II. L'ENLISEMENT DE L'ÉCONOMIE JAPONAISE
Dans la
prévision présentée par l'OFCE devant votre
Délégation au mois d'avril dernier, la croissance de
l'économie japonaise en 1998 était légèrement
positive (+ 0,3 %). Depuis cette date, l'
investissement
privé a connu dans ce pays une forte contraction, liée notamment
au
rationnement du crédit
par les banques (compte tenu de
l'accumulation de créances douteuses), à l'augmentation du nombre
de faillites et aux incertitudes sur la croissance nippone.
Les experts de l'OFCE ont cherché à évaluer l'impact de
cette chute de l'investissement privé. Selon cette simulation, les
taux de croissance
pour 1998 seraient ainsi
réduits
de
2,3 points au Japon (ce qui se traduirait par une baisse du PIB japonais
de 2 % en 1998), 0,4 point aux Etats-Unis et 0,3 point en Europe.
Les taux de croissance pour 1999 ne seraient pas affectés ;
néanmoins, cet exercice permet d'illustrer le
risque
pour
l'économie mondiale d'un nouveau
report de la reprise
japonaise.
Certainement faudrait-il ajouter à cette évaluation un
commentaire plus
qualitatif
pour apprécier l'impact de la
récession japonaise sur l'économie mondiale, à la
lumière des propos tenus par M. Kenneth COURTIS, Economiste en
chef à la Deutsche Bank en Asie, à l'occasion d'un Colloque qui
s'est récemment tenu au Sénat
5(
*
)
. Celui-ci se demandait dans quelle
mesure, en 1994-1995, le Mexique et les pays d'Amérique latine
touchés par le crise auraient pu renouer avec la croissance aussi
rapidement si leur partenaire principal, les Etats-Unis, ne s'était pas
trouvé dans une phase conjoncturelle aussi favorable. Ce rappel visait
à souligner la contrainte que pourrait
durablement
exercer
l'enlisement de l'économie japonaise sur les pays en crise
d'Asie.
III. DÉPRÉCIATION DU DOLLAR ET POLITIQUE MONÉTAIRE EN EUROPE
La
prévision réalisée en avril dernier reposait sur une
anticipation de baisse de la valeur du dollar, de 6 francs en 1998
à 5,53 francs en 1999. Cette baisse a été, au cours
des six derniers mois, plus précoce que prévu
6(
*
)
.
Plusieurs facteurs conduisent à envisager l'
amplification
de ce
mouvement : à court terme, le ralentissement de l'économie
américaine, la perspective d'une poursuite de la baisse des taux
d'intérêt aux Etats-Unis et les effets de
" réallocation de portefeuilles " liés à
l'introduction de l'euro ; à moyen terme, la persistance du
déficit extérieur américain et d'un excédent
européen.
Une variante réalisée à l'aide du modèle MIMOSA
permet d'évaluer l'impact d'une
baisse supplémentaire
de
5 % en 1999
du dollar face à toutes les monnaies. Celle-ci
amputerait la
croissance
en
Europe
de
0,5 point en
1999
et 0,2 point en 2000 ; de 0,4 point au Japon en 1998 et
1999 ; la croissance aux Etats-Unis serait supérieure de
0,3 point en 1999 et 2000.
On peut déduire de ces simulations qu'une poursuite de la baisse du
dollar, jusqu'à une valeur de
1 dollar = 5,10 francs, aurait en 1999 un
effet
restrictif
sur la croissance européenne
supérieur
à celui d'un enlisement de l'économie japonaise dans la
récession, et sensiblement du même ordre que la crise des pays
émergents, représentant environ
40 % du PIB
mondial
7(
*
)
. Ces travaux
permettent ainsi de montrer que l'orientation de sa
politique
monétaire
et de sa
politique de change
pourrait être
tout aussi
déterminante
pour l'économie européenne
que la dégradation de son environnement international.
De plus, la crise des pays émergents, conjuguée à la
baisse récente du dollar, devrait avoir un fort
effet
désinflationniste
sur les économies européennes, que
l'on peut évaluer à partir des simulations
présentées ci-dessus, à 1 point environ en 1999.
Il faut rappeler que l'inflation en Europe se situe déjà à
un faible niveau : sur les douze derniers mois, en France et en Allemagne,
les prix à la consommation n'ont progressé que de 0,5 %.
Ainsi faut-il craindre que le caractère déjà
restrictif
de la politique monétaire en Europe
8(
*
)
ne s'aggrave du fait de la poursuite de
la désinflation.
Une
baisse des taux d'intérêt
, en Europe comme aux
Etats-Unis, serait donc aujourd'hui justifiée.
Selon le modèle MIMOSA (cf. annexe n° 2, page 123), une baisse
des taux de l'ordre d'un demi-point en Europe comme aux Etats-Unis soutiendrait
la croissance à hauteur de 0,2 point la première
année et 0,1 point la deuxième année en Europe
(l'effet est sensiblement le même aux Etats-Unis).
En première analyse, l'impact de cette mesure apparaît modeste et
elle ne permettrait pas de faire face à des aléas importants,
tels qu'un approfondissement de la crise des pays émergents ou un
prolongement de la récession au Japon. Toutefois, cette
évaluation ne prend pas en compte l'incidence d'une baisse
concertée des taux d'intérêt aux Etats-Unis et en Europe
sur l'évolution des
taux de change
: celle-ci permettrait en
effet une
moindre dépréciation du dollar
que dans
l'hypothèse où l'Europe ne suivrait pas le mouvement
d'assouplissement de la politique monétaire amorcé, semble-t-il,
aux Etats-Unis.