II. DÉVELOPPER LA MISSION DE CONSEIL DES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES : UNE FAUSSE BONNE IDÉE

Evoquée à plusieurs reprises lors des auditions auxquelles a procédé le groupe de travail, et défendue, avec fougue, par le vice-président de l'association des présidents des conseils régionaux 35( * ) , l'idée de confier une mission de conseil ou d' avis préalable aux chambres régionales des comptes peut sembler séduisante ; mais, une telle réforme, qui pourrait modifier de manière durable et bénéfique les relations qu'entretiennent les élus locaux et les juridictions financières, se heurte à des obstacles matériels et à des objections juridiques qui rendent sa concrétisation difficile , voire impossible.

A. UNE IDÉE SEDUISANTE

L'idée de confier une mission de conseil aux chambres régionales des comptes n'est pas incongrue.

En effet, les deux autres "contrôleurs" des collectivités locales s'acquittent, d'ores et déjà, d'une telle fonction de conseil des collectivités territoriales, à la plus grande satisfaction des élus locaux.

C'est ainsi que le préfet, dans sa mise en oeuvre du contrôle de légalité et avant de saisir le juge administratif, entretient avec les collectivités locales concernées un dialogue destiné à prévenir les difficultés contentieuses.

Ces pratiques de consultation, de concertation et d'échanges sur la légalité des actes des collectivités locales ont été "consacrées" par la jurisprudence. En effet, le Conseil d'Etat a considéré, par un arrêt du 18 avril 1986 (Commissaire de la République du département d'Ille-et-Vilaine), que les observations adressées, à l'intérieur du délai de recours contentieux, par le préfet à un élu local, sur la légalité d'un acte de sa collectivité, équivalent à un recours gracieux qui prolonge le délai de recours contentieux ouvert au représentant de l'Etat.

Par ailleurs, les comptables publics chargés de l'apurement administratif des comptes des "petites" communes jouent, depuis longtemps, un rôle de conseil qui apparaît en étroite synergie avec leur rôle de contrôle.

Ils ont d'ailleurs été fortement incités à assumer cette mission de conseil juridique par la circulaire du 18 juin 1990 prise par notre collègue Michel Charasse, à l'époque ministre délégué chargé du budget 36( * ) .

Ce texte procédait, tout d'abord, à un rappel de la nature et de la portée du contrôle exercé par les comptables publics. Deux règles étaient réaffirmées avec force :

- en premier lieu, le comptable ne peut subordonner ses actes de paiement à une appréciation de l'opportunité des décisions prises par l'ordonnateur (rappel des articles 15, 55 et 82 de la loi du 2 mars 1982) ;

- en second lieu, le comptable ne peut effectuer un contrôle de la légalité interne des actes : son contrôle, qui porte sur la régularité, est circonscrit à un contrôle de la légalité externe des actes.

Pour le reste, cette circulaire avait pour objet principal de conforter le rôle de conseil des comptables locaux. Elle a atteint son but comme en attestent les témoignages des élus locaux, même si l'instruction du 17 septembre 1990 a opéré, sous prétexte " de préserver les prérogatives du préfet", un "repli stratégique", par rapport au texte de juillet, en réservant aux comptables supérieurs -et non plus aux ordonnateurs locaux- la primeur des observations formulées par les comptables sur la légalité externe des actes des collectivités locales.

Dans leur action quotidienne, les comptables publics continuent d'entretenir un dialogue constructif avec les élus locaux.

Enfin, les chambres régionales des comptes elles-mêmes exercent une fonction de conseil dans trois cas au moins :

- le contrôle des actes budgétaires dans l'exercice duquel les chambres régionales des comptes interviennent comme conseillers des préfets ;

- les modifications susceptibles d'être apportées aux règles fixant les modalités de répartition des contributions des communes au budget d'un syndicat intercommunal, sur lesquelles les chambres régionales des comptes, saisies par les préfets, donnent un avis ( article L. 232-3 du code des juridictions financières) ;

- les conventions relatives à des délégations de service public et les conventions relatives aux marchés sur lesquelles les chambres régionales des comptes, saisies par les préfets, émettent un avis qui est transmis au représentant de l'Etat et à la collectivité territoriale concernée (article L. 234-1 et L. 234-2 du code des juridictions financières ).

Il s'agirait donc d' étendre aux exécutifs territoriaux cette faculté de consulter les chambres régionales des comptes, jusqu'à présent réservée aux seuls préfets.

Cette extension peut paraître séduisante dans la mesure où elle permettrait de répondre à deux besoins exprimés par les élus locaux :

- en premier lieu, contribuer à la normalisation des rapports entre les élus locaux et les chambres régionales des comptes, en créant les conditions d'un dialogue avec les juridictions financières qui constituerait une aide à la décision ;

- en second lieu, conforter le besoin de sécurité juridique éprouvé par les élus locaux, en leur permettant de pouvoir bénéficier de conseils éclairés qui leur évitent de commettre des erreurs.

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