8. Instruments de la participation des citoyens dans la démocratie représentative - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 22 avril)
Selon le
rapporteur, - un fossé qui ne cesse de s'élargir entre les
citoyens et les hommes politiques, - une absence de véritable
participation des électeurs : ces deux constatations forment le
point de départ de ce rapport, qui examine différents
modèles de démocratie directe appliqués dans les Etats
membres du Conseil de l'Europe.
Les référendums permettent une participation de tous les citoyens
à la démocratie et leur usage devrait être
développé. Toutefois, ils ne sont efficaces et équitables
que si les électeurs sont correctement informés et qu'un
équilibre est respecté entre l'exercice du pouvoir politique et
le rôle des citoyens.
Le rapport engage les gouvernements à favoriser la démocratie
représentative par diverses mesures, notamment :
- considérer pratiquement tous les sujets comme susceptibles de donner
lieu à un référendum ;
- établir une distinction entre les référendums
entraînant une décision et les référendums purement
consultatifs ;
- prévoir la possibilité d'organiser des
référendums sur l'abrogation de lois en vigueur ;
- veiller à ce que les citoyens soient correctement
informés ;
- limiter le nombre de référendums tenus
simultanément ;
- faire précéder tout référendum d'un débat
au parlement ;
- fixer un seuil de participation afin de s'assurer que le résultat est
représentatif ;
- permettre à des groupes minoritaires d'avoir l'initiative d'un
référendum s'ils réunissent un nombre de signatures
supérieur à un seuil.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC),
prend alors la parole dans ce
débat :
" Je voudrais tout d'abord féliciter notre rapporteur dont les
travaux approfondis et l'expérience viennent enrichir notre
réflexion sur le fonctionnement du système démocratique.
Je partage, pour l'essentiel, les éléments du projet de
résolution qui nous est soumis.
Ainsi, notre assemblée préconiserait l'élargissement des
modes de participation directe des citoyens à la vie politique. En
clair, nous inviterions les Etats membres de notre Organisation à
développer l'usage du référendum, y compris le
référendum d'initiative populaire.
Je crois cependant fort sage l'introduction de nuances par notre rapporteur
lui-même ; ainsi, tout en considérant que, je cite,
" tous les sujets sont susceptibles d'être soumis à
référendum ", notre rapporteur a la sagesse de
tempérer cet élargissement par une restriction qui me semble
particulièrement opportune, puisque ne pourraient être soumis
à référendum les sujets, je cite là encore,
" qui mettent en cause des valeurs universelles et intangibles telles que
les droits de l'homme " selon la définition de la
Déclaration de l'ONU et de notre Convention européenne des Droits
de l'Homme.
Dans mon propre pays, nous avons récemment procédé
à la réforme des dispositions constitutionnelles qui
régissent le référendum. Par un consensus entre les
principaux groupes politiques représentés au Parlement, les
questions susceptibles d'être soumises directement aux électeurs
par référendum ont été élargies à
" tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur
des réformes relatives à la politique économique ou
sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant
à autoriser la ratification d'un Traité... ".
A contrario
, sont donc exclus les sujets qui touchent directement aux
droits de l'homme. Je crois cela doublement sage puisque, d'une part,
dès lors qu'il s'agit des droits de l'homme consacrés par les
grands textes internationaux comme par le préambule de la Constitution
française, la loi ne saurait y déroger, qu'elle émane du
Parlement ou du référendum ; d'autre part, dans des
périodes de fragilisation du lien social, un référendum
portant sur une question aussi grave pourrait consacrer et aggraver la fracture
de la communauté nationale.
Pour la même raison, je suis, quant à moi, réservé
sur l'organisation de consultations nationales à la demande d'une
fraction des citoyens.
La consultation facultative , au niveau local, des citoyens sur certaines
décisions d'aménagement peut apporter d'utiles éclairages
aux élus en charge de la décision à prendre.
Mais prenons garde à ne pas donner au référendum un
rôle qui fragiliserait les mécanismes de la démocratie
représentative en apparaissant comme une sorte de procédure
d'appel concurrente avec le mode éminent de représentation de la
volonté générale qu'exprime le Parlement.
En effet, régulièrement soumis à travers les
élections au renouvellement de sa légitimité, le Parlement
est le cadre le plus approprié pour l'élaboration des grandes
lois appelées à régir la vie nationale. En France, la
refonte du code pénal ou l'élaboration d'un droit de la
bioéthique n'ont pas pris moins de trois ou quatre années de
débats parlementaires. Je rappelle que ces débats se
déroulaient publiquement et ont permis de très fructueux
échanges et l'enrichissement des projets du Gouvernement par des
amendements venus de tous les groupes politiques avant l'adoption de ces textes
importants à une très large majorité.
Je ne crois pas qu'une consultation populaire unique aurait permis de parvenir
à un résultat aussi satisfaisant et je pense même que dans
certains cas le référendum peut quelque peu caricaturer la
démocratie qui, au contraire, ressort plus vivante de débats
prolongés, pour peu qu'ils se tiennent sous les yeux des citoyens.
Je félicite donc notre rapporteur de formuler ses suggestions en
ménageant une large marge d'appréciation aux Etats membres dans
le recours aux instruments de la démocratie directe. Dans cet esprit, je
voterai le projet de résolution qu'il nous propose. "
La résolution 1121 contenue dans le rapport 7781, amendée, est
adoptée.