CONCLUSION
Malgré sa bonne santé financière
apparente,
l'assurance française présente des signes de
vulnérabilité.
Affaiblies par une politique de nationalisation qui a sacrifié le souci
de la rentabilité et de la solvabilité sur l'autel de la part de
marché et handicapées par leur manque de spécialisation,
les compagnies d'assurance sont aujourd'hui livrées à une
concurrence sans merci sur un marché en voie de saturation.
Or, le décloisonnement des marchés de l'assurance ne s'est pas
accompagné de la nécessaire harmonisation des conditions
d'exercice du métier de l'assurance sur un marché
caractérisé par une mosaïque d'acteurs. De même,
à la veille de l'entrée en vigueur de l'euro qui a des chances de
rendre réel le marché unique de l'assurance, les acteurs
français demeurent lestés par des contraintes
réglementaires et fiscales d'un autre âge.
Elles se trouvent aujourd'hui exposées à deux dangers :
- la perte d'identité nationale induite par le rachat progressif des
compagnies d'assurance françaises par des assureurs étrangers
mieux capitalisés et plus profitables ;
- la
délocalisation de l'épargne des assurés et des
centres de traitement des dossiers sur les marchés apportant
l'environnement général le plus propice, au détriment de
l'emploi national.
L'Etat ne peut rester indifférent car de la santé des assurances,
grandes pourvoyeuses de financements, dépend en partie la santé
et la stabilité de l'économie.
Alléger la fiscalité pour renforcer les entreprises
françaises vis à vis de l'étranger, harmoniser les
conditions d'exercice du métier et supprimer les querelles de chapelles,
mieux contrôler les entreprises pour protéger leurs clients et non
leurs dirigeants, telles sont les principales propositions de la commission des
finances.
Il reviendra ensuite aux compagnies d'assurance d'assurer leur avenir et
peut-être à l'Etat de leur ouvrir de nouveaux champs
d'intervention.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 29 octobre sous la présidence de
M. René Ballayer
, doyen d'âge, puis de
M. Philippe Marini, rapporteur général
, la commission
des finances a procédé, sur le rapport de
M. Alain
Lambert, président
, à l'examen des conclusions du groupe de
travail sur la situation et les perspectives du secteur des assurances en
France.
Après avoir remercié
MM. Yann Gaillard
et
Paul
Loridant
pour leur participation très assidue au cycle d'auditions
organisé par le groupe de travail,
M. Alain Lambert,
président,
a rappelé que l'étude du groupe du
travail sur le secteur des assurances s'inscrivait dans le prolongement de
l'enquête réalisée en 1996 sur la santé des banques
qui avait révélé la grande fragilité de ces
dernières. Il a également précisé que le groupe de
travail avait de nouveau jugé utile de recueillir l'avis du Conseil de
la concurrence et du Commissariat Général du Plan sur le secteur
des assurances.
Il a ensuite présenté les principales conclusions du groupe de
travail après avoir, dans un avant-propos, rappelé quelques
définitions.
M. Alain Lambert,
président,
a tout d'abord
estimé que la bonne santé apparente de l'assurance
française masquait une vulnérabilité structurelle.
Parmi les indicateurs de bonne santé de l'assurance française, il
a cité :
- un chiffre d'affaires mondial de 1 097 milliards de francs en 1997
réalisé par les sociétés d'assurance régies
par le code des assurances (sociétés commerciales et
sociétés d'assurance mutuelle) dont 538 milliards de francs
pour l'assurance vie et 272 milliards de francs pour l'assurance dommages ;
- une densité (primes par habitant) et une pénétration de
l'assurance (part des primes d'assurance dans le PIB) tout à fait
comparables, voire supérieures à celles des autres grands pays de
l'OCDE, à l'exception du Japon et de la Suisse ;
- un encours des placements passé de 410 milliards de francs en 1984
à 3 712 milliards de francs en 1997. En valeur de marché,
l'encours total des placements est estimé à 4 085 milliards
de francs en 1997, ce qui traduit un montant de plus-values latentes de 373
milliards de francs.
- Enfin, une marge de solvabilité des sociétés d'assurance
tout à fait satisfaisante et expliquant en partie le très
faible nombre de faillites enregistré dans le secteur des assurances.
Toutefois,
M. Alain Lambert,
président,
a
considéré qu'un certain nombre de facteurs avaient conduit
à vulnérabiliser les sociétés d'assurance :
Il a ainsi estimé que la politique de nationalisation des compagnies
d'assurance avait conduit à sacrifier le souci de la rentabilité
et de la solvabilité au profit d'une recherche de la part de
marché et au détriment de la spécialisation des acteurs.
Il a observé que la fragilité de certains groupes dans le cadre
d'une compétition mondiale accrue avait été largement
sous-estimée et que la succession rapide des dirigeants a eu pour
conséquence un manque de continuité stratégique qui avait
pesé sur les performances et la qualité de la gestion ainsi que
sur la mobilisation des personnels et des cadres.
Il a ensuite noté que le positionnement trop généraliste
et frileux des assureurs français avait pour corollaire une
éviction lente des marchés du risque industriel et des grands
comptes, renforcée par le rachat des courtiers français par les
grands cabinets de courtage anglo-saxons. Il a souligné qu'une telle
faiblesse accélérait la délocalisation de la gestion des
risques de l'entreprise.
Enfin, il a fait valoir que l'accroissement de la concurrence induit par le
décloisonnement des différents segments de l'assurance et par
l'apparition de nouveaux acteurs (" bancassureurs ", vente directe,
grande distribution) avait érodé les marges des entreprises. Les
sociétés d'assurance mutuelle sans intermédiaires ont
ainsi opéré une percée spectaculaire sur le marché
de l'assurance dommage atteignant aujourd'hui 32 % du marché de
l'assurance dommages et 50 % du marché de l'assurance automobile et
les " bancassureurs " ont conquis 61 % du marché de
l'assurance vie. Enfin, il a rappelé que le marché de l'assurance
complémentaire de santé, traditionnellement tenu par les
institutions de prévoyance, avait été ouvert aux mutuelles
du code de la mutualité, puis, plus récemment, aux
sociétés d'assurance traditionnelles.
M. Alain Lambert, président,
a estimé que ces
éléments expliquaient aujourd'hui la
faible
rentabilité des acteurs français de l'assurance, liée
à la fois au niveau très concurrentiel des tarifs et à des
inefficacités de gestion, et contribuaient à la
sous-capitalisation de l'assurance française. Il a observé que
cette faiblesse des fonds propres accroissait l'opéabilité des
acteurs français. Il a enfin indiqué que de telles
évolutions étaient à l'origine du mouvement de
concentration qui a touché l'assurance française ces
dernières années, qui a vu AXA racheter l'UAP, Allianz
acquérir les AGF et Groupama s'emparer du GAN. La concentration a
également touché, de façon plus relative, les mutuelles du
code de la mutualité qui sont passées de plus de 6.400 en 1991
à 5.780 aujourd'hui.
Or,
M. Alain Lambert,
président,
a
considéré que certains aspects réglementaires et fiscaux
avaient tendance à entretenir la vulnérabilité des
assureurs en constituant des distorsions de concurrence, à la veille de
l'entrée en vigueur de l'euro qui devrait renforcer la concurrence
extérieure.
Il a, à cet égard, distingué deux aspects :
A l'interne, il a estimé que le décloisonnement des
marchés s'accommodait mal du maintien de conditions d'exercice du
métier de l'assurance hétérogènes.
Il a indiqué en premier lieu, que les avantages concurrentiels dont
bénéficient les mutuelles du code de la mutualité
engendraient des distorsions de concurrence. Parmi ces avantages, il a
cité :
- un régime fiscal dérogatoire que les mutuelles du code de la
mutualité partagent avec les institutions de prévoyance :
elle échappent ainsi à la taxe professionnelle, à la
contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et
à la contribution des institutions financières ; elles sont
assujetties à l'IS aux taux réduits de 24 % ou de 10 %
selon les produits concernés, et certains de leurs revenus
échappent à toute imposition ; enfin, les contrats
d'assurance maladie complémentaire souscrits auprès de mutuelles
du code de la mutualité ou d'institutions de prévoyance sont
exonérés de la taxe de 7 % sur les conventions d'assurance.
- des règles prudentielles et comptables moins strictes que les autres
acteurs de l'assurance en raison de la non transposition des
3
èmes
directives de l'assurance dans le code de la
mutualité.
- des subventions de l'Etat qui peuvent représenter jusqu'à
25 % des cotisations versées par les adhérents ;
- des facilités en nature pour l'exercice de leur activité
(locaux, matériel de bureau parfois prêtés par
l'administration, mise à disposition de personnels fonctionnaires...).
M. Alain Lambert,
président,
a rappelé que le
Conseil de la concurrence, saisi par le groupe de travail, avait estimé
que ces
" sujétions ne justifient pas l'ensemble
des facilités qui leur sont accordées pour l'exercice de leurs
activités "
dès lors que ces facilités
"
profitent directement à des activités ouvertes à
la concurrence et introduisent un déséquilibre entre les
opérateurs dans le cadre d'une compétition par les
mérites ".
Puis il a nuancé l'argument selon lequel les sociétés
d'assurance peuvent sélectionner les risques en rappelant que le code
des assurances interdisait aux sociétés d'assurance de
dénoncer le contrat ou d'augmenter la prime lorsque l'état de
santé de l'assuré se trouve modifié et que la loi Evin
interdisait aux assureurs, après l'expiration d'un délai de deux
ans, de refuser à un assuré acquittant normalement ses
cotisations, le maintien des garanties maladies et accident souscrites, quelle
que soit l'évolution de son état de santé.
Enfin, il a rappelé, s'agissant de l'épargne retraite
complémentaire facultative, que les fonctionnaires
bénéficiaient d'un avantage fiscal considérable à
travers la déduction intégrale de leur revenu imposable des
cotisations qu'ils acquittent aux trois régimes existants, la PREFON, le
CGOS, et le CREF, et que ces trois organismes jouissaient en conséquence
d'un avantage concurrentiel déterminant.
Au total, sur le segment de l'assurance maladie complémentaire et de la
prévoyance qui est un marché en forte croissance, il a
estimé que les assureurs traditionnels, sociétés anonymes
ou mutuelles, étaient en position d'infériorité par
rapport aux mutuelles du code de la mutualité et aux institutions de
prévoyance, sans que les avantages dont bénéficient ces
derniers soient justifiés par des considérations
d'intérêt général.
En second lieu,
M. Alain Lambert,
président,
a
rappelé que la distribution de produits d'assurance par La Poste
(11 % du marché de l'assurance vie) et le Trésor public
était contestée par leurs compétiteurs au motif qu'elle
serait de nature à créer des distorsions de concurrence. Il a
cependant précisé que le Conseil de la concurrence ne pouvait se
prononcer tant que ne serait pas intervenue une séparation juridique des
activités sous monopole et des activités concurrentielles, par
exemple, dans le cadre d'une filialisation des services financiers.
Abordant le volet externe,
M. Alain Lambert,
président,
a jugé que l'environnement fiscal et
réglementaire français était handicapant dans un contexte
fortement concurrentiel.
Il a d'abord observé que la fiscalité pesant sur les
opérateurs comme sur les opérations d'assurance était
d'autant plus pénalisante qu'elle était élevée et
instable.
Il a en effet rappelé que contrairement à leurs
compétiteurs étrangers, les opérateurs subissaient en
France la taxe sur les institutions financières et la taxe sur les
salaires. Il a souligné que la taxe sur les conventions d'assurance
pesant sur les opérations d'assurance, dont les taux
s'échelonnent entre 7 et 30 % selon le type de risque, était
la plus élevée d'Europe, constituant à cet égard un
frein à la couverture des risques localisés en France.
Puis, rappelant que l'assurance-vie constituait 66 % des primes
collectées en France,
M. Alain Lambert
a
considéré que les modifications incessantes du régime
fiscal de l'assurance-vie étaient de nature à déstabiliser
les assureurs, l'épargne étant éminemment
délocalisable.
Il a ensuite indiqué que l'administration fiscale française
avait tendance à remettre en cause la déductibilité
fiscale d'un certain nombre de provisions de bonne gestion constituées
par les entreprises en application des consignes prudentielles
européennes, ce qui placait les entreprises françaises dans une
position inconfortable.
Enfin,
M. Alain Lambert,
président,
a
évoqué un certain nombre d'étroitesses
réglementaires handicapantes (caractère trop global de la
règle de fonctionnement de la réserve de capitalisation,
restrictions dans l'utilisation de produits dérivés...).
Ces handicaps fiscaux et réglementaires lui sont apparus d'autant plus
préoccupants que l'entrée en vigueur prochaine de l'euro rendra
les prix et les tarifs transparents et fera du marché unique de
l'assurance une réalité.
Il a considéré à cet égard que la persistance de
facteurs de vulnérabilité comportait deux types de risques :
- un risque de rachat des sociétés françaises par des
groupes étrangers dans le cadre des restructurations internationales. Il
a souligné que ce risque n'était plus virtuel depuis que trois
des dix premières entreprises françaises étaient
passées sous contrôle étranger. Il a précisé
en outre que la plupart des sociétés de courtage étaient
déjà passées sous le contrôle de capitaux
étrangers.
- un risque de déplacement des centres de traitement des dossiers et de
concentration des compétences sur les marchés apportant
l'environnement général le plus propice. Il a appelé
l'attention des commissaires sur le fait que ce risque mettait en péril
les 207 800 emplois français du secteur des assurances. Il a
rappelé à cet égard que la gestion des risques industriels
par les AGF avait déjà été
délocalisée en Allemagne.
M. Alain Lambert
a ensuite présenté les principaux
axes de réforme préconisés par le groupe de travail afin
de permettre aux entreprises d'assurance françaises de relever le
défi de l'unification du marché.
Il est tout d'abord apparu indispensable au groupe de travail de supprimer les
handicaps réglementaires et fiscaux pesant sur l'assurance
française, a-t-il indiqué.
Soulignant que la réforme de la taxe professionnelle prévue par
le projet de loi de finances pour 1999 allait avoir pour conséquence une
forte hausse de la cotisation minimale de taxe professionnelle acquittée
par les sociétés d'assurance, il a préconisé en
contrepartie une suppression de la taxe sur les salaires et de la contribution
des institutions financières.
M. Alain Lambert, président,
a, en outre, souhaité
une harmonisation des taux de la taxe sur les contrats d'assurance sur la
moyenne européenne de ces taux.
Il a par ailleurs fait valoir que la stabilité de la fiscalité de
l'assurance-vie était indispensable à la visibilité des
épargnants et aux nécessités du financement à long
terme de l'économie française.
Enfin, pour stopper la remise en cause par l'administration fiscale de
certaines provisions prudentielles constituées par les entreprises en
vertu de la réglementation européenne, il a appelé
à une harmonisation des règles prudentielles et fiscales
applicables aux entreprises dans toute la mesure où cette harmonisation
restera compatible avec la nécessaire souplesse dont les entreprises ont
besoin pour évaluer leurs provisions.
Abordant le deuxième axe de propositions,
M. Alain Lambert,
président,
a indiqué que le groupe de travail s'était
prononcé pour une harmonisation des conditions d'exercice du
métier de l'assurance.
S'appuyant sur les conclusions du rapport de M. Alain Bacquet de mai
1994, il a appelé à une transposition des 3
èmes
directives dans le code de la mutualité. Il a précisé que
les directives prévoyaient d'exclure de leur champ un certain nombre de
mutuelles.
Par ailleurs, il a considéré que la séparation juridique
de la gestion des oeuvres sociales de celle des activités d'assurance et
de prévoyance des mutuelles qu'induirait la transposition des
3
èmes
directives dans le code de la mutualité
n'interdirait pas la compensation des déficits d'exploitation des
oeuvres sociales par les excédents de gestion des activités
d'assurance et de prévoyance, pourvu que ces transferts de fonds soient
transparents, justifiés et expressément approuvés par les
sociétaires.
S'agissant des règles fiscales,
M. Alain Lambert,
président,
a estimé que l'accentuation de la concurrence
rendait désormais illégitimes les disparités de
régimes fiscaux entre organismes exerçant le même
métier.
Il s'est par ailleurs, montré favorable à une harmonisation des
régimes fiscaux entourant l'épargne retraite des fonctionnaires
et celle des travailleurs indépendants non agricoles ainsi qu'à
une généralisation d'un tel dispositif à l'ensemble des
salariés par le biais de l'institution de fonds de pension. Il a en
outre appelé à l'ouverture à la concurrence de
l'épargne retraite complémentaire des fonctionnaires.
Il a enfin souhaité que soient clarifiées les relations entre
l'Etat et les mutuelles des fonctionnaires et des étudiants.
Puis, pour permettre aux sociétés d'assurance mutuelles de se
développer,
M. Alain Lambert, président,
a
préconisé une modernisation de leur statut.
A la veille de l'euro et d'un nouveau choc de concurrence, il a appelé
à une réflexion sur la transformation des sociétés
d'assurance mutuelles en sociétés anonymes dès lors que
les sociétés d'assurance mutuelles excèdent une certaine
taille. Il a souligné qu'une telle option leur permettrait de lever des
fonds plus facilement pour financer leur croissance et de constituer des
structures de groupe. Il a toutefois insisté sur la
nécessité de subordonner une telle transformation à
l'autorisation préalable de la majorité des sociétaires.
Il a enfin fait valoir qu'une telle faculté pouvait être
l'occasion, pour les sociétaires d'un certain nombre de
sociétés d'assurance mutuelles, de renouveler leur attachement au
statut mutualiste.
S'agissant des activités de distribution de produits d'assurance par la
Poste, il a préconisé l'établissement d'une
comptabilité analytique indiscutable et la filialisation de la
distribution de produits d'assurance par La Poste. Il s'est montré
opposé à la distribution de produits d'assurance dommage par la
Poste.
Abordant enfin le troisième volet de propositions du groupe de travail,
M. Alain Lambert, président,
a indiqué que le groupe
de travail était plus favorable à une amélioration du
contrôle des entreprises et des mutuelles d'assurance qu'à la mise
en place d'un système de garantie.
Il a rappelé que l'amélioration du contrôle passait par
une transposition dans la gestion des mutuelles d'une certaine dose de
" gouvernement d'entreprise " afin de rendre cette gestion plus
transparente et moins dépendante de la décision de
l'autorité politique. Il s'est montré favorable à la
professionnalisation de
l'échelon de contrôle de la
structure managériale des mutuelles et au développement de
rapports plus transparents, plus réactifs et plus participatifs entre
les mutuelles et les sociétaires pour relancer la flamme mutualiste.
Puis
,
il a appelé à un renforcement des moyens des
Commissions de contrôle (CCA et CCMIP) afin d'éviter des faillites
comme celle d'Europavie. Il a considéré que cette faillite ne
remettait pas en cause l'efficacité des règles prudentielles mais
reflétait l'insuffisance des contrôles. Soulignant le
dénuement de la Commission de contrôle des mutuelles et des
institutions de prévoyance face aux quelques 6 000 organismes
qu'elle est chargée de contrôler, il a conclu qu'il convenait de
donner aux organes de contrôle les moyens nécessaires à
leur mission.
Enfin,
M. Alain Lambert, président,
a insisté sur la
nécessité de garantir les assurés mais pas les
entreprises. Observant qu'une garantie de place risquait d'inciter à une
mauvaise gestion, il a s'est montré très attaché à
ce que la mise en jeu d'un système de garantie s'accompagne du retrait
de l'agrément des organismes secourus afin de supprimer tout
" aléa moral ".
A l'issue de la présentation des conclusions, un débat s'est
instauré auquel ont participé MM. Philippe Marini, Yann Gaillard,
Maurice Blain et Denis Badré.
Après avoir félicité le groupe de travail pour ses travaux
et ses propositions,
M. Philippe Marini
,
rapporteur
général
, a considéré que l'analyse du secteur
de l'assurance venait utilement compléter celle effectuée sur le
système bancaire et permettait d'avoir une vue globale du paysage
financier français.
M. Yann Gaillard
a également considéré que les
travaux sur le secteur des assurances étaient indissociables de ceux sur
le système bancaire et apportaient une contribution importante à
la réforme des institutions financières françaises.
Il a fait valoir qu'à la différence du système bancaire,
le secteur de l'assurance avait déjà subi une crise dont la
manifestation était la quasi disparition des trois anciens géants
français, AGF, GAN ET UAP. Il s'est étonné à cet
égard de la relative indifférence qui avait accompagné
cette évolution et de la position apparemment confiante des assureurs.
Il s'est inquiété des dangers de délocalisation des
segments les plus techniques et pointus de l'assurance. Il a enfin
formulé l'espoir que le rapport appelle l'attention des acteurs et des
pouvoirs publics sur la vulnérabilité de l'assurance
française et les risques pour notre économie.
Après avoir interrogé le président sur les raisons qui
avaient présidé à la constitution d'un groupe de travail
sur les assurances,
M. Maurice Blin
a souhaité savoir si
l'on risquait d'assister à la disparition de pans entiers de
l'assurance. Il s'est enquis du rôle des nationalisations dans
l'affaiblissement de ce secteur et a souhaité savoir si d'autres pays
disposaient d'un secteur mutualiste aussi important qu'en France.
M. Denis Badré
a estimé que le travail de comparaison
des régimes juridique, réglementaires et fiscaux dans lesquels
évoluent les sociétés d'assurance fonctionnant selon le
code des assurances, les mutuelles du code de la mutualité et les
institutions de prévoyance avait été tout à fait
utile. Il a considéré que les distorsions de concurrence qui
pouvaient exister entre ces trois types d'acteurs étaient une
spécificité française à laquelle il fallait mettre
un terme. Estimant que les secteurs des banques et des assurances
étaient complémentaires pour le financement des investissements,
il s'est demandé si l'on pouvait faire apparaître des synergies
entre les deux. Enfin, il a appelé l'attention sur le fait qu'il
était très difficile pour les entreprises de trouver des
assureurs qui acceptent de couvrir le risque industriel en France en se
demandant si l'assurance française allait être
reléguée dans la couverture des petits risques, les moins
générateurs de profits.
En réponse aux intervenants,
M. Alain Lambert,
pésident,
a rappelé que la création d'un groupe de
travail sur les assurances avait fait l'objet d'un débat dans la mesure
où certains avaient estimé que la nécessité
d'enquêter sur ce secteur ne se justifiait pas. Il s'est personnellement
montré heureux d'un tel choix, dont il avait été un
vigoureux partisan, en soulignant qu'à l'instar du secteur bancaire, le
secteur de l'assurance occupait une place centrale dans le financement de
l'économie française et présentait de nombreux points
communs avec la banque. En particulier, il a observé que les
insuffisances de l'Etat actionnaire avait conduit dans les deux cas aux
mêmes errements et aux mêmes fragilités. Il a cependant
estimé qu'en dépit de la vulnérabilité des acteurs
de l'assurance, il ne fallait pas se montrer excessivement pessimistes.
Il s'est montré favorable à la diversité des statuts
juridiques des différents acteurs évoluant sur le marché
de l'assurance pourvu que les conditions d'exercice de ce métier soient
les mêmes pour tous. Il a appelé à cet égard
à une suppression des distorsions de concurrence en observant qu'une
telle préconisation avait pour objet de servir l'intérêt
général et non les intérêts particuliers des
compagnies d'assurance commerciales. Il a précisé que celles-ci
ne s'étaient d'ailleurs pas manifestées avec autant
d'empressement que les banques.
S'agissant de la couverture des grands risques, il a observé qu'elle
nécessitait une assise financière solide et s'est
inquiété du passage sous contrôle étranger d'un
certain nombre de compagnies d'assurance et de sociétés de
courtage françaises.
Il a enfin estimé que la rétroactivité des mesures
fiscales était un des fléaux de la fiscalité moderne, et a
préconisé une stabilisation de la fiscalité de l'assurance
vie.
La commission a ensuite adopté les conclusions du groupe de travail et
décidé de les publier sous la forme d'un rapport d'information.