Mission de contrôle sur les crédits de l'enseignement scolaire effectuée à Saint-Pierre et Miquelon du 11 au 14 mai 1997
DELONG (Jacques-Richard)
RAPPORT D'INFORMATION 507 (97-98) - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE PREMIER
UN SYSTÈME ÉDUCATIF PRÉSERVÉ MAIS DES RÉSULTATS SCOLAIRES CONTRASTÉS -
CHAPITRE II
UN ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE BOULEVERSÉ -
CHAPITRE III
LE SYSTÈME ÉDUCATIF DOIT S'ADAPTER AUX VOIES D'AVENIR DE L'ARCHIPEL - CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- Programme de la mission de M. Delong à Saint-Pierre-et-Miquelon
N°
507
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la mission de contrôle sur les crédits de l'enseignement scolaire effectuée à Saint-Pierre et Miquelon du 11 au 14 mai 1997,
Par M.
Jacques-Richard DELONG,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René
Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel,
Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Enseignement scolaire
.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Situé à 4 750 kilomètres de Paris et à une
vingtaine de kilomètres seulement de la pointe sud de la
péninsule de Burin à Terre-Neuve, l'archipel de Saint-Pierre et
Miquelon est le dernier lambeau (de 241 km
2
) des possessions
françaises d'Amérique du Nord qui couvrirent plusieurs millions
de km
2
. Il est composé de trois îles principales :
- Saint-Pierre, dont la superficie n'est que de 2 500 hectares, a
été choisie pour abriter le chef-lieu de l'archipel en raison de
son port naturel (le Barachois) abrité par l'île-aux-Marins ;
- A l'ouest de Saint-Pierre, se situe Langlade qui est reliée à
Miquelon par un trait d'union sablonneux, l'Isthme. La superficie de ces deux
îles réunies est d'environ 23 000 hectares.
Fréquentées par des pêcheurs français dès le
début du XVI
e
siècle, ces îles furent
abordées par Jacques Cartier mais ne furent pas peuplées d'une
manière continue avant le XVII
e
siècle.
Cédées à l'Angleterre par le traité d'Utrecht
(1713), elles furent rendues à la France en 1763 pour servir de point
d'appui aux pêcheurs français qui étaient encore
autorisés à venir pêcher la morue dans certains secteurs de
la côte Sud de Terre-Neuve. Mais l'Angleterre limita à 50 hommes
la garnison et se réserva le droit d'y exercer son contrôle. En
plus des conditions d'existence très dures à l'époque pour
la population résidant sur cet archipel et de l'inexistence des moyens
de défense, les Anglais se livrèrent au jeu à
épisodes multiples de la déportation et de l'autorisation au
retour, un jeu cruel déjà rôdé avec le " Grand
Dérangement " des Acadiens.
Au XX
e
siècle, l'histoire des îles a été
marquée par l'organisation de la contrebande d'alcool à
destination des Etats-Unis, pendant la prohibition, et la prise de possession
de l'archipel par la flotte de l'amiral Muselier au nom de la France libre, le
24 décembre 1941.
La population de l'archipel est d'origine métropolitaine : les
ascendances basques, normandes et bretonnes y sont presque exclusives. De
là vient le grand attachement des 6.660 Saint-Pierrais et Miquelonnais
à la France.
Jusqu'en 1992, l'économie de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon
était principalement assise sur les activités liées
à la pêche : avitaillement des chalutiers,
débarquement de poissons, pêche, transformation de poisson frais.
Depuis, le coeur de l'activité économique s'est effondré,
suite à l'épuisement de la ressource marine et au moratoire
imposé par le Canada à partir de 1992 dans toute la région.
La disparition des grands voiliers qui venaient pêcher la morue a en
effet porté un coup très rude à l'économie de
Saint-Pierre et Miquelon. Les chalutiers à moteur n'ont pas besoin de
faire relâche à Saint-Pierre et seule, désormais, la
pêche côtière peut offrir un revenu aux habitants de
l'archipel, avec une petite industrie de la conserverie.
Le chômage a pu être limité grâce aux aides
financières importantes de l'Etat pour la reconversion des entreprises
et des personnels, mais aussi par le maintien d'un secteur public et parapublic
important.
En dépit du faible nombre d'habitants de l'archipel, votre rapporteur a
voulu, en effectuant une mission de contrôle des crédits de
l'enseignement scolaire, témoigner de l'intérêt
porté par la métropole à Saint-Pierre et Miquelon à
cette période difficile de son histoire.
Les résultats de cette mission font apparaître des
résultats scolaires contrastés en dépit de l'excellence de
l'encadrement. En effet, si les résultats aux examens ou aux tests
d'évaluation en sixième sont tout à fait satisfaisants au
regard des résultats constatés en métropole, les taux
d'accès aux classes de troisième ou de seconde
générale sont en revanche décevants. Seuls 40 % des
élèves parviennent au niveau du baccalauréat. Un jugement
hâtif pourrait imputer de tels résultats au manque de motivation
des élèves dû au marasme économique de l'archipel et
à son enclavement.
Mais, il ressort des informations recueillies par votre rapporteur que les
élèves, et notamment ceux de Miquelon, réfrènent
volontairement leurs efforts par peur de devoir quitter l'archipel pour
poursuivre leurs études en métropole, s'ils parviennent au niveau
du baccalauréat. Une telle attitude prouve, s'il en était besoin,
l'attachement des habitants de Saint-Pierre et Miquelon à leur archipel.
Elle reflète toutefois une certaine frilosité face au changement
et à l'inconnu contre laquelle votre rapporteur appelle les
équipes éducatives de l'archipel à lutter si elles veulent
voir le territoire prendre le tournant de la modernité.
Saint-Pierre et Miquelon se trouve aujourd'hui à une période
charnière de son histoire. Il appartient à ses habitants, et
notamment à ses jeunes, de construire l'avenir sur des activités
encore à définir. Votre rapporteur estime qu'il incombe à
l'éducation nationale de participer à la réflexion sur les
nouveaux axes de développement de l'archipel et de faciliter
l'adaptation des élèves à ces voies d'avenir en les
sensibilisant aux nouvelles technologies et en multipliant les relations avec
le continent Nord Américain voisin. Contre le réflexe de repli
sur soi, l'éducation nationale doit promouvoir l'ouverture sur
l'extérieur : l'avenir de Saint-Pierre et Miquelon réside
dans la mobilisation de ses jeunes et dans le développement de la
coopération économique régionale.
CHAPITRE PREMIER
UN SYSTÈME ÉDUCATIF
PRÉSERVÉ MAIS DES RÉSULTATS SCOLAIRES
CONTRASTÉS
Au terme
d'une inspection sur place, votre rapporteur retire la conviction que la
mission d'éducation est correctement remplie dans la collectivité
territoriale de Saint-Pierre et Miquelon. Toutefois, compte tenu des atouts
dont dispose l'archipel, le sentiment prévaut que des progrès
restent à accomplir, que les résultats scolaires des
élèves ne sont pas à la hauteur des investissements
consentis. Il s'avère en effet qu'un phénomène de peur de
la métropole conduit les élèves à
s'auto-restreindre pour ne pas à avoir quitter l'archipel.
La
population
est
jeune
puisque les moins de vingt ans
représentent 30 % de la population.
I. UN SYSTÈME ÉDUCATIF PRÉSERVÉ
A. LA STRUCTURE DE L'ENSEIGNEMENT
A la
rentrée 1996, l'enseignement public comportait 906 élèves
répartis comme suit :
- 525 élèves étaient scolarisés au lycée
d'Etat de Saint-Pierre, dont :
. 234 en premier cycle du second degré,
. 133 en deuxième cycle du second degré,
. 158 en enseignement technique.
- 108 élèves étaient scolarisés à
l'école maternelle de Saint-Pierre ;
- 79 et 154 élèves appartenaient à deux groupes scolaires
de Saint-Pierre qui vont de la petite section de maternelle au CM2 pour l'un,
et du cours préparatoire au CM2 pour l'autre ;
- 42 élèves étaient scolarisés à
l'école primaire de Miquelon (CE1 au CM2).
L'enseignement privé comportait 613 élèves
répartis comme suit :
- 202 élèves étaient scolarisés au
collège Saint-Christophe, dont :
. 178 en premier cycle du second degré,
. 29 en enseignement technique.
- 406 élèves scolarisés dans quatre écoles dont
deux écoles maternelles.
Au total, à la rentrée 1996, on comptait 1.523
élèves à Saint-Pierre et Miquelon.
S'agissant des
effectifs du personnel
, ils se répartissaient
comme suit :
- administration académique 6 agents
- administration du lycée 13 agents
- premier degré public 38 agents
- second degré public 69 agents
- premier degré privé 39 agents
- second degré privé 23 agents
Globalement, on comptait
188 agents
en septembre 1996, dont 126 dans le
public et 62 dans le privé. 40 % des enseignants du public
étaient originaires de métropole contre un quart chez les
enseignants de l'enseignement privé. Sept enseignants étaient
canadiens. En revanche, il n'y avait que trois fonctionnaires issus de
métropole parmi les vingt fonctionnaires de l'administration du
lycée et des services académiques.
B. UNE OFFRE DE FORMATIONS VARIÉE
S'agissant des
formations professionnelles
ou
techniques,
l'archipel met à la disposition des élèves 4 CAP, 7 BEP, 2
baccalauréats professionnels et des quatrième et troisième
technologiques. 187 élèves ont pu bénéficier de ces
formations en 1996-1997.
L'offre en
enseignement technique
de l'archipel est la suivante :
4 CAP (dont un privé) :
- Menuiserie - agencement (MA)
- Mécanicien en maintenance de véhicules (MMV)
- Employé technique de collectivités (ETC)
- Vente
7 BEP :
- Bois et matériaux associés (BMA)
- Administration commerciale et comptable (ACC)
- Communication administrative et secrétariat (CAS)
- Métiers de la comptabilité (MDC)
- Maintenance de véhicules automobiles (MVA)
- Electronique (ELN)
- Electrotechnique (ELT)
2 baccalauréats professionnels :
- Equipements et installations électriques (EIE)
- Bureautique et secrétariat
Deux 4
èmes
technologiques et deux 3
èmes
technologiques (dont une privée) ;
Une quatrième Aide et soutien (AES).
Le tableau ci-après recense l'ensemble des élèves par
niveau d'enseignement à la rentrée 1996 :
C. UN TAUX D'ENCADREMENT SATISFAISANT
En
divisant les effectifs scolaires par le nombre d'agents par degré
d'enseignement, le taux d'encadrement peut être évalué
à :
1 agent pour 10 élèves dans le premier degré public,
1 agent pour 10,41 élèves dans le premier degré
privé,
1 agent pour 7,6 élèves dans le second degré public,
1 agent pour 9 élèves dans le second degré privé.
Les visites effectuées dans les différents établissements
scolaires de l'archipel ont en outre permis à votre rapporteur
spécial de constater que le
taux d'encadrement des
élèves
est
tout à fait favorable par rapport
à la métropole
, avec des effectifs toujours inférieurs
à 25 élèves par classe, descendant jusqu'à 10
élèves pour la classe de terminale ES ou certaines classes du
primaire. En outre, les élèves bénéficient de
conditions de travail convenables et de locaux en bon état.
D. UNE DÉPENSE PAR ÉLÈVE SUPÉRIEURE À CELLE DE MÉTROPOLE
Le
montant affecté aux traitements des agents s'élevait à
près de 47 millions de francs en 1996. Il faut observer qu'en vertu
d'une loi du 3 avril 1950 et d'un décret du 10 mars 1978,
les
salaires des fonctionnaires en poste à Saint-Pierre et Miquelon sont
majorés respectivement de 40 et de 30,67 % par rapport à
ceux de métropole
. Il faut également noter que ces
majorations bénéficient à tous les agents, qu'ils soient
ou non originaires de métropole, et qu'ils soient titulaires ou non.
Ainsi, le coefficient H/E qui représente le coût moyen horaire
d'un élève, est égal à 1,4 dans les classes de
collège et à 2 à Miquelon. Il est à comparer
à des ratios H/E de 1,2 dans les collèges de métropole.
En tenant compte des crédits d'investissement (1,42 million de francs),
de fonctionnement du lycée d'Etat de Saint-Pierre (2,18 millions de
francs)
1(
*
)
, et des crédits
attribués à l'enseignement privé essentiellement au titre
du forfait d'externat (2,19 millions de francs), les dépenses de
l'éducation nationale à Saint-Pierre et Miquelon se sont
élevées à
53,85 millions de francs
en 1996. Ils
étaient de 53,2 millions de francs en 1995 et de 50,3 millions de
francs en 1994.
On constate néanmoins certains dysfonctionnements dans les
investissements effectués. Ainsi, le gymnase du lycée d'Etat de
Saint-Pierre terminé il y a quatre ans, ne permet-il ni de jouer au
volley, ni de jouer au tennis compte tenu de ses dimensions insuffisantes. En
outre, la dalle qui le supporte s'est déjà affaissée et
les vestiaires ne sont pas suffisants. 1,3 à 1,5 million de francs
ont été programmés sur deux ans pour effectuer les travaux
de réparation nécessaires...
Une alternative consisterait à entreprendre le projet de construction
d'une salle de sports polyvalente à dominante " mur à
gauche " en cofinancement avec le Conseil général et le
Fonds national de développement du sport (FNDS) mais le bouclage
financier reste inachevé : alors que l'éducation nationale
est prête à mettre 5 millions de francs sur deux ans et le
FNDS 3 millions, il manque 3 millions de francs pour parvenir aux
11 millions de francs requis.
II. DES RÉSULTATS SCOLAIRES CONTRASTÉS
En dépit d'un taux d'encadrement assez élevé à Saint-Pierre comme à Miquelon, les résultats scolaires apparaissent assez contrastés. En effet, si les résultats au baccalauréat sont relativement conformes à la moyenne métropolitaine, les taux d'accès aux classes de troisième ou de seconde des lycées d'enseignement général et technologique sont très inférieurs au taux nationaux d'accès à ces niveaux.
A. DES RÉSULTATS AUX EXAMENS SATISFAISANTS...
L'évaluation en sixième révèle des scores en mathématiques constamment plus élevés qu'en métropole de 1994 à 1996 (64,2 contre 62,9 en 1996). Cela était également le cas en français jusqu'en 1996, année qui a vu les enfants de Saint-Pierre et Miquelon réaliser des scores moins élevés que la moyenne française (60,9 contre 62,1).
Scores de français |
|||
|
1994 |
1995 |
1996 |
Lycée SPM |
66,2 |
72,1 |
60,9 |
France |
64,4 |
66,4 |
62,1 |
Les résultats au baccalauréat de la session 1997 ont été tout à fait honorables avec un taux global de réussite, toutes sections confondues, de 75,68 %. Les taux de réussite oscillent entre 68,57 % en 1996 et 100 % à la session 1989.
|
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Admis/Présents |
21/21 |
22/24 |
25/27 |
27/31 |
27/36 |
21/31 |
34/42 |
24/35 |
28/37 |
Taux de réussite |
100% |
91,6% |
92,6% |
87% |
75% |
67,7% |
80,9% |
68,5% |
75,7% |
B. ... MAIS DES TAUX D'ACCÈS AUX CLASSES SUPÉRIEURES ET AU BACCALAURÉAT MÉDIOCRES
Une
étude menée par le Directeur du Centre d'information et
d'orientation de Saint-Pierre et Miquelon sur neuf générations
d'élèves nées entre 1971 et 1979 révèle que
si le taux d'accès à une troisième de collège ne
cesse de croître depuis 1986, il est loin d'atteindre le taux
constaté en métropole.
Ainsi, si près de 70 % des élèves nés en 1979
ont accédé à une troisième de collège contre
57 % des élèves nés en 1971, ce chiffre est à
comparer à un taux national de l'ordre de 81 %, soit un
écart de plus de dix points. De même, si 43 % des
élèves nés en 1979 ont accédé à une
seconde générale contre 30,6 % des élèves
nés en 1971, le chiffre national d'accès à la seconde pour
les élèves nés en 1979 était de 55 %.
Enfin, plus problématique, alors que 61,5 % des
élèves métropolitains accèdent au niveau du
baccalauréat, ce taux tombe à 40 % à Saint-Pierre et
Miquelon.
Les différents interlocuteurs rencontrés dans l'archipel ont
d'ailleurs révélé une certaine réticence des
" bons " élèves à exceller en matière
scolaire, afin de ne pas être envoyés en métropole. Il est
vrai qu'en raison d'un certain " confinement " propre à
Saint-Pierre et Miquelon, la métropole effraie. Il conviendrait
peut-être, à cet égard, d'encourager les échanges
avec les voisins canadiens, ce qui aurait le double avantage d'émanciper
des élèves un peu trop protégés et de favoriser un
bilinguisme à développer.
Le maintien à Saint-Pierre et Miquelon de l'accès au CAP à
la sortie de la classe de cinquième fournit une autre explication
à cette faiblesse du nombre de bacheliers. Cette dérogation
devrait prendre fin cette année.
Les statistiques récentes ne sont toutefois pas définitives
compte tenu du nombre d'élèves qui sont encore dans le
système scolaire et susceptibles d'accéder à une terminale
par le jeu des passerelles entre filières.
C. LE DÉPART DES ÉLÈVES LES MIEUX FORMÉS
En
1996-1997,
66 élèves boursiers
poursuivaient leur
formation
en
métropole
2(
*
)
,
essentiellement dans des lycées offrant des options plus
diversifiées (le lycée de Saint-Pierre n'offrant que les sections
S, ES et L) et dans des sections BEP de lycées professionnels, les
autres dans des sections de CAP, dans des lycées agricoles ou dans des
centres de formation d'apprentis.
119 étudiants
étaient par ailleurs recensés dans
les différentes filières de formation supérieure de
métropole (IUT, Universités, grandes écoles, écoles
spécialisées, CPCG, STS...).
L'analyse des chiffres rassemblés pour la génération
née à Saint-Pierre et Miquelon en 1971 est
particulièrement éclairante du devenir des 95 jeunes adultes
recensés dans cette tranche d'âge et ayant effectué la
totalité de leur scolarité à Saint-Pierre et
Miquelon
3(
*
)
. Ces jeunes ont 26 ans aujourd'hui
et ont terminé leurs études pour la plupart.
L'étude indique ainsi que sur les 69 personnes qui ont terminé
leurs études avec un niveau inférieur au baccalauréat
(soit 72 % du groupe témoin), 62 personnes sont établies
à Saint-Pierre et Miquelon, dont 28 avec un CAP ou un BEP. Les sept
élèves ayant préféré la métropole
où le Canada représentent 10 % des élèves de
cette catégorie.
En revanche, sur les 26 élèves ayant obtenu un
baccalauréat
4(
*
)
(soit 27 % du groupe
témoin), seuls 19 sont établis à Saint-Pierre et Miquelon
(soit les trois quarts) dont 8 avec un diplôme de l'enseignement
supérieur. Deux d'entre eux poursuivent leurs études. Les sept
élèves " émigrants " représentent 27 %
des bacheliers.
Il y a donc 81 personnes établies à Saint-Pierre et Miquelon sur
95, soit une " fuite " vers la métropole ou vers le Canada de
14 élèves parmi les plus qualifiés.
CHAPITRE II
UN ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE
BOULEVERSÉ
L'économie de l'archipel, fondée naguère essentiellement sur la pêche, a été bouleversée par les prises de position canadiennes relatives aux zones de pêche.
I. UNE SITUATION GÉO-POLITIQUE DÉLICATE
En
1977
, date à laquelle le nouveau droit de la mer autorise les
Etats riverains à créer des " zones économiques
exclusives " (ZEE) de 200 miles, le Canada décida d'étendre
jusqu'à 200 miles de ses côtes sa zone maritime nationale. Elle y
réglementa les conditions de pêche et entendit que ces
règles s'appliquassent aux armements de pêche étrangers.
La France répondit à cette décision en instituant une zone
économique exclusive autour de l'archipel, mais le Canada ne
reconnaissait à la France que la zone des 12 miles, qui correspond aux
eaux territoriales. Ces deux zones, décidées, dans un cas comme
dans l'autre, de manière unilatérale, se chevauchaient, sur une
surface importante.
En 1988, après des années d'hésitation il fut
décidé que le litige sur la délimitation des zones serait
tranché par un tribunal d'arbitrage, quand des contingents de poisson
auraient été donnés aux pêcheurs français.
Le
10 juin 1992
, le
tribunal arbitral de New-York fit la part belle
aux intérêts du Canada
en réduisant à une
étroite bande d'océan la zone économique exclusive de la
France au sud de Terre-Neuve.
L'évolution de la situation des droits de pêche a fortement
compliqué la situation.
En effet, par un
accord franco-canadien du 27 mars 1972
, les droits de
pêche français, dans les eaux canadiennes du golfe de
Saint-Laurent, avaient été fixés jusqu'en 1986, pour les
armements métropolitains, cependant que des engagements avaient
été pris au-delà de cette date ; dix chalutiers de 50
mètres immatriculés à Saint-Pierre et Miquelon,
étaient autorisés à pêcher dans les eaux du golfe,
dans les mêmes conditions que les pêcheurs canadiens.
Mais l'interprétation donnée à cet accord par les
Canadiens, désireux d'écarter de leurs côtes tous les
navires de pêche, n'a pas été favorable aux
intérêts de Saint-Pierre et Miquelon.
En effet,
depuis 1992, le Canada a réduit dans des proportions
considérables les quotas de pêche qu'il accordait
traditionnellement à la France
. Pour justifier ces mesures
drastiques, les autorités canadiennes mirent l'accent sur le
risque
réel d'épuisement des ressources halieutiques
dans toute la
région. Confirmation de cette thèse ayant été
apportée par les scientifiques, il s'en est suivi une décision
canadienne de
moratoire
interdisant toute pêche à la morue
dans la région pour une période minimale de cinq à sept
ans.
Alors qu'environ 23.000 tonnes de morue étaient nécessaires pour
faire vivre les sept chalutiers de Saint-Pierre et Miquelon, cette
décision unilatérale eut des conséquences dramatiques sur
l'économie de l'archipel et conduisit à la rupture des
pourparlers franco-canadiens.
Finalement, des négociations élargies débouchèrent
sur un
accord
, paraphé à Ottawa le
10 novembre 1994
et signé à Paris le 2 décembre 1994, qui mit fin à
la guerre de la morue
5(
*
)
. L'accord
prévoit de concéder aux canadiens 30 % du banc de
pétoncles situé dans les eaux françaises et d'en exploiter
le reste dans une unité de transformation à Miquelon.
En contrepartie, le Canada s'engage à céder à la France
15,6 % des prises admissibles de morue dans la zone dite du 3PS
(établie par l'organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest,
l'OPANO), et 2,6 % des prises admissibles de morue dans le golfe du
Saint-Laurent, à la fin du moratoire. Enfin, les bateaux canadiens sont
autorisés à pêcher 70 % de la quote-part
française de morue dans ces deux zones pourvu que leurs prises soient
débarquées et traitées à l'usine de transformation
de Saint-Pierre.
L'accord de pêche est assorti d'un accord de coopération
régionale portant sur le tourisme, la protection de l'environnement, les
relations culturelles et les relations universitaires.
Bien que les termes de cet accord satisfassent peu les autorités locales
et la population de l'archipel, il comble un vide juridique et détermine
pour l'avenir, mais à un niveau très inférieur à
celui du passé, une possibilité de reprise des activités
traditionnelles de pêche à la morue.
II. LE DÉCLIN DE LA PÊCHE INDUSTRIELLE
Face au
moratoire sur la morue, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif
d'aides à l'entreprise de transformation " INTERPÊCHE "
qui s'est trouvée privée de matière première. Une
convention du Fonds national pour l'emploi a ainsi permis de prendre en charge
les salaires du personnel à partir du 15 septembre 1992, relayée
en 1993 et 1994 par une convention de congés de conversion..
Depuis le début de la crise franco-canadienne, l'Etat, par
différents biais (Fonds national pour l'emploi, restructuration
financière et reconversion de la société INTERPÊCHE)
et la Collectivité territoriale ont apporté un
soutien
financier évalué
, entre septembre 1992 et décembre
1996,
à 165 millions de francs
pour le secteur de l'industrie de
la pêche. Pour la seule année 1996, les subventions
accordées à INTERPÊCHE et ses filiales ont atteint 20
millions de francs.
La première phase du
programme de restructuration d'Interpêche
s'est achevée au mois de décembre 1994 avec la mise en place
et le démarrage de l'unité industrielle de traitement de poisson
russe importé. Une nouvelle société, " ARCHIPEL
SA " (104 salariés), filiale d'INTERPÊCHE, a
été créée pour gérer ce complexe. Son
actionnaire majoritaire est la société espagnole PESCANOVA.
L'entreprise bénéficie d'une aide gouvernementale
renégociée chaque année, qui s'est élevée en
1997 à 9 millions de francs.
La seconde phase consistant à transformer la structure industrielle de
Miquelon pour la rendre apte à traiter le pétoncle s'est
achevée à la fin de l'année 1995 : l'usine de
traitement de pétoncles " MIQUELON SA "
(66 salariés) est opérationnelle depuis la fin de
1995 ; le coquillier l'
Avel Mad
est arrivé à
Saint-Pierre le 19 décembre 1995, complétant ainsi le dispositif
productif de l'entreprise. L'exploitation du pétoncle a donc pu
débuter dans de bonnes conditions au mois d'avril 1996.
Au 31 décembre 1995, la flotte d'INTERPÊCHE et de sa filiale,
MIQUELON SA, ne comptait plus qu'une unité, un coquillier, l'
Avel
Mad
. La location du chalutier
La Normande
depuis 1995 a pris fin au
31 décembre 1996. L'effectif de l'industrie halieutique a
été ramené de 310 à 168 salariés en 1996,
après le plan social du Fonds national pour l'emploi.
Les
résultats
de la pêche industrielle ont cependant
été
décevants
en 1996. Les deux
débarquements de poisson russe au cours du dernier trimestre 1996 n'ont
pas permis à l'usine de transformation d'ARCHIPEL SA d'atteindre le
niveau de production de l'année précédente. De plus, le
coquillier
Avel Mad
n'a exploité que très partiellement le
quota alloué de pétoncles : il a été
débarqué à peine 250 tonnes de pétoncles sur un
quota alloué de 2.275 tonnes.
Toutefois,
la situation semblait pouvoir s'améliorer en 1997
. En
effet, après la réunion du Conseil Consultatif franco-canadien en
novembre 1996, le Ministre fédéral canadien des pêches et
océans a entériné le total admissible de captures de
pétoncles et de morue pour 1997. Il a été attribué
à Saint-Pierre-et-Miquelon, un quota de 1.870 tonnes de morue -alors que
l'archipel ne bénéficiait d'aucun quota de capture pour cette
espèce en 1996- et 1.470 tonnes de pétoncle.
Le Conseil consultatif franco-canadien s'est de nouveau réuni en
février 1998 pour fixer les nouveaux quotas de pêche pour 1998
mais a décidé de repousser sa décision. Le gouvernement
français revendique un quota de 500 tonnes de morue pour le seul premier
trimestre 1998.
III. L'IMPORTANCE DES SECTEURS PUBLIC ET PARAPUBLIC
La
population active est concentrée dans le secteur public et parapublic,
qui représentait en 1990 quelque 28 % des
2.978 personnes actives
recensées à l'époque (834 salariés). La crise
de la pêche a amplifié ce phénomène.
Les dispositifs nationaux et spécifiques d'aide à l'emploi et
d'incitation à la création d'entreprises, de même que les
commandes publiques dans le secteur du Bâtiment et des travaux publics,
ont permis, notamment en 1995 et 1996, de freiner la montée du
chômage dans l'archipel. Le secteur du BTP a ainsi connu une forte
activité en 1996 avec, en particulier, la poursuite du chantier du
nouvel aéroport, la construction et la réhabilitation de
plusieurs immeubles publics. La construction de maisons individuelles s'est
également poursuivie à un rythme soutenu.
C'est ainsi qu'il a été enregistré une
légère diminution du chômage avec
365 demandeurs
d'emploi
au 31 décembre 1996 contre 398 à la même
époque en 1995 (soit une baisse de 8 %). Le taux de chômage est
sensiblement équivalent à celui de métropole avec
12,25 %.
Exception faite du taux horaire du SMIC dont les variations sont
alignées sur celles de la métropole, et du traitement mensuel de
la fonction publique régulièrement réajusté, le
niveau des autres salaires du secteur privé n'a connu aucune
modification depuis 1991 du fait de la crise économique que traverse la
collectivité territoriale.
Dans le secteur privé, les emplois, par grandes masses, se regroupent
de la façon suivante :
- secteur tertiaire : 313 emplois dans les commerces et
l'hôtellerie ; 220 emplois dans les autres services (transports,
banques, assurances...) ; 123 professions libérales et
48 dockers du port ;
- secteur secondaire : 100 emplois dans le bâtiment et les
travaux publics ; 173 emplois dans l'industrie de traitement des
poissons ;
- secteur primaire : 49 artisans-pêcheurs, entreprises
individuelles diverses.
CHAPITRE III
LE SYSTÈME ÉDUCATIF DOIT
S'ADAPTER AUX VOIES D'AVENIR DE L'ARCHIPEL
En
dépit des accords signés avec le Canada, il est peu
réaliste de fonder un quelconque espoir sur la reprise de
l'activité de pêche industrielle traditionnelle. Cette
activité ne se régénérera que très
partiellement sans permettre un débouché à la centaine de
jeunes qui arrive sur le marché du travail annuellement. Malgré
l'attachement légitime des Saint-Pierrais et des Miquelonnais au secteur
de l'industrie des pêches, il faudra qu'au cours des toutes prochaines
années, les centres d'intérêt locaux soient
réorientés. Les industries de l'aquaculture, du tourisme, de la
culture francophone, du transbordement et de la finition de certains produits
élaborés au Canada devront prendre place dans le cadre de la
diversification économique qui s'impose. Le développement passe
également, à l'évidence, par le désenclavement de
l'archipel.
Dans ce contexte, il appartient au système éducatif d'entamer une
réflexion sur les voies d'apprentissage et les formations à
privilégier. A cet égard, votre rapporteur préconise la
mise en place rapide d'un vice-rectorat à Saint-Pierre et Miquelon afin
d'introduire une distinction stricte entre la fonction d'orientation et de
réflexion assumée par le vice-recteur et la fonction de gestion
assumée par le proviseur du lycée de Saint-Pierre. Il importe que
le futur vice-recteur entretienne une relation étroite avec les
autorités locales et le représentant de l'Etat à
Saint-Pierre et Miquelon, afin de participer à la réflexion sur
la reconversion économique de l'archipel et de permettre l'adaptation en
temps réel du système éducatif aux nouvelles
filières de développement.
I. LE RETOUR À LA PROSPÉRITÉ DE SAINT-PIERRE ET MIQUELON PASSE PAR LA DIVERSIFICATION DE SON ÉCONOMIE ET PAR LE DÉSENCLAVEMENT DU TERRITOIRE
A. LA NÉCESSAIRE DIVERSIFICATION DE L'ÉCONOMIE
Stimulée par les commandes publiques dans le BTP et par
le
démarrage, sous perfusion permanente de l'Etat, des nouvelles
activités de la société industrielle
" INTERPÊCHE ", l'
économie
de l'archipel
apparaît encore très
fragile
et entièrement
dépendante des aides publiques
.
Néanmoins, l'évolution de la conjoncture au cours des trois
dernières années s'est inscrite dans la perspective d'une
reconversion
et d'une
diversification
, toujours activement
recherchées
, des structures de l'économie saint-pierraise.
Ainsi, une Agence de Développement, cofinancée par l'Etat et le
Conseil général de Saint-Pierre et Miquelon, a été
créée en 1996.
Dans cette période de recherche de solutions viables de restructuration
économique, l'avancement des deux grands projets concernant la
construction de la nouvelle piste de l'aéroport et la transformation du
poisson importé a permis d'atteindre les objectifs recherchés
à court terme, à savoir la stabilité du niveau de l'emploi.
Il ressort cependant des divers entretiens menés par votre rapporteur
que la population de Saint-Pierre et Miquelon doit cesser de fonder un espoir
d'avenir prospère dans l'industrie des pêches, les Canadiens
n'étant vraisemblablement pas disposés à rétablir
les quotas de pêche au niveau où ils étaient fixés
avant le moratoire de 1992.
Plusieurs voies de diversification de l'économie de l'archipel semblent
cependant se dessiner.
1. La pêche artisanale et l'aquaculture
Bien
que la pêche artisanale n'ait cessé de décliner, passant de
43 bateaux en 1980 à 22 en 1996, le
bilan
de l'année
1996
est
encourageant
: la production en 1996 a
été multipliée par 2,4 par rapport à 1995. Ce fort
accroissement a été obtenu par le démarrage de la
première campagne de pêche artisanale au
crabe des neiges
(57 % des captures toutes espèces confondues en 1996). Deux
nouvelles embarcations polyvalentes ont été mises en service en
1996 à cet effet.
Avec 65 tonnes pêchées en 1996, la
rogue de lompe
représente la seconde ressource la plus importante de la pêche
artisanale (20 %). La morue ne représente plus que 11 % des
apports avec 35 tonnes pêchées en 1995 contre 48 en 1995. Enfin,
l'exploitation du
requin
tend à se développer passant de 5
tonnes pêchées en 1995 à près de 30 tonnes en 1996.
Enfin, la pêche avec des embarcations entre neuf et douze mètres,
mieux adaptée aux migrations des poissons et à la capture
d'espèces diverses se développe. En 1996, trois bateaux de ce
type ont réalisé une bonne saison. En 1997, sept bateaux
étaient en exploitation et on pouvait espérer un résultat
global nettement supérieur à celui de 1996.
2. Les activités portuaires
La
raréfaction des ressources halieutiques et la forte réduction des
quotas de pêche alloués aux flottes internationales par l'OPANO
ont entraîné la quasi-disparition de la fréquentation du
port de Saint-Pierre par les chalutiers étrangers. Les navires de
commerce qui font escale à Saint-Pierre sont également beaucoup
moins nombreux qu'en 1992.
Sur l'année 1996, la manutention portuaire a beaucoup souffert de la
diminution des importations de poisson russe destinées à
approvisionner l'usine de la société ARCHIPEL SA.
Nombre de navires entrés |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Variation 96/95 en % |
- pêche |
290 |
93 |
78 |
32 |
23 |
-28,1% |
- commerce |
631 |
488 |
460 |
461 |
442 |
-4,1% |
- divers |
362 |
429 |
330 |
391 |
413 |
5,6% |
Total |
1.283 |
1.010 |
868 |
884 |
878 |
-0,7% |
Le port
a néanmoins accueilli en 1996 un plus grand nombre de navires
classés dans la catégorie " divers ",
particulièrement des bateaux de plaisance étrangers.
L'archipel doit certainement mieux exploiter sa situation de pays
associé à l'Union européenne. La transformation sur place
de produits d'origine étrangère est envisageable,
l'intérêt résidant dans une réexportation en
franchise de douanes vers les pays européens (mise en place de
procédures de dédouanement dans le port de Saint-Pierre).
En outre, les autorités locales envisagent la mise en place d'un
registre d'immatriculation des navires de commerce à
Saint-Pierre
. Le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
Jean-Jacques Queyranne, en visite dans l'archipel en octobre dernier, s'est
montré favorable au principe d'un tel pavillon. Il est vrai que la
situation géomaritime de Saint-Pierre et Miquelon, aux portes de
l'Amérique du Nord, peut lui permettre de concurrencer efficacement les
pavillons de libre immatriculation qui offrent moins de garanties qu'un
pavillon français. Le registre de Saint-Pierre doit pouvoir apporter aux
armateurs des services de haute qualité que ne rendent pas, ou mal, les
actuelles immatriculations.
Enfin, le Conseil général fonde un espoir important dans le
développement des activités de service liées à
l'exploration pétrolière, puis éventuellement à
l'exploitation de gisements de pétrole si leur existence est
confirmée au large de l'archipel. Pour l'heure, l'exploration a
été confiée à la compagnie canadiennes Gulf Canada.
En fonction des résultats, un premier puits d'exploration pourrait
être creusé du côté français en l'an
2000.
3. Le tourisme
Une petite activité touristique marque la vie estivale à
Saint-Pierre qui compte 4 hôtels, 2 motels et 8 pensions (Miquelon
possède un hôtel, un motel et une pension de famille).
L'archipel est desservi par avion et par trois armements maritimes. L'essentiel
des arrivées a lieu par bateau (16.000, en 1986, sur
23.000 entrées). L'archipel, parce que petit et, jusqu'ici,
modérément attractif, attire essentiellement des personnes qui
veulent connaître un coin de France et qui viennent faire des
séjours linguistiques et suivent des cours de français en
université d'été.
Ainsi, le Francoforum, lieu d'échanges culturels et économiques,
institut français d'études linguistiques sur le continent
nord-américain, commence depuis 4 ans à répondre à
une demande de tourisme culturel grandissante chez nos voisins de langue
anglaise. Achevé en 1992, il dispense des enseignements sous forme de
stages et de séminaires d'une durée comprise entre une et huit
semaines. La progression du Francoforum a été notable en
1996 : le nombre de stagiaires a progressé de 90 % passant de
213 en 1995 à 404 en 1996.
Par ailleurs, l'archipel fonde un espoir dans le développement de
plusieurs types de tourisme : le tourisme de proximité
dirigé vers les habitants de Terre-Neuve, le tourisme
métropolitain, le tourisme ciblé (à destination par
exemple des Américains de Nouvelle Angleterre ou des entreprises
désireuses d'organiser des séminaires pour leur personnel) et le
tourisme maritime (croisières).
Enfin, avec 80 bateaux de plaisance étrangers (nord-américains
pour la plupart) sur les 359 entrés dans le port de Saint-Pierre en
1996, la navigation de plaisance d'origine étrangère pourrait
être un créneau intéressant pour le développement
touristique de l'archipel.
4. L'industrie et l'artisanat
Les usines de traitement du poisson et les deux centrales thermiques d'EDF
sont les seules industries de l'archipel, qui compte quelque 250 artisans
commerçants dans les domaines de l'alimentation, des services
(électriciens, garagistes) du bâtiment et des travaux publics
(fabrication et parpaings...). Il existe aussi un atelier de construction de
coques de petits navires en matière plastique.
La chambre de commerce et d'industrie de Saint-Pierre a recensé
355 entreprises en activité au terme de l'année 1995, contre
339 fin 1994 (2 entreprises agricoles, 47 d'alimentation, 71 des BTP, 141
de services, 85 entreprises commerciales spécialisées ou
semi-spécialisées, 9 de production).
La construction de la nouvelle piste aéroportuaire, engagée au
mois de juin 1994, représente encore le chantier le plus important. Le
coût définitif de l'investissement, y compris l'aérogare,
les bâtiments annexes et les équipements techniques de navigation,
devrait ressortir à 336 millions de francs, dont 236 à la charge
de l'Etat et 76,5 à la charge de la collectivité territoriale de
Saint-Pierre et Miquelon. 23,5 millions de francs proviennent du Fonds
européen de développement.
5. L'agriculture et l'élevage
Dans
une région au climat rigoureux et aux sols pauvres, l'agriculture et
l'élevage sont peu importants.
Aucune nouvelle installation de cultures sous serres n'a été
mise en place en 1996. Les structures existantes sont constituées de
petites serres d'une superficie moyenne de 200 m
2
, totalisant pour
l'archipel 2.500 m
2
de surface couverte. En 1996, ces serres ont
permis de produire 7 tonnes de tomates, près de 9.000 laitues, des
poivrons et plusieurs dizaines de milliers de plants de fleurs.
L'élevage sur l'archipel reste peu important : en 1996, on
dénombrait 63 moutons, 133 chevaux consacrés aux activités
de loisirs et 6.400 poulets de chair. La fromagerie des Iles implantée
à Saint-Pierre à la fin de l'année 1994, poursuit sa
fabrication artisanale de fromages blancs, crèmes dessert et yaourts
à partir de lait U.H.T. importé de France. Des élevages de
bêtes à fourrures rares pourraient fournir des emplois et
réduire le déficit national dans un domaine où l'essentiel
des besoins est couvert par des importations.
Les opérations de reboisement entamées depuis 1985 se sont
intensifiées tant à Saint-Pierre qu'à Miquelon.
Conformément au programme quinquennal, matérialisé par la
signature en 1995 d'une convention entre l'Etat et la Collectivité
territoriale, le service de l'agriculture a procédé en 1996 au
repiquage de plus de 22.000 plants (essentiellement des
conifères).
6. La coopération régionale
L'aspect
innovateur de l'accord franco-canadien du 2 décembre 1994 est la mise
sur pied des mécanismes de développement régional qui
doivent permettre à Saint-Pierre et Miquelon de trouver son essor dans
l'espace géo-économique des Provinces atlantiques (Terre-Neuve,
Nouvelle-Ecosse, Ile-du-Prince-Edouard et Nouveau Brunswick).
Les parties prévoient en effet d'assurer la préservation et la
valorisation du milieu naturel, d'établir des projets afin
d'étudier le milieu marin et ses perspectives, de développer la
coopération scientifique dans le domaine de l'aquaculture et de
favoriser la protection de la faune et de la flore.
Les parties s'entendent également pour favoriser, par des initiatives
communes de développement, la promotion du tourisme à
Saint-Pierre et Miquelon et dans les provinces atlantiques canadiennes. Les
autorités prévoient une coopération en matière de
police, notamment pour réprimer les trafics illicites. Enfin, le soutien
du développement des relations culturelles entre Saint-Pierre et
Miquelon, notamment dans le domaine de la diffusion des produits culturels et
de l'artisanat, est prévu, ainsi que des échanges et des
coproductions en matière de radio-télédiffusion.
Il convient d'explorer et de développer au maximum les volets
économiques qui sont ouverts dans l'accord de coopération, afin
que Saint-Pierre et Miquelon puisse trouver sa place dans l'espace
économique Nord Américain de la région atlantique du
Canada.
7. La francophonie
L'archipel possède de nombreux atouts pour être le
centre de la francophonie dans l'Atlantique Nord :
- le Francoforum : avec l'aide des services culturels et linguistiques des
ambassades de France, de nombreuses relations se sont établies entre le
Francoforum et les régions voisines de l'archipel. C'est ainsi que
l'université de Toronto a accepté de reconnaître depuis
1994, le diplôme délivré par le Francoforum et, qu'en 1995,
un accord de coopération culturelle pour 3 ans a été
signé entre la France et l'Acadie ;
- l'accès aux nouvelles techniques de communication (multimédia,
Internet...) ;
- la proximité avec Terre-Neuve et avec les provinces canadiennes
francophones (Acadie, Québec) ;
- l'existence de nombreux artistes et créateurs et la fierté de
la culture locale.
Tous ces atouts peuvent faire de Saint-Pierre et Miquelon un véritable
carrefour culturel, un centre actif d'échanges culturels dans le Canada
Atlantique et une tête de pont de la francophonie sur le continent
américain.
B. LE DÉSENCLAVEMENT INDISPENSABLE DE L'ARCHIPEL
La
construction d'une
nouvelle piste d'atterrissage
dans l'île de
Saint-Pierre
n'a pas résolu le problème de l'enclavement de
l'archipel
. En effet, alors que la distance minimale pour accueillir de
gros porteurs (Boeing 747, Airbus A340) est de 2.300 mètres, la nouvelle
piste ne fait que
1.800 mètres
, ce qui interdit aux avions
assurant la ligne Paris-Montréal de faire escale à
l'aéroport de Saint-Pierre, et oblige les voyageurs à destination
de l'archipel à se rendre à Montréal ou à Halifax
au Canada, d'où ils prennent un ATR pour Saint-Pierre. Certes, la piste
est extensible à 2.000 mètres puis à 2.200 mètres,
mais une telle distance ne permet d'accueillir que des moyens courriers du type
B737, DC9 et A310-200. Il semblerait que la construction de la nouvelle piste
ait été entreprise davantage pour lutter contre le chômage
que pour des raisons économiques.
Or, tant qu'une liaison directe au départ de Paris ne sera pas
assurée pour Saint-Pierre, l'archipel restera isolé et le
tourisme en provenance de la métropole ou d'Europe ne se
développera pas.
Aussi l'idée consistant à accorder une aide à la
continuité territoriale, comme cela se pratique pour la Corse,
mérite-t-elle d'être envisagée avec sérieux.
La multiplication des relations et des échanges avec les provinces
maritimes du Canada est d'ores et déjà envisageable. Pour cela,
une liaison avec Saint-Jean de Terre-Neuve plusieurs fois par semaine est un
pré-requis. De même, pour que les relations touristiques avec
l'Acadie se développement, il faut que les vols Canada-France
prévoient une escale à Halifax ou à Saint-Pierre.
Mais le
désenclavement
ne doit pas seulement être physique.
Il doit être
virtuel
: il convient de faciliter
l'accès des Saint-pierrais et des Miquelonnais à Internet. A cet
égard, Saint-Pierre a comptabilisé 200 nouveaux
abonnés au réseau de novembre 1996 à mai 1997, ce qui est
notable pour une commune de 5.800 habitants.
II. LE SYSTÈME ÉDUCATIF DOIT ENGAGER UNE RÉFLEXION SUR SON ÉVOLUTION
Il
n'incombe évidemment pas au système éducatif de
résoudre les problèmes de Saint-Pierre et Miquelon.
Néanmoins, il lui appartient de mettre à la disposition de
l'archipel des jeunes femmes et des jeunes hommes aptes à prendre le
tournant de la modernité et à relever les défis du
développement et de l'ouverture sur l'extérieur. Pour cela,
plusieurs adaptations apparaissent nécessaires :
- une réorganisation des services de l'éducation nationale afin
de laisser au chef des services de l'éducation nationale, qui assume
également les fonctions de proviseur du lycée de Saint-Pierre,
toute latitude pour entreprendre la réflexion indispensable sur l'avenir
du système éducatif ;
- une mobilisation du corps enseignant pour sensibiliser les
élèves aux nouvelles technologies et à la
mondialisation ;
- une clarification du statut de Saint-Pierre et Miquelon pour accroître
l'autonomie d'action et libérer les initiatives locales.
A. PERMETTRE L'ADAPTATION DES JEUNES GÉNÉRATIONS AUX MÉTIERS D'AVENIR DE L'ARCHIPEL
Pour
répondre aux défis posés à l'archipel en
matière de reconversion, il importe de sensibiliser les futures
générations actives aux métiers qui assureront l'avenir de
Saint-Pierre et Miquelon et, lorsque cela est possible, de mettre en place les
filières de formation correspondantes : activités de
services portuaires, formation d'officiers de marine, tourisme, francophonie,
organisation de congrès, métiers du multimédia...
Ainsi, dans la perspective d'une coopération de zone accrue, comme le
prévoit l'accord du 2 décembre 1994, il faudrait que les
élèves scolarisés à Saint-Pierre et Miquelon soient
parfaitement bilingues en français et en anglais à l'issue de
leur scolarité, ce qui n'est pas encore le cas.
Par ailleurs, les élèves devraient être des utilisateurs
familiers des technologies modernes de communication. Il n'est en effet pas
absurde d'entretenir l'espoir que Saint-Pierre et Miquelon recentre une partie
de sa " matière grise " sur l'offre de services " en
ligne " comme les provinces maritimes du Canada l'ont fait depuis la chute
des activité de pêche. Ainsi, la visite de votre rapporteur
à Moncton, capitale de la province du Nouveau-Brunswick, lui a permis de
constater que les Canadiens avaient pallié l'absence d'industries dans
cette région par le développement des activités
liées aux nouvelles technologies de la communication. Le projet
TéléEducation, par exemple, consiste à mettre à la
disposition de la population du Nouveau-Brunswick des programmes de formation
et d'apprentissage à distance.
B. CLARIFIER LE STATUT DE SAINT-PIERRE ET MIQUELON
La
totalité des interlocuteurs rencontrés au cours de la mission
jugent le
statut de collectivité territoriale
6(
*
)
de Saint-Pierre et Miquelon
inadapté
. En
effet, la succession des statuts applicables à l'archipel fait que
Saint-Pierre et Miquelon se situe aujourd'hui à mi-chemin entre un
département d'outre-mer et un territoire d'outre-mer et que
l'incertitude plane sur les textes législatifs et réglementaires
applicables.
En conséquence, la moitié des lois ne sont pas appliquées
car pour partie contre-productives. Ainsi, la nouvelle loi relative aux
marchés publics a fait grimper les prix de 20 %. Par ailleurs, la
législation actuelle interdit de construire des habitations en bois pour
des raisons de sécurité, ce qui semble assez paradoxal dans un
archipel où l'essentiel des constructions sont en bois.
En outre, le Conseil Général est compétent dans les
matières douanières et fiscales, pour l'urbanisme et le logement
et possède les attributs d'un conseil régional, ce qui prive les
communes de l'essentiel de leurs prérogatives.
Le problème de gestion posé par les épreuves orales du
baccalauréat pour les élèves de Saint-Pierre et Miquelon
est un exemple de l'indétermination juridique qui caractérise
l'archipel. En effet, dans le cadre de la passation du baccalauréat, le
chef de services de l'éducation nationale de Saint-Pierre et Miquelon
est amené à :
- faire venir des professeurs extérieurs à l'archipel, en
provenance de métropole ou de Montréal ;
- confier à des personnels placés sous son autorité des
missions de membre de jurys se déroulant à Montréal ou en
métropole ;
- envoyer des élèves passer des épreuves orales à
Montréal.
L'Education nationale prend en charge depuis des années, sur le chapitre
37-82, le transport des examinateurs et des candidats, ainsi que les frais de
mission du personnel enseignant, et donne aux candidats une participation en
dollars canadiens aux frais d'hébergement et de repas.
Or, l'imputation de ces dépenses est contestée par le
Trésorier Payeur Général de Saint-Pierre puisqu'il
n'existe pas de réglementation pour ces cas de figure. Le TPG demande
donc qu'un texte de portée générale visé par la
direction du budget soit publié.
Au total, un toilettage des textes s'impose pour clarifier les
situations.
C. CRÉER UN VICE-RECTORAT
Le
départ du chef des services de l'éducation nationale de
Saint-Pierre et Miquelon en janvier 1997 a laissé au proviseur adjoint
du lycée de Saint-Pierre nouvellement arrivé la lourde charge du
cumul de la fonction de proviseur adjoint, de l'intérim des fonctions de
proviseur et de chef des services de l'éducation nationale. Outre que sa
charge de travail est très lourde, les fonctions de proviseur du
lycée et de chef des services académiques ne sont pas
nécessairement compatibles. Or, depuis janvier 1997, le chef des
services de l'éducation nationale n'a toujours pas été
nommé malgré deux appels à candidature successifs.
Votre rapporteur est pour sa part favorable à la création d'un
vice-rectorat à Saint-Pierre et Miquelon. Délivré des
contingences de la gestion d'un établissement scolaire, le vice-recteur
pourrait mener à bien la mission de réflexion sur l'avenir du
système éducatif de l'archipel.
En outre, la création d'un vice-rectorat permettrait de
réunifier la gestion des personnels de l'éducation
nationale
à Saint-Pierre et Miquelon, qui est aujourd'hui
réalisée dans trois endroits différents. Ainsi, si les
personnels de catégorie C et les professeurs de l'enseignement
général de collège dépendent de l'académie
de Caen, les personnels de catégorie A et B dépendent de
l'académie de Paris, tandis que les maîtres-auxiliaires, les
vacataires et les enseignants du primaire sont recrutés au niveau local.
Enfin, l'indétermination en matière statutaire pose des
problèmes de gestion des personnels de l'éducation nationale,
qu'il s'agisse du statut des personnels, des salaires ou du régime de
protection sociale. Ainsi, les personnels de l'éducation nationale sont
la seule catégorie de fonctionnaires à n'être pas pris en
charge par le régime de sécurité sociale de
métropole.
Le proviseur doit,
a contrario,
se concentrer sur la gestion du
lycée. L'idéal serait que les personnes nommées pour
chacun de ces postes ne le soient pas en même temps afin d'éviter
toute rupture et que la durée de leur séjour soit limitée
à cinq ou six ans.
On peut regretter qu'en dépit d'un large consensus de tous les acteurs
rencontrés sur la nécessité de créer un
vice-rectorat depuis presque deux ans, la décision n'ait toujours pas
été prise. Or la seule considération des
300.000 francophones des provinces maritimes du Canada justifie la
création d'un vice-rectorat. En effet, un vice-rectorat
conférerait à Saint-Pierre et Miquelon l'autonomie
nécessaire pour servir de pôle de la francophonie et de
l'enseignement du Français en Amérique du Nord. Son rayonnement
pourrait s'étendre jusqu'à la province du Québec où
les établissements français sont à l'heure actuelle sous
la tutelle de l'Agence pour l'enseignement du français à
l'étranger (AEFE).
D. MOBILISER LE CORPS ENSEIGNANT EN POURSUIVANT L'EFFORT DE FORMATION
Les
enseignants sont la clé du succès de la mission éducative
et il convient ici de leur rendre hommage pour la compétence et le
dévouement dont ils font preuve dans l'exercice, parfois difficile, de
leurs fonctions.
S'ils bénéficient à Saint-Pierre et Miquelon d'avantages
statutaires et indiciaires considérables
7(
*
)
et de conditions d'enseignement exceptionnelles
liées au faible nombre d'élèves et à l'absence de
phénomènes d'indiscipline, ils pâtissent en contrepartie de
l'enclavement de l'archipel et du manque de motivation des élèves.
Aussi, est-il essentiel que le corps enseignant se mobilise davantage
auprès des élèves pour faire disparaître chez eux le
réflexe de repli. Il lui appartient d'ouvrir les élèves
sur le monde et de leur redonner espoir. Pour afficher l'ouverture de
l'archipel sur l'extérieur, il importe que les enseignants occupent une
place prépondérante dans les activités associatives et
multiplient les voyages de découverte dans les provinces canadiennes. De
tels projets doivent pouvoir se concrétiser dans le cadre du volet
coopération de l'accord du 2 décembre 1994.
Les syndicats enseignants de l'archipel demandent qu'un plan de formation
continue soit mis en place au profit des personnels, afin de leur assurer tout
au long de leur carrière, à intervalles réguliers, une
année scolaire de formation et de mise à niveau des contenus et
des méthodes. Ils souhaiteraient ainsi pouvoir réaliser un
séjour d'un an en métropole tous les cinq ans. Votre rapporteur
estime qu'une telle revendication n'est pas dénuée de
justifications.
Il s'étonne néanmoins que parmi les 36 stages de formation
continue effectués au cours de l'année scolaire 1996-1997 (dont
24 pour les enseignants du premier degré et 12 pour les enseignants du
second degré), seul un stage ait été effectué dans
le domaine de l'informatique.
CONCLUSION
Au terme
de cette mission, votre rapporteur a pu prendre la mesure des
spécificités de Saint-Pierre et Miquelon et de leurs
conséquences en matière d'enseignement scolaire. L'isolement de
l'archipel et le marasme économique qu'il traverse depuis près de
six ans ne sont en effet pas de nature à encourager l'excellence
scolaire en dépit des efforts tout à fait satisfaisants
consacrés par la communauté scolaire à l'éducation
des élèves.
Deux priorités apparaissent dès lors essentielles à votre
rapporteur : un désenclavement du territoire pour favoriser les
échanges et un développement de la coopération de zone
pour ouvrir les élèves sur l'extérieur.
A cet égard, le rayonnement européen de l'archipel de
Saint-Pierre et Miquelon et son statut " d'île du ponant
8(
*
)
du continent européen en Amérique du
Nord " peut être un atout important à valoriser auprès
des nombreux établissements francophones de la région.
Enfin, votre rapporteur voudrait remercier le personnel administratif local et
plus spécialement le chef des services de l'éducation nationale
pour le concours efficace qu'ils lui ont apporté dans le
déroulement de sa mission et souhaiterait également leur rendre
hommage pour la compétence et le dévouement dont ils font preuve
dans l'exercice, parfois difficile, de leurs fonctions.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 16 juin 1998 sous la présidence de
M. François Trucy, la commission a entendu la
communication de
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial des
crédits de l'enseignement scolaire, sur la
mission
de
contrôle
qu'il a effectuée à
Saint-Pierre et
Miquelon
du 10 au 17 mai 1997.
M. Jacques-Richard Delong
a tout d'abord indiqué que
l'économie de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon, principalement
assise sur les activités liées à la pêche, avait
été profondément affectée par le moratoire sur la
pêche à la morue imposé par le Canada à partir de
1992. Il a précisé que le chômage avait pu être
limité grâce aux aides financières importantes de l'Etat
pour la reconversion des entreprises et des personnels, et par le maintien d'un
secteur public et parapublic important. Il a estimé que l'archipel se
trouvait à une période charnière de son histoire et qu'il
appartenait à ses 6.660 habitants, et notamment à ses jeunes, de
construire l'avenir sur des activités encore à définir.
Puis,
M. Jacques-Richard Delong
a indiqué que sa mission lui
avait permis de constater que le système éducatif était
relativement préservé dans un environnement économique
profondément déstructuré. Il a ainsi indiqué que
les 1.523 élèves scolarisés à Saint-Pierre et
Miquelon, dont 906 dans l'enseignement public et 613 dans l'enseignement
privé, étaient encadrés par 169 enseignants, ce qui
garantissait un taux d'encadrement tout à fait satisfaisant. Il a par
ailleurs fait état d'une dépense globale de près de
54 millions de francs consacrée par l'Etat à l'enseignement
scolaire dans l'archipel, comprenant les dépenses d'investissement et de
fonctionnement du lycée d'Etat de Saint-Pierre, qui scolarise 525
élèves. Il a précisé que tous les agents de l'Etat
bénéficiaient d'un coefficient de majoration indiciaire de 1,7 en
vertu d'une loi du 3 avril 1950 et d'un décret du 10 mars 1978.
M. Jacques-Richard Delong
a toutefois déploré que les
résultats scolaires ne soient pas à la hauteur des efforts
consentis par l'éducation nationale. Il a en effet relevé que
seuls 70 % des élèves d'une classe d'âge parvenaient
aujourd'hui en troisième contre 81 % en métropole et que le
taux d'accès à la seconde était de 43 % contre
55 % en métropole. Il a attribué un tel résultat au
manque de motivation et d'émulation des élèves, lié
à l'enclavement de l'archipel et à son marasme économique.
Il a cependant observé que les résultats au baccalauréat
étaient conformes à la moyenne nationale.
Enfin,
M. Jacques-Richard Delong
a observé que parmi les
14 % de jeunes adultes ayant quitté l'archipel après leur
scolarité, les bacheliers étaient majoritaires. Il a noté
à cet égard que les bons élèves étaient
relativement réticents à exceller en matière scolaire afin
de ne pas être envoyés en métropole, ce qui dénotait
une certaine " frilosité " des habitants de Saint-Pierre et
Miquelon.
M. Jacques-Richard Delong
a ensuite considéré que pour se
réformer, le système éducatif de Saint-Pierre et Miquelon
devait rester étroitement associé aux axes de
développement de l'archipel. Il a fait état à cet
égard de quatre voies de diversification économique :
- les activités liées à la mer : pêche de
nouvelles espèces (crabe, requin, pétoncle, oeufs de lompe),
transformation des produits de la mer, développement de l'aquaculture,
avitaillement et embarquement, création d'un registre d'immatriculation
à Saint-Pierre, mise en place de procédures de
dédouanement en faveur de marchandises destinées à l'Union
européenne ;
- le tourisme : tourisme de proximité dirigé vers les
habitants de Terre-Neuve, tourisme métropolitain, tourisme linguistique,
tourisme maritime ;
- la mise en valeur des richesses et des productions locales :
développement de bureaux d'études, fabrication de maisons
pré-fabriquées, élevage de moutons, culture sous serre,
reboisement et exploitation des forêts ;
- les activités culturelles et la francophonie.
M. Jacques-Richard Delong
a estimé qu'il convenait de former les
futures générations actives aux métiers qui assureront
l'avenir de Saint-Pierre et Miquelon et de garantir le bilinguisme des
élèves. Il a cependant relevé que le développement
de l'archipel était subordonné au règlement de certains
problèmes. Observant ainsi que pour se rendre à Saint-Pierre, il
fallait passer par Montréal ou Halifax, ce qui rallongeait
considérablement la durée du voyage, il s'est tout d'abord
prononcé pour un désenclavement " physique " de
l'archipel. A cet égard, il a regretté que la nouvelle piste
d'atterrissage de l'aéroport de Saint-Pierre, actuellement en
construction, ne soit pas suffisamment longue pour permettre aux avions long
courrier qui desservent l'Amérique du Nord au départ de Paris de
faire escale à Saint-Pierre, qui n'est qu'à quatre ou cinq heures
de vol de Paris. Il s'est également montré favorable à un
désenclavement " virtuel " de l'archipel à travers un
développement des nouvelles technologies et de l'utilisation d'Internet,
qui permettent de valoriser la " matière grise " sur place.
Observant ensuite que certaines dispositions de la législation
française n'étaient pas nécessairement adaptées
à l'archipel et que les communes étaient privées de
l'essentiel de leurs prérogatives au profit du Conseil
général compétent dans des domaines comme la
fiscalité, l'urbanisme ou le logement,
M. Jacques-Richard Delong
a également préconisé une clarification du statut de la
collectivité territoriale de Saint-Pierre, régie par la loi
n° 85-595 du 11 juin 1985.
S'agissant du système éducatif,
M. Jacques-Richard Delong
a appelé le corps enseignant de Saint-Pierre et Miquelon à se
mobiliser auprès des élèves en contrepartie d'un plan de
formation continue qui leur permettrait de bénéficier, à
intervalles réguliers, de stages de remise à niveau des contenus
et des méthodes en métropole. Enfin, le rapporteur spécial
des crédits de l'enseignement scolaire a préconisé la
création d'un vice-rectorat à Saint-Pierre et Miquelon. Il a en
effet expliqué qu'une telle création s'imposait non seulement
pour entamer une réflexion sur l'avenir du système
éducatif à Saint-Pierre et Miquelon, mais également pour
mettre un terme au cumul des postes de proviseur du lycée de
Saint-Pierre et de chef des services de l'éducation nationale, qui sont
à l'heure actuelle assumés, par intérim, par le proviseur
adjoint du lycée.
En conclusion,
M. Jacques-Richard Delong
a fait valoir que le statut
d' " île du ponant du continent européen en
Amérique du Nord " de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon
pouvait être un atout important à valoriser auprès des
nombreux établissements francophones de la région.
A la suite d'un débat au cours duquel sont intervenus
MM. François Trucy, Jean-Philippe Lachenaud et Mme Maryse
Bergé-Lavigne,
la commission a donné acte au rapporteur des
conclusions de sa communication et a décidé
d'autoriser leur
publication sous la forme d'un rapport d'information.
Programme de la mission de M. Delong à Saint-Pierre-et-Miquelon
Dimanche 11 mai
0 h 30
arrivée à Saint-Pierre-et-Miquelon.
12 h 00
déjeuner avec Monsieur Pierre-Yves Martin, chef des
services de l'éducation nationale par intérim et proviseur du
lycée d'Etat de Saint-Pierre par intérim
14 h 00
entretien avec M. Jean-François Carenco, préfet
15 h 00
visite de l'île aux Marins
16 h 00
visite de l'île de Saint-Pierre
18 h 00
entretien avec M. Victor Reux, sénateur de Saint-Pierre
et Miquelon
Lundi 12 mai
9 h 00
entretien avec M. Cambray, directeur du collège Saint-Christophe
9 h 30
visite de l'école Saint-Louis de Gonzague et des locaux
en construction de l'école Sainte-Odile
11 h 00
entretien avec M. Albert Pen, maire de Saint-Pierre
12 h 00
déjeuner à l'évêché offert
par Monseigneur Maurer
14 h 00
réunion de travail au lycée de Saint-Pierre
15 h 00
entretien avec M. Le Soavec, président du Conseil
général
16 h 00
réunion de travail avec les directeurs des 3
écoles publiques de Saint-Pierre
20 h 00
dîner avec le président de la Chambre de commerce,
le directeur du francoforum, le directeur de la jeunesse et des sports, le
directeur du Centre d'information et d'orientation (CIO) et M. Martin.
Mardi 13 mai
8 h 30
départ pour Miquelon
9 h 00
entretien avec M. Yvon Detcheverry, maire de Miquelon et
directeur du collège de Miquelon
9 h 30
visite des trois établissements scolaires de Miquelon
(une école maternelle privée, une école primaire et un
collège publics)
12 h 00
déjeuner avec M. Detcheverry et les directeurs des deux
écoles de Miquelon
14 h 00
visite de l'île de Miquelon
17 h 00
retour à Saint-Pierre
20 h 30
dîner offert par M. le préfet
Mercredi 14 mai
9
h 30
réunion avec les syndicats de l'enseignement
11 h 00
réunion-bilan avec le préfet et M. Martin
12 h 00
buffet avec l'équipe éducative du lycée
14 h 15
départ pour Moncton (Acadie - Canada)
1
Comme pour les douze autres
établissements d'Etat de France, les dépenses d'investissement et
de fonctionnement du lycée de Saint-Pierre sont prises en charge par
l'Etat et non par la collectivité territoriale.
2
Le Conseil Général leur offre un aller-retour sur
Air France et une allocation mensuelle de 2.250 francs par mois, soit un
budget total pour le Conseil Général de plus de 10 millions de
francs, dont 2 millions de francs pour le poste transport.
3
L'année 1971 a enregistré 98 naissance mais trois
décès font que le nombre d'élèves ayant atteint
l'âge de 26 ans s'élève à 95.
4
11 l'ont obtenu à Saint-Pierre et Miquelon et 12 en
métropole.
5
En janvier 1993, le sénateur Albert Pen (apparenté
socialiste), le député Gérard Grignon (CDS), le
vice-président du Conseil général, M. Jean
Délizarraga, et le maire de Miquelon, M. Denis Detcheverry, se sont
embarqués en compagnie de 55 marins locaux à bord de deux
chalutiers pour mener une opération de pêche illégale dans
les eaux canadiennes. Arraisonnés le 7 janvier par les
garde-côtes, ils ont été condamnés à une
amende de 15.000 dollars canadiens (75.000 francs) chacun par un tribunal de
Terre-Neuve.
6
L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon constituait, en 1958, un
territoire d'outre-mer ; il fut érigé en département
d'outre-mer, par la loi du 16 juillet 1976, contre la volonté de
ses habitants qu'un référendum local organisé
officieusement mit en évidence : il y eut un millier
d'abstentions ; 125 voix se prononcèrent pour la
départementalisation, 428 contre et 926 bulletins contenaient la
mention " oui, mais contraint et forcé ".
Cette solution s'avéra gênante : si elle devait être
intégrée comme tout département français à
la Communauté européenne, on pouvait craindre que cette
collectivité ne perde la maîtrise de son régime douanier ;
mais Saint-Pierre-et-Miquelon figurant sur la liste des territoires
associés et non intégrés à la CEE, celle-ci ne
demanda pas la suppression des droits de douane que Saint-Pierre et Miquelon
avait établis avant la départementalisation. Cette situation
paraissait paradoxale, c'est pourquoi la loi n° 85-595 du 11 juin
1985 a fait de Saint-Pierre et Miquelon une collectivité territoriale
à statut particulier ; ce dernier contient des règles
utilisées en métropole pour des collectivités
différentes.
7
En vertu de d'une loi du 3 avril 1950 et d'un décret du 10
mars 1978, les traitements des fonctionnaires de l'Etat en service à
Saint-Pierre et Miquelon bénéficient d'un
coefficient
multiplicateur de 1,7
. En outre, les personnels de l'éducation
nationale jouissent d'un
congé bonifié
tous les quatre ans.
8
Ce terme doit être pris au sens exact et non comme un
euphémisme car il est déterminant dans la psychologie des
habitants de l'archipel.