C. DES SANCTIONS AUTOMATIQUES INADÉQUATES

Comme pour les jugements des comptes des comptables patents, la règle du double jugement s'applique à la procédure de déclaration de gestion de fait. Le premier jugement de déclaration provisoire doit être motivé par de sérieuses présomptions. Il décrit les opérations constitutives de la gestion de fait et désigne les personnes qui paraissent y avoir pris part. Le jugement provisoire doit être notifié aux intéressés ainsi qu'à l'ordonnateur de la collectivité concernée.

Cette notification ouvre une procédure contradictoire qui a été sensiblement renforcée par les textes récents (le décret n° 95-945 du 23 août 1995 notamment) et par la jurisprudence tant de la Cour des comptes que du Conseil d'Etat.

Au terme de cette procédure contradictoire, un jugement définitif peut intervenir.

La sanction de la gestion de fait est de nature soit financière soit pénale.

L'article 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963 prévoit que les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet de poursuites au titre du délit d'usurpation de fonctions (prévu par l'article 433-12 du code pénal et puni de trois ans d'emprisonnement, de 300.000 francs d'amende et de peines complémentaires par l'article 433-22 ), être condamnés aux amendes prévues par la loi.

Mais à ces sanctions s'ajoutent, lorsque l'élu est déclaré définitivement gestionnaire de fait, la démission d'office. Pour des raisons vraisemblablement historiques, cette démission est prononcée par le préfet du département pour les conseillers municipaux ( article L. 236 du code électoral) et par le préfet de région pour les conseillers régionaux (article L. 341 ) mais par le conseil général pour les conseillers généraux ( article L. 205 ). Une harmonisation des solutions applicables pourrait -semble-t-il- être envisagée.

L'inéligibilité postérieure à l'élection du comptable de fait

Dans le cas de l'inéligibilité concernant les comptables (article L. 231 6 ° du code électoral), il est de jurisprudence constante que sont inéligibles au conseil municipal les personnes se trouvant dans la situation de comptable de fait dès lors que le compte n'est pas apuré au jour de l'élection (Conseil d'Etat, 1er décembre 1922, Elections comme conseiller municipal et maire de Nicolas-Vermelle ; 5 février 1926, Elections municipales de Crémeaux ; 21 mai 1926, Elections municipale de Quers ; 24 juillet 1987, Elections municipales de Clouanges).

Lorsque la situation du comptable de fait est constituée postérieurement à l'élection, s'appliquent les dispositions de l'article L.236 du code électoral qui prévoit la démission d'office de l'intéressé par le préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours et sauf recours au Conseil d'Etat.

Néanmoins, depuis la loi du 26 juillet 1991, le conseiller municipal déclaré comptable de fait peu recevoir quitus de sa gestion dans les six mois de l'expiration du délai de production des comptes imparti par le jugement définitif du juge des comptes. Dans ce cas, la procédure de démission d'office n'est pas mise en oeuvre.

Ainsi conçu, ce régime automatique d'inéligibilité et de démission apparaît -de l'avis même des magistrats financiers entendus dans le groupe de travail- très lourd et inadapté à l'objet même de la procédure de gestion de fait qui est de rétablir la règle de séparation des ordonnateurs et des comptables.

Il place, en effet, la chambre régionale des comptes qui prend une décision de gestion de fait dans la position d'être juge non seulement de la régularité comptable mais aussi, le cas échéant, de l'avenir du mandat de l'ordonnateur .

Ainsi, l'article L. 231 du code électoral qui prévoit l'inéligibilité du comptable exerçant ses fonctions dans le ressort dans les six mois précédant l'élection implique pour le juge financier soit de tenir compte de cette conséquence juridique avant de déclarer l'intéressé comptable de fait, soit de ne pas en tenir compte, obligeant ce dernier à régulariser sa situation dans des conditions difficiles.

Quant à la démission d'office, le délai de six mois prévu par l'article L. 236 du code électoral pour régulariser la situation de l'intéressé apparaît très court.

L'appel du jugement de déclaration définitive de gestion de fait -qui peut être interjeté dans un délai de deux mois à compter de sa notification- n'a en principe pas d'effet suspensif " sauf s'il en est autrement décidé par la Cour des comptes " ( article 70 du décret du 23 août 1995).

Les inéligibilités et démissions d'office qui frappent les gestionnaires de fait résultent de l'application aux comptables de fait des inéligibilités que le code électoral prévoit pour les comptables publics patents . Elles ne constituent donc en aucun cas des sanctions complémentaires appliquées par le juge des comptes.

En dépit de l'assouplissement que constitue la possibilité pour le comptable de fait de régulariser sa situation dans un délai de six mois et de la possibilité pour l'intéressé de se présenter aux élections après avoir obtenu un sursis à exécution de la Cour des comptes (Conseil d'Etat, 12 juin 1996, Elections municipales de Mutzig), les conséquences électorales d'une gestion de fait sont très lourdes pour les élus de bonne foi et qui n'ont pas lésé les intérêts de leur collectivité.

Un dispositif mieux adapté qui prévoirait une simple suspension des fonctions d'ordonnateur devrait donc être envisagé.

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