II. LA PRÉVENTION ET LE DÉPISTAGE : LES MAILLONS FAIBLES DU DISPOSITIF
A. UN EFFORT DE PRÉVENTION MODESTE
a) La part réduite de la prévention dans les dépenses de soins
Il n'est
pas possible d'isoler une part spécifiquement consacrée au cancer
au sein des dépenses de prévention. Prises dans leur
globalité, ces dépenses de prévention restent modestes
dans le système de soins français.
Ainsi, selon les comptes nationaux de la santé, les dépenses
comptabilisées au titre de la prévention se sont
élevées en 1995 à 18,3 milliards de francs,
soit
315 francs par habitant
, ou encore 2,3 % seulement des
dépenses courantes de santé.
Elles recouvrent, d'une part, des dépenses de prévention
individualisées (14,7 milliards de francs, soit 253 francs par
habitant) : médecine du travail (5,8 milliards), santé
scolaire (2,7 milliards de francs), protection maternelle et infantile
(2,1 milliards de francs), toxicomanie, planification familiale, examens
de santé, dépistages, vaccinations (4 milliards de francs).
Elles recouvrent, d'autre part, des dépenses de prévention
collective (3,6 milliards de francs, soit 62 francs par habitant) :
action et recherche d'intérêt général, campagnes
permanentes d'information et d'éducation sanitaire.
A titre de comparaison, la consommation totale de soins et biens
médicaux s'est élevée en 1995 à
682,3 milliards de francs,
soit 11.735 francs par
habitant
.
b) La prévention de l'alcoolisme et du tabagisme
Le
rapport du Haut comité de la santé publique de 1996 a mis en
exergue l'existence en France d'une mortalité prématurée
et "évitable", comparativement élevée aux regards des
autres pays développés. Cette surmortalité est notamment
imputable aux cancers du poumon et des voies aero-digestives supérieures
liés aux comportements individuels en matière d'alcool et de
tabac, qui relèvent prioritairement d'une action de prévention.
Hypothèse d'école, un arrêt total et immédiat du
tabagisme réduirait de 30 % la mortalité par cancer dans les
50 ans à venir. Il est douteux qu'aucun progrès
thérapeutique procure jamais un gain de cette ampleur
.
Les crédits budgétaires consacrés à la lutte contre
l'alcoolisme et le tabagisme sont limités. Pour 1998, dans le budget de
la Santé, 185 millions de francs sont spécifiquement
affectés aux programmes et dispositifs de lutte contre le tabagisme et
l'alcoolisme.
Ces dotations budgétaires sont complétées par les
contributions du Fonds national de prévention, d'éducation et
d'intervention sanitaire (FNPEIS) de la Caisse nationale d'assurance maladie.
Le FNPEIS finance les grandes campagnes d'information du Comité
français d'éducation sanitaire (CFES), auxquelles il a
consacré, en 1997, 19 millions de francs pour la lutte contre le
tabagisme et 17,7 millions de francs pour la lutte contre l'alcoolisme. En
1998, ces montants devraient être respectivement de 50,5 millions de
francs et 18 millions de francs.
En pratique, l'action publique de prévention de la consommation de
tabac et d'alcool repose principalement sur l'effet dissuasif de la
fiscalité spécifique applicable à ces deux substances.
Le produit de l'ensemble des droits sur les alcools attendu pour 1998
s'élève à 16 milliards de francs, et celui du droit
de consommation sur les tabacs à 43 milliards de francs.
Le partage des rôles entre l'assurance maladie, qui supporte les
coûts médicaux du tabagisme et de l'alcoolisme, et l'Etat, qui
engrange les recettes fiscales générées par ces deux
fléaux, a souvent été critiqué. Un premier effort
de cohérence a été fait en 1983, avec la création
d'une taxe sur les boissons alcooliques affectée à la CNAMTS,
d'un rendement attendu de 2,3 milliards de francs pour 1998.
Cette cohérence a été renforcée par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1997, qui a
affecté à l'assurance maladie certains des droits de consommation
sur les alcools. Le produit de ces droits est estimé à
4,1 milliards de francs pour 1998.
Parallèlement, la loi de finances pour 1997 a affecté à la
CNAMTS une fraction du droit de consommation sur les tabacs. Initialement
fixée à 6,39 % du produit de ce droit, soit 3 milliards
de francs, cette fraction a été portée à 9,1 %
par la loi de finances pour 1998, soit 4,2 milliards de francs.
Sur le long terme, l'action de prévention de la tabagie et de
l'alcoolisme porte des fruits, encore insuffisants. La consommation moyenne
d'alcool pur par adulte est passée de 22 litres en 1970 à
16 litres en 1994. Toutefois, cette évolution favorable s'effectue
au détriment du vin et s'accompagne d'une progression de la consommation
d'alcools forts, surtout chez les jeunes.
Sous l'effet de la hausse de la fiscalité, la consommation de tabac a
diminué régulièrement au cours des années 1990, au
rythme de - 2,5 % par an. Toutefois, la tabagie a continué
à progresser chez les jeunes femmes : alors qu'en moyenne un homme sur
deux fume et une femme sur trois seulement, l'écart est beaucoup plus
resserré dans les dernières générations. Les
adolescents français restent les plus gros fumeurs en Europe (59 %
de fumeurs à 18 ans), même s'ils commencent à fumer un
peu plus tard qu'auparavant, à 14 ans en moyenne.