III. PRIVILÉGIER LE CONTRÔLE POUR LIMITER LE RECOURS À LA GARANTIE
Le très faible nombre de faillites intervenu depuis l'origine du contrôle de l'assurance démontre la relative efficacité des règles prudentielles. Si faillites il y a eu, c'est que les contrôles n'ont pas été assez efficaces. Il convient dès lors de renforcer le contrôle interne des entreprises d'assurance et de donner aux organes de contrôle les moyens nécessaires à leur mission afin qu'un éventuel mécanisme de garantie de place intervienne le moins possible.
A. TRANSPOSER DANS LE MONDE DE LA MUTUALITÉ LES DIVERS OUTILS DU GOUVERNEMENT D'ENTREPRISE
Les
mutuelles fonctionnent théoriquement selon le principe
démocratique, " un homme, une voix ". Comme l'écrit
Edmond Proust, premier président de la MAIF, "
à la fois
bénéficiaires et responsables des garanties accordées, les
adhérents d'une mutuelle ne sont bien assurés que s'ils sont bons
assureurs
. "
S'il convient de préserver un tel principe, il paraît pourtant
nécessaire d'améliorer la gestion des mutuelles du code de la
mutualité et de leurs réalisations sociales, afin de la rendre
plus rigoureuse et plus transparente.
Il convient en particulier de transposer dans le monde de la mutualité
les divers outils du
gouvernement d'entreprise
pour rendre la gestion
des mutuelles moins dépendante de la décision de
l'autorité politique.
A cet égard, il apparaît opportun de professionnaliser
l'échelon de contrôle de la structure managériale des
mutuelles. Il convient également de développer des rapports plus
transparents, plus réactifs et plus participatifs entre les mutuelles et
les sociétaires pour relancer la flamme mutualiste.
Il paraît enfin opportun d'améliorer le contrôle interne des
sociétés mutuelles en permettant la nomination d'administrateurs
indépendants.
1. Une gestion comptable et financière parfois artisanale
Le
rapport de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de
prévoyance (CCMIP) pour les exercices 1994 et 1995 montre que la gestion
comptable pose fréquemment des problèmes dans les petites
mutuelles. Les points les plus souvent signalés, outre
l'élaboration et l'approbation souvent tardive des comptes, concernent
le mauvais suivi des créances et des dettes, la tenue insuffisante des
comptes de tiers et l'absence de suivi comptable des cotisations non
payées.
Les rapports soumis à la commission montrent ainsi pour les exercices
examinés une certaine liberté prise par les services comptables
des organismes mutualistes :
- les mutuelles qui gèrent un régime de sécurité
sociale ne reportent pas toujours dans les états statistiques les
remises allouées en déduction des frais de gestion. C'est surtout
vrai pour celles jouant le rôle d'organismes conventionnés du
régime des travailleurs non salariés.
- les cotisations aux unions et fédérations sont diversement
traitées ;
- certaines charges afférentes soit aux caisses autonomes, soit aux
oeuvres sociales, pourraient figurer dans les coûts de fonctionnement de
la mutuelle elle-même.
Certains contrôles ont mis en évidence l'absence de calcul de
rendement des placements, et plus généralement, une gestion trop
artisanale des placements. Enfin, on peut regretter la faiblesse ou l'absence
fréquente de gestion prévisionnelle.
2. La méconnaissance de certaines dispositions du code de la mutualité
Les
contrôles déconcentrés effectués par les directions
régionales des affaires sanitaires et sociales ont permis de constater
que les obligations déclaratives auxquelles sont en principe astreintes
les mutuelles du code de la mutualité ne sont pas toujours
respectées. Ainsi, certaines mutuelles fonctionnent sur la base de
statuts dont le contenu ou les modifications n'ont pas été
approuvés par l'autorité administrative, en infraction avec
l'article L. 122-7 du code de la mutualité.
Par ailleurs, les contrôles ont mis en évidence un certain nombre
d'irrégularités graves :
- la non tenue des instances, notamment de l'assemblée
générale ;
- la tenue parfois rudimentaire, voire l'inexistence, des registres de
présence aux conseils d'administration ;
- des modifications statutaires non soumises au préalable à
l'assemblée générale ;
- l'absence de règlement intérieur, malgré les
dispositions des statuts, ou un document imprécis sur les conditions
d'administration ou de gestion du groupement ;
- des indemnités aux administrateurs dont la justification ou le montant
n'est pas fondé.
Ces observations relativisent l'attachement porté par certaines
mutuelles à leur statut mutualiste.
3. Moderniser le statut de l'élu
Dans une
mutuelle d'assurance, le mandataire mutualiste exerce son mandat
bénévolement. Une telle situation ne semble plus adaptée
aux contraintes de la gestion moderne qui implique transparence et
professionnalisme dans un contexte de plus en plus concurrentiel. Cette
évolution appelle donc une professionnalisation du statut de
l'élu afin, comme le préconise le Commissariat
général du Plan, "
d'éviter les tentations
liées à la cohabitation du bénévolat et du pouvoir
dans un monde non dépourvu d'argent et où sa liberté
d'affectation est particulièrement grande
57(
*
)
".
Le groupe de travail soutient par conséquent sans réserve
l'initiative des sociétés d'assurance mutuelles tendant à
élaborer un statut juridique de mandataire mutualiste, prévoyant
une juste rémunération du mandataire de mutuelle, proportionnelle
au temps qu'il y consacre et aux responsabilités qu'il y exerce. Ce
statut devra également prévoir l'assujettissement de cette
rémunération aux charges fiscales et sociales
légales.
4. Mettre en place des administrateurs indépendants
Bien
qu'il ne paraisse guère souhaité par les sociétés
mutualistes, le développement de postes d'administrateurs
indépendants pourrait être le pendant, dans le secteur mutualiste,
de la collégialisation du pouvoir dans les sociétés
anonymes. Ces dernières ont en effet la possibilité d'adopter le
statut de société à directoire et à conseil de
surveillance, ce qui permet une dissociation du président et du
directeur général au plus grand bénéfice de la
transparence et de la bonne gestion.
A défaut d'adopter une structure identique, les mutuelles pourraient
mettre en place des administrateurs indépendants ce qui permettrait
d'éviter que certains choix stratégiques de placements ou
d'investissements soient le fait d'un seul homme.
5. Créer un droit d'interpellation pour les sociétaires
Comme le
relève le Commissariat Général du Plan, les
adhérents des grandes mutuelles qui ont atteint la taille de compagnies
d'assurance font davantage preuve d'une attitude consumériste que d'un
esprit mutualiste parfois un peu instrumentalisé.
En phase avec cette analyse, le groupe de travail suggère, pour relancer
la flamme mutualiste, de développer de nouveaux rapports plus
transparents et plus participatifs entre les mutuelles et les
sociétaires, afin que l'adhésion à une mutuelle
relève davantage de la conviction que de l'opportunisme.