute décision était subordonnée aux
résultats de la mission Charpin, le Gouvernement annonce la mise en
place d'une nouvelle concertation. Les véritables réformes sont
une fois encore différées et l'année 1999
s'achèvera sans qu'aucune décision n'ait été prise.
Pour sa part, la commission des Affaires sociales du Sénat
considère que la concertation ne doit pas constituer un prétexte
à l'inaction. En repoussant des décisions indispensables, le
Gouvernement ferait en réalité un choix implicite : celui de
la hausse future des cotisations.
I. UN CONSTAT RÉITÉRÉ : LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER NOS RÉGIMES DE RETRAITE
A. LES ÉTUDES PRÉCÉDENTES AVAIENT DÉJÀ MIS EN LUMIÈRE LES DÉSÉQUILIBRES FUTURS DES RÉGIMES DE RETRAITE
1. Les enseignements du Livre blanc sur les retraites (1991) et du rapport sur les " Perspectives à long terme des retraites " (1995)
Le
Gouvernement a confié au Commissariat général du Plan la
mission d'élaborer un nouveau diagnostic des régimes de retraite.
Au cours des dernières années, un panorama du système de
retraite français avait pourtant déjà été
réalisé à deux reprises, donnant lieu à la
publication de deux rapports : le
Livre blanc sur les retraites
en 1991
et le rapport
Perspectives à long terme des retraites
en 1995.
Le
Livre blanc sur les retraites
était l'aboutissement d'un
travail technique interministériel coordonné par le Commissariat
général du Plan. Préfacé par le Premier ministre,
M. Michel Rocard, le Livre blanc présentait la situation de l'ensemble
des régimes de retraite et leurs perspectives d'évolution. Il
proposait également différentes réformes pour faire face
aux effets du vieillissement démographique.
Etabli à la demande du Premier ministre, le rapport
Perspectives
à long terme des retraites
était le résultat des
travaux d'un groupe présidé par M. Raoul Briet,
Commissaire-adjoint au Plan puis directeur de la Caisse nationale d'assurance
vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) ; il
présentait une actualisation des diagnostics et projections contenus
dans le Livre blanc, avec cependant un champ d'étude plus restreint
puisqu'il ne portait que sur les régimes des salariés du secteur
privé (régime général, ARRCO, AGIRC), les
régimes des fonctionnaires civils de l'Etat, des exploitants agricoles,
de la SNCF et des agents des collectivités territoriales (CNRACL). Il
intégrait en outre les effets des réformes engagées en
1993 pour le régime général et les régimes
alignés.
Les enseignements de ce rapport étaient particulièrement
explicites et méritent d'être rappelés brièvement.
Le rapport " Perspectives à long terme des retraites "
évoque successivement quatre points : la comparaison entre les niveaux
de vie des actifs et des retraités, l'impact des hypothèses
d'évolutions démographique et économique sur le taux de
dépendance des retraités par rapport aux cotisants,
l'équilibre financier à long terme des différents
régimes et les effets de la réforme de 1993 sur les pensions
versées aux différentes catégories d'assurés. Il
met également l'accent sur la nécessité de poursuivre la
réforme des retraites et notamment de celles relevant des régimes
spéciaux.
Le rapport fait tout d'abord le constat d'une parité moyenne des niveaux
de vie des actifs et des retraités, confirmant ainsi les conclusions du
Livre blanc sur les retraites.
S'agissant de l'évolution probable des cotisations face au choc
démographique des années 2010-2040, le Livre blanc sur les
retraites de 1991 soulignait la dégradation rapide du ratio population
âgée de plus de 60 ans/population de 15 à 59 ans.
L'actualisation des projections démographiques à l'horizon 2040
effectuées par l'INSEE en 1995 confirme cette tendance en l'aggravant.
L'introduction d'une hypothèse basse de mortalité -reflet des
évolutions récentes de la démographie française-
conduit à une détérioration importante de ce ratio, qui
passerait ainsi de 0,31 en 1990 à 0,43 en 2015 et à 0,63 en 2040
(dans le Livre blanc, ce ratio n'était que de 0,55).
Cela signifie qu'à cette date, il y aurait 6 personnes " en
âge d'être à la retraite " pour 10 personnes " en
âge de travailler ", si du moins l'on considère -ce qui ne va
pas de soi- qu'en 2040 l'âge de 60 ans restera l'âge
charnière à partir duquel on considère que l'on cesse
d'être en âge de travailler. En 1990, cette proportion était
de 3 contre 10.
A lui seul, ce ratio explique l'essentiel des difficultés auxquelles les
régimes de retraite vont être confrontés à l'horizon
2010, date d'arrivée à l'âge de la retraite de la
génération du baby-boom.
Selon le rapport
" Perspectives à long terme des
retraites "
de 1995, dans le plus favorable des scénarios, le
taux de dépendance serait proche de celui présenté comme
étant le plus défavorable dans le Livre blanc sur les retraites.
Le taux de dépendance augmenterait entre 2000 et 2040 de 0,3 point,
passant ainsi de 0,48 à 0,77. Pour le scénario le plus sombre, le
taux de dépendance atteindrait même 0,9 point en 2040. A
cette date, il ne resterait alors plus que 1,1 cotisant par
retraité contre 2 en l'an 2000 et 3 en 1990.
La dégradation du taux de dépendance trouve son corollaire dans
l'augmentation des taux de cotisation vieillesse. La Direction de la
Prévision estime, à l'horizon 2015, dans un scénario
macro-économique central,
à 10 points
supplémentaires de cotisations le besoin de financement d'un
régime global fictif à législation antérieure
à la réforme du régime général. Ce besoin de
financement aurait même atteint 26 points de cotisations en 2040
(dans le Livre blanc, l'estimation était seulement de
20 points).
L'actualisation des hypothèses démographiques conduit, à
législation inchangée, à une dégradation de la
situation financière des régimes de retraite. Les perspectives de
financement des principaux régimes apparaissent en 1995 plus
contrastées qu'en 1991.
S'agissant des régimes du secteur privé (régime
général et régimes complémentaires ARRCO et AGIRC),
les mesures prises en 1993 et 1994 leur permettent de viser, dans un contexte
économique moyennement favorable, un quasi-équilibre jusqu'en
2005 (0,9 point de cotisation supplémentaire nécessaire pour
le régime général).
En revanche, pour les régimes spéciaux de salariés
(fonctionnaires de l'Etat et agents des collectivités locales), qui
n'ont pas été concernés par la réforme de 1993, et
connaissent des évolutions démographiques défavorables,
les perspectives sont beaucoup plus préoccupantes : exprimé en
points de cotisation, le besoin de financement du régime des
fonctionnaires civils s'élève à plus de 10 points
d'ici 2005 et celui des agents des collectivités locales à plus
de 16 points.
Si, pour les régimes spéciaux de salariés, la
période 2005-2015 prolonge les évolutions constatées sur
la période 1995-2005 (+ 20 points pour les fonctionnaires
civils, + 30 points pour la CNRACL), il n'en va pas de même
pour les régimes du secteur privé, et notamment pour le
régime général, qui voit ses perspectives
financières se dégrader : le besoin de financement serait
équivalent à un relèvement des cotisations de
4,3 points entre 1995 et 2015 dans le scénario économique
qualifié de central. Cette détérioration résulte,
à parts pratiquement égales, d'une progression plus soutenue des
charges à compter de 2005 (+ 3,8 % entre 2005 et 2015) et d'un
ralentissement dans l'évolution des ressources (+ 2 % au lieu
de + 2,85 %).
Selon le rapport de 1995, la réforme du régime
général décidée en 1993 a permis de remettre
celui-ci dans une situation proche de l'équilibre à l'horizon
2005 (contre un besoin de financement de plus de 3 points avant
réforme en supposant maintenue dans les faits l'indexation des pensions
sur les prix, et réduit de moitié le besoin de financement
résiduel à l'horizon 2015 (un peu plus de 4 points contre
près de 8 avant réforme).
Le rapport cotisants/retraités des différents régimes
Effectifs en milliers |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
Evolution 2015/1995 |
|
|
Population totale âgée de plus de 60 ans |
11.582 |
12.152 |
12.611 |
14.102 |
15.617 |
35 % |
Population totale |
Population active totale |
25.998 |
27.055 |
27.739 |
27.739 |
27.481 |
5 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,24 |
2,23 |
2,2 |
1,97 |
1,75 |
- 22 % |
|
Retraités |
8.052 |
9.207 |
10.226 |
11.884 |
13.590 |
69 % |
Régime général |
Cotisants |
14.056 |
15.276 |
16.582 |
16.854 |
16.581 |
18 % |
|
rapport cotisants/retraités |
1,75 |
1,66 |
1,62 |
1,42 |
1,22 |
- 30 % |
|
Retraités |
821 |
948 |
1.118 |
1.309 |
1.481 |
80 % |
Fonctionnaires civils |
Cotisants |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
- |
|
rapport cotisants/retraités |
2,53 |
2,19 |
1,86 |
1,59 |
1,4 |
- 45% |
|
retraités |
426 |
576 |
794 |
984 |
1.177 |
176 % |
CNRACL |
Cotisants |
1.541 |
1.561 |
1.560 |
1.560 |
1.560 |
1 % |
|
rapport cotisants/retraités |
3,62 |
2,71 |
1,96 |
1,59 |
1,33 |
- 63 % |
|
Retraités |
215 |
205 |
192 |
188 |
186 |
- 13 % |
SNCF |
Cotisants |
183 |
167 |
153 |
139 |
127 |
- 30 % |
|
rapport cotisants/retraités |
0,85 |
0,83 |
0,79 |
0,74 |
0,68 |
- 20 % |
|
Retraités |
5.100 |
8.100 |
6.530 |
7.260 |
8.700 |
71 % |
ARRCO |
Cotisants |
13.800 |
15.010 |
16.330 |
16.580 |
16.330 |
18 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,71 |
2,58 |
2,5 |
2,28 |
1,88 |
- 31 % |
|
Retraités |
1.063 |
1.277 |
1.523 |
1.930 |
2.384 |
124 % |
AGIRC |
Cotisants |
2.760 |
3.081 |
3.427 |
3.728 |
14.016 |
46 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,6 |
2,41 |
2,25 |
1,93 |
1,68 |
- 35 % |
|
Retraités |
2.104 |
2.007 |
1.819 |
1.691 |
1.588 |
- 25 % |
Exploitants agricoles |
Cotisants |
911 |
821 |
739 |
666 |
600 |
- 34 % |
|
rapport cotisants/retraités |
0,43 |
0,41 |
0,41 |
0,39 |
0,38 |
- 13 % |
Source : Perspectives à long terme des retraites, 1995
Stable
sur la première période de la projection (1995-2005), le rapport
démographique de la population totale se dégraderait rapidement
à compter de 2005 avec l'arrivée à l'âge de la
retraite des générations du baby-boom.
Les trois régimes du secteur privé
présentent
sensiblement les mêmes caractéristiques que la population totale
-du fait des hypothèses retenues, leurs effectifs de cotisants
évoluent, en effet, sensiblement comme ceux de la population totale
active, alors que leurs effectifs de retraités sont largement
dépendants des taux de mortalité projetés pour l'ensemble
de la population. Ainsi, le rapport démographique du régime
général diminue de 25 % entre 2005 et 2015 contre 7 %
entre 1995 et 2005.
Le rapport démographique du
régime général
varie ainsi de 1,75 en 1995 à 1,22 en 2015 ; soit une diminution de
30 % en vingt ans. La baisse de ce ratio tient évidemment à
une progression beaucoup plus rapide des retraités (+ 70 %)
que des cotisants (+ 20 %). La progression des retraités
résulte elle-même de deux facteurs : une augmentation de 35 %
de la population totale de 60 ans et plus et une croissance de 25 %
du taux de couverture (nombre de titulaires d'une pension directe
rapporté à la population âgée de plus de
60 ans) du régime général.
L'AGIRC,
comme
l'ARRCO
, subit avec retard le choc
démographique des années 2005-2010. Son rapport
démographique se dégrade cependant plus rapidement sous l'effet
des évolutions passées et futures du taux d'encadrement. Ce
régime a, en effet, bénéficié de l'augmentation
constante du taux d'encadrement, permettant un développement rapide de
sa population cotisante. Cet effet, qui a amélioré
mécaniquement son rapport de charge, pèse
a
contrario
en projection sur l'évolution des effectifs
retraités, et ce d'autant plus que le scénario central repose sur
une hypothèse de ralentissement de l'augmentation du taux d'encadrement.
Ainsi, le rapport démographique diminue de plus de 35 % entre 1995
et 2015.
L'effet du baby-boom est, en revanche, nettement moins accentué dans les
autres régimes, ainsi, contrairement à ce qui se passe dans les
régimes du secteur privé, les rapports démographiques
du régime des fonctionnaires et de celui des collectivités
locales
se dégradent de façon importante dès l'an 2000.
Cette détérioration reflète, pour le régime des
fonctionnaires, la structure actuelle de la pyramide des âges des
cotisants qui résulte de la politique d'embauche de la fonction publique
des années 1960 à nos jours (forte augmentation de ses effectifs
à compter des années 1960 puis stabilisation depuis 10 ans).
Dans le cas du régime des collectivités locales, la baisse
importante du rapport démographique est imputable à la
montée en charge de ce régime encore jeune. En outre, ses
ressortissants sont majoritairement de sexe féminin (63 % des
retraités de droits directs en 1994, 75 % en 2015) et ont donc une
espérance de vie plus élevée que la moyenne. Le rapport
démographique est divisé par presque 3 d'ici 2015.
En résumé, le rapport
Perspectives à long terme des
retraites
de 1995 évalue les besoins de financement futurs du seul
régime général à 18,4 milliards de francs en
2000, 17,8 en 2005, 55,4 en 2010 et 107 milliards de francs en 2015, soit
à cette date l'équivalent de 4,3 points de cotisation.
Pour les fonctionnaires civils, le besoin de financement
s'élèverait à 34,2 milliards de francs en 2005, 56 en
2010 et 80,2 milliards de francs en 2015.
Si l'on additionne les besoins de financement en 2015 des différents
régimes étudiés par le rapport de 1995 (régime
général, fonctionnaires civils, CNRACL, SNCF, ARRCO, AGIRC,
exploitants agricoles), on obtient un total de 330 milliards de francs.
Les besoins de financement des différents régimes
(en milliards de francs)
|
|
1993 |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
2015/
|
|
Charges |
266,4 |
276,2 |
318,4 |
363,8 |
441,8 |
525,8 |
90 % |
|
Ressources |
241,2 |
266,7 |
299,9 |
346,0 |
386,4 |
418,8 |
57 % |
Régime général |
Besoin de financement |
25,2 |
9,5 |
18,4 |
17,9 |
55,5 |
107,0 |
|
|
exprimé en points de
|
1,7 |
0,6 |
1,1 |
0,9 |
2,4 |
4,3 |
|
|
Charges |
98,6 |
104,8 |
122,7 |
148,6 |
182,2 |
219,6 |
110 % |
|
Ressources |
98,6 |
101,0 |
106,2 |
114,4 |
126,2 |
139,4 |
38 % |
Fonctionnaires |
Besoin de financement |
0,0 |
3,8 |
16,5 |
34,2 |
56,0 |
80,2 |
|
civils |
exprimé en points de cotisation 1 |
- |
1,3 |
5,5 |
10,7 |
15,9 |
20,6 |
|
|
Charges |
31,3 |
37,3 |
50,3 |
71,2 |
93,4 |
119,2 |
220 % |
|
Ressources |
31,3 |
34,5 |
36,7 |
39,8 |
43,9 |
48,4 |
40 % |
CNRACL |
Besoin de financement |
0,0 |
2,8 |
13,6 |
31,4 |
49,5 |
70,8 |
|
|
exprimé en points de cotisation 1 |
- |
1,7 |
7,8 |
16,7 |
23,8 |
30,8 |
|
|
Charges |
26,8 |
26,4 |
25,6 |
25,4 |
26,0 |
27,3 |
3 % |
|
Ressources |
8,6 |
8,3 |
8,0 |
7,9 |
7,9 |
8,0 |
- 4 % |
SNCF |
Besoin de financement |
0 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
0,4 |
0,7 |
|
|
exprimé en points de cotisation 2 |
- |
0,6 |
0,9 |
1,2 |
1,8 |
3,4 |
|
|
Charges |
104,1 |
119,8 |
146,1 |
166,3 |
189,8 |
235,3 |
96 % |
|
Ressources |
108,4 |
117,0 |
151,8 |
175,3 |
195,4 |
212,4 |
82 % |
ARRCO |
Besoin de financement |
- 4,3 |
2,8 |
- 5,7 |
- 9,0 |
- 5,6 |
22,9 |
|
|
exprimé en points de cotisation |
- |
0,2 |
- |
- |
- |
0,9 |
|
|
Charges |
51,5 |
58,7 |
72,1 |
86,0 |
102,5 |
129,1 |
120 % |
|
Ressources |
48,8 |
57,8 |
68,6 |
80,3 |
91,7 |
103,9 |
80 % |
AGIRC |
Besoin de financement |
2,7 |
0,9 |
3,5 |
5,7 |
10,8 |
25,2 |
|
|
exprimé en points de cotisation |
1,0 |
0,3 |
1,1 |
1,5 |
2,5 |
5,2 |
|
|
Charges |
40,2 |
40,5 |
37,9 |
33,8 |
31,0 |
28,7 |
- 29 % |
|
Ressources |
4,9 |
4,7 |
4,3 |
4,0 |
3,7 |
3,4 |
- 27 % |
Exploitants |
Besoin de financement |
35,3 |
35,8 |
33,6 |
29,8 |
27,3 |
25,3 |
|
agricoles |
exprimé en % d'évolution de la cotisation moyenne |
- |
4,1 |
5,6 |
2,2 |
1,6 |
2 |
|
Source : Perspectives à long terme des retraites, 1995
(1)
Pour le régime des fonctionnaires et
celui des collectivités locales, le besoin de financement et son
expression en termes de points de cotisation est obtenu sur la base du taux de
cotisation implicite qui équilibre les comptes de ces deux
régimes en 1993.
(2)
Pour le régime de la SNCF, les taux de cotisation
affichés dans ce tableau sont calculés de telle sorte que le
rapport des cotisations sur les charges (rapport de charges) de ce
régime reste constant pendant toute la période. En effet, les
cotisations représentant une faible part dans les ressources,
l'équilibre technique de ce régime ne peut être
recherché à travers une augmentation des taux de cotisation.
Les déséquilibres futurs prévisibles de nos régimes
de retraite sont par conséquent connus depuis longtemps. Les
éléments mis en lumière dans le Livre blanc et
confirmés par le rapport
Perspectives à long terme des
retraites
témoignaient de la nécessité et de l'urgence
des réformes entreprises en 1993 et en 1995.
Quelques semaines avant que le Gouvernement ne demande à
M. Jean-Michel Charpin un nouveau diagnostic sur les retraites, la
nécessité d'une réforme avait été encore
rappelée par M. Laurent Caussat, membre du Conseil d'analyse
économique, lors du bilan qu'il dressait de la situation des
régimes de retraite sept ans après le Livre blanc, au cours d'un
colloque organisé à l'Assemblée nationale le 26 mars
1998
2(
*
)
.
Selon M. Caussat, qui s'exprimait à titre personnel, si la
réforme de 1993 du régime général semblait assurer
jusqu'en 2005 l'équilibre financier du régime des salariés
du secteur privé, tel n'était pas le cas des régimes
spéciaux dont la situation apparaissait très difficile.
M. Caussat s'était prononcé en faveur de la poursuite de
l'indexation des pensions sur les prix et soulignait l'urgence d'une
réforme des régimes spéciaux de retraite. Il avait
préconisé l'allongement progressif des durées de
cotisation à 170 trimestres pour l'obtention d'une pension à taux
plein, et recommandait la mise en place de " réserves " par
capitalisation, afin de pouvoir absorber les chocs démographiques de
2005-2010, sans remise en cause du régime par répartition.
2. ... justifiaient la mise en oeuvre en 1993 et 1995 de réformes structurelles
Les
réformes entreprises par le Gouvernement de M. Edouard Balladur, en
1993, ont contribué à résorber les déficits
accumulés et à assurer une évolution des dépenses
plus compatible avec les ressources disponibles.
Les mesures prises portaient sur quatre régimes : le régime
général géré par la CNAVTS et trois régimes
dits " alignés " : le régime de base des
salariés agricoles, géré par la MSA, le régime de
base des artisans, géré par des caisses relevant de la CANCAVA,
le régime de base des industriels et commerçants
gérés par les caisses relevant de l'ORGANIC.
S'agissant des modes de calcul et de revalorisation des pensions, elles
prévoyaient :
- un allongement de la durée d'assurance prise en compte pour
bénéficier d'une pension à taux plein. Cette durée
passe progressivement de 150 trimestres à 160 trimestres, soit 40
annuités, par adjonction d'un trimestre supplémentaire par an
à compter du 1er janvier 1994 ;
- une extension de la période de référence : les
pensions du régime général seront calculées
à l'avenir sur la base des 25 meilleures années de
carrière, au lieu de 10 années. Cette opération est
également réalisée de façon progressive, par
adjonction d'une année supplémentaire tous les ans ;
- une indexation des pensions de retraite sur les prix à la
consommation, pérennisant une pratique de fait depuis 1987. Cette mesure
était valable cinq ans, jusqu'à la fin de l'année 1998.
Pour utile qu'elle soit, cette réforme des retraites n'aurait suffi
à elle seule à limiter l'aggravation des déficits. Quatre
dispositions législatives de recettes ont en effet permis, depuis cette
date, de redresser le solde du régime général d'assurance
vieillesse :
- le relèvement d'1,3 point du taux de la contribution sociale
généralisée au 1er juillet 1993 et la création du
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au 1er janvier 1994 ;
- la suppression de la remise mensuelle forfaitaire de 42 francs au
1er septembre 1995 ;
- la création de la CADES et de la contribution au remboursement de
la dette sociale (CRDS), ainsi que la taxe de 6 % sur les contributions
à la prévoyance complémentaire, prévues par le plan
de réforme de la protection sociale de novembre 1995.
On remarquera, à cet égard, avec le nouveau diagnostic
demandé à M. Jean-Michel Charpin, Commissaire
général du Plan, que les gouvernements de gauche semblent plus
à l'aise dans la commande d'études que dans la prise des
décisions qui en découlent et qui s'imposent.
Si le Livre blanc avait été rédigé à la
demande de M. Michel Rocard, les décisions ont été prises
par le gouvernement de M. Edouard Balladur, en 1993.
En 1995, s'appuyant sur les travaux du Commissariat général du
Plan réalisés à l'occasion du rapport sur " Les
perspectives à long terme des retraites ", le Premier ministre,
M. Alain Juppé, lançait pour sa part la nécessaire
réforme des régimes de retraite spéciaux, réforme
qui a dû être interrompue dans les conditions que l'on sait.
On rappellera en outre que les partenaires sociaux ont pris, en 1993, 1994 et
1995, des décisions courageuses qui programment la diminution du
" rendement " des régimes de retraites complémentaires
et qui organisent une solidarité financière entre l'AGIRC et
l'ARRCO.
Au vu de ces éléments, et même si la mission Charpin
poursuivait incontestablement des objectifs plus ambitieux que les travaux
menés précédemment,
votre rapporteur se demande
cependant s'il était vraiment nécessaire d'établir un
nouveau diagnostic sur les retraites.
Les conclusions des études existantes étaient suffisamment
explicites pour engager sans tarder les réformes nécessaires.
B. LE RAPPORT CHARPIN COMPLÈTE ET CONFORTE LES ANALYSES ANTÉRIEURES
Le
rapport sur
L'avenir de nos retraites
complète les travaux
antérieurs, notamment le
Livre blanc sur les retraites
et le
rapport Briet de 1995 :
-
en étendant le champ de la réflexion à
d'autres domaines de la protection sociale
qui sont amenés
à évoluer en fonction du vieillissement de la population :
la politique de l'emploi et la politique familiale, à la fois sous
l'angle des dispositifs de retrait de l'emploi des salariés
âgés
(chapitre II)
et du recyclage éventuel des
interventions publiques dans ces domaines pour permettre de financer les
retraites
(chapitre V)
;
- en analysant
les réformes introduites dans
les pays
étrangers
(chapitre IV)
;
- en réalisant
une projection réellement
multi-régimes
(chapitre V)
et en tentant
une comparaison
entre les régimes de retraite des salariés du privé et
les
régimes spéciaux (chapitre VI)
;
- en allongeant à l'
horizon 2040
la projection dans le
cadre de trois scénarios macro-économiques différents
,
même si une projection à si long terme ne peut être
qu'indicative ;
- en intégrant une
étape de concertation
avec les
principaux régimes de retraite et les partenaires sociaux dans le
déroulement de l'élaboration du rapport.
1. Les limites d'un exercice convenu...
Il
convient naturellement de garder à l'esprit les limites de l'exercice
effectué par le Commissariat général du Plan.
Comme le montre la remarquable étude
" Vers une prospective des
retraites en France à l'horizon 2030 "
3(
*
)
,
tous les travaux sur l'impact économique
du vieillissement démographique et l'avenir des retraites
procèdent de simulations macro-économiques postulant la
pérennité du système économique et social actuel.
Les résultats obtenus ne constituent donc que des
projections
.
Les simulations effectuées s'appuient en effet sur des hypothèses
dont chacune peut être discutée. De nombreuses incertitudes
existent concernant l'évolution des comportements et les perspectives
d'environnement macro-économique. Il convient donc d'être prudent
dans l'interprétation des résultats de ces simulations. Comme le
soulignait l'avertissement du rapport de 1995 sur les
" Perspectives
à long terme des retraites "
,
" les projections ne
dictent pas l'avenir. Elles en soulignent les enjeux et éclairent les
choix à opérer. "
De surcroît, il faut convenir de la fragilité de projections
financières et démographiques à un horizon aussi lointain
que 2040. On remarquera cependant que si une projection aussi lointaine est
inhabituelle en France, elle se pratique couramment dans d'autres pays qui
travaillent parfois à des horizons plus lointains encore : 60 ans, voire
70 ans dans certains cas.
2. ...n'affectent en rien les conclusions du diagnostic
Les
conclusions du rapport Charpin ne sont guère surprenantes et confirment
les tendances observées dans les travaux précédents.
Le chapitre premier du rapport fait le constat de la parité des
revenus des actifs et des retraités.
Ce constat figurait déjà dans le Livre blanc et le rapport Briet.
Il est conforté par une analyse de l'INSEE sur les revenus de 1996 par
unité de consommation. La parité des revenus est atteinte
grâce aux revenus du patrimoine qui représentent un quart des
revenus totaux des retraités.
Entre 1970 et 1990, le revenu des retraités a augmenté deux fois
plus vite que celui des actifs. Le nombre de bénéficiaires du
minimum vieillesse a été plus que divisé par 2 :
alors qu'ils représentaient 2,2 millions de personnes en 1970, le nombre
des retraités au minimum vieillesse est aujourd'hui inférieur
à 1 million. Pourtant, sur la même période, le montant du
minimum vieillesse a presque triplé en francs constants.
La situation des retraités français, par rapport à leurs
voisins européens, apparaît plutôt favorable. Le niveau de
vie des retraités est inférieur d'environ 10 % à
celui des actifs dans l'Union européenne. Au Royaume-Uni, en
Grèce, au Portugal et en Espagne, cette différence atteint
15 %. En revanche, en France, en Irlande et aux Pays-Bas, le niveau de vie
des retraités est sensiblement identique à celui du reste de la
population.
Dans le chapitre II, le rapport relève que la France utilise
massivement les dispositifs de retrait d'activité des salariés
âgés comme instruments de la politique de l'emploi.
Ce constat n'est pas nouveau non plus ; les comparaisons internationales
montrent que le taux d'activité des salariés âgés
est l'un des plus bas en France : pour les hommes, il représente
16 % de la tranche d'âge des 60-64 ans et seulement 68 % de la
tranche des 55-59 ans.
Sous la pression de la montée du chômage à la fin des
années soixante-dix, les mécanismes d'incitation au retrait
anticipé du marché du travail ont connu un essor
considérable. Ils ont concouru à l'abaissement de l'âge de
fin d'activité. L'âge de cessation d'activité est ainsi
progressivement devenu un paramètre de régulation du
marché du travail, plus qu'un choix collectif ou individuel sur la
répartition souhaitée des différentes périodes de
la vie. Aujourd'hui, l'âge légal de la retraite, l'âge
effectif de départ en retraite et l'âge de cessation
d'activité ne coïncident donc pas toujours.
Les dispositifs de cessation d'activité concernaient environ 500.000
personnes en 1997, dont 228.000 au titre des préretraites de l'ASFNE,
des préretraites progressives et de l'ARPE. Le coût annuel de ces
trois dispositifs dépasse à lui seul 23 milliards de francs, soit
environ 0,3 point de PIB.
Le chapitre III montre que l'allongement de la durée de la vie et le
vieillissement des générations d'après-guerre conduisent
à un choc financier inéluctable.
Le vieillissement des générations d'après-guerre est en
grande partie une donnée du passé, qui correspond à
l'évolution des naissances depuis 1946. A court terme,
c'est-à-dire à l'horizon 2006, la France est confrontée au
départ en retraite des générations nombreuses de
l'après-guerre : il n'y a eu que 500.000 naissances en 1940,
600.000 en 1945 mais 800.000 en 1946 et 830.000 en 1950.
Ce phénomène se conjugue avec l'allongement de la durée de
la vie et se traduit par un fort vieillissement de la population.
L'espérance de vie devrait en effet continuer à augmenter dans
les prochaines décennies, à un rythme plus lent compte tenu des
niveaux élevés atteints aujourd'hui. En 2040, l'espérance
de vie à la naissance atteindrait près de 81 ans pour les hommes
et 89 ans pour les femmes (contre respectivement 74,2 ans et 82,5 ans
aujourd'hui).
En tendance, avec un taux de fécondité de 1,8 enfant par femme
(contre 2,1 nécessaire au renouvellement des générations),
une poursuite de la baisse de la mortalité et une stabilisation du solde
migratoire (50.000 personnes de solde net) :
- la population totale continuerait de croître jusqu'en 2040, pour
atteindre 66,2 millions d'habitants ;
- le nombre de personnes de plus de 60 ans augmenterait de
10 millions à l'horizon 2040 tandis que le nombre d'actifs
diminuerait d'un million environ, pour s'établir autour de 26,7
millions ; les plus de 60 ans représenteraient 22 millions de
personnes en 2040, soit un tiers de la population totale contre un
cinquième en 1995 ;
- le rapport entre les plus de 60 ans et les 20-59 ans, dit taux de
dépendance, passerait de 4 en 1995 à 7 en 2040 : en 2040, il
y aurait 7 retraités pour 10 actifs.
Une évolution de la fécondité plus favorable que
prévue, assurant le renouvellement des générations, aurait
au total un impact limité. Ses effets ne se feraient sentir qu'en fin de
période, dans les années 2030. Sous ces hypothèses, il y
aurait encore 6 retraités pour 10 actifs en 2040.
Seul un déplacement de l'âge de fin d'activité permettrait
de freiner la hausse du poids relatif des retraités et des actifs.
Ainsi, un âge de fin d'activité de 64,6 ans en 2020 et de
69,6 ans en 2040 permet de maintenir le taux de dépendance à
son niveau actuel (4 retraités pour 10 actifs).
La conséquence de ce déséquilibre est, qu'à
réglementation inchangée, le maintien de la parité de
niveau de vie entre retraités et actifs conduirait à multiplier
par 1,55 le taux de cotisation d'équilibre à l'horizon 2040.
Dans tous les cas de figure, le niveau de vie absolu des retraités
devrait cependant continuer à progresser. Les gains de
productivité, même modestes, réalisés d'une
génération à l'autre, suffisent en effet à assurer
aux retraités des niveaux de pension, et un pouvoir d'achat,
supérieurs à celui de leurs aînés.
Une évolution plus favorable de la productivité ou du
chômage ne suffirait pas à résoudre le problème de
financement des retraites.
Le chapitre IV montre que les pays étrangers ont
réformé ou vont réformer leurs systèmes de
retraite.
Le vieillissement démographique est une évolution commune
à de nombreux pays. Au début du siècle prochain, tous les
régimes de retraite connaîtront une augmentation rapide des
dépenses et seront exposés, comme les régimes
français, à des déséquilibres importants. Des
réformes des régimes publics sont engagées dans la plupart
d'entre eux. Elles présentent certaines modalités communes :
• Les réformes agissent toutes, à des degrés
divers, dans le sens d'une remontée de l'âge de la retraite.
Celle-ci peut découler de la hausse de l'âge normal de
liquidation, comme aux Etats-Unis où cet âge sera porté
à 67 ans en 2022 ; la hausse de l'âge de la retraite est
également provoquée par la suppression de dispositions
particulières qui accordaient à certaines catégories un
âge de liquidation inférieur à l'âge normal, c'est le
cas des femmes dont l'âge de la retraite rejoindra progressivement celui
des hommes (65 ans au Royaume-Uni et en Allemagne).
• Les réformes agissent également sur les
pensions : la modération de la hausse des prestations
découle d'une liquidation moins généreuse, et d'une
revalorisation limitée à la hausse des prix. Une meilleure
maîtrise des dépenses de retraite a conduit certains pays à
adopter des règles de calcul contributives, liant étroitement le
montant de la pension aux cotisations versées au cours de la
carrière (Suède, Italie avec uniformisation des règles des
régimes).
• Dans certains pays (Canada, Etats-Unis), les régimes
publics constituent un fonds de réserve.
Dans tous les pays, la préparation des réformes a
été un processus long. Elle a nécessité de larges
concertations, des débats publics nourris, fondés sur la mise
à disposition d'informations précises sur la situation et les
perspectives des systèmes de retraite.
Le chapitre V souligne que les projections tendancielles font
apparaître des déficits importants pour la plupart des
régimes.
Les hypothèses des projections retiennent une prolongation des tendances
passées et une baisse du chômage.
Le rapport fait l'hypothèse d'une évolution de la
productivité du travail équivalente à celle des 25
dernières années, soit un gain annuel de + 1,25 %.
L'accroissement du produit intérieur brut (PIB) résulte de
l'évolution de la population active occupée et de celle de la
productivité du travail. Le Commissariat général du plan
retient plusieurs scénarios macro-économiques se
différenciant principalement par le taux de chômage
d'équilibre. Deux scénarios principaux ont été
retenus : un premier scénario dans lequel le taux de chômage
de long terme serait de 9 % et un second scénario dans lequel ce
taux serait de 6 %. Une variante dans laquelle le taux de chômage de
long terme serait encore plus bas (3 %) a de plus été prise en
considération.
Dans les deux scénarios et dans la variante, la croissance du salaire
moyen réel, en brut, atteint 1,7 % en rythme annuel moyen.
A l'horizon 2040, ces hypothèses conduisent, dans le scénario 2
(taux de chômage 6 %), à un doublement du PIB en francs
1998 : de 8.400 milliards de francs en 1998, le PIB atteint 18.000
milliards de francs 1998 en 2040.
Les charges de retraite des régimes évoluent en fonction de la
démographie et de la pension moyenne servie annuellement. Bien
qu'atténuée par la réforme de 1993, la pension moyenne
progresse en termes réels de 60 % dans le régime
général d'ici 2040.
Dans l'hypothèse où la règle actuelle d'indexation des
retraites du régime général sur les prix est maintenue,
les charges de retraite des régimes sont multipliées,
en
termes réels,
par un facteur 2,8
et progressent de
12,1 %
du PIB en 1998 à 15,8 % en 2040
, dans le scénario 2.
Dépenses de retraites en points de PIB
|
|
Scénario 1 |
|
Scénario 2 |
|
Variante |
|
|||
|
1998 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
|||
CNAVTS et régimes complémentaires |
7,1 |
9,0 |
10,1 |
8,5 |
9,5 |
8,1 |
9,1 |
|||
Régimes agricoles |
0,9 |
0,6 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
|||
Régimes spéciaux |
3,5 |
4,9 |
5,6 |
4,6 |
5,4 |
4,4 |
5,1 |
|||
Indépendants (hors agricoles) |
0,5 |
0,6 |
0,6 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
|||
Ensemble des régimes |
12,1 |
15,0 |
16,7 |
14,1 |
15,8 |
13,5 |
15,1 |
Source : Commissariat général du Plan.
Les ratios démographiques des régimes diminuent et convergent
à l'horizon 2040.
En 1998, un grand nombre de régimes de retraite ont des rapports
démographiques favorables. Le rapport démographique des effectifs
de droit direct de la majorité des régimes étudiés
est supérieur à 1,5. En 2040, par contre, quasiment tous les
régimes étudiés ont un rapport démographique
inférieur à 1. Ceci réduit sur le long terme l'importance
relative des mécanismes de compensation démographique entre les
régimes.
Rapport démographique des droits directs
(rapport
entre
les effectifs de cotisants et les effectifs de droits directs)
|
|
Scénario 1 |
|
Scénario 2 |
|
Variante |
|
|||
|
1998 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
|||
CNAVTS |
1,7 |
1,1 |
0,8 |
1,2 |
0,9 |
1,3 |
0,9 |
|||
Salariés agricoles |
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,3 |
0,2 |
0,3 |
0,2 |
|||
AGIRC |
2,4 |
1,3 |
0,9 |
1,4 |
1,0 |
1,5 |
1,0 |
|||
ARRCO |
1,7 |
1,1 |
0,7 |
1,1 |
0,8 |
1,2 |
0,8 |
|||
IRCANTEC |
1,7 |
0,7 |
0,4 |
0,8 |
0,4 |
0,8 |
0,5 |
|||
CNRACL |
3,3 |
1,4 |
1,0 |
1,4 |
1,0 |
1,4 |
1,1 |
|||
Fonctionnaires de l'Etat |
1,9 |
1,1 |
0,9 |
1,1 |
0,9 |
1,2 |
1,0 |
|||
Banque de France |
1,3 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
0,9 |
0,9 |
|||
CRPCEN |
1,0 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,6 |
0,8 |
0,7 |
|||
IEG |
1,7 |
0,9 |
1,0 |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
|||
Marins |
0,6 |
0,6 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
|||
Mines |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|||
Ouvriers de l'Etat |
1,0 |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
0,7 |
0,6 |
0,8 |
|||
RATP |
1,5 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,3 |
1,3 |
|||
SNCF |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
|||
CANCAVA base |
1,0 |
0,6 |
0,5 |
0,6 |
0,5 |
0,6 |
0,5 |
|||
CANCAVA complémentaire |
1,2 |
0,6 |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
|||
Non-salariés agricoles |
0,4 |
0,3 |
0,4 |
0,3 |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
|||
ORGANIC base |
0,9 |
0,8 |
0,8 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
|||
CNAVPL |
3,6 |
1,5 |
1,1 |
1,5 |
1,1 |
1,6 |
1,2 |
|||
CARCD |
4,2 |
1,4 |
1,1 |
1,4 |
1,1 |
1,5 |
1,1 |
|||
CARMF |
5,0 |
1,6 |
1,3 |
1,6 |
1,3 |
1,6 |
1,3 |
|||
CARPIMKO |
7,9 |
1,7 |
0,9 |
1,7 |
0,9 |
1,8 |
1,0 |
|||
CAVP |
2,9 |
1,3 |
1,0 |
1,3 |
1,0 |
1,3 |
1,0 |
Source : Commissariat général du Plan.
Le besoin de financement de l'ensemble des régimes a tendance à
croître entre 2000 et 2040. Cette progression est surtout marquée
entre 2005 et 2020 mais elle continue au-delà. La situation reste
cependant contrastée. Il est possible de regrouper les régimes en
trois catégories :
• les régimes qui ont de fortes ressources de compensation
démographique actuellement, et qui apparaissent de fait comme ayant un
déséquilibre initial
(CANCAVA, ORGANIC, régimes
agricoles, régime des marins, régime des mines, régime des
ouvriers de l'Etat et SNCF)
; dans ce cas, le besoin de financement
n'évolue que faiblement en général. Ces régimes
devraient cependant perdre des ressources de compensation qui assurent
actuellement en partie leur équilibre financier global ;
• les régimes tels que
l'AGIRC, l'ARRCO, la CNAVPL
ou les régimes complémentaires des professions
libérales
, dont la situation démographique se dégrade
rapidement mais qui, grâce à la stabilité de leur pension
moyenne liées aux hypothèses d'indexation, parviennent à
limiter la dégradation de leur solde ;
• les autres régimes (en particulier
le régime
général, le régime des fonctionnaires de l'Etat, la
CNRACL, l'IRCANTEC et le régime EDF-GDF
) dont la situation
démographique initiale est favorable. Ces régimes subissent une
forte dégradation démographique qui n'est pas compensée
par un écart important d'évolution entre salaire moyen et pension
moyenne. Leurs besoins de financement (ou la hausse relative de la contribution
d'équilibre de l'employeur) s'accroissent fortement en projection.
Compte tenu de ces évolutions, le besoin de financement annuel du
système de retraite par répartition s'élèverait
dans le scénario 2 à environ 400 milliards de francs 1998 en 2020
et 700 milliards de francs 1998 en 2040, soit environ 4 points de PIB. Le cumul
des ces sommes sur plusieurs années donne la mesure de l'ampleur des
besoins.
On remarquera que les résultats des projections financières pour
les différents régimes sont tout à fait cohérents
avec les tendances dégagées dans le rapport
Perspectives
à long terme des retraites
. Le rapport conforte les
évaluations de 1995 et les prolonge à l'horizon 2040.
Les économies envisageables sur l'indemnisation du chômage, la
politique de l'emploi et la politique familiale peuvent, au regard de ces
besoins de financement, ne pas être négligeables si la
collectivité accepte de recycler la totalité des financements au
profit des retraites Elles pourraient atteindre alors entre 0,8 et 1,5 point de
PIB, ce qui reste très insuffisant toutefois pour financer
l'accroissement des charges des régimes de retraite.
Solde
financier des régimes de retraite
(hors transferts de compensation,
produits et charges diverses* et résultats financiers à taux de
cotisation inchangés sauf en cas de réforme en
cours)
|
|
|
Scénario 1 |
|
Scénario 2 |
|
||
|
|
1998 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
||
CNAVTS |
MF 98 |
- 1 400 |
- 149 000 |
- 403 200 |
- 124 800 |
- 379 600 |
||
|
points de cotisation |
- 0,1 |
- 5,5 |
- 11,2 |
- 4,3 |
- 9,8 |
||
Salariés agricoles |
MF 98 |
- 15 399 |
- 17 063 |
- 22 008 |
- 17 063 |
- 22 008 |
||
|
points de cotisation |
- 21,8 |
- 18,0 |
- 18,4 |
- 18,0 |
- 18,4 |
||
AGIRC |
MF 98 |
- 6 008 |
- 31 806 |
- 31 554 |
- 22 442 |
- 20 989 |
||
|
points de cotisation |
- 1,7 |
- 5,3 |
- 3,9 |
- 3,5 |
- 2,4 |
||
ARRCO |
MF 98 |
6 208 |
- 16 926 |
- 44 841 |
471 |
- 25 916 |
||
|
points de cotisation |
0,3 |
- 0,5 |
- 1,1 |
0,0 |
- 0,6 |
||
IRCANTEC |
MF 98 |
344 |
- 7 448 |
- 13 291 |
- 7 324 |
- 12 664 |
||
|
points de cotisation |
0,3 |
- 4,5 |
- 6,0 |
- 4,4 |
- 5,5 |
||
CNRACL |
MF 98 |
16 399 |
- 45 825 |
- 110 269 |
- 45 825 |
- 110 269 |
||
|
points de cotisation |
9,2 |
- 16,7 |
- 28,9 |
- 16,7 |
- 28,9 |
||
Fonctionnaires de l'Etat |
MF 98 |
0 |
- 136 651 |
- 280 883 |
- 131 256 |
- 254 785 |
||
|
points de cotisation |
0,0 |
- 26,4 |
- 40,9 |
- 24,7 |
- 33,5 |
||
Banque de France** |
MF 98 |
0 |
- 1 829 |
- 2 323 |
- 1 829 |
- 2 323 |
||
|
points de cotisation |
0,0 |
- 67,2 |
- 74,7 |
- 67,2 |
- 74,7 |
||
CRPCEN |
MF 98 |
- 528 |
- 943 |
- 582 |
- 943 |
- 582 |
||
IEG |
MF 98 |
0 |
- 11 957 |
- 7 601 |
- 11 957 |
- 7 601 |
||
|
points de cotisation |
0,0 |
- 39,4 |
- 18,4 |
- 39,4 |
- 18,4 |
||
Marins |
MF 98 |
- 5 470 |
- 6 848 |
- 7 333 |
- 6 848 |
- 7 333 |
||
Mines |
MF 98 |
- 13 663 |
- 9 138 |
- 4 509 |
- 9 138 |
- 4 509 |
||
Ouvriers de l'Etat |
MF 98 |
- 7 436 |
- 9 518 |
- 9 087 |
- 9 518 |
- 9 087 |
||
|
points de cotisation |
- 77,4 |
- 127,6 |
- 94,8 |
- 127,6 |
- 94,8 |
||
RATP |
MF 98 |
- 2 496 |
- 4 428 |
- 5 771 |
- 4 428 |
- 5 771 |
||
|
points de cotisation |
- 40,3 |
- 49,8 |
- 46,3 |
- 49,8 |
- 46,3 |
||
SNCF |
MF 98 |
- 18 270 |
- 19 918 |
- 24 348 |
- 19 918 |
- 24 348 |
||
|
points de cotisation |
- 73,6 |
- 56,1 |
- 49,0 |
- 56,1 |
- 49,0 |
||
CANCAVA base |
MF 98 |
- 6 961 |
- 10 256 |
- 12 851 |
- 10 016 |
- 12 973 |
||
|
points de cotisation |
- 17,5 |
- 17,4 |
- 16,4 |
- 16,5 |
- 16,0 |
||
CANCAVA |
MF 98 |
- 471 |
- 2 277 |
- 3 110 |
- 2 165 |
- 3 123 |
||
complémentaire*** |
points de cotisation |
- 1,0 |
- 3,3 |
- 3,3 |
- 3,0 |
- 3,2 |
||
Non-salariés agricoles |
MF 98 |
- 39 804 |
- 30 444 |
- 24 820 |
- 30 444 |
- 24 820 |
||
ORGANIC base |
MF 98 |
- 9 743 |
- 12 436 |
- 16 970 |
- 12 094 |
- 16 514 |
||
|
points de cotisation |
- 19,3 |
- 17,1 |
- 17,5 |
- 16,1 |
- 16,5 |
||
CNAVPL |
MF 98 |
2 526 |
554 |
1 140 |
554 |
1 140 |
||
CARCD*** |
MF 98 |
- |
- 476 |
- 429 |
- 476 |
- 429 |
||
CARMF
|
MF 98 |
666 |
- 2 937 |
- 4 439 |
- 2 937 |
- 4 439 |
||
|
points de cotisation |
1,7 |
- 6,1 |
- 7,0 |
- 6,1 |
- 7,0 |
||
CARPIMKO*** |
MF 98 |
189 |
- 1 120 |
- 2 641 |
- 1 120 |
- 2 641 |
||
CAVP*** |
MF 98 |
114 |
- 53 |
- 229 |
- 53 |
- 229 |
*
Notamment hors subvention d'équilibre de l'Etat, hors impôts et
taxes affectés et hors transferts divers (par exemple l'AVPF pour la
CNAVTS).
** Les résultats financiers ont été intégrés
dans le compte de la Banque de France du fait de sa spécificité.
En effet, le régime dispose d'un portefeuille important qui n'est pas
utilisé comme une réserve.
*** Ces régimes disposent d'importantes réserves qui peuvent
être utilisées en période de déséquilibre. En
outre, certains de ces régimes prévoient d'adopter de nouvelles
réformes (par exemple : baisse du rendement plus importante pour la
CARPIMKO non prise en compte dans les soldes présentés).
Source : Commissariat général du Plan.
C. LE RAPPORT S'INQUIÈTE DE L'ACCROISSEMENT DES ÉCARTS ENTRE LES DIFFÉRENTS RÉGIMES ET FORMULE DES PROPOSITIONS DE RÉFORME
1. Les écarts entre les régimes du secteur privé et les régimes spéciaux de retraite s'accentuent
Le
rapport est plus novateur dans sa comparaison du régime des
salariés du privé et des salariés du public, qui fait
l'objet du
chapitre VI.
Il met en évidence les
principales
règles
qui différencient le régime
général et les régimes spéciaux et qui sont
susceptibles de procurer un avantage relatif à ces derniers
:
-
les régimes spéciaux permettent des départs
anticipés
; la répartition des départs au
régime général se concentre autour de deux
âges : à 60 ans, âge minimum légal de la
retraite et à 65 ans, où le taux plein est acquis quelle que soit
la durée d'assurance ; pour la fonction publique et la CNRACL, la
distribution des départs présentent deux pics à 55 ans et
60 ans ; dans les régimes d'entreprises, l'âge moyen de
départ en retraite est de 53,5 ans à la RATP, de 54,1 ans
à la SNCF et de 55,6 ans à EDF-GDF ;
-
l'importance des bonifications d'annuité ;
le taux de
liquidation dans les régimes d'entreprises est proche de 70 %,
malgré une durée de cotisation limitée : 120
trimestres à la RATP, 130 trimestres à la SNCF et au
régime des industries électriques et gazières (IEG) ;
ceci est dû à l'attribution de bonifications de durée
d'assurance, qui atteignent en moyenne, pour les personnels masculins, 3,3 ans
à la SNCF, 4 ans aux IEG et 5,4 ans à la RATP ; il en
résulte que, dans ces régimes, les retraités de moins de
60 ans représentent entre 15 et 25 % du total des pensions de droit
direct :
-
le rendement de la retraite des salariés du secteur
privé se réduit du fait de la réforme de 1993
;
celle-ci incite en effet les salariés à reporter leur
départ en retraite à la date d'obtention du taux plein
correspondant à terme à 40 annuités de cotisations
(à ce jour l'âge moyen d'entrée dans la vie active est de
21,6 ans) ;
- si les régimes garantissent aujourd'hui des taux de remplacement
nets comparables,
l'écart devrait se creuser entre les
salariés qui ont fait l'objet de réformes et les
autres :
mesuré par le SESI, le taux de remplacement net des
salariés nés en 1926 et ayant effectué une carrière
complète s'élève, en moyenne, à 80 % au
régime général et 76 % pour la fonction publique
civile ; les simulations réalisées pour le futur sur des
carrières types complètes représentatives montrent que le
taux de remplacement des salariés du privé se réduit du
fait de la réforme de 1993 et surtout de la forte baisse de rendement
des régimes complémentaires du privé ; à
l'inverse, les taux de remplacement restent stables pour les salariés du
public.
Le rapport note que,
dans la plupart des régimes, les avantages
familiaux non contributifs sont importants :
majorations de 10 %
pour enfants élevés, bonifications de durée d'assurance
accordées aux mères de famille, validation sous condition de
ressources des années d'inactivité consacrées à
élever les enfants de moins de six ans (assurance vieillesse des parents
au foyer), possibilité dans les régimes spéciaux de
départ à la retraite sans condition d'âge pour les
mères de famille de trois enfants ou plus ; le coût de ces
avantages est estimé à
73,7 milliards de francs
partiellement financés par la CNAF et le FSV.
Dans ce contexte, le rapport examine, dans le
chapitre VII
,
plusieurs
pistes de réformes
susceptibles d'assurer la viabilité du
système de retraite par répartition : l'allongement à
170 trimestres de la durée d'assurance nécessaire à
l'obtention du taux plein, la constitution de réserves permettant
d'amortir le choc démographique, l'élargissement de l'assiette
des cotisations et l'aménagement de différents dispositifs
susceptible d'avoir un impact sur le besoin de financement des
régimes.
2. Des réformes permettent de limiter le besoin de financement futur des régimes de retraites
•
L'allongement à 170 trimestres de la durée
d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein
Cette mesure, mise en oeuvre progressivement au rythme d'un trimestre par
génération, permettrait de contrecarrer la forte augmentation de
la population des retraités. Le rapport relève qu'elle n'a de
sens que si deux conditions sont satisfaites :
- il ne faut pas qu'elle conduise à retarder l'entrée des
jeunes dans la vie active ;
- il ne faut pas que l'âge effectif de cessation d'activité
reste notablement inférieur à l'âge de départ en
retraite ; il faut donc limiter le recours aux dispositifs de
préretraite.
Ces conditions peuvent être satisfaites si, conformément aux
scénarios macro-économiques retenus, la forte augmentation des
départs en retraite conduit à réduire fortement le
chômage à l'horizon 2010.
Il s'agit donc de
prolonger la réforme de 1993 pour les
salariés du privé et au rythme d'un trimestre par
génération.
Cette mesure ne prendrait réellement effet
qu'à compter de 2004.
Mais il s'agit aussi, pour les régimes qui n'ont pas été
réformés, c'est-à-dire essentiellement
les
régimes spéciaux
, de
rattraper le retard
pour
atteindre, pour l'ensemble des régimes, 170 trimestres à
l'horizon 2020.
L'évolution de l'ensemble des règles
|
Durée d'assurance tous régimes requise pour avoir le taux plein sans abattement pour départ anticipé |
|
Durée d'assurance prise en compte pour la proratisation (RG) |
Valeur de l'annuité dans le secteur public (1) |
Réduction du taux de pension par trimestre manquant tous régimes (2) |
|
||
|
RG (3) |
FP (4) |
RG |
FP |
RG |
FP |
||
Génération 1939 |
156 |
150 |
150 |
2,00 % |
2,5 % |
0,00 % |
||
Génération 1940 |
157 |
151 |
151 |
1,99 % |
2,4 % |
0,06 % |
||
Génération 1941 |
158 |
152 |
152 |
1,97 % |
2,3 % |
0,12 % |
||
Génération 1942 |
159 |
153 |
153 |
1,96 % |
2,2 % |
0,18 % |
||
Génération 1943 |
160 |
154 |
154 |
1,95 % |
2,1 % |
0,24 % |
||
Génération 1944 |
161 |
155 |
155 |
1,94 % |
2,0 % |
0,30 % |
||
Génération 1945 |
162 |
156 |
156 |
1,92 % |
1,9 % |
0,36 % |
||
Génération 1946 |
163 |
157 |
157 |
1,91 % |
1,8 % |
0,42 % |
||
Génération 1947 |
164 |
158 |
158 |
1,90 % |
1,7 % |
0,48 % |
||
Génération 1948 |
= |
159 |
159 |
1,89 % |
1,6 % |
0,54 % |
||
Génération 1949 |
165 |
160 |
160 |
1,88 % |
1,5 % |
0,60 % |
||
Génération 1950 |
= |
161 |
161 |
1,86 % |
1,3 % |
0,66 % |
||
Génération 1951 |
166 |
162 |
162 |
1,85 % |
1,2 % |
0,72 % |
||
Génération 1952 |
= |
163 |
163 |
1,84 % |
1,2 % |
0,78 % |
||
Génération 1953 |
167 |
164 |
164 |
1,83 % |
1,2 % |
0,84 % |
||
Génération 1954 |
= |
165 |
165 |
1,82 % |
1,2 % |
0,90 % |
||
Génération 1955 |
168 |
166 |
166 |
1,81 % |
1,2 % |
0,96 % |
||
Génération 1956 |
= |
167 |
167 |
1,80 % |
1,2 % |
1,02 % |
||
Génération 1957 |
169 |
168 |
168 |
1,79 % |
1,2 % |
1,08 % |
||
Génération 1958 |
= |
169 |
169 |
1,78 % |
1,2 % |
1,14 % |
||
Génération 1959
|
|
|
|
|
|
|
Source : Commissariat général du Plan.
(1)
La valeur de l'annuité est
égale
au taux de pension, avant abattement pour éventuel départ
anticipé, par année validée au régime.
(2)
Le 1,2 % correspond à un abattement de 0,6 % du taux
de liquidation de 50 % au régime général et à un
abattement de 0,9 % du taux de liquidation de 75 % dans les régimes
particuliers de salariés.
(3)
Régime général.
(4)
Fonction publique.
Le relèvement de la durée d'assurance nécessaire à
l'obtention du taux plein s'accompagnerait de deux mesures
complémentaires :
- la
réduction de moitié de l'abattement par trimestre
manquant
d'assurance tous régimes, qui passerait de 2,5 % au
régime général à 1,2 % en 2020 ; cet
abattement serait généralisé à l'ensemble des
régimes, en particulier les régimes spéciaux ;
- la
proratisation de la pension
en fonction de la durée
d'assurance à chaque régime serait de
1/170
ème
.
La réforme envisagée vise à inciter au décalage de
l'âge de départ à la retraite entre 60 et 65 ans et non
à contraindre au travail au-delà de 65 ans. A partir de cet
âge, aucun abattement ne serait retenu sur le niveau de la pension tandis
qu'un dispositif supprimerait, sous certaines conditions, l'effet du passage
à une proratisation à 1/170ème.
Les effets du relèvement de la durée d'assurance dépendent
des modifications de comportement induites par cette mesure. Dans
l'hypothèse où les actifs choisissent de reporter leur
départ en retraite afin d'obtenir le taux plein, la population active
est majorée de 420.000 personnes en 2010, 920.000 personnes en 2020 et
environ 1,4 million en 2040.
Si l'on intègre l'effet des cotisations supplémentaires
consécutives à l'augmentation de la population active, les
besoins de financement apparaissent notablement réduits - mais pas
complètement supprimés - par la réforme.
Besoin de financement |
Avant relèvement à 42,5 ans |
Après relèvement à 42,5 ans |
||
(scénario 2, en points de cotisation) |
|
|
|
|
Régime général |
4,3 |
9,8 |
1,4 |
4 |
Fonctionnaires civils |
21,5 |
32,0 |
10,0 |
19 |
CNRACL |
17,0 |
29,0 |
5,3 |
17 |
•
La constitution de réserves
Cette voie a été retenue par de nombreux pays pour consolider les
systèmes de retraite publics.
L'ampleur des réserves à constituer varie suivant que l'on se
limite à lisser temporairement les besoins de financement de moyen terme
des régimes de retraite ou que l'on souhaite assurer de manière
permanente, par les produits de placement du fonds, un complément de
ressources aux cotisations.
Dans le premier cas (lissage des besoins de financement), le montant des
réserves à constituer représente 3 à 4 points de
PIB (
350 milliards de francs
aux conditions économiques
actuelles). Dans le second cas, il faut accumuler, dans l'hypothèse d'un
rendement moyen des actifs supérieur de 1 point au taux
obligataire
4(
*
)
, 28 points de PIB (
2.500
milliards de francs
aux conditions économiques actuelles) pour
diminuer le besoin de financement d'1,5 point de cotisations.
Dans le cas d'un fonds permanent, l'apport de ressources est d'autant plus
important que le rendement des placements est élevé, ce qui
conduit à orienter partiellement les investissements vers le
marché actions.
•
L'élargissement de l'assiette des cotisations
Cette piste n'est pas très approfondie par le rapport, qui prend
néanmoins acte de ce que l'intégration dans l'assiette des
cotisations d'éléments de rémunération actuellement
non soumis à prélèvement - telles les primes des
fonctionnaires de l'Etat - conduirait, à terme, à majorer les
charges de retraite.
Le rapport examine la possibilité de déplafonner les cotisations
sociales patronales, ce qui rendrait le prélèvement global sur
les salaires du privé très progressif. Il évoque les
conséquences d'un éventuel basculement des cotisations de
retraite sur la CSG, qui accroîtrait la pression fiscale sur les
retraités et les revenus de capitaux.
•
L'aménagement de certains dispositifs
Le rapport évalue les conséquences d'une
modification de
l'indexation des salaires
dans les régimes du privé.
Depuis la réforme de 1993, l'indexation des salaires portés au
compte des assurés du régime général est
effectuée conformément à l'évolution des prix. Les
conséquences d'un changement de cette indexation - et non de
l'indexation des pensions - au profit d'une indexation sur l'évolution
des salaires conduiraient à majorer en 2040 les dépenses du
régime général de 20 % environ, soit 6 points de
cotisation.
Le rapport étudie également la possibilité de faire
financer par la branche famille l'ensemble des avantages familiaux liés
aux retraites, tandis que pourrait être envisagée une meilleure
prise en compte dans la durée d'assurance de certaines périodes
d'activité ou d'inactivité. Le rapport évoque enfin
l'éventualité de prendre en compte dans la durée
d'assurance la pénibilité du travail, sous réserve de
mettre en place un système de modulation de la cotisation des
entreprises concernées.
En conclusion, le rapport du Commissariat général du Plan
recommande
d'engager dès à présent la réforme du
système de retraite,
avant que le choc démographique ne fasse
sentir ses effets, c'est-à-dire avant 2006 :
- si l'on veut décaler l'âge de la retraite, il faut pouvoir
le faire progressivement pour éviter de désavantager certaines
générations et soumettre le marché de l'emploi à un
choc soudain ;
- si l'on veut recourir à des mécanismes de capitalisation,
en complément de la gestion en répartition, il faut accumuler un
capital suffisant avant que soit atteinte la période de plus fort
déséquilibre des régimes de retraite. Ceci contraint
à démarrer l'accumulation avant le début de la phase de
dégradation.
Le rapport recommande enfin de relayer le débat national par des
négociations décentralisées
au sein des
régimes et de mettre en place un
dispositif de pilotage
.
Le rapport de M. Charpin,
qui constitue, il faut le souligner, un
travail remarquable réalisé dans des délais très
brefs,
confirme donc une nouvelle fois la nécessité et
l'urgence de réformer notre système de retraite.
II. L'ÉCHEC D'UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ
A. LA MISSION CONFIÉE AU COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN POURSUIVAIT UN OBJECTIF PÉDAGOGIQUE
1. Un objectif : " un diagnostic aussi partagé que possible "
La
mission confiée au Commissariat général du Plan visait
implicitement à faire prendre conscience aux partenaires sociaux de
l'ampleur des défis et à " tester " quelques voies de
réforme.
La lettre du Premier ministre soulignait :
" Il est du devoir du
Gouvernement d'attirer l'attention des partenaires sociaux et de l'ensemble des
citoyens sur le caractère brutal de ce choc démographique
inéluctable, et de les appeler à débattre des
conséquences de cette évolution pour nos régimes de
retraite. "
Elle confiait à M. Jean-Michel Charpin, Commissaire
général du Plan, la mission d'élaborer
" un
diagnostic aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les
gestionnaires des différents régimes. "
Conformément à la demande du Premier ministre, le Commissaire
général du Plan a réuni une commission de concertation qui
comprenait des représentants de l'ensemble des organisations syndicales
et patronales, des retraités, des régimes de retraites et des
ministères concernés.
Cette commission s'est réunie à onze reprises, du 8 octobre
1998 au 25 mars 1999
(cf. calendrier de la commission de
concertation).
Chaque réunion été précédée de la
remise aux participants de documents techniques réalisés par des
experts sur les thèmes évoqués.
La réunion du 25 mars 1999 a été consacrée à
la présentation du rapport par M. Charpin. A l'issue de cette
réunion, les organisations syndicales et patronales ont
été invitées à faire parvenir au Commissariat
général du Plan leurs commentaires sur le rapport. Ces
commentaires et déclarations ont été annexées au
rapport sous la rubrique " Avis des organisations ".
Le rapport final se compose donc du rapport proprement dit et des avis des
partenaires sociaux, à l'image de certains rapports du Conseil
économique et social.
Cette présentation n'était probablement pas celle qui
était souhaitée initialement par le Premier ministre lorsqu'il
évoquait
" un diagnostic aussi partagé que
possible ".
Il n'a cependant pas été possible de
procéder autrement tant se sont révélées fortes les
réserves des partenaires sociaux sur le contenu du rapport.
Calendrier de la commission de concertation
Séance n° 1 |
Niveau de vie des retraités |
8 octobre 1998 |
Séance n° 2 |
Présentation des différents régimes de retraite |
23 octobre 1998 |
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(Organisation du système et masses financières en jeu) |
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Séance n° 3 |
Les transitions de l'activité vers la retraite, les |
5 novembre 1998 |
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dispositifs de préretraite et le cumul emploi-retraite |
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Séance n° 4 |
Comparaisons internationales (les systèmes de retraite |
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étrangers, les réformes et projets de réforme, et la |
19 novembre 1998 |
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méthode de concertation adoptée) |
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Séance n° 5 |
Projections à long terme : présentation des hypothèses |
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démographiques et macro-économiques (conséquences |
3 décembre 1999 |
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macro-économiques du choc démographique) |
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Séance n° 6 |
Projections financières des régimes de retraite |
17 décembre 1998 |
Séance n° 7 |
Projections financières des régimes de retraite (suite) |
7 janvier 1999 |
Séance n° 8 |
Comparaisons inter-régimes |
28 janvier 1999 |
Séance n° 9 |
Comparaisons inter-régimes (suite) et examen de |
11 février 1999 |
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variantes de projections financières |
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Séance n° 10 |
Variantes de projections financières (suite) |
25 février 1999 |
Séance n° 11 |
Examen du projet de rapport |
25 mars 1999 |
2. Un souci évident de concertation
Lors de
ces réunions, la commission de concertation a examiné les travaux
d'analyse et de projection préparés par les experts ; elle a
pu, comme le souhaitait le Premier ministre dans sa lettre de mission,
commander des variantes et a offert à chacun des participants la
possibilité d'exprimer son appréciation sur les
éléments présentés.
Cette démarche de concertation parallèle à l'avancement
des travaux était innovante. Sur ce point, la mission Charpin se
distingue des travaux menés antérieurement dans le cadre du Livre
blanc ou du rapport Briet de 1995 qui constituaient essentiellement des travaux
d'experts.
Il faut saluer le rôle essentiel joué par le Commissaire
général du Plan dans le bon fonctionnement de la commission de
concertation : M. Charpin a maintenu un dialogue permanent avec les
représentants des partenaires sociaux, acceptant très volontiers,
sur leur demande, de modifier certaines hypothèses, d'introduire de
nouvelles variantes ou d'approfondir certains points.
La variante à 3% de chômage - il s'agit d'une
variante
et
non d'un
scénario
- a ainsi été introduite à
la demande de certaines organisations syndicales. Elle a eu pour
intérêt de montrer que même un retour au plein emploi ne
résolvait pas les difficultés futures des régimes de
retraite.
Elle constitue cependant le seul véritable apport des partenaires
sociaux au contenu du rapport.
En effet, si chaque organisation a pu faire part de ses positions sur les
documents présentés, les véritables échanges entre
les participants ont été finalement rares. Ces échanges
ont surtout porté sur les hypothèses : le taux de croissance
de 1,5% a été jugé modeste, le choix d'un scénario
central comportant un taux de chômage d'équilibre à 9% a
été très contesté.
Il semble en revanche qu'il n'y ait pas vraiment eu de discussions approfondies
sur les propositions de réformes, qui ont surtout donné lieu
à l'expression, par les partenaires sociaux, de positions
traditionnelles.
Malgré le souci évident de concertation qui animait le
Commissaire au Plan, la commission n'a pas fonctionné comme un
véritable groupe de travail. Au demeurant était-ce sa
vocation ?
Le rapport final est celui du Commissariat général du Plan,
pas celui de la commission de concertation.
Le diagnostic a donc été indéniablement concerté.
Mais, comme le souligne lui-même M. Jean-Michel Charpin,
"
il serait abusif de le présenter comme un diagnostic
partagé
".
B. LE DIAGNOSTIC S'AVÈRE TRÈS LARGEMENT CONTESTÉ PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX
L'échec était sans doute prévisible.
Ardue, la
tâche s'est d'ailleurs avérée très vite compromise.
Dès le début, et par écrit, la CGT-FO précisait
qu'elle ne pouvait pas s'engager sur un objectif de diagnostic partagé,
rappelant notamment qu'un consensus peut se constater
a posteriori
mais
non se décréter
a priori
.
Dans un courrier adressé à M. Jean-Michel Charpin, le 22
octobre 1998, M. Marc Blondel, Secrétaire général,
écrivait en effet :
" Qu'il s'agisse du rôle et des
modalités de la protection sociale collective, de la prise en compte des
effets importants des orientations en matière de politique
économique mais aussi des questions telles que la démographie
où les experts eux-mêmes débattent contradictoirement, il
est par définition difficile de préjuger d'un diagnostic commun.
Autant la démocratie qui sied au Plan est importante, autant il
apparaît pour le moins audacieux de postuler a priori un objectif
consensuel. "
A l'issue du processus de concertation, il est apparu que le contenu du
rapport, "
L'avenir de nos retraites
", faisait l'objet de
critiques sévères de la part des partenaires sociaux, à
l'exception de la CFDT dont les réactions apparaissent les plus
mesurées.
Ces critiques et remarques, qui figurent en annexe du rapport sous la rubrique
"
Avis des organisations
" et qui ont été
abondamment relayées par les médias, portent autant sur les
hypothèses et les résultats des projections que sur les pistes de
réformes envisagées par le rapport.
1. La contestation des hypothèses et des résultats des projections
Dans
leurs contributions écrites, plusieurs organisations se rejoignent pour
formuler un certain nombre de critiques méthodologiques.
Certaines organisations syndicales regrettent le choix d'hypothèses
qu'elles qualifient souvent de
" pessimistes ",
voire, pour la
CGT, de
" catastrophistes ".
La CFE-CGC souligne ainsi
" qu'elle a apprécié la
qualité des travaux de l'équipe du Plan et du dialogue qui a
été mené, même si elle ne partage pas le pessimisme
des hypothèses imposées et si elle regrette un certain nombre de
lacunes dans les pistes ouvertes. "
Pour la FSU,
" l'utilisation des prévisions
démographiques est biaisée : pour les besoins de la cause,
l'évolution du rapport actifs/retraités est
privilégiée par rapport à celle du rapport actifs/ensemble
des inactifs, qui s'accroît beaucoup moins vite que le premier.
" - Le rapport table sur la poursuite de ce que certains
économistes ont appelé la " crise de la
productivité " : c'est ce que traduisent les hypothèses
d'une augmentation tendancielle de 1,7 % de la productivité du
travail, et de 1,5 % de la productivité globale. Ces
hypothèses ne sont pas argumentées, et le rapport rejette d'un
revers de main l'idée que l'avènement des nouvelles technologies
pourrait à terme engendrer d'importants progrès de
productivité ;
" - Il prend comme hypothèse centrale celle d'un taux de
chômage de 6 %, en avançant l'idée scandaleuse que ce
taux de " chômage structurel " correspond au pourcentage que
représenterait la main d'oeuvre inemployable, que -compte tenu de
l'" inadaptation " de ses qualifications- la collectivité
serait incapable d'insérer.
" Ces hypothèses traduisent une attitude inacceptable de
démission dans la lutte nécessaire pour le développement
de la croissance et de l'emploi. Elles reflètent en même temps la
soumission à une " pensée unique ", qui ne prend
même pas en compte les avancées récentes de la
théorie économique " standard ", alors que ces
dernières mettent en évidence la capacité des
dépenses collectives utiles (formation, recherche...) à provoquer
une croissance " endogène ".
Pour sa part, le Comité national des retraités et des personnes
âgées (CNRPA) s'élève
" contre la
procédure d'intégration des revenus du patrimoine, ô
combien disparates, dans les ressources des retraités ce qui a permis un
constat de parité entre ces dernières et celles des actifs. Il
faut comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire les salaires des
actifs et les pensions des retraités. "
La CFTC met l'accent sur
" l'insuffisante prise en compte de la
variable démographie du pays (nombre d'habitants) bien qu'elle n'offre
pas une grande sensibilité quant au résultat jusqu'à
2040. "
La plupart des organisations syndicales relativisent en outre la
fiabilité de projections réalisées à un horizon
aussi lointain.
La CFTC souligne ainsi :
" Reste que décrire la situation
économique de la France dans 30 ou 40 ans, le niveau du PIB et sa
ventilation, le taux d'activité et donc le niveau du chômage,
l'incidence des flux financiers... semble aventureux. Une grande prudence dans
les prévisions s'impose donc. "
Pour la CGT,
" Personne ne peut déterminer aujourd'hui à
quel âge on devra partir en retraite dans trente ou quarante ans car
personne ne sait aujourd'hui ce qu'il adviendra d'ici là de la
société dans laquelle nous vivons. Quelle démographie,
quelle immigration, quel allongement de la durée de vie sans
incapacité physique ou intellectuelle, quels gains de
productivité ? Quelle durée de travail hebdomadaire,
annuelle, quelle organisation du travail et notamment quel partage tout au long
de la vie active entre temps de formation, temps d'activité
professionnelle, temps d'activité sociale, temps de repos, de loisirs,
de vacances, etc. ? "
La FEN-UNSA remarque que
" l'apparence de vérité absolue
que présentent les nombres pourvus de décimales conduit à
rejeter dans l'ombre les remarques méthodologiques qui devraient en
atténuer singulièrement la portée. "
La CFE-CGC déclare pour sa part :
" il nous semble
nécessaire de ne pas nous appuyer sur des projections théoriques
qui sont le reflet de modèles d'ores et déjà
dépassés, afin qu'un véritable débat puisse
s'instaurer. "
S'agissant des résultats des projections et du diagnostic proprement
dit, certaines organisations syndicales et patronales contestent les analyses
du rapport, regrettant parfois que l'accent n'ait pas été mis sur
tel ou tel aspect.
A l'inverse de ce qu'avance le rapport, la CFTC fait valoir :
" Des analyses qui ont été faites et qui ont
été exposées devant la commission de concertation du Plan,
il ressort que la variable la plus sensible sur la question des retraites est
celle de l'emploi. Il apparaît donc indispensable de lier les
études sur évolution de l'emploi et évolution des
retraites. "
Pour sa part, la CGT-FO s'interroge :
" Nous ne pourrions plus
payer les retraites en 2040 ? Qui aurait envisagé en 1960 qu'en
l'an 2000, nous assumerions les taux de remplacement actuels avec plus de 3
millions de chômeurs et 1 million de RMIstes ? Nous refusons donc de
nous laisser enfermer dans un carcan monétariste et comptable. "
Le MEDEF juge que le contenu du rapport
" ne reflète (...) pas
la réalité d'aujourd'hui qui est le mode de calcul très
avantageux des retraites des régimes spéciaux, nonobstant
l'absence de prise en compte des primes pour le calcul des pensions, primes qui
ne sont d'ailleurs pas assujetties à cotisations. Il est
néanmoins souligné que l'écart devrait se creuser entre
les assurés des régimes qui ont fait l'objet de réformes
et les autres, ce qui est en réalité déjà le cas.
" De plus, cette présentation masque l'élément
essentiel, c'est-à-dire que calculé par rapport à la
cotisation payée par le salarié, le retour sur contributions est
beaucoup plus favorable pour les retraités du secteur public. "
Pour le MEDEF,
" l'équilibre des régimes spéciaux
est en effet garanti par une contribution massive de l'employeur,
baptisée " subvention d'équilibre " ou
" cotisation fictive ". Or, ce sont, pour la plus grande part, les
employeurs et les salariés du secteur privé qui
bénéficient des retraites les moins importantes, et les usagers
du secteur privé qui assument, par l'impôt et à travers le
coût des services publics, le surcoût des retraites du secteur
public.
" Les systèmes de retraite fonctionnent selon une logique de
solidarité à l'envers, ce sont ceux qui ont le moins d'avantages
qui contribuent pour garantir les avantages plus élevés des
autres. "
La CFTC juge au contraire que "
La méthode de travail choisie
par le Commissariat général du Plan conduit à la
" dramatisation " du problème de la retraite. De plus,
l'orientation du débat conduit systématiquement à la
remise en cause des régimes spéciaux et plus
particulièrement de celui des fonctionnaires ".
Elle
considère que cette dramatisation est
" inutile ".
Il apparaît au total, et ceci a été confirmé lors
des nombreuses auditions auxquelles votre rapporteur a procédé,
que
la partie proprement diagnostic du rapport, c'est-à-dire
l'état des lieux et les projections à long terme, ne fait l'objet
d'aucun consensus parmi les partenaires sociaux.
Les critiques sont naturellement plus vives encore à l'égard des
propositions que contient le rapport.
2. Le rejet des propositions
Parmi
les organisations syndicales, seule la CFDT
" se retrouve dans les 12
constats dégagés par la commission et partage le diagnostic
établi. "
; elle juge la réforme des retraites
" indispensable "
et
" urgente "
:
" indispensable car le système de retraite par
répartition a fait ses preuves et doit absolument pouvoir continuer
à assurer des pensions d'un bon niveau aux salariés, c'est
l'objectif premier pour la CFDT "
;
" urgente : cinq
ans est un délai très court pour se préparer à
faire face au choc démographique ; il n'y a donc plus de temps
à perdre. ".
L'allongement de la durée de cotisation fait ainsi l'objet d'un rejet
quasi unanime de la part des organisations syndicales, à l'exception de
la FNSEA.
Ainsi, pour la FNSEA,
" la proposition d'allonger progressivement la
durée d'assurance nécessaire pour bénéficier de la
retraite au taux plein doit être approuvée. Cette mesure doit
évidemment être appliquée à tous les régimes
de retraite mais elle doit être complétée par divers
aménagements de la réglementation actuelle. ".
En revanche, la CFTC note que
" l'allongement de la durée
d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux
plein, qui est envisagé par le Commissariat général du
Plan, s'inscrit à contresens de la situation actuelle de l'emploi,
marquée par le chômage massif des jeunes, la
précarité et les cessations précoces
d'activité. ".
Les
retraites au péril du libéralisme
5(
*
)
ou la critique radicale du rapport
Charpin
Dans cet
ouvrage collectif rédigé par un groupe de travail réuni
sous l'égide de la Fondation Copernic, les auteurs s'efforcent de
montrer que
" l'organisation actuelle des retraites ne doit pas
fondamentalement être remise en cause, qu'elle avait en elle-même
les capacités, la souplesse, la vitalité pour résoudre les
problèmes qui pourraient éventuellement se poser dans les
prochaines décennies. "
Une conclusion découle de ces
travaux :
" il n'est pas acceptable, sur la base d'hypothèses
discutables, de prendre aujourd'hui des mesures régressives socialement
pour résoudre d'hypothétiques problèmes en 2040. "
Pour les auteurs,
" Deux mesures sont ainsi envisagées :
outre l'augmentation du nombre d'annuités nécessaire pour avoir
droit à une retraite à taux plein, il s'agit d'instaurer des
fonds de pension comme appoint à la répartition. Il faut
comprendre à quel point ces deux mesures sont complémentaires.
L'augmentation du nombre d'annuités reviendra de fait pour beaucoup de
salariés à une baisse importante des niveaux des pensions issues
de la répartition. Cette baisse programmée sera un
" encouragement " pour ceux qui en ont les moyens (les mieux
payés dans les grandes entreprises, quant aux autres...),
bénéficiant pour cela d'aides financées par la
collectivité, d'adhérer à des fonds d'épargne
censés leur verser une rente complémentaire.
"
Selon les auteurs,
" Sans surprise, le rapport Charpin donne son aval
à la mise en oeuvre du fonds de réserve qui vient d'être
créé par le gouvernement. Ce fonds de réserve, dont le
rapport préconise qu'il soit essentiellement placé en actions,
n'est évidemment rien d'autre qu'un fonds de capitalisation. Nous avons
montré au cours de ce livre que la capitalisation ne pouvait en aucun
cas répondre au problème démographique. C'est pourtant
cette illusion que le rapport colporte à propos du fonds de
réserve. "
Les auteurs considèrent que
" l'introduction de fonds de
pension, loin d'être le complément harmonieux d'une
répartition consolidée, en serait le fossoyeur. Les
régimes de retraites échappaient pour l'essentiel à
l'emprise du capital. L'extension du champ de la finance entraînerait un
nouvel affaiblissement des possibilités de décision
démocratique. La cohésion du salariat, déjà mise
à mal par le développement du chômage et de toutes les
formes de précarité, serait encore plus entamée. Bref,
l'offensive néolibérale aurait remporté un nouveau
succès. "
Celui-ci n'est pourtant pas inévitable
" Certes, toute la
communication mise en oeuvre vise justement à essayer de
délégitimer les mobilisations possibles. C'est l'objectif du
rapport Charpin et de sa présentation médiatique. Nos
gouvernants, échaudés par le mouvement de décembre 1995 -
Lionel Jospin a eu une phrase révélatrice de sa pensée
profonde en disant que la méthode Juppé avait fait perdre 4 ans-,
ont utilisé les séances de la commission Charpin comme une
préparation d'artillerie pour essayer de paralyser la volonté de
riposte des salariés. Les accusations habituelles d'archaïsme et de
corporatisme à l'endroit de ceux qui refusent la logique libérale
ayant montré leurs limites, la " science économique " a
été convoquée pour démontrer le caractère
inévitable des mesures à prendre. " (...)
" Car, au-delà du débat intellectuel absolument
indispensable, c'est bien maintenant de mobilisation sociale qu'il devrait
s'agir. Celle-ci doit certes d'abord bloquer des projets qui signifieraient,
s'ils étaient appliqués, une régression sociale majeure.
Mais il serait insuffisant d'en rester là. Nous ne pouvons par exemple
nous satisfaire des inégalités programmées par la
réforme de 1993 entre salariés du privé et du public.
Revenir sur celles-ci doit permettre de rétablir une
équité mise à mal par le gouvernement Balladur. Plus
largement, il faut imposer un véritable débat démocratique
sur l'avenir des retraites. Il doit permettre de poser les alternatives
réelles en matière des grands choix sociaux qui doivent
être l'objet d'une maîtrise consciente de la part des
citoyens. "
La CFE-CGC s'interroge :
" Comment peut-on proposer, sans
réflexions préalables, un allongement de la durée de
carrière en pronostiquant un taux de chômage à 9 % et
en ignorant les pratiques actuelles de gestion des fins de carrières par
des entreprises qui qualifient " d'âgés " les
salariés dès 50 ans ? A tout le moins un engagement
financier de l'Etat est indispensable pour garantir le maintien dans un
régime indemnitaire de tous les salariés privés d'emploi
avant 60 ans, jusqu'à ce qu'ils puissent bénéficier de
leurs droits à une retraite sans abattement. ".
Pour la CGT,
" l'allongement de la durée de cotisation n'est pas
la solution au problème du financement des retraites dans un contexte de
sous-emploi. Reculer aujourd'hui l'âge de la retraite reviendrait :
" - soit à transférer des charges assumées
aujourd'hui par les régimes de retraite sur le régime d'assurance
chômage ; on ferait alors le très mauvais choix de financer
du chômage, y compris pour les jeunes, plutôt que de la
retraite ;
" - soit à contraindre les salariés âgés
de soixante ans à faire liquider leur retraite avec un montant de
pension amputé d'un tiers, ce qui serait socialement inacceptable et
économiquement dommageable. "
Pour la CGT-FO,
" accepter a priori et comme évidence que seul
l'allongement de la durée de cotisation sauvera la retraite par
répartition relève du pathétisme et/ou de la
provocation. "
La CGT-FO estime ainsi que
" le rapport du Plan se livre à un
exercice dialectique préconisant des conditions similaires pour les
salariés des services publics et privés, mais avec un alignement
par le bas. C'est l'objet de la proposition de porter la durée de
carrière à 42,5 ans pour tous. L'équité
positive, progressiste eut consisté à ramener la durée de
cotisation à 37,5 ans dans le privé ; à cet
égard, nous tenons à rappeler que les 40 ans de cotisation est la
mesure qui rapporte le moins dans la réforme de 1993.
" L'allongement de carrière trouverait sa justification dans
l'allongement de l'espérance de vie : un trimestre de vie
supplémentaire égale un trimestre de travail
supplémentaire ? Où est le progrès social ? En
fait la motivation n'est que financière et nous renvoie à l'un de
nos précédents propos ; toutes choses égales par
ailleurs, maintenir 1.400.000 salariés âgés de plus de 60
ans dans l'emploi en 2040, c'est une chose mais que fait-on d'autant de jeunes
qui piétinent à la porte des entreprises et se
désespèrent de la société ? "
La contribution de la CGT-FO s'achève d'ailleurs par cette phrase
menaçante :
" Ce que nous avons combattu avec succès
en novembre-décembre 1995, nous ne saurions l'accepter en
1999. "
L'UNSA note pour sa part :
" Alors qu'aucune tendance lourde de
retour au plein emploi ne se dessine, une des préconisations du
Commissaire général du Plan conduit à repousser de fait
l'âge de départ à 65 ans ou plus pour
bénéficier d'une retraite convenable, par le biais d'un
allongement à 42,5 ans de la durée d'affiliation requise
associée à un système d'abattement fortement
pénalisant. Si la version finale du rapport envisage des prises en
compte de périodes d'études ou d'apprentissage, les effets d'un
tel allongement risquent d'être particulièrement pernicieux pour
ceux des salariés, généralement les moins
qualifiés, qui auront pendant des années de galère
enchaîné " petits boulots précaires ",
périodes de chômage (indemnisé ou non, validé ou
non), RMI et autres CES.
" S'agissant des agents de la fonction publique et des services publics,
l'aggravation des règles de calcul envisagées (abattements et
42,5 ans) prend un tour d'autant plus inadmissible qu'il n'est pas tenu
compte du fait qu'il s'agit de régimes statutaires, avec dans certains
secteurs, une majorité de départs en retraite avec une pension
proportionnelle liée à une carrière incomplète. Il
n'est pas tenu compte enfin des spécificités d'emploi se
traduisant par l'exigence de limites d'âge. "
L'UNSA ajoute :
" Nous sommes d'autant plus opposés
à la proposition de passage aux 42,5 ans, que cette mesure aurait pour
effet d'aggraver sensiblement, de notre point de vue, les
inégalités en matière de retraites dont sont victimes,
aujourd'hui déjà, les femmes. "
La FSU refuse l'allongement de la durée d'assurance requise pour avoir
le taux plein :
" Le rapport ne craint pas la contradiction avec
le constat fait dans le chapitre II selon lequel " l'âge de
cessation d'activité est devenu, dans un contexte de fort chômage,
un instrument de la politique de l'emploi ". Il prétend
résoudre cette contradiction en affirmant que " cette
réforme suppose un contexte économique modifié ",
mais -comme on l'a vu- il fait totalement l'impasse sur les conditions par
lesquelles ce contexte pourrait être transformé, et il se
résigne même dans les faits à ce qu'il reste
inchangé.
" Dans la mesure où cette mesure s'inscrit dans le cadre de la
renonciation à la lutte contre le chômage, ou bien on joue les
générations les unes contre les autres -les jeunes voyant leur
entrée dans la vie active contrariée par le maintien au travail
de salariés plus âgés-, ou bien on programme une amputation
drastique des retraites. "
Enfin, le Comité national des retraités et des personnes
âgées (CNRPA) insiste
" pour qu'en aucun cas un
allongement de la durée d'assurance requise pour avoir le taux plein ne
se traduise pas une baisse contrainte du taux de remplacement et souligne
l'incompatibilité de cette mesure avec le sous emploi des jeunes et la
sortie anticipée de la vie active. ".
Les organisations patronales sont en revanche favorables à l'allongement
de la durée de cotisation, le MEDEF considérant, pour sa part,
que le passage à 170 trimestres de cotisation est, à terme,
insuffisant.
Pour le MEDEF,
" Si la réforme proposée, qui est
indispensable, conduit donc effectivement à atténuer l'ampleur
des déficits prévus initialement, elle est loin de permettre,
dans la meilleure hypothèse d'évolution des taux de
chômage, l'équilibre des régimes. "
Le MEDEF considère par conséquent
" que les orientations
envisagées sont à l'évidence insuffisantes, compte tenu de
l'ampleur attendue des déficits des régimes de retraite et
qu'elles reportent les problèmes sur les générations
futures. ".
De même, la CGPME est favorable à l'allongement à 170
trimestres dans tous les régimes de la durée d'assurance requise
pour l'obtention de la retraite à taux plein. Elle fait cependant
observer :
" - d'une part, que le paramètre de la durée
d'assurance n'est pas le seul (...) et que l'harmonisation doit concerner
l'ensemble des paramètres, y compris ceux qui permettent de calculer le
montant des droits à pension (prise en compte des 25 meilleures
années de carrière dans tous les régimes) ;
" - d'autre part, que l'on peut s'interroger sur la
possibilité, pour la grande majorité des futurs
bénéficiaires des régimes de retraites de base,
d'atteindre une telle durée d'assurance, compte tenu d'un certain nombre
d'évolutions intervenues lors des dernières années,
notamment avec l'entrée beaucoup plus tardive dans la vie active.
" En tout état de cause, l'objectif à terme rapproché
doit au moins être de prévoir, pour les
bénéficiaires des régimes spéciaux et particuliers,
l'application des deux éléments majeurs de la réforme de
1993 appliquée au régime général,
c'est-à-dire 160 trimestres pour la durée d'assurance et calcul
des droits à pension sur la base des 25 meilleures années de
carrière. "
Sur le fonds de réserve, les positions s'avèrent moins
tranchées. Certaines organisations sont favorables à son principe
mais ne se prononcent pas sur ses modalités (FO, CFDT). D'autres
conditionnent au contraire leur approbation à l'examen des
modalités d'alimentation et de gestion de ce fonds (CFE-CGC, FNSEA,
UNSA). Pour leur part, les organisations patronales -qui craignent une
augmentation des prélèvements obligatoires- et la FSU en refusent
le principe.
La CFDT souhaite ainsi
" le renforcement du fonds de réserve
pour les retraites. "
La CFE-CGC estime pour sa part que
" la création et le
développement de fonds de réserve collectifs qui lisseraient les
évolutions démographiques à venir est possible dès
lors que son alimentation ne procède pas d'une hausse de cotisation mais
plutôt d'une alimentation à partir des privatisations et des
transferts de réserves telles que celles de change de la Banque de
France devenues sans objet du fait du passage à l'Euro. ".
La CGT-FO considère qu'il convient
" de préserver et de
consolider le système de retraite par répartition, solidaire et
égalitaire. Cette action passe en partie par le développement et
l'abondement du fonds de réserve créé par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, qui permettra
d'amortir l'arrivée massive des retraités à partir de
2006. ".
L'UNSA estime qu'il faudra trouver des financements complémentaires pour
alimenter les régimes obligatoires par répartition, notamment
pour passer le cap des années 2005-2015 :
" Le fonds de
réserve peut constituer une solution intéressante à ce
problème, sous réserve d'en examiner de manière
approfondie les modalités d'investissement, de financement et de
gestion. ".
La FNSEA pose ses conditions à la création d'un fonds de
réserve :
" la constitution de réserve pour le
financement ultérieur des pensions de retraite peut paraître
paradoxale dans le cadre des régimes par répartition.
L'hypothèse n'est crédible que si on est certain que des
ressources sont plus facilement mobilisables aujourd'hui que demain. Or
aujourd'hui, il faut financer un chômage important et un coût de la
santé excessif. A l'avenir, ces coûts seront limités et la
richesse nationale se sera accrue. Un fonds de réserve conjoncturel
n'est donc à la rigueur acceptable qu'à la condition d'être
commun à l'ensemble des régimes de base et dans le but exclusif
de faire face à la hausse brutale du financement nécessaire au
cours des quelques années qui suivront 2005. ".
La FSU refuse
" la proposition complémentaire de la constitution
d'un fonds de réserve (qui) constitue, de l'aveu même du rapport,
un pas vers la capitalisation, et le " rendement " de ce fonds serait
soumis aux aléas du marché financier. Elle vise à faire
accepter -de manière insidieuse- une augmentation des
cotisations. ".
Pour le MEDEF,
" les autres marges d'action proposées par le
rapport impliquent toutes un appel à des contributions
supplémentaires et donc un alourdissement des prélèvements
obligatoires, dont le niveau est déjà très excessif dans
notre pays.
" La création d'un fonds de réserve n'a aucun sens en
situation de déficit budgétaire. Le projet de rapport
n'évoque même pas la question de son financement qui ne pourrait a
priori être assuré au niveau nécessaire que par une
nouvelle augmentation des prélèvements obligatoires. ".
La CGPME est également
" hostile aux suggestions relatives au
" fonds de réserve " destiné à atténuer
le choc financier que vont engendrer inévitablement les nouvelles
conditions démographiques.
" (...) elles impliquent de nouveaux prélèvements
obligatoires importants -plusieurs points de cotisation certainement-, ce qui
renforcerait le niveau global de ces prélèvements, alors
même qu'ils atteignent un degré (46,1 % en 1998, comme en
1997) jugé unanimement intolérable. Au surplus, ces
prélèvements auraient " vocation " bien entendu
à augmenter à partir du moment où ils seraient
pérennisés et si la situation économique
générale s'aggravait, notamment si le taux de chômage
était supérieur à celui prévu dans le schéma
concernant ce fonds de réserve. ".
L'UPA considère que le fonds de réserve
" ne peut
à lui seul régler la question du financement des
retraites ".
Les contre-propositions parfois formulées sont diverses et souvent
contradictoires. Les organisations patronales se rejoignent toutefois dans leur
demande d'une mise en place rapide d'un étage supplémentaire de
retraite par capitalisation sous la forme de fonds de pension.
Pour limiter le vieillissement démographique, la CFTC considère
" qu'une politique familiale moderne mettant en jeu des moyens tant
légaux que financiers, se fixant des objectifs ambitieux pour assurer
une vraie conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, serait, dans
l'immédiat, facteur de dynamisme et de croissance économique, et
à terme, en mesure de stimuler la natalité permettant ainsi le
retour à un taux de fécondité susceptible d'assurer le
renouvellement des générations. ".
La CFE-CGC propose de revoir le système actuel de financement devenu
" caduc "
:
" Nous proposons d'étudier la
substitution d'une partie des cotisations vieillesse, actuellement
intégralement basées sur la masse salariale, en cotisations
assises sur la consommation. Pour les salariés, cette réforme
serait indolore et pour les entreprises, elle permettrait d'envisager une
nouvelle réflexion sur l'emploi devenu moins taxé. ".
La CGT propose un certain nombre de pistes de réforme permettant
" de dégager dès à présent des moyens
supplémentaires de financement pour les retraites. "
:
" La première réforme à entreprendre pour cela est
la réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales. La
contribution des entreprises doit tenir compte de la totalité de la
richesse produite dans l'entreprise et non de la seule masse salariale
proprement dite qui n'en constitue qu'une partie aujourd'hui. (...).
" Une deuxième mesure peut et doit être prise
immédiatement : l'extension de l'assiette des cotisations
salariales et patronales pour la retraite à tous les
éléments de rémunération qui n'en font pas partie
aujourd'hui.
" S'y ajoute une troisième mesure : faire participer les
revenus financiers des entreprises au financement des retraites. ".
Pour l'UNSA,
" le financement doit être élargi
au-delà de la seule référence à la masse salariale,
à la fois, par la participation de l'ensemble des revenus à
l'effort de solidarité intergénérationnelle et par une
profonde réforme des contributions d'employeurs qui pénalisent
actuellement l'emploi. ".
La FNSEA considère pour sa part qu'une augmentation du
prélèvement est
" envisageable ".
Elle juge
qu'il
" n'est pas inconvenant d'envisager une augmentation de la part
du PIB redistribuée aux retraités, actuellement égale
à 12,1 %. ".
Pour la FSU,
" la première marge d'action pour assurer l'avenir
des retraites est celle que peut fournir la relance de la croissance, de la
productivité et de l'emploi. Cela suppose d'autres choix
économiques et sociaux : la répartition et l'utilisation des
richesses à chaque période conditionnent le montant des richesses
futures. Dès lors que la priorité est effectivement donnée
à la croissance et à l'emploi, la donne est radicalement
modifiée. "
Les organisations patronales renouvellent le souhait de la mise en place d'un
étage supplémentaire de retraite par capitalisation.
La CGPME considère que les propositions concernant le fonds de
réserve
" font l'impasse, et c'est là sans doute la
critique majeure, sur tout développement d'un véritable
étage de retraites complémentaires par capitalisation, seuls
susceptible, dans un cadre de souplesse, de compléter les revenus issus
des pensions des régimes de base et des régimes
complémentaires obligatoires par répartition.
La CGPME
" réitère donc sa demande auprès des
pouvoirs publics de mise en oeuvre rapide de dispositions législatives,
y compris les incitations fiscales (jouant notamment à l'entrée
dans le système) permettant la mise en place de ces formules de
retraites complémentaires par capitalisation. Celles-ci pourraient
être mises en place dans le cadre des entreprises, des branches
professionnelles ou au niveau national interprofessionnel. ".
Le MEDEF juge "
tout à fait regrettable que, dans le cadre d'une
réflexion ayant pour objet d'explorer toutes les pistes, la question de
la capitalisation n'ait finalement été abordée qu'au
travers du fonds de réserve. L'apport des fonds de pension en tant que
complément de la répartition n'a fait l'objet d'aucune
étude approfondie. ".
Pour sa part, L'UNAPL
" demande, avec détermination, qu'à
coté du système par répartition, il soit établi des
formes de capitalisation pouvant apporter un complément de
prévoyance. Ces formes de capitalisation doivent pouvoir
bénéficier d'une défiscalisation les rendant attractives.
L'épargne des Français est actuellement très importante
mais, aujourd'hui, elle est trop orientée vers des placements
obligataires destinés le plus souvent à financer la dette de
l'Etat et qui devraient, dans l'intérêt même de
l'économie nationale, servir à l'amélioration de la
retraite de nos concitoyens. ".
Au vu de ce bilan, on peut s'interroger sur l'utilité réelle
de cette concertation qui n'a abouti à aucun résultat tangible.
Il n'y a que le Premier ministre pour feindre de croire, dans l'entretien
accordé au
Parisien
le jeudi 29 avril 1999, que
" tout le
monde s'accorde désormais sur la réalité et l'ampleur des
difficultés que va rencontrer, si rien n'est fait, notre système
de retraites "
et que
" le diagnostic que fait le rapport
Charpin est partagé par tous. "
Pour votre rapporteur, cela ne semble pourtant pas l'avis, par exemple, de la
FSU qui
" ne partage pas des éléments essentiels de ce
diagnostic, (...) conteste la sélection qui a été faite
des scénarios fondant les projections qui sont présentées,
(...) rejette a fortiori les pistes de réforme qui sont
avancées. ".
L'objectif pédagogique de cette mission a, à
l'évidence, échoué. Le rapport Charpin s'avère en
fin de compte un nouveau travail d'experts, réalisé, il est vrai,
sous le regard des partenaires sociaux.
Mais, peut-être le véritable objectif de la mission confiée
au Commissaire général du Plan était-il, par-dessus la
tête des partenaires sociaux, de s'adresser directement à
l'opinion publique ?
Il semble toutefois que le premier effet sur l'opinion publique du rapport
Charpin soit davantage une inquiétude diffuse quant à la
pérennité de nos régimes de retraite que la prise de
conscience d'une nécessaire réforme.
A court terme, le rapport Charpin risque donc d'avoir surtout pour effet
d'encourager les efforts d'épargne individuels...
III. LES CHOIX IMPLICITES DE L'INACTION
A. LE GOUVERNEMENT SUBORDONNE TOUTE RÉFORME AUX RÉSULTATS D'UNE NOUVELLE CONCERTATION
1. L'annonce d'une nouvelle phase de concertation témoigne de la volonté du Gouvernement de se démarquer des conclusions du rapport
Dans ces
conditions, on comprend mieux l'attitude prudente du Gouvernement qui n'a pas
voulu être prisonnier du rapport et a pris très tôt ses
distances à l'égard de ses conclusions.
Le dossier de presse du service d'information du Gouvernement, distribué
le 29 avril 1999 à l'occasion de la remise du rapport au Premier
ministre, précise ainsi :
" Ces propositions du
Commissariat général du Plan sont versées au débat
public. Elles n'engagent pas le Gouvernement. ".
Reconnaissant implicitement que l'objectif de concertation assigné
à la commission Charpin avait échoué, le communiqué
de presse de Matignon publié le même jour annonce la
méthode que compte suivre désormais le Gouvernement :
" Ce diagnostic constitue la première étape de la
démarche engagée par le Gouvernement.
"
Une nouvelle phase de concertation va désormais s'ouvrir. Elle
portera tant sur la méthode que sur les voies de réforme
possibles.
6(
*
)
Cette concertation sera
animée par Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la
Solidarité, avec le concours des autres ministres concernés,
notamment M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Economie des Finances
et de l'Industrie, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'Equipement, des
Transports et du Logement, et M. Emile Zuccarelli, ministre de la Fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la
Décentralisation. ".
" A la fin de cette année, le Gouvernement dégagera les
orientations générales de réforme des régimes de
retraite
.
" Trois principes guideront les choix du Gouvernement :
"
- Consolider les régimes de retraite par
répartition
. (...) Lorsque les orientations générales
auront été définies, chaque régime devra s'inscrire
dans cette démarche, en tenant compte de ses propres
spécificités. Les efforts nécessaires devront être
assurés par tous, de façon équitable.
"
- Reconstruire une société du plein emploi
.
Une croissance économique soutenue et le retour à un haut niveau
d'emploi seront de nature à retarder l'apparition des
déséquilibres financiers et ouvriront également de
nouvelles voies de financement pour faire face aux difficultés futures,
notamment par le développement du fonds de réserve
créé en 1998. (...)
"
- Réformer de manière progressive
. Le
Gouvernement proposera aux partenaires sociaux de réfléchir, dans
le cadre de la réforme, à la mise en place d'un dispositif
permanent de pilotage du système des retraites. "
Dans un entretien accordé au Parisien le même jour, le Premier
ministre semble prendre plus de distance encore à l'égard du
rapport. Il indique ainsi que la deuxième concertation portera
également
" sur les hypothèses du rapport
Charpin ".
A la lecture de ces propos, on se demande si l'on doit comprendre que le
rapport Charpin a été totalement inutile et qu'il faut envisager
de revoir l'intégralité de son contenu, y compris les
hypothèses sur lesquelles il s'appuie.
S'agissant d'éventuelles décisions, le Premier ministre
confirme la position très prudente du Gouvernement :
" C'est pourquoi je crois raisonnable de dire que nous pourrons
dégager les orientations nécessaires à la réforme
de notre système de retraites à la fin de cette
année. ".
2. Les décisions sont encore repoussées
Le
calendrier prévisionnel serait donc le suivant : concertation
jusqu'à la fin de l'année 1999 puis définition des
" orientations " à cette date. Les décisions, si
décisions il y a, ne seraient donc annoncées que dans le courant
de l'année 2000, soit près de trois ans après
l'arrivée au pouvoir de l'actuel Gouvernement !
Invité du Journal de TF1, le 13 janvier 1999, le Premier ministre avait
pourtant indiqué :
" nous nous orientons vers des
premières prises de décision (sur les retraites) dès la
fin de l'année 1999. "
Trois mois plus tard, il n'est plus
désormais question que d'
" orientations ".
A
mesure que l'obstacle s'approche, le Gouvernement cherche à se
dérober.
Après avoir répété que les décisions
étaient conditionnées aux résultats de la mission Charpin,
ce qui avait conduit votre rapporteur à intituler
" En attendant
Charpin... "
le titre d'une partie de son rapport sur le volet
vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999, le Gouvernement annonce désormais que les réformes
viendront après une nouvelle concertation !
Personne ne peut naturellement contester le souci de concertation sur un sujet
aussi sensible que les retraites ;
toutefois, la concertation ne doit
pas constituer un prétexte à l'inaction.
De concertation en concertation, le Gouvernement essaie avant tout de gagner du
temps.
S'agit-il de nier l'évidence ? D'une incapacité
à imposer la réforme à sa majorité plurielle ?
Ou d'un refus d'assumer les risques politiques de décisions difficiles
et pourtant indispensables ?
Les gouvernements de MM. Balladur et Juppé avaient engagé
des réformes courageuses, celui de M. Jospin a décidé
d'attendre 2000 pour faire part de ses " orientations ", fuyant ainsi
ses responsabilités.
On remarquera d'ailleurs que la nouvelle concertation que devrait piloter Mme
Martine Aubry a déjà pris un certain retard. Aucune rencontre
avec les partenaires sociaux n'est encore prévue et il semble que cette
nouvelle concertation, dont on ignore encore les modalités, ne
démarrera véritablement qu'à l'automne.
Il apparaît donc que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 ne comportera aucune mesure
d'importance relative aux retraites et que l'année 1999
s'achèvera sans qu'aucune décision n'ait été prise
sur les retraites.
Les véritables réformes sont une fois encore
différées et rien ne garantit d'ailleurs qu'elles seront un jour
effectivement engagées.
En effet, selon Le Monde daté du 23 juin, le Premier ministre a ainsi
évoqué en ces termes, devant le groupe socialiste de
l'Assemblée nationale, la question des retraites :
" A la fin de l'année, nous dégagerons les orientations
générales de la réforme. Mais qu'il n'y ait pas
d'ambiguïtés :
il n'y aura pas de grand soir des
retraites
. (...) Les discussions devront s'engager dans chaque
régime, pour tenir compte des spécificités de ces
régimes. (...) ".
On ne saurait être plus prudent... Faute de " grand soir ", il
est à craindre des lendemains difficiles.
B. L'ATTENTISME DU GOUVERNEMENT CONSTITUE DÉJÀ UNE FORME DE CHOIX
1. Les dangers de l'attentisme
Peut-on
encore attendre pour prendre les mesures qui s'imposent ?
Votre commission considère pour sa part qu'il y a
urgence
.
Le Président de la République l'a lui-même solennellement
rappelé lors de la remise à l'Elysée, le 31 mai
dernier, de la Médaille de la Famille française :
" Il n'est pas de grand enjeu collectif qui n'ait aussi une dimension
démographique. Prenons par exemple
le problème des retraites,
qui préoccupe à juste titre tous les Français.
7(
*
)
Il n'est pas seulement financier, il est d'abord
(...) démographique.
La question du financement des retraites, dont
le traitement ne peut plus être différé
aujourd'hui
,
n'est qu'une des conséquences d'un
problème plus crucial encore, celui du renouvellement de notre
population. (...)
" Au-delà,
il importe que les réformes nécessaires
et maintenant urgentes qui devront être conduites pour sauvegarder nos
régimes de retraite
ne pénalisent pas les familles. "
Ces propos contrastent avec la relative insouciance du Premier ministre qui
déclarait au Parisien, le 29 avril dernier :
" La
précipitation serait une erreur : les problèmes financiers
ne se posent, je le répète, qu'à partir de 2005.
Nous
avons le temps.
"
Dans un entretien accordé au mensuel " Liaison sociales " de
mai 1999, M. Jean-Michel Charpin met pourtant lui-même l'accent
" sur l'urgence de décisions à prendre ".
Comme le souligne très pertinemment M. Jean-Michel Charpin,
" si l'on décide de ponctionner les revenus des actifs pour
rééquilibrer financièrement le système, sans faire
de capitalisation, il n'y a aucune nécessité de le faire
aujourd'hui.
En clair, si l'on veut atteindre l'équilibre financier
par une hausse des cotisations, il suffit de commencer en 2005. ".
En revanche,
"
si l'on décide d'agir autrement, il faut
démarrer tout de suite.
Si l'on veut constituer un complément
au financement du régime par répartition, en accumulant du
capital dans un fonds de réserve, il faut prendre de l'avance par
rapport à la dégradation des comptes. Et si l'on veut jouer sur
l'âge de la retraite, il faut que l'ajustement soit étalé
sur une très longue période pour préserver
l'équité entre les générations. ".
Selon M. Jean-Michel Charpin,
"
Le principal danger serait
précisément de refuser d'affronter le problème en temps
utile
. On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les
arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les
avoir anticipés, on risquerait justement de faire porter tout le poids
du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible
de générations qui pourraient alors refuser un effort
supplémentaire. ".
Votre commission ne peut que partager la teneur des propos du Commissaire
général du Plan.
En repoussant des décisions
indispensables, le Gouvernement fait en réalité un choix
implicite : celui de la hausse future des cotisations.
2. L'urgence des réformes
a) La nécessaire réforme des régimes spéciaux de retraite
Votre
rapporteur a bien conscience que la question des régimes spéciaux
est un sujet délicat. L'annonce d'une possible réforme de ces
régimes dans le cadre du plan Juppé présenté
à l'automne 1995 a en effet été en partie à
l'origine des mouvements sociaux des mois de novembre-décembre 1995 et
l'ampleur des protestations a conduit au retrait des projets annoncés
et, plus largement, à un blocage des processus de réforme dans ce
secteur.
Or, le rapport Charpin a confirmé de manière irréfutable
que les perspectives financières de ces régimes ne sont pas plus
favorables que celles du régime des salariés.
Il a également montré que ces régimes sont en
réalité plus avantageux que ceux des salariés du secteur
privé : calculé par rapport à la cotisation
payée par le salarié, le retour sur contributions apparaît
beaucoup plus favorable pour les retraités des régimes
spéciaux. L'équilibre de ces régimes est en effet
assuré par une contribution massive de l'employeur sous forme d'une
subvention d'équilibre ou d'une " contribution fictive ".
Les écarts vont donc encore s'accroître entre les assurés
des régimes spéciaux et les assurés des régimes qui
ont déjà connu des réformes, au détriment de ces
derniers. Ce phénomène n'est pas acceptable.
Le taux d'effort en 1996 (1)
|
Taux légal salarié |
Taux légal employeur |
Taux légal global |
Taux de cotisation réel |
Points de cotisations pour les pensions |
Points de cotisations pour la vieillesse |
Part des pensions couvertes par les cotisations |
CNRACL |
7,85 % |
25,10 % |
32,95 % |
33,1 % |
22,0 % |
33,6 % |
150,3 % |
RATP |
7,85 % |
15,34 % |
23,19 % |
22,3 % |
63,1 % |
66,2 % |
35,3 % |
SNCF |
7,85 % |
28,44 % |
36,29 % |
38,5 % |
114,7 % |
114,7 % |
33,5 % |
IEG (1997) |
7,85 % |
contribution
|
|
63,6 % |
59,6 % |
64,3 % |
106,7 % |
FP civils et militaires (1997) (1) |
7,85 % |
contribution
|
|
7,4 % |
45,5 % |
51,7 % |
18,2 % |
FP civils et militaires (1997) (2) |
7,85 % |
contribution
|
|
51,7 % |
45,5 % |
51,7 % |
113,7 % |
CNAVTS |
6,55 % |
8,20
%/
|
16,35 % |
17,0 % |
20,8 % |
22,5 % |
81,8 % |
ARRCO (taux moyen appelé 1996) (3) |
2,92 % |
4,38 % |
7,30 % |
10,0 % |
10,1 % |
10,1 % |
99,5 % |
AGIRC (taux
moyen
|
6,96 % |
11,96 % |
18,92 % |
24,7 % |
27,0 % |
27,0 % |
91,7 % |
CARMF |
|
|
|
16,7 % |
13,4 % |
15,7 % |
124,3 % |
Source : Commissariat général du Plan
(1)
Le taux de cotisation réel rapporte
les
cotisations vieillesse à la masse cotisable, les cotisations vieillesse
étant définies comme les cotisations totales auxquelles sont
retirées les charges correspondant aux autres risques
(invalidité, accidents du travail...). Pour les régimes
complémentaires, sont ajoutées aux cotisations les prestations et
cotisations prises en charge par l'UNEDIC et l'ASF. Les calculs des nombres de
points de cotisation rapportent les charges à la masse cotisable. Parmi
les charges, on distingue les charges de pensions (droits directs + droits
dérivés + frais de gestion + action sociale...) et les charges
vieillesse qui comprennent les pensions et les charges de compensation. La part
des pensions couvertes par les cotisations est le rapport des cotisations
vieillesse aux charges de pensions.
(2)
Les cotisations comprennent, outre les cotisations des
salariés, la contribution d'équilibre de l'Etat et les
contributions des établissements publics (La Poste, France
Télécom).
(3)
Les taux de cotisation pour l'ASF en 1996 étaient
1,96 sur la tranche A et 2,18 sur la tranche B.
Dans un souci d'équité et afin de limiter les
déséquilibres futurs des régimes spéciaux, il
apparaît nécessaire d'aligner progressivement la durée de
cotisation exigée sur celle en vigueur dans le régime
général, soit 40 années de cotisation à partir de
2003.
Si le régime général et les régimes alignés
sont encore en phase de réforme progressive jusqu'en 2003 - il est donc
possible d'attendre jusqu'à cette date pour décider d'un
éventuel prolongement de la réforme pour atteindre
170 trimestres de cotisation -, il est indispensable, pour les
régimes spéciaux, qui n'ont pas été
réformés, de commencer dès maintenant à rattraper
leur retard.
Cela exige du temps et il convient par conséquent d'engager cette
réforme sans tarder.
b) Le fonds de réserve pour les retraites : un fonds de lissage ?
L'article 2 de la loi de financement de la
sécurité
sociale pour 1999 a créé, au sein du Fonds de solidarité
vieillesse (FSV), un fonds de réserve destiné à
" consolider les régimes par répartition ".
Dans
l'immédiat, ce fonds ne serait destiné qu'à certains
régimes, ceux qui se sont réformés en 1993 : le
régime général et les régimes alignés
(salariés agricoles, ORGANIC et CANCAVA).
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, votre rapporteur avait été amené, en
tant que rapporteur des lois de financement de la sécurité
sociale pour l'assurance vieillesse, à formuler au sujet de ce fonds de
réserve un certain nombre de remarques et d'interrogations : quels
étaient les véritables objectifs de ce fonds ? S'agissait-il
d'un fonds destiné à lisser la hausse prévue des taux de
cotisation, afin d'en réduire le rythme au moment du choc
démographique, ou bien d'un fonds permanent dont les revenus
compléteraient les ressources des régimes ? Comment ce fonds
allait-il être alimenté ? Quel serait l'horizon de placement
-et par conséquent les supports financiers- de ce fonds ? Qui
serait chargé de sa gestion et selon quelles modalités de
contrôle ?
Il apparaissait en effet pour le moins paradoxal de créer un tel
fonds sans savoir exactement quelle serait sa mission.
Huit mois plus tard, le Gouvernement n'a apporté aucune précision
quant à intentions réelles. Les interrogations que nous avions
formulées sont d'ailleurs reprises dans le rapport de
M. Jean-Michel Charpin, qui constate :
" si la
création de ce fonds a été décidée, les
modalités de son fonctionnement restent à
préciser ".
Ce préalable n'est toujours pas défini mais le fonds de
réserve continue de servir en quelque sorte d'alibi : on ne saurait
en quelque sorte reprocher au Gouvernement de ne rien faire puisqu'il alimente
le fonds de réserve.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
prévoyait ainsi que 2 milliards de francs lui seraient
versés au titre des excédents de la C3S ; le projet de loi
relatif à l'épargne et à la sécurité
financière le fait bénéficier du reversement du produit de
la souscription du capital des caisses d'épargne, soit 15 milliards de
francs sur quatre ans. Le rapport déposé par le Gouvernement pour
le débat d'orientation budgétaire, qui tient pour acquis un
excédent du régime général en 2000, prévoit
que
" les premiers excédents du régime
général depuis pratiquement 15 ans pourraient ainsi nourrir le
fonds de réserve pour les retraites et permettraient de
" lisser " les effets du choc démographique qui affectera les
régimes de retraites à partir de 2005. "
Il reste toutefois une question de principe. Comment peut-on faire des
réserves et tolérer dans le même temps une aggravation du
déficit du régime général, toutes branches
confondues ? Comment, en quelque sorte, alimenter un compte
d'épargne tout en étant dans le " rouge " sur son
compte courant ?
Dans une étude récente
8(
*
)
, M.
Laurent Vernière rappelle qu'un fonds de réserve peut avoir trois
objectifs :
-
le fonds de réserve est utilisé comme épargne de
précaution afin d'atténuer les à-coups du cycle
économique sur les soldes financiers
. Les réserves sont
équivalentes à de la trésorerie destinée à
couvrir les besoins de financement temporaires en période de basse
conjoncture. Cela suppose que le régime de retraite est
équilibré sur longue période ;
-
les réserves collectives d'un régime par
répartition sont accumulées puis utilisées pour lisser sur
une longue période l'évolution des taux de cotisation.
Le
transfert d'épargne par l'intermédiaire des réserves
collectives capitalisées est un moyen de préfinancer une fraction
des charges et, en conséquence, d'atténuer l'ampleur des hausses
de cotisations pesant sur certaines générations de cotisants. Les
Etats-Unis ont adopté cette démarche à partir de
1983 ;
-
les réserves sont accumulées pour constituer un
patrimoine de rapport permettant au régime par répartition de
compléter ses recettes courantes, tirées des cotisations
sociales, par les produits financiers encaissés
. Lorsque les taux
d'intérêt à long terme sont plus élevés que
le taux de croissance de la masse salariale, un fonds de réserve
important est similaire à un " troisième financeur "
des pensions, à côté des employeurs et des salariés.
C'est la voie qui semble être suivie par le Canada après la
réforme du régime des pensions en 1997.
Les trois objectifs diffèrent essentiellement par la taille du fonds de
réserve qui sera effectivement accumulé mais seuls les deux
derniers s'inscrivent dans un cadre de régulation à très
long terme des régimes de retraite.
Ils reviennent à rechercher une programmation à long terme des
variations de taux de cotisation, et donc un lissage des taux, de sorte que,
dans un premier temps une surcotisation temporaire permet d'accumuler des
réserves pour, dans un second temps, diminuer le taux de cotisation par
rapport à celui de la répartition pure. Cependant, cette
opération de programmation des taux de cotisation ne constitue pas et ne
se substitue pas à une réforme du régime de retraite
lorsque celui-ci n'est pas actuariellement équilibré. C'est une
politique d'accompagnement destinée à atténuer le choc de
ruptures brutales qu'impliquerait le maintien de la répartition pure.
Pour sa part, lors de son audition par votre commission, le 5 mai dernier,
M. Jean-Michel Charpin avait considéré qu'il était
déjà trop tard pour envisager la création d'un fonds
permanent et que seul un fond de lissage apparaissait aujourd'hui
réalisable.
Un fonds de réserve peut être alimenté par deux
sources : une surcotisation temporaire (appel des cotisations à un
taux supérieur à celui de la répartition pure pendant la
période d'accumulation des réserves), un abondement externe
(affectation d'apports financiers externes au régime de retraite).
Les expériences étrangères en matière de
réserves dans les régimes par répartition (Etats-Unis,
Canada, Japon, etc.) enseignent que les réserves accumulées
résultent toujours d'un effort de surcotisation demandé aux
actifs, effort d'autant mieux accepté qu'il est modéré et
qu'il a lieu lors de périodes favorables sur le plan
démographique et économique. La surcotisation est une forme
d'épargne retraite non individualisée qui permet de
préfinancer collectivement une partie des droits futurs à la
retraite, en investissant l'épargne accumulée dans des actifs
financiers qui permettront de transférer vers le futur les revenus
nécessaires au financement de ces droits.
La taille du fonds de réserve va varier au cours du temps et
dépendre de plusieurs paramètres :
- la longueur de la période pendant laquelle la procédure de
lissage est mise en oeuvre. Au terme de cette période, deux situations
peuvent se présenter : soit le taux de cotisation rejoint le taux
de cotisation de la répartition pure après épuisement du
fonds de réserve, soit il est fixé à un niveau
inférieur au taux de la répartition pure avec un fonds de
réserve positif produisant des revenus financiers qui complètent
les recettes du régime ;
- le montant des abondements externes durant toute la période de
lissage ;
- le taux de surcotisation temporaire pendant la phase d'accumulation des
réserves ;
- les taux de rendement des actifs financiers dans lesquels les
réserves sont investies.
Les trois premiers paramètres peuvent être
considérés comme des instruments entre les mains du
décideur qui pourra les choisir en fonction des cibles qu'il vise :
la longueur de la période de lissage et le montant du fonds de
réserve au terme du lissage. Cette notion de cibles est importante car
elle permet, d'une part, de structurer la politique de retraite pour les vingt
ou trente années à venir et, d'autre part, de fixer le taux de
cotisation souhaité.
Après avoir effectué plusieurs simulations de scénarios
d'accumulation et d'utilisation des réserves, M. Laurent Vernière
parvient aux conclusions suivantes :
-
mettre en place un fonds de réserve signifie que les pouvoirs
publics conduisent effectivement la politique de retraite dans une perspective
de long terme.
Il faut en effet programmer l'accumulation puis
l'utilisation des réserves et, en conséquence, fixer un
calendrier des taux de cotisation sur une période suffisamment longue.
Cette programmation devrait s'accompagner rapidement de la création
d'une instance chargée d'examiner à intervalles réguliers
l'équilibre à long terme des régimes de retraite
bénéficiaires du fonds de réserve ;
-
un fonds de réserve capitalisée n'est qu'un dispositif
qui réaménage le calendrier des taux de cotisation.
L'examen
des différents scénarios a montré que, en l'absence de
réformes destinées à maîtriser le coût des
retraites, les hausses de taux de cotisation nécessaires pour
équilibrer les comptes des régimes de retraite seront importantes
(près de 11 points en 40 ans), ne laissant quasiment qu'une marge
infime pour ajouter une surcotisation temporaire. Pour que le provisionnement
partiel des engagements des régimes ait un effet sensible sur le
coût des retraites après 2020, il faut avoir accumulé des
réserves représentant au bout de 20 ans au moins
l'équivalent de 4 points de PIB.
Cet effort pourra être
d'autant mieux accompli et accepté si des réformes
allégeant le coût des retraites sont mises en oeuvre
rapidement ;
-
les différents scénarios ont montré que les
réserves accumulées dans le fonds pouvaient atteindre un niveau
important et que leur rendement financier pouvait orienter la politique mise en
oeuvre, en particulier si l'objectif est d'aboutir à un fonds permanent
jouant le rôle de " troisième financeur ".
Dans ce
cadre, la gestion financière du fonds de réserve devient une
composante essentielle de la politique de retraite et les performances
financières du fonds un atout supplémentaire pour alléger
le coût des retraites. Le Canada a montré la voie puisque la
réforme de 1997 a créé un Office d'investissement
chargé de la gestion financière du fonds de réserve et de
l'optimisation du rendement. Les Etats-Unis s'orientent également dans
cette voie puisque, après de longs débats, le président
Clinton vient d'annoncer qu'une partie des excédents budgétaires
abonderait le fonds de réserve dont une fraction serait investie sur les
marchés financiers internationaux.
Pour votre rapporteur, il apparaît à l'évidence que si
le Gouvernement souhaite réellement donner une signification à la
création de ce fonds de réserve, il convient d'en définir
sans délai les finalités et les modalités
d'alimentation.
c) L'introduction d'un complément de retraite par capitalisation
S'agissant de l'introduction d'un complément de
retraite par
capitalisation, sous la forme de fonds d'épargne retraite, le
Gouvernement semble aujourd'hui prendre conscience du caractère
indispensable de cet apport.
L'actuelle majorité a été pendant très longtemps
hostile à l'idée même de fonds de pension. Le Gouvernement
avait ainsi annoncé depuis l'origine qu'il n'appliquerait pas la loi du
25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite, dite " Loi
Thomas ". Dans sa déclaration de politique générale,
M. Lionel Jospin avait indiqué que
" les dispositions
récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent
porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en
cause. "
La loi du 25 mars 1997 est donc restée inappliquée, faute de
décrets d'application. Le Gouvernement ne s'était pas
résolu pour autant à l'abroger. Comme l'a souligné, non
sans un certain cynisme institutionnel, M. Dominique Strauss-Kahn,
" l'abrogation de cette loi serait même à la limite
inutile car les décrets d'application n'ont jamais été
pris par ce Gouvernement, en sorte qu'elle ne peut avoir d'application
concrète ".
De manière assez ironique, la conversion soudaine du Gouvernement -et de
sa majorité- à la capitalisation a été
annoncée à l'occasion de la discussion à
l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999, d'un amendement
présenté par le groupe communiste abrogeant la loi du 25 mars
1997 créant les plans d'épargne-retraite.
Lors du débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, le 28 octobre 1998, Mme Martine Aubry
avait ainsi déclaré que le Gouvernement n'était pas
opposé "
à la constitution d'une épargne à
long terme, complétant, et non concurrençant, la retraite par
répartition, contrairement à ce que faisait le dispositif
prévu par la loi Thomas. ".
La ministre avait
précisé qu'elle travaillait en collaboration avec le ministre de
l'économie et des finances, dans le cadre de la mission confiée
à MM. Didier Migaud et Jérôme Cahuzac, sur l'architecture
de ce troisième étage qui constituait
" un
complément de la retraite par répartition ".
Elle avait ensuite décrit les trois caractéristiques du
système que le Gouvernement entendait mettre en place
dès
1999
:
- " il sera conçu dans un cadre collectif et sera
accessible réellement à l'ensemble des salariés, notamment
grâce à des dispositifs de solidarité " ;
- " les avantages qu'il offrira devront profiter à l'ensemble
des salariés et ne pas fragiliser les comptes de la
sécurité sociale, aussi bien en ce qui concerne l'assurance
maladie que les retraites " ;
- " les partenaires sociaux devront être associés
à sa mise en oeuvre et à son contrôle ".
Après avoir répété que le Gouvernement allait
abroger la loi Thomas -sans toutefois préciser de quelle façon il
entendait le faire-, le Premier ministre a souligné pour sa part, dans
l'entretien accordé au Parisien le 29 avril 1999 :
" Toutes les options peuvent être discutées y compris une
forme d'épargne collective consacrée au financement des
retraites. Mais à deux conditions, d'abord que l'avenir des
régimes des retraites par répartition soit au préalable
garanti (...). Ensuite que syndicats et organisations professionnelles soient
associés à la direction de ces fonds d'épargne ".
Que d'hésitations, que de volte-face, que de temps perdu !
Votre rapporteur se réjouit que le Gouvernement ait enfin pris
conscience de la nécessité de créer un troisième
étage de retraite complémentaire reposant sur la capitalisation.
Il attend maintenant avec impatience le dépôt de ce projet de
loi.
En effet, outre que l'année 1999 s'achèvera sans
décision importante sur les retraites par répartition, il est
désormais également acquis qu'il n'y aura pas davantage de projet
de loi relatif à l'épargne retraite.
La seule véritable " décision " du Gouvernement se
limite aujourd'hui à l'engagement solennel d'abroger la loi Thomas.
*
* *
Au terme
de cette analyse, votre rapporteur s'interroge : à quoi aura servi
finalement le rapport Charpin ?
Il apparaît en effet que ce travail remarquable n'a fait que confirmer ce
que l'on savait déjà : l'impérieuse
nécessité de réformer nos régimes de retraite par
répartition qui seront confrontés à un choc financier
inéluctable à partir de 2006 ;
Ce rapport aurait pu remplir une fonction pédagogique et faciliter la
prise de conscience, par les partenaires sociaux et l'opinion publique, de
l'ampleur des défis qui menacent notre système de retraite. Cela
n'a pas été le cas : le diagnostic, contrairement aux
ambitions initiales, n'est pas " partagé ".
Ce rapport aurait également pu constituer une aide utile à la
décision pour le Gouvernement. Il n'en a rien été.
L'accent mis sur l'urgence des décisions à prendre n'a pas
convaincu le Gouvernement : ce dernier annonce l'ouverture d'une nouvelle
concertation ; les décisions sont, une fois encore,
différées.
En affirmant que rien ne presse, en privilégiant l'attentisme et
l'inaction, le Gouvernement prend implicitement des décisions graves
pour l'avenir de notre pays et reporte sur les générations
futures le poids des ajustements nécessaires.
Il est maintenant de sa responsabilité politique d'agir sans tarder
pour garantir
" L'avenir de nos retraites ".
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le jeudi 24 juin 1999, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président,
la commission a entendu une
communication de M. Alain Vasselle
sur la
réforme des
retraites
.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que la commission
avait auditionné M. Jean-Michel Charpin, commissaire
général du Plan, à deux reprises : le
16 décembre 1998, après le début des travaux de la
commission de concertation, et le 5 mai 1999, après la remise
officielle au Premier ministre du rapport sur " L'avenir de nos
retraites ".
Il a précisé que la commission avait confié, le 5 mai
1999, à M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, la mission de
présenter un rapport d'information.
M. Alain Vasselle
a ensuite présenté les grandes lignes de
son rapport (cf. ci-dessus).
M. Jean Delaneau, président,
a remercié le rapporteur pour
la qualité et la pertinence de ses analyses. Il a
considéré que cette communication, venant après l'adoption
du rapport d'information de M. Charles Descours sur les lois de
financement de la sécurité sociale, traduisait le souci de la
commission et de ses rapporteurs d'un travail permanent sur les finances
sociales. Il s'est déclaré frappé par l'observation du
rapporteur selon laquelle une réforme maîtrisée des
retraites nécessitait une initiative immédiate car plus le temps
passait plus l'éventail des choix se refermait.
M. Dominique Leclerc
a indiqué qu'il partageait les conclusions
du rapporteur et notamment le caractère urgent des réformes
à engager. Il a estimé que le rapport Charpin avait eu au moins
le mérite d'initier un débat public sur la question des
retraites. Après s'être interrogé sur la
représentativité des organisations syndicales qui contestaient
les conclusions du rapport Charpin, il a considéré que les
Français étaient, pour leur part, de plus en plus conscients de
la nécessité d'une réforme des retraites.
M. Dominique Leclerc
a souligné les inégalités
grandissantes entre les personnes au regard de la retraite ; il a
jugé que la réforme des régimes spéciaux ne pouvait
plus être différée et qu'il était indispensable
d'instituer un troisième étage de retraite par capitalisation. Il
a considéré que le fonds de réserve créé par
la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
n'apparaissait pas comme une solution crédible eu égard aux
enjeux.
Après avoir souligné la qualité du rapport de M. Charpin,
M. Bernard Seillier
s'est inquiété des
développements de ce rapport consacrés aux avantages familiaux en
matière de retraite. Il a jugé qu'il convenait d'être
très vigilant pour éviter une remise en question de ces avantages
qui témoignaient de la solidarité nationale à
l'égard des familles.
M. Jean-Louis Lorrain
a considéré qu'il convenait
d'élargir la réflexion sur le vieillissement et d'examiner cette
problématique de manière globale en s'intéressant
également à la question de la grande dépendance. Il a
souligné que les retraités jouaient un rôle essentiel en
matière de solidarité intergénérationnelle. Il a
souhaité savoir quelles réformes avaient été
entreprises, en matière de retraite, par nos principaux partenaires
européens.
Mme Gisèle Printz
a considéré qu'il y avait urgence
à réformer les retraites. Elle a souligné que le
Gouvernement avait précisément conscience de cette urgence et
qu'il avait fait du dossier des retraites l'une de ses priorités. Elle a
jugé que les jeunes générations paraissaient moins
inquiètes de l'avenir des retraites que les générations
plus âgées.
En réponse aux intervenants,
M. Alain Vasselle
a observé
qu'il y avait un paradoxe entre la volonté du Gouvernement de combattre
les inégalités et le maintien, parallèlement, de
disparités croissantes entre les régimes de retraites. Il a
partagé le souci exprimé par M. Bernard Seillier de ne pas
remettre en cause les avantages familiaux tout en soulignant qu'il était
cependant possible de réexaminer certains dispositifs.
M. Alain Vasselle
a précisé que plusieurs pays
européens avaient déjà engagé des réformes
importantes de leurs systèmes de retraites. Il a cité le cas de
la Norvège et de la Suède qui constituaient actuellement des
fonds de réserve grâce à la situation favorable de leurs
finances publiques.
A l'issue de ce débat, la commission a
approuvé la
communication de M. Alain Vasselle et a décidé sa
publication sous la forme d'un rapport d'information
.
ANNEXES
- Annexe 1 : Lettre de mission du Premier
ministre,
- Annexe 2 : Liste des personnes auditionnées par le
rapporteur,
- Annexe 3 : Auditions par la commission de
M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du
Plan.
ANNEXE 1
-
LETTRE DE MISSION DU PREMIER MINISTRE
ANNEXE 2
-
LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR
Organisations syndicales :
Confédération française démocratique du travail
(CFDT) : M. Paul CADOT, Mme Madeleine GUILLETEAU
Confédération française des travailleurs
chrétiens
(CFTC) : M. Roger-Pol COTTEREAU, Mlle Alicia FOULETIER
Confédération générale des cadres
(CGC) : M. Jean-Luc CAZETTES
Confédération générale des petites et moyennes
entreprises
(CGPME) : M. Jean-François VEYSSET, M. Georges
TISSIÉ
Confédération générale du
travail
(CGT) : M. Vlady FERRIER
Confédération générale du travail
-
Force
Ouvrière
(CGT-FO) : M. Jean-Claude MALLET
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
(FNSEA) : M. Arnold BRUM
Fédération syndicale unitaire
(FSU) :
M. Pierre DUHARCOURT
Mouvement des entreprises de France
(MEDEF) : M. Bernard CARON, Mme
Agnès LÉPINAY, Mme Anne MOUNOLOU.
Union nationale des professions libérales
(UNAPL) : M. Guy
ROBERT
Union nationale des syndicats autonomes
(UNSA)
:
M. Luc
BENTZ
Union professionnelle artisanale
(UPA) : M. Jean DELMAS
Régimes de retraite :
Association générale des institutions de retraite des cadres
(AGIRC) : Mme Marie-Thérèse LANCE
Caisse autonome d'assurance vieillesse des professions libérales
(CNAVPL) : M. Jean-Louis DURET, M. Gérard PELLISSIER
Caisse autonome nationale de compensation d'assurance vieillesse
artisanale
(CANCAVA) : M. Bruno FULCHIRON
Caisse de compensation de l'organisation autonome nationale de l'industrie
et du commerce
(ORGANIC) : M. Christophe MOREAU, Mlle Martine BONY
Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés
(CNAVTS) : M. Patrick HERMANGE
Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales
(CNRACL) : M. Pierre DUCRET, M. Pascal LAFON
Chambre de commerce et d'industrie de Paris
: M. Christian
CHAPALAIN
Fonds de solidarité vieillesse
(FSV) : M.
Frédéric Van ROEKEGHEM
Associations de retraités :
Comité national des retraités et des personnes âgées
(CNRPA) : M. Georges GRULOIS, M. Paul MALOISEL
ANNEXE 3
-
AUDITIONS PAR LA COMMISSION
DE
M. JEAN-MICHEL CHARPIN,
COMMISSAIRE GÉNÉRAL DU
PLAN
I- AUDITION DU MERCREDI 16 DÉCEMBRE 1998
Réunie le mercredi 16 décembre 1998 sous la présidence de
M. Jean Delaneau, président
, la commission a
procédé à
l'audition de M. Jean-Michel Charpin,
commissaire général du Plan.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que le Premier
ministre avait chargé, par lettre en date du 29 mai 1998,
M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, d'une
mission de diagnostic sur l'avenir des régimes de retraite. Il a
indiqué que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, avait déclaré devant le Sénat, lors de
son intervention dans la discussion générale du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, le 12 novembre
dernier, que le commissariat général du Plan avait
" déjà dressé un bilan " qui faisait
" l'objet d'une concertation approfondie avec les partenaires
concernés ".
M. Jean Delaneau, président,
a souligné qu'il avait par
conséquent souhaité que M. Jean-Michel Charpin puisse venir
devant la commission présenter et commenter ce bilan.
M. Charles Descours, rapporteur des projets de loi de financement de la
sécurité sociale pour les équilibres financiers
généraux et l'assurance maladie,
a vivement souhaité
que les documents résultant du travail d'expertise mené par le
commissariat général du Plan, qui étaient
communiqués aux partenaires sociaux et aux gestionnaires des
régimes de retraite, puissent être également transmis aux
commissions compétentes du Parlement.
Il a souhaité connaître les principaux résultats des
projections démographiques et financières effectuées dans
le cadre de ce travail d'expertise, ainsi que les hypothèses
macro-économiques sur lesquelles le commissariat général
du Plan s'était fondé. Il a interrogé M. Jean-Michel
Charpin sur les informations supplémentaires que ce travail avait
apportées par rapport aux résultats de l'étude sur
" les perspectives à long terme des retraites ",
réalisée par le commissariat général du Plan en
1995.
M. Alain Vasselle, rapporteur des projets de loi de financement de la
sécurité sociale pour l'assurance vieillesse,
s'est
interrogé sur la méthode suivie par le commissariat
général du Plan pour l'élaboration de son rapport. Il
s'est enquis de la signification du " diagnostic partagé "
souhaité par le Premier ministre. Il a demandé à M.
Jean-Michel Charpin si le processus de concertation actuellement mené
était susceptible de modifier les conclusions résultant du
travail d'expertise.
Il a souhaité savoir si cette mission de diagnostic pouvait aller
jusqu'à formuler des propositions, comme le laissaient entendre les
échos de ses travaux parus dans la presse suggérant, par exemple,
que le commissariat général du Plan pencherait davantage pour un
relèvement progressif de l'âge de la retraite, plutôt que
pour une augmentation des prélèvements obligatoires.
En réponse aux rapporteurs,
M. Jean-Michel Charpin
a
précisé que la mission qui lui avait été
confiée avait débuté en juin 1998 et devait s'achever avec
la remise de son rapport au Premier ministre avant le 31 mars 1999. Il a
expliqué que le travail d'expertise n'était pas encore
achevé et se poursuivait parallèlement à la phase de
concertation. Il a précisé que les documents résultant de
ces travaux d'experts étaient présentés aux participants
aux réunions de concertation au fur et à mesure de leur
achèvement.
Rappelant que le Premier ministre l'avait chargé d'élaborer un
diagnostic " aussi partagé que possible ",
M. Jean-Michel
Charpin
a souligné le caractère " interactif " de
la concertation en cours. Il a indiqué que les documents
résultant des travaux d'experts étaient soumis aux partenaires
sociaux et aux gestionnaires des différents régimes de retraite,
afin d'être discutés, complétés et
éventuellement révisés. Il a souligné que les
hypothèses, chiffrages et scénarios figurant dans son rapport
final ne seraient pas nécessairement identiques à ceux qui
apparaissaient initialement dans les documents d'experts. Après avoir
regretté que ces documents aient été communiqués
à la presse, il s'est déclaré disposé à les
transmettre au Parlement.
Evoquant les différences qui distinguaient la mission de diagnostic
actuellement menée par le commissariat général du Plan des
travaux effectués en 1995 sur " Les perspectives à long
terme des retraites ",
M. Jean-Michel Charpin
a tout d'abord
expliqué que sa mission portait sur un champ beaucoup plus large de
régimes de retraite, alors que, seuls, sept régimes avaient
été étudiés en 1995. Il a ajouté que
l'horizon de projection avait été également
allongé, puisque les travaux de 1995 s'arrêtaient à 2015 et
que les projections aujourd'hui effectuées couvraient une période
allant jusqu'en 2040. Il a souligné que l'allongement de cet horizon de
projection accroissait naturellement les difficultés et les incertitudes
des prévisions.
M. Jean-Michel Charpin
a jugé que la date de 2015, choisie en
1995, était un horizon trop proche pour appréhender la situation
future des régimes de retraite. Pour certains régimes, tels que
celui des fonctionnaires de l'Etat, 2015 ne correspondait qu'au début de
la dégradation de la situation et l'extension des prévisions
à l'horizon de 2040 laissait apparaître une
détérioration très fortement accrue de la situation de ces
régimes.
M. Jean-Michel Charpin
a ajouté que sa mission comportait
également une analyse des caractéristiques des différents
régimes en termes de rendement, analyse qui n'était pas encore
achevée.
M. Jean-Michel Charpin
a souligné que son rapport comporterait
des propositions portant principalement sur les ajustements des
paramètres de la répartition : âge de la retraite et
durée de cotisation. Il a en effet expliqué que l'âge de la
retraite constituait à la fois un paramètre central des
simulations effectuées et un moyen d'ajustement très puissant
pour l'équilibre futur des régimes de retraite. Il a
considéré que la question de l'âge de la retraite devait
être abordée dans un contexte d'allongement de la durée de
la vie humaine et d'entrée de plus en plus tardive dans la vie active.
Rappelant la dégradation brutale et prévisible de la situation du
régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat à partir de 2015,
il a considéré que toute réforme des retraites n'aurait de
sens que si elle portait également sur les régimes
spéciaux de retraite du secteur public.
Après avoir déclaré que le rapport remis au Premier
ministre serait établi sous sa seule responsabilité,
M.
Jean-Michel Charpin
a souligné qu'il tiendrait naturellement compte
des appréciations formulées par les partenaires sociaux et les
gestionnaires des régimes de retraite lors des réunions de
concertation, soit en les incorporant à son diagnostic, soit, le cas
échéant, en les faisant figurer en annexe sous forme de
déclarations.
Evoquant les hypothèses sur lesquelles reposaient les projections
effectuées,
M. Jean-Michel Charpin
a précisé
que le commissariat général du Plan avait
privilégié deux scénarios macro-économiques, se
distinguant par la situation du marché du travail : dans le
scénario 1, le taux de chômage convergeait vers un niveau de
9 % ; dans le scénario 2, ce taux s'établissait
à 6 %, avec une hypothèse d'une augmentation exogène
de la population active de 500.000 personnes.
M. Jean-Michel Charpin
a considéré que le problème
des retraites se résumait à une question de pénurie de
main-d'oeuvre, la population des actifs devenant insuffisante pour produire les
richesses permettant de subvenir aux besoins des inactifs.
S'agissant des hypothèses démographiques,
M. Jean-Michel
Charpin
a expliqué que le commissariat général du Plan
avait repris les hypothèses de fécondité figurant dans les
travaux de l'Institut national de la statistique et des études
économiques (INSEE) effectués en 1993, avec un scénario
central de 1,8 enfant par femme, encadré par un scénario de
1,5 enfant par femme et un scénario de 2,1 enfants par femme. Il a
reconnu que ces hypothèses reposaient sur des informations
démographiques déjà anciennes, provenant du recensement de
la population effectué en 1990.
Evoquant les hypothèses macro-économiques choisies par le
commissariat général du Plan,
M. Jean-Michel Charpin
a
indiqué que les travaux actuellement menés reposaient sur une
hypothèse de croissance annuelle de 1,25 % de la
productivité globale des facteurs, de 1,7 % de la
productivité du travail et de 1,7 % du salaire réel, soit,
dans ce dernier cas, une hypothèse de distribution des revenus plus
favorable aux salariés que par le passé.
Evoquant la chronologie des réformes,
M. Jean-Michel Charpin
a
souligné qu'un travail d'approfondissement technique resterait
nécessaire après la publication de son rapport, notamment
s'agissant du rôle du fonds de réserve pour les retraites par
répartition. Citant l'exemple canadien, il s'est interrogé sur la
finalité d'un tel fonds et sur le choix des supports d'investissement en
termes de risque et de rendement.
M. Jean Chérioux
a considéré qu'il serait sans
doute difficile d'obtenir un consensus sur la question des retraites. Il s'est
interrogé sur les hypothèses de flux migratoires choisies par le
commissariat général du Plan.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse,
s'est
interrogé sur la fiabilité des projections à un horizon de
2040 : il a fait valoir que les gestionnaires des différents
régimes de retraite qu'il avait pu auditionner, lors de ses travaux en
tant que rapporteur pour l'assurance vieillesse du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999, avaient mis l'accent sur la
fragilité de projections aussi lointaines. Il s'est enquis de l'attitude
des partenaires sociaux lors de la phase de concertation actuellement
menée.
Il a souhaité savoir si le commissariat général du Plan
avait réfléchi au niveau des montants financiers que devait
atteindre le fonds de réserve pour les retraites et au rôle
susceptible d'être joué par des fonds de pension. Il s'est
interrogé sur l'incidence sur l'emploi d'un éventuel
relèvement de l'âge de la retraite.
M. Serge Franchis
s'est demandé si la durée de cotisation
de 40 années qui serait bientôt exigée des futurs
retraités était en pratique compatible avec une entrée de
plus en plus tardive sur le marché du travail.
M. Guy Fischer
a souhaité savoir si un éventuel
relèvement de l'âge de la retraite serait suffisant pour assurer
l'équilibre à long terme des régimes de retraite. Il a
demandé à M. Jean-Michel Charpin si le commissariat
général du Plan envisageait d'autres recommandations.
En réponse aux différents intervenants,
M. Jean-Michel
Charpin
a reconnu le caractère à la fois audacieux et
incertain des prévisions à un horizon de 2040. Il a
précisé que si les retraités de 2040 étaient
déjà nés, on connaissait naturellement moins bien les
personnes qui seraient cotisantes à cette date. Il a ajouté que
les incertitudes étaient plus fortes au niveau des prévisions
spécifiques à chaque régime de retraite qu'au niveau
global.
M. Jean-Michel Charpin
a précisé que les projections
reposaient sur une hypothèse de flux migratoires positifs de 50.000
personnes par an.
S'agissant du fonds de réserve pour les retraites,
M. Jean-Michel
Charpin
a indiqué qu'il n'était pas en mesure
d'évaluer le montant des sommes nécessaires : il a
souligné qu'il s'agissait là d'un sujet complexe et que ce
montant dépendait du caractère transitoire ou pérenne du
fonds, du champ couvert par ce fonds, des ajustements préalables du
système par répartition et des rendements des sommes investies.
Evoquant les liens entre emploi et retraite,
M. Jean-Michel Charpin
a
précisé que les travaux du commissariat général du
Plan prévoyaient une dégradation des comptes de la branche
vieillesse et une amélioration des situations de la branche famille et
de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).
Il a souligné que l'étude des fonds de pension, qui n'avaient pas
de lien direct avec le système de retraite par répartition, ne
faisait pas partie de la mission qui lui avait été confiée
par le Premier ministre.
M. Jean-Michel Charpin
a fait valoir que l'âge de la retraite
n'était pas le seul paramètre susceptible d'influer sur la
situation future des régimes de retraite : les mécanismes
d'indexation et la durée de cotisation exigée pouvaient
également jouer un rôle très important. Il a indiqué
que l'augmentation de la durée de cotisation exigée pour une
retraite à taux plein, instituée par la réforme de 1993,
concernait aujourd'hui encore très peu de personnes dans la mesure
où la génération arrivant actuellement à
l'âge de la retraite avait souvent commencé à travailler
très jeune.
Il a souligné que les pays ayant entrepris des réformes
ambitieuses de leur système de retraite avaient
généralement pris en compte l'évolution de
l'espérance de vie, en prévoyant parfois une évolution
parallèle de l'âge de départ à la retraite.
II - AUDITION DU MERCREDI 5 MAI 1999
Réunie le mercredi 5 mai 1999, sous la présidence de
M. Jean
Delaneau, président
, la commission a procédé à
l'audition de M. Jean-Michel Charpin
,
commissaire
général du Plan
, sur son
rapport au Premier ministre sur
les retraites
.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que la commission
avait déjà entendu M. Jean-Michel Charpin le 16
décembre 1998 et qu'elle avait souhaité pouvoir l'auditionner
à nouveau après la remise de son rapport au Premier ministre le
29 avril dernier.
M. Jean-Michel Charpin
a indiqué que le Premier ministre lui
avait confié, à la fin du mois de mai 1998, la mission
d'établir un diagnostic sur l'avenir des retraites aussi partagé
que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des
différents régimes. Il a souligné que le rapport qui
résultait de cette mission présentait deux
caractéristiques originales par rapport aux travaux qui l'avaient
précédé : d'une part, le diagnostic avait
été établi en concertation avec les partenaires sociaux et
les régimes de retraite concernés, d'autre part, il portait sur
la plupart des régimes et traitait également des compensations
entre régimes.
M. Jean-Michel Charpin
a rappelé qu'il avait constitué une
commission de concertation réunissant les sept ministères
concernés, les partenaires sociaux, les gestionnaires des
différents régimes de retraite et les représentants du
comité national des retraités et des personnes âgées
(CNRPA). Cette commission de concertation s'était réunie onze
fois entre octobre 1998 et mars 1999 : dix réunions avaient
été consacrées à l'étude des
différents thèmes et la dernière réunion, en date
du 25 mars 1999, avait permis de présenter aux participants le rapport
établi par le Commissariat général du Plan. Il a
souligné que cette démarche se distinguait de celles qui avaient
prévalu lors de la rédaction du Livre blanc sur les retraites en
1991 et du rapport sur les perspectives à long terme des retraites de
1995 : à l'époque, les rapports avaient été
élaborés par les experts puis rendus publics.
M. Jean-Michel Charpin
a jugé que l'ambiance au sein de la
commission de concertation avait été studieuse,
coopérative et interactive, dans la mesure où le Commissariat
général du Plan s'était efforcé de répondre
aux différentes demandes de travaux complémentaires
exprimées par les partenaires sociaux. Le rapport final avait cependant
été rédigé sous la seule responsabilité du
Commissariat général du Plan. Au vu de ce rapport, les
partenaires sociaux avaient fait part de leurs observations dans des
contributions écrites annexées au rapport.
Evoquant le champ d'étude très large couvert par le rapport,
M. Jean-Michel Charpin
a précisé qu'il était
nécessaire de connaître les caractéristiques
détaillées de chaque régime avant de dresser un bilan
global de la situation des retraites. Il a souligné que le Commissariat
général du Plan avait entendu partager toutes les informations
disponibles avec les directions techniques des régimes de retraite qui
avaient été étroitement associées à ses
travaux.
M. Jean-Michel Charpin
a présenté les principales
conclusions de son rapport. Il a indiqué que ce dernier faisait le
constat du succès du système par répartition qui avait
permis au niveau de vie des retraités de rejoindre celui des actifs et
qui avait contribué à faire diminuer très sensiblement les
phénomènes de pauvreté des personnes âgées.
L'allongement de la durée de la vie et l'arrivée à
l'âge de la retraite, à partir de 2006, de la
génération du baby-boom allaient cependant fragiliser
l'équilibre économique de notre système de retraite. Entre
1998 et 2040, la population âgée de plus de 60 ans allait
augmenter de 10 millions de personnes, pour atteindre 22 millions de
personnes, tandis que la population des moins de 20 ans diminuerait de
plus d'un million.
M. Jean-Michel Charpin
a reconnu que 2040 pouvait paraître un
horizon un peu lointain pour des projections financières ; il a
cependant fait valoir que certains pays, tels que les Etats-Unis ou l'Italie,
formulaient des prévisions à des horizons de 50 ans, voire de
70 ans. Il a également souligné que le choix de l'horizon
2040 avait permis de mieux distinguer les évolutions de certains
régimes de retraite après 2015 et de démontrer que la
croissance des besoins de financement pour les retraites s'apparentait
davantage à une montée vers un plateau qu'au passage d'une bosse.
Reconnaissant que des projections à une échéance aussi
lointaine étaient toujours incertaines,
M. Jean-Michel Charpin
a
souligné que le rapport prévoyait précisément la
création d'un dispositif de pilotage permanent qui permettrait de
réévaluer régulièrement les projections et de
procéder aux ajustements qui paraîtraient nécessaires.
M. Jean-Michel Charpin
a précisé que les projections
étaient effectuées sur la base de trois scénarios
d'évolution du chômage avec respectivement trois taux de
chômage : 9 %, 6 % et 3 %, ce dernier scénario
ayant été introduit à la demande des partenaires sociaux.
Il a observé que ces différents scénarios
démontraient que la diminution du chômage améliorerait les
perspectives financières sans cependant supprimer les déficits.
Evoquant le chapitre de son rapport consacré aux comparaisons entre
régimes,
M. Jean-Michel Charpin
a considéré
que cet exercice soulevait de nombreuses difficultés
méthodologiques et nécessitait à l'évidence un
approfondissement des outils statistiques disponibles. Il a souligné que
si les retraites étaient aujourd'hui comparables entre le public et le
privé, à salaires identiques, l'écart allait se creuser
dans les prochaines années entre les assurés des régimes
qui avaient l'objet de réformes en 1993 et les assurés des
régimes spéciaux.
Après avoir indiqué que le rapport évoquait la
façon dont les réformes des retraites avaient été
mises en place dans les pays étrangers,
M. Jean-Michel
Charpin
a constaté qu'une telle réforme n'était simple
nulle part, et que les difficultés que rencontrait la France à
réformer son système de retraite ne constituaient pas une
exception. Il a également observé que les tentatives de
réforme brutale avaient partout échoué.
Après avoir précisé qu'elles ne constituaient pas un
projet de réforme bouclé,
M. Jean-Michel Charpin
a
énuméré les propositions formulées dans son
rapport.
Evoquant l'allongement à 170 trimestres, soit 42 années et demie,
à l'horizon 2019, de la durée d'assurance nécessaire pour
bénéficier du taux plein,
M. Jean-Michel Charpin
a
expliqué qu'une telle réforme aurait un effet progressif et ne
pèserait de façon significative qu'à partir des
années 2010, à un moment où la situation du marché
du travail se serait vraisemblablement améliorée. Il a
souligné que cette réforme devait toutefois laisser une
possibilité pour les personnes concernées d'opérer un
arbitrage individuel entre niveau de la retraite annuelle versée et
durée d'activité. Ceci supposait la neutralité
actuarielle, pour départ anticipé, des abattements sur les taux
de pension. Ces abattements ne devaient pas pénaliser de façon
indue, comme c'était aujourd'hui le cas pour les salariés du
secteur privé, les personnes qui souhaiteraient partir avant d'avoir
acquis le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier
du taux plein.
M. Jean-Michel Charpin
a indiqué que le rapport étudiait
également la création d'un fonds de réserve pour les
retraites en examinant quelles pouvaient être les finalités et les
modalités de fonctionnement et de gestion d'un tel fonds. Estimant qu'il
était déjà très tard pour constituer un fonds de
réserve, puisque les premières difficultés
financières des régimes de retraite se manifesteraient dès
2006, il a considéré que, seule, la création d'un fonds
transitoire, destiné à lisser la hausse prévue des taux de
cotisation, était aujourd'hui envisageable. Dans ce cas, les sommes
accumulées, qui devraient s'élever à au moins trois points
du produit intérieur brut (PIB), avaient vocation à être
consommées progressivement, le fonds s'épuisant à terme.
Après avoir précisé que le rapport évoquait
également les possibilités d'élargissement de l'assiette
du financement des retraites et les questions d'indexation des pensions et des
salaires portés au compte,
M. Jean-Michel Charpin
a conclu en
formulant le souhait que ce diagnostic concerté puisse servir utilement
aux réflexions ultérieures.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse des lois de
financement de la sécurité sociale,
a rendu hommage au
travail accompli par le Commissariat général du Plan. Il a
interrogé M. Jean-Michel Charpin sur la méthode suivie et sur le
contenu du rapport.
Il a souhaité savoir dans quelle mesure et sur quels aspects ce
diagnostic était effectivement partagé. Il s'est enquis des
principales modifications apportées, à la demande des partenaires
sociaux, à la version initiale du rapport et a demandé à
M. Jean-Michel Charpin si la tonalité des contributions
écrites des partenaires sociaux l'avait surpris.
M. Alain Vasselle
s'est demandé si le retard pris dans la remise
du rapport pouvait être interprété comme le signe d'une
volonté du Gouvernement de se démarquer de son contenu. Il a
souhaité savoir si le Commissariat général du Plan
participerait à la nouvelle phase de concertation que venait d'annoncer
le Premier ministre.
M. Alain Vasselle
a relevé que le rapport étudiait, parmi
les pistes de réformes envisagées, la constitution d'un fonds de
réserve pour les retraites, sans toutefois se prononcer sur la
façon dont ce fonds pourrait être alimenté. Il a
demandé à M. Jean-Michel Charpin si le Commissariat
général du Plan avait réfléchi sur ce point. Il
s'est inquiété des conséquences du passage de la
proratisation de la pension de 1/150
e
à 1/170
e
pour les personnes qui n'auraient pas atteint les 170 trimestres de
cotisations.
M. Alain Vasselle
a demandé pourquoi le commissariat
général du Plan n'avait pas étudié la
création d'un dispositif d'épargne retraite de type " fonds
de pension " et a souhaité connaître le sentiment de M.
Jean-Michel Charpin sur les récentes propositions du Mouvement des
entreprises de France (MEDEF) sur les retraites, notamment l'allongement de la
durée de cotisation à 45 ans.
En réponse à M. Alain Vasselle,
M. Jean-Michel Charpin
a
estimé que le diagnostic était concerté et qu'il
s'était contenté de prendre acte des contributions des
partenaires sociaux dont certains partageaient cependant les analyses du
rapport. Il a souligné qu'il s'était fait peu d'illusions quant
à la possibilité d'établir un diagnostic
véritablement partagé. Il a rappelé à cet
égard que M. Marc Blondel, secrétaire général de la
Confédération générale du travail-Force
ouvrière (CGT-FO), lui avait adressé, au début du mois
d'octobre 1998, une lettre ouverte dans laquelle il contestait l'objectif
d'aboutir à un diagnostic partagé.
M. Jean-Michel Charpin
a rappelé que les partenaires sociaux
avaient apporté, sur tous les thèmes abordés, de
nombreuses modifications aux travaux menés par le Commissariat
général du Plan. Il a cité l'exemple du scénario
à 3 % de taux de chômage qui avait été
intégré dans le rapport à la demande des partenaires
sociaux. Il a expliqué qu'une première version du rapport avait
été communiquée aux partenaires sociaux lors de la
réunion du 25 mars dernier et que ces derniers avaient ensuite fait part
de propositions d'amendements compatibles avec la logique du rapport. Ces
amendements avaient été presque tous intégrés dans
la version finale du rapport.
M. Jean-Michel Charpin
a indiqué qu'il n'avait pas
été surpris par la teneur des contributions écrites
transmises par les partenaires sociaux, même si certaines pouvaient
refléter le décalage entre les positions des
délégations participant à la commission de concertation et
les positions des instances de direction des organisations syndicales.
Il a estimé que le léger retard pris dans la remise du rapport
tenait avant tout aux contraintes de calendrier et aux répercussions
d'une actualité internationale très chargée. Rappelant que
le Premier ministre avait souhaité qu'il lui remette en mains propres le
rapport et qu'il avait annoncé, dès le lendemain, dans la presse,
la suite qu'il entendait lui donner,
M. Jean-Michel Charpin
a
précisé que c'était désormais le Gouvernement qui
piloterait la nouvelle phase de concertation.
Evoquant les différentes possibilités de réforme des
retraites,
M. Jean-Michel Charpin
a expliqué que si
certaines pouvaient être décidées à tout moment -une
hausse des cotisations par exemple-, d'autres nécessitaient du temps et
devaient être engagées sans délai. Il a souligné que
la constitution d'un fonds de réserve devait par exemple se faire le
plus rapidement possible, avant que la situation financière des
régimes de retraite ne se dégrade.
M. Jean-Michel Charpin
a souligné que le rapport proposait
explicitement que toutes les personnes puissent bénéficier d'une
pension à taux plein à l'âge de 65 ans, quelle que
soit leur durée effective de cotisation.
Evoquant la création de fonds de pension, il a noté que cette
question ne figurait pas dans le champ d'étude du rapport. Il a
expliqué que les régimes de retraite auraient à l'horizon
2040 un besoin de financement équivalant à quatre points du PIB
et que les fonds de pension, qui créaient des droits nouveaux
autofinancés, n'apportaient aucune solution à ce problème,
contrairement au fonds de réserve dont l'objet était
précisément de financer les régimes de retraite par
répartition. Il a considéré que les problématiques
des fonds de pension et du fonds de réserve étaient radicalement
différentes, même si les supports d'investissement de ces fonds
pouvaient s'avérer identiques.
Estimant qu'il n'avait pas à juger de la pertinence des propositions des
partenaires sociaux,
M. Jean-Michel Charpin
a souhaité ne pas
commenter les propositions du MEDEF sur les retraites.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur les modalités
d'alimentation du fonds de réserve pour les retraites. Il s'est
demandé par ailleurs s'il n'était pas possible de convertir les
sommes actuellement collectées au titre de l'épargne salariale en
une forme d'épargne retraite.
M. Guy Fischer
a rappelé que les propositions du MEDEF avaient
provoqué un tollé parmi les organisations syndicales. Il a
souligné que son groupe avait fait part d'un certain nombre
d'interrogations lors du débat sur la création du fonds de
réserve pour les retraites, à l'occasion de l'examen de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999. Il s'est
interrogé sur la notion d'écarts entre régimes du secteur
privé et régimes spéciaux et a souhaité savoir
selon quelles modalités pourrait s'opérer le recours à la
capitalisation.
Après avoir qualifié de travail sérieux et utile le
rapport de M. Jean-Michel Charpin,
M. Roland Huguet
a souligné
les difficultés que comportait toute prévision à 10 ou
20 ans. Il s'est demandé ce qu'il adviendrait lorsque les sommes
accumulées au sein du fonds de réserve se seraient
épuisées.
M. Charles Descours
a considéré que 2040 ne constituait
pas un horizon très lointain. Il a jugé que les grandes tendances
de l'évolution des retraites étaient déjà connues
depuis le Livre blanc de 1991 et le rapport Briet de 1995. Il s'est dit
convaincu qu'il fallait réformer notre système de retraite par
répartition si l'on souhaitait le sauver. Il s'est
inquiété du risque que le Gouvernement ne prenne finalement
aucune décision à l'issue de la nouvelle phase de concertation.
Mme Nicole Borvo
a souligné les nombreuses incertitudes que
comportait le rapport Charpin. Elle s'est étonnée que le rapport
puisse proposer une augmentation de la durée de cotisation, alors
même que le taux d'activité des plus de 50 ans était,
dans notre pays, le plus faible d'Europe. Elle a regretté que le rapport
ne comporte pas d'étude approfondie sur la possibilité d'un
élargissement à la valeur ajoutée de l'assiette de la
cotisation vieillesse.
M. Bernard Seillier
a souligné les mérites de ce rapport.
Il a considéré qu'il n'était pas choquant que la
réglementation des retraites prévoie des avantages
supplémentaires pour les familles, dans la mesure où celles-ci
assuraient le renouvellement des générations et donc, la survie
du système par répartition.
En réponse aux différents intervenants,
M. Jean-Michel
Charpin
a considéré que la question de l'alimentation du
fonds de réserve pour les retraites constituait essentiellement un
problème politique et ne nécessitait pas d'études
techniques spécifiques. Il a souligné que la France connaissait
un taux d'épargne élevé et qu'il n'était pas
évident que la création de fonds de pension augmente encore ce
niveau d'épargne.
M. Jean-Michel Charpin
a fait observer que les régimes
spéciaux étaient également concernés par le choc
démographique des prochaines années et que l'écart entre
ces régimes et les régimes ayant été
réformés en 1993 allait se creuser d'année en
année. Il a jugé que toute réforme des retraites devrait
également concerner les régimes spéciaux.
M. Jean-Michel Charpin
a convenu qu'il fallait être modeste en
matière de prévision. Il a ajouté que c'était pour
cette raison que le rapport proposait l'institution d'un dispositif de pilotage
de la réforme des retraites à même de
réévaluer périodiquement les estimations. Il a cependant
précisé que tout n'était pas incertain et qu'une bonne
part des données démographiques était déjà
parfaitement connue. Après avoir rappelé que de nombreux pays
formulaient des prévisions à long terme, il s'est demandé
pourquoi la France serait incapable de se livrer au même exercice.
M. Jean-Michel Charpin
a affirmé que toute mesure touchant
à la durée de cotisation devait être très
étalée dans le temps afin d'éviter de trop fortes
inégalités entre les générations. Il a
considéré que la proposition formulée dans le rapport
devait s'accompagner d'un effort particulier en faveur du maintien dans
l'emploi des personnes âgées de plus de 55 ans. Constatant
que la France présentait le taux d'activité des 55-65 ans le plus
bas des pays industrialisés, il a jugé que cette situation ne
pouvait s'expliquer par l'émergence des nouvelles technologies, qui
n'était en rien une spécificité française.
M. Jean-Michel Charpin
a considéré que l'extension de
l'assiette de la cotisation vieillesse à la valeur ajoutée avait
déjà fait l'objet de multiples études par le passé
et qu'il n'apparaissait pas nécessaire de lui consacrer une étude
technique supplémentaire. Il a ajouté que cette question relevait
désormais d'une décision politique.
Après avoir relevé que les avantages familiaux en matière
de retraite représentaient un montant considérable de 73
milliards de francs par an,
M. Jean-Michel Charpin
s'est
interrogé sur le caractère incitatif de ces avantages et sur la
possibilité d'une prise en charge de ces dépenses par la branche
famille. Il a considéré que ce sujet méritait à
l'évidence un véritable débat.
A l'issue de l'audition de M. Jean-Michel Charpin,
M. Jean Delaneau,
président
, a émis le souhait, approuvé par la
commission, que M. Alain Vasselle, rapporteur du volet assurance
vieillesse des lois de financement de la sécurité sociale, puisse
poursuivre le travail entamé par la commission sur la question
fondamentale des retraites. Il lui a semblé en effet nécessaire
qu'à côté de la réflexion des experts et de la
concertation avec les partenaires sociaux à laquelle appelle le
Gouvernement, le Parlement puisse procéder à ses propres
investigations.
Il a souhaité en conséquence en accord avec le rapporteur, que ce
dernier puisse présenter à la commission, avant la fin de la
session, un projet de rapport mesurant notamment les apports de l'étude
du commissariat général du plan au regard des travaux connus
depuis une dizaine d'années, appréciant le caractère
partagé ou simplement concerté du diagnostic
réalisé mais également les réactions des
partenaires sociaux aux propositions formulées. Il a estimé que
ce travail contribuerait en amont à la réflexion de la commission
sur la question des retraites que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 ne saurait passer sous
silence.
1
Cf. annexe I
2
Sixièmes rencontres parlementaires sur la protection
sociale : " Comment assurer la pérennité de nos
régimes de retraite ?", Assemblée nationale, 26 mars 1998.
3
Etude réalisée par Charles de Granrut, Hugues de
Jouvenel et Alain Parant, avec l'appui de la Branche Retraites de la Caisse des
dépôts et consignations, l'Observatoire des Retraites, la Sarl
Futuribles
, Travaux et Recherches de Prospective, Futuribles International,
n° 9, octobre 1998.
4
Le taux réel obligataire de long terme est
supposé égal à 2,5 %.
5
Editions Syllepse, 1999.
6
C'est votre rapporteur qui souligne.
7
C'est votre rapporteur qui souligne.
8
L. Vernière, " Fonds de réserves pour les
retraites : simulation de scénarios d'accumulation et d'utilisation
des réserves ", dans
Lettre économique de la CDC
,
n° 10, mai 1999.