B. UNE ÉCONOMIE À RÉFORMER
Malgré l'amorce d'un programme de réformes économiques au début de l'année 1996, le Turkménistan connaît une situation économique difficile. Il lui incombe de sortir de l'hyperinflation et d'opérer de véritables réformes structurelles.
1. Une situation financière et monétaire à assainir
Jusqu'à la fin de 1995, le Turkménistan a
ignoré les réformes et fonctionné sur l'ancien
modèle soviétique. Devant l'ampleur de la crise
économique, M. Niazov a décidé, en décembre 1995,
d'engager des discussions avec le FMI sur la mise au point d'un programme de
réformes. Ce dispositif porte sur la libération des prix, la mise
en place d'une politique de revenus pour protéger les salariés
contre les effets de l'inflation et de la dévaluation de la monnaie,
ainsi que sur le développement des privatisations. Actuellement, aucun
accord n'a encore été signé avec le FMI.
Depuis 1991, les revenus des ventes de gaz ayant toujours été
inférieurs aux prévisions compte tenu de l'insolvabilité
des principaux clients, l'Etat a continué à subventionner les
entreprises publiques et, afin d'éviter des mouvements de protestation
populaire, a exercé un contrôle sur les prix de nombreux produits,
introduisant même la gratuité pour le gaz et
l'électricité jusqu'en juillet 1996. Durant 1995 et la
première moitié de 1996, le nombre des groupes de produits et
services dont le prix était contrôlé a été
cependant ramené de 400 à 50, dont le pain, la viande, le sucre,
le lait, le chauffage et les loyers.
L'introduction de la monnaie nationale, le manat, en novembre 1993, s'est
faite dans de mauvaises conditions
. Le gouvernement turkmène
était persuadé qu'elle mettrait fin à l'inflation
importée de Russie et que les ventes de gaz permettraient d'engranger
d'importantes réserves de devises fortes, garantes de sa
stabilité. Ce calcul s'est révélé
irréaliste. Introduit à 1,99 pour 1 dollar, le cours du
manat s'est rapidement effondré. Dès décembre 1993,
coté officiellement à 10 pour 1 dollar, il
s'échangeait déjà à 70 pour 1 dollar au
marché noir. Après plusieurs dévaluations successives, le
gouvernement s'est enfin décidé à remplacer, en avril
1996, les taux de change multiples par un taux unique plus proche de celui du
marché parallèle.
Le système bancaire
nécessite, par ailleurs, une
complète restructuration. Le secteur bancaire comprend 5 banques
d'Etat et 15 banques commerciales (5 ont été
liquidées en 1995). Les premières sont largement utilisées
par l'Etat pour distribuer les crédits aux différents secteurs de
l'économie. Une partie des secondes appartient aux entreprises d'Etat
qui sont les principales bénéficiaires de leurs crédits.
En mars 1996, M. Niazov a autorisé l'ouverture de comptes bancaire
anonymes, pour lesquels la provenance des sommes déposées n'est
pas demandée, ce qui pourrait être une porte ouverte aux
opérations de blanchiment d'argent.
Les banques sont, en outre, sous-capitalisées, fragilisées par
des créances douteuses et peu enclines à évaluer les
risques. Le gouvernement fait preuve à leur égard d'une attitude
quelque peu prédatrice : un décret de février 1995 a
ainsi annulé une partie des dettes de l'Etat, et les banques ont
dû, de plus, reverser au budget 75 % de leurs revenus de 1994 et
accorder des prêts aux entreprises d'Etat à un taux annuel
préférentiel de 15 %, bien loin du taux de 185 %
imposé aux entreprises privées !
Par ailleurs, depuis la fin de 1995, le Gouvernement prend des mesures pour
redresser une situation monétaire et financière ayant
entraîné une
inflation
qui dépasse celle du
Tadjikistan. En l'absence de données précises, on estime que,
grâce à une meilleure maîtrise du déficit
budgétaire résultant de la suppression de la gratuité de
certains services et à une augmentation des revenus du gaz, l'inflation
a diminué en 1996. Elle s'établirait tout de même entre 250
et 800 % selon les sources.