B. UNE VULNÉRABILITÉ ACCRUE
1. Une rentabilité insuffisante
Comme le
montre le graphique ci-après, la rentabilité moyenne
(résultat net comptable sur fonds propres et réserves) des
sociétés d'assurance du marché français s'est
fortement dégradée au cours des dix dernières
années, en assurance vie comme en assurance de dommages.
La concurrence que se sont livrées les compagnies jusqu'à une
date récente a en effet eu pour effet de laminer les marges.
Le ratio sinistres à primes des sociétés françaises
d'assurance dommages est ainsi le plus élevé de l'espace
économique européen à l'exception de la Finlande et du
Danemark, et leur taux de chargement est parmi les plus élevés.
De surcroît, la France se distingue par la rentabilité technique
négative moyenne la plus élevée de - 11,6 % sur une
période allant de 1975 à 1992 couvrant diverses conjonctures.
L'effondrement des résultats d'exploitation en assurance de dommages
étant devenu insupportable (près de 10 milliards de francs de
pertes d'exploitation en 1992 pour l'ensemble des compagnies et encore
près de 9 milliards en 1993 contre un bénéfice de 6
milliards trois ans plus tôt), l'effort des compagnies s'est alors
tourné vers le redressement des résultats techniques au
détriment de la course à la part de marché et vers le
recentrage de leurs activités sur leur métier de base. Ce
changement de priorité a porté ses fruits puisque depuis 1995,
les résultats techniques de l'assurance sont positifs.
Toutefois, en dépit du redressement des résultats
enregistré à partir de trois ans, les indicateurs de
rentabilité restent médiocres au regard de la situation des
opérateurs européens de l'assurance (taux de rentabilité
de 7,4 % bien inférieur aux standards internationaux compris entre
10 et 15 %).
L'Assemblée plénière des sociétés
d'assurance-dommages (APSAD) prévoit une diminution sensible de la
rentabilité en 1998. Le résultat du compte technique devrait
ainsi revenir de 7,6 à 4,6 milliards de francs soit une
rentabilité inférieure à 5 %.
Par ailleurs, la consolidation des résultats de l'assurance dommages
s'est faite au prix d'une moindre vigilance sur les marchés
vie-capitalisation dont les résultats se sont significativement
dégradés jusqu'en 1996. Aujourd'hui, malgré un taux de
chargement comparativement bas, le taux de rentabilité plafonne
à 7,6 % contre 21 % en 1986.
S'appuyant sur une étude Sigma
22(
*
)
, le Commissariat Général
du Plan relève la situation atypique de la France dont la
rentabilité technique pour le moins médiocre est confirmée
par une rentabilité globale constamment faible, qui devient
négative de 1990 à 1994 et redevient positive à un faible
niveau en 1995 et 1996, sans augmenter en 1997 et 1998. Le graphique
ci-après décompose les éléments du résultat
dans l'assurance.
Eléments du résultat dans
l'assurance
(indicateurs unidimensionnels classiques)
Rendements courants des placements + Produit des placements / - pertes sur
placements
- frais sur revenu des placements
Primes nettes acquises
- sinistres nets (réglés et réservés)
- frais d'acquisition et de gestion, nets
= Rendement des placements
= Résultat technique
= Résultat global (en % des primes : rendements sur chiffre d'affaires)
Source : Sigma / Suisse de Réassurances 1/95.
Il ne faut pas perdre de vue comme le rappelle opportunément le Plan,
que la rentabilité apparente est largement dépendante de la
politique de provisionnement adoptée par les entreprises d'assurance
française, politique qui minore constamment le résultat global.
C'est donc en gardant à l'esprit que les politiques de provisionnement
anglo-saxonnes sont moins conservatrices que les politiques française et
allemande qu'il convient d'interpréter le tableau ci-après.
Comparaison des rentabilités financières
des
principaux groupes d'assurances européens
|
Capitalisation boursière |
|
|||
|
ROE** (%) |
En monnaie locale |
USD |
Flottant (%) |
Prévision ROE* 1998 |
France |
|||||
AGF |
9,0 |
31,519 |
5,169 |
78 |
|
AXA |
10,7 |
130,870 |
21,461 |
62 |
11,1 |
GAN |
3,2 |
8,466 |
1,388 |
20 |
|
Allemagne |
|||||
Allianz |
8,5 |
98,029 |
54,025 |
40 |
|
Hannover Re |
13,5 |
2,255 |
1,242 |
25 |
10,0 |
Munich Re |
8,5 |
49,958 |
27,533 |
34 |
9,9 |
Italie |
|||||
INA |
|
10,480 |
5,931 |
48 |
9,1 |
Pays-Bas |
|||||
Aegon |
18,0 |
44,604 |
21,825 |
54 |
14,0 |
ING Group |
- |
75,633 |
37,008 |
90 |
14,0 |
Espagne |
|||||
Corporacion Mapfre |
11,4 |
258,386 |
1,688 |
48 |
11,5 |
Mapfre Vida |
16,7 |
142,400 |
930 |
29 |
15,5 |
Suisse |
|||||
Swiss Re |
14,6 |
29,956 |
20,125 |
91 |
13,0 |
Winterthur |
11,5 |
12,149 |
8,162 |
80 |
9,0 |
Zurich |
13,5 |
28,283 |
19,001 |
95 |
|
Royaume-Uni |
|||||
Commercial Union |
13,1 |
5,145 |
8,183 |
91 |
14,2 |
General Accident |
11,9 |
4,552 |
7,240 |
100 |
15,0 |
GRE |
12,5 |
2,550 |
4,056 |
100 |
12,0 |
Royal & Sun Alliance |
14,2 |
7,915 |
12,589 |
100 |
16,5 |
Legal & General |
11,3 |
5,794 |
9,215 |
100 |
|
Norwich Union |
11,0 |
6,838 |
10,875 |
100 |
|
Prudential |
12,2 |
12,297 |
19,558 |
100 |
|
Le principal problème de l'assurance française est donc un problème de rentabilité apparente insuffisante, qui n'est pas sans lien avec le poids passé des sociétés nationales, écho au passé de capitalisme sans capital ni actionnaires véritable d'une fraction importante de l'assurance française.
2. Une sous-capitalisation chronique
En
dépit d'une part de marché et d'un chiffre d'affaires
supérieurs à ceux du groupe Allianz, la valeur boursière
d'AXA-UAP (21,4 milliards de dollars) représente moins de la
moitié de celle d'Allianz (54 milliards de dollars) avant
même l'absorption des AGF par cette dernière.
Le classement boursier des sociétés nationales d'assurance en
termes de capitalisation illustre bien la faiblesse capitalistique du secteur
de l'assurance en France : en décembre 1997, les AGF se situaient
au 15
ème
rang européen et le GAN au
25
ème
, bien après les premiers groupes britanniques,
hollandais, belges et suisses. Ils représentent respectivement un
huitième et un quatorzième de la capitalisation d'Allianz.
L'absorption de l'UAP par AXA, celle des AGF par Allianz et celle du GAN par
Groupama traduisent d'ailleurs la faiblesse dans laquelle se trouvaient ces
groupes publics.