3. Instituer une procédure de recours contre les lettres d'observations définitives
a) Les termes du débat
L'absence de toute procédure de recours à
l'encontre
des lettres d'observations définitives pose à l'évidence
problème dès lors que ces lettres peuvent mettre en cause
très directement la gestion d'un ordonnateur et au-delà de ce
dernier la collectivité dont il a la charge.
Certes, si une procédure juridictionnelle est engagée sur le
fondement des constatations faites par une chambre régionale des comptes
dans le cadre de l'examen de la gestion, la personne mise en cause
bénéficie de toutes les garanties habituelles.
Mais, en dehors de cette hypothèse, l'intéressé ne peut
contester des lettres d'observations définitives.
Cette situation
n'est pas acceptable.
Les difficultés pour définir une procédure de recours
portent principalement sur
la forme
que revêtent les lettres
d'observations définitives et, de manière moins aiguë, sur
le
choix de l'instance juridictionnelle
appelée à
connaître d'éventuels recours.
Sur la forme
, les lettres d'observations définitives
ne sont
pas des décisions juridictionnelles
. Elles se bornent à
effectuer diverses constatations, à formuler des critiques et le cas
échéant des propositions sur tel ou tel aspect de la gestion
locale. Elles ne comportent
pas de sanctions
.
En outre, bien qu'elles ne puissent être assimilées à des
actes préparatoires, puisqu'elles concluent la procédure non
juridictionnelle menée par la chambre régionale des comptes,
elles pourraient être rapprochées d'un rapport d'inspection qui,
selon une jurisprudence constante, ne constitue pas un
acte faisant
grief
(Conseil d'Etat, 26 mai 1982, Droulers).
S'agissant d'organismes de régulation tels que la Commission nationale
de l'informatique et des libertés, le Conseil d'Etat a ainsi
distingué les
décisions normatives qui font grief
(12 mars 1982, Confédération
générale du travail)
et les
recommandations
formulées par cette commission qui, elles,
ne font pas grief
(27 septembre 1989, S.A. Chopin et autres).
Même si cette question n'a pas encore été tranchée
par le Conseil d'Etat, un jugement du tribunal administratif de Marseille
(1er mars 1995,
société Sernica et commune de La
Ciotat),
déjà cité par votre rapporteur, a
considéré que les observations formulées par la chambre
régionale des comptes ne présentent pas "
le
caractère de décision faisant grief susceptible d'être
déférée au juge de l'excès de pouvoir
".
La chambre régionale des comptes ne prend en outre aucune
décision quant à la publicité des lettres d'observations
définitives, cette publicité étant prévue et
organisée par la loi elle-même. Au demeurant, si la
décision de publier un acte qui ne fait pas grief et dont la publication
n'est pas obligatoire constitue une décision susceptible de recours
(Conseil d'Etat, 21 octobre
1988, Eglise de scientologie),
le contrôle du juge se limite à la décision de publication
elle-même
(Conseil d'Etat, 27 mai 1987, S.A. Laboratoire
Goupil).
Ces difficultés liées aux caractéristiques des lettres
d'observations définitives se doublent d'interrogations qui portent sur
le
choix de l'instance juridictionnelle
susceptible de connaître
d'éventuels recours.
Le fait qu'une lettre d'observations définitives ne modifie pas la
situation juridique des intéressés semblerait
a priori
devoir exclure la compétence de la juridiction administrative, à
s'en tenir aux considérants qui ont fondé la décision
précitée du tribunal administratif de Marseille.
Encore faut-il rappeler que le juge administratif peut, sans se prononcer sur
le fond, contrôler
les vices propres de l'acte.
Telle est la voie
qu'il a choisie pour les délibérations non décisionnelles
(délibérations préparatoires, voeux ou avis) des conseils
municipaux
(Conseil d'Etat, 22 mai
1987, Tête
). Cette
solution permet de sanctionner le "
vice propre
" de forme ou
de procédure qui a entaché une telle délibération.
Appliquée aux observations sur la gestion, une telle jurisprudence ne
serait pas sans intérêt pratique.
Ainsi pourrait être, au
minimum, garanti le contrôle du juge administratif sur le respect des
procédures et sur la forme des lettres d'observations.