CHAPITRE II
UN ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE
BOULEVERSÉ
L'économie de l'archipel, fondée naguère essentiellement sur la pêche, a été bouleversée par les prises de position canadiennes relatives aux zones de pêche.
I. UNE SITUATION GÉO-POLITIQUE DÉLICATE
En
1977
, date à laquelle le nouveau droit de la mer autorise les
Etats riverains à créer des " zones économiques
exclusives " (ZEE) de 200 miles, le Canada décida d'étendre
jusqu'à 200 miles de ses côtes sa zone maritime nationale. Elle y
réglementa les conditions de pêche et entendit que ces
règles s'appliquassent aux armements de pêche étrangers.
La France répondit à cette décision en instituant une zone
économique exclusive autour de l'archipel, mais le Canada ne
reconnaissait à la France que la zone des 12 miles, qui correspond aux
eaux territoriales. Ces deux zones, décidées, dans un cas comme
dans l'autre, de manière unilatérale, se chevauchaient, sur une
surface importante.
En 1988, après des années d'hésitation il fut
décidé que le litige sur la délimitation des zones serait
tranché par un tribunal d'arbitrage, quand des contingents de poisson
auraient été donnés aux pêcheurs français.
Le
10 juin 1992
, le
tribunal arbitral de New-York fit la part belle
aux intérêts du Canada
en réduisant à une
étroite bande d'océan la zone économique exclusive de la
France au sud de Terre-Neuve.
L'évolution de la situation des droits de pêche a fortement
compliqué la situation.
En effet, par un
accord franco-canadien du 27 mars 1972
, les droits de
pêche français, dans les eaux canadiennes du golfe de
Saint-Laurent, avaient été fixés jusqu'en 1986, pour les
armements métropolitains, cependant que des engagements avaient
été pris au-delà de cette date ; dix chalutiers de 50
mètres immatriculés à Saint-Pierre et Miquelon,
étaient autorisés à pêcher dans les eaux du golfe,
dans les mêmes conditions que les pêcheurs canadiens.
Mais l'interprétation donnée à cet accord par les
Canadiens, désireux d'écarter de leurs côtes tous les
navires de pêche, n'a pas été favorable aux
intérêts de Saint-Pierre et Miquelon.
En effet,
depuis 1992, le Canada a réduit dans des proportions
considérables les quotas de pêche qu'il accordait
traditionnellement à la France
. Pour justifier ces mesures
drastiques, les autorités canadiennes mirent l'accent sur le
risque
réel d'épuisement des ressources halieutiques
dans toute la
région. Confirmation de cette thèse ayant été
apportée par les scientifiques, il s'en est suivi une décision
canadienne de
moratoire
interdisant toute pêche à la morue
dans la région pour une période minimale de cinq à sept
ans.
Alors qu'environ 23.000 tonnes de morue étaient nécessaires pour
faire vivre les sept chalutiers de Saint-Pierre et Miquelon, cette
décision unilatérale eut des conséquences dramatiques sur
l'économie de l'archipel et conduisit à la rupture des
pourparlers franco-canadiens.
Finalement, des négociations élargies débouchèrent
sur un
accord
, paraphé à Ottawa le
10 novembre 1994
et signé à Paris le 2 décembre 1994, qui mit fin à
la guerre de la morue
5(
*
)
.
L'accord prévoit de concéder aux canadiens 30 % du banc de
pétoncles situé dans les eaux françaises et d'en exploiter
le reste dans une unité de transformation à Miquelon.
En contrepartie, le Canada s'engage à céder à la France
15,6 % des prises admissibles de morue dans la zone dite du 3PS
(établie par l'organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest,
l'OPANO), et 2,6 % des prises admissibles de morue dans le golfe du
Saint-Laurent, à la fin du moratoire. Enfin, les bateaux canadiens sont
autorisés à pêcher 70 % de la quote-part
française de morue dans ces deux zones pourvu que leurs prises soient
débarquées et traitées à l'usine de transformation
de Saint-Pierre.
L'accord de pêche est assorti d'un accord de coopération
régionale portant sur le tourisme, la protection de l'environnement, les
relations culturelles et les relations universitaires.
Bien que les termes de cet accord satisfassent peu les autorités locales
et la population de l'archipel, il comble un vide juridique et détermine
pour l'avenir, mais à un niveau très inférieur à
celui du passé, une possibilité de reprise des activités
traditionnelles de pêche à la morue.