2. Les autres acteurs de la vie mexicaine
a) L'Eglise catholique mexicaine, acteur politique influent
La
religiosité fervente de la population mexicaine a, une nouvelle fois,
été illustrée lors de la
visite de Jean-Paul II
à Mexico,
du 22 au 26 janvier 1999
, où le pape se rendait
alors pour la quatrième fois, après ses précédents
voyages de 1979, 1990 et 1993.
Cette nouvelle visite papale, dans un pays où 85 % de la population est
catholique, s'est toutefois inscrite dans un contexte où l'Eglise
mexicaine doit relever
un double défi
:
- d'une part,
la montée des églises protestantes et de
l'athéisme
: l'Eglise catholique s'efforce d'abord de faire
face à
la progression et au dynamisme des églises
protestantes
(dites au Mexique "évangéliques ") qui
disposent d'importants moyens financiers et connaissent un succès
incontestable ; elle doit par ailleurs, comme dans beaucoup d'autres pays,
faire face à
une réelle déchristianisation
:
si la proportion d'athées déclarée demeure très
faible, les idées libérales font, là aussi, leur chemin et
l'éloignement des catholiques à l'égard de l'Eglise est le
signe d'une laïcisation certaine de la population ;
- l'Eglise mexicaine doit, d'autre part,
surmonter ses divisions
internes
; trois tendances principales apparaissent en son sein :
une tendance conservatrice
, dirigée par l'
archevêque de
Mexico
, définit une ligne pastorale fidèle à celle du
Saint-Siège et prône la
participation de l'Eglise aux
débats de société
: défense de la doctrine
sociale de l'Eglise, lutte contre l'avortement, critique du gouvernement et du
néolibéralisme, défense des indigènes et des
pauvres ;
une tendance progressiste
, ensuite, se caractérise
par son engagement en faveur des Indiens, son combat pour la démocratie
et contre le néolibéralisme, et par ses préoccupations
sociales qui se rapprochent de la théologie de la
libération ; l'
évêque de San Cristobal de las
Casas
, qui dirige son diocèse du Chiapas depuis trente-huit ans, -et
que votre délégation a rencontré-, illustre tout
particulièrement ce courant ; enfin,
une tendance
" spirituelle "
cherche moins à intervenir dans le
débat politique et, critiquant avec modération le
néo-libéralisme, souhaite se recentrer sur la diffusion du
message évangélique.
Malgré ces concurrences et ces divisions -auxquelles contribue en outre
l'influence des divers ordres religieux comme les Jésuites-, l'Eglise
apparaît plus que jamais comme
un acteur non négligeable du jeu
politique mexicain
.
Après avoir historiquement été longtemps confrontée
aux lois anticléricales et à la politique antireligieuse du
Mexique, et tandis que la Constitution de 1917 ne reconnaissait pas le fait
religieux, l'Eglise mexicaine a vu sa situation juridique confortée par
la
révision constitutionnelle de 1992
. Jean-Paul II et le
président Salinas ont été les artisans de cette
révision qui a conduit à l'abolition des lois anti-catholiques
-malgré le maintien d'un contrôle étroit de l'Etat- et au
rétablissement des relations diplomatiques entre le Mexique et le
Saint-Siège, suspendues depuis 1857.
La profonde pénétration de l'Eglise dans la société
mexicaine, son rôle de mobilisateur social renforcé par son poids
dans l'enseignement, son influence morale et sa crédibilité bien
supérieure à celle des partis dans l'opinion la conduisent
à jouer
un rôle incontestable dans le champ politique et social
mexicain
malgré l'article 130 de la Constitution qui prohibe les
prises de position politiques de membres du clergé.
Ainsi,
l'archevêque de Mexico
, au prix de critiques du
gouvernement ou du PRI, dénonce régulièrement les
excès de la politique néo-libérale, la complicité
de certaines autorités dans le trafic de drogue, ou des violations des
droits de l'homme. De même, l'
évêque de San Cristobal de
las Casas
, même si sa position est relativement isolée, est
considéré, sinon comme l'un des instigateurs du
soulèvement zapatiste du Chiapas, du moins comme l'un des principaux
soutiens aux guérilleros.