2. La situation géopolitique : un voisinage difficile à assumer
L'Asie centrale doit à sa situation
géographique
d'être redevenue l'une des pierres angulaires de l'équilibre de
l'Eurasie tout entière
, suscitant par là même un grand
nombre d'interrogations.
Au
Nord
se trouve la Fédération de Russie, à
l'Est
, la Chine dont la population est 250 fois plus nombreuse que
celle de toute l'Asie centrale et avec laquelle les premiers contacts remontent
à la dynastie des Hans antérieurs, fondateurs de l'Empire
chinois ; à
l'Ouest
, le Caucase dont les fréquents
soubresauts sont autant de sujets d'inquiétude ; enfin au
Sud
, le monde musulman constitué par l'Iran, l'Afghanistan et le
Pakistan suscite attraction et méfiance.
3. Un conflit en voie de règlement : le statut de la mer Caspienne
Le
statut de la mer Caspienne intéresse les cinq Etats riverains que sont
la Russie, l'Iran, le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et le Turkménistan.
La base juridique du statut de la mer Caspienne est définie par
le
traité soviéto-iranien de 1926
qui mettait fin aux conditions
imposées par la Russie impériale, maîtresse absolue de la
mer depuis le début du XVIIIe et qui avait concédé un
droit de navigation aux bateaux marchands perses en 1828 (traité du
Turmantchaï). Le traité de 1926 autorisait en effet les Iraniens
à posséder désormais leur propre flotte et à
naviguer sous leur propre pavillon, et faisait de la Caspienne une mer
exploitée en commun et à égalité par les deux
riverains, l'URSS et l'Iran. Confirmant cet accord, le traité
soviéto-iranien de 1940 définissait la Caspienne comme " une
mer soviétique et iranienne ".
La Russie
s'est fondée jusqu'à ces dernières
semaines sur l'existence de ces traités pour défendre le principe
d'une exploitation commune de la Caspienne, sans autre restriction qu'une zone
côtière réservée aux Etats riverains. Elle
considère que le droit international de la mer, qui implique la
délimitation d'eaux territoriales exclusives, ne s'applique pas à
la Caspienne dans la mesure où cette réserve d'eau continentale
ne possède pas d'accès direct à un océan ou
à une mer ouverte. Soutenant que la Caspienne est un lac, elle rejette
également l'application de la convention internationale de 1982 qui
prévoit le partage des mers fermées entre pays riverains. La
déclaration d'Almaty de décembre 1991 créant la CEI, par
laquelle "
les Etats membres de la CEI garantissent ... le respect des
engagements internationaux pris par l'ex-URSS
" implique enfin, du
point de vue russe, le respect du statut hérité des accords
soviéto-iraniens jusqu'à ce qu'un nouvel accord soit signé
par les cinq parties concernées ou qu'un régime de
coopération soit instauré.
Les discussions multilatérales qui ont eu lieu depuis 1992 n'ont,
jusqu'en 1997, abouti à aucune entente, notamment du fait de
l'opposition de l'Azerbaïdjan à la conclusion d'un traité de
coopération régionale en 1994 et à un accord de
pêche maintenant le statut antérieur en 1995. Soutenue par
l'Iran
dans son projet de création d'un forum de
coopération régionale sur la base d'une exploitation égale
et commune de toutes les ressources de la Caspienne,
la Russie
défendait donc le principe appliqué aux lacs
, qui garantit
une zone de souveraineté limitée aux eaux côtières,
le reste étant considéré comme bien commun. Cette
thèse favorise la Russie et l'Iran qui possèdent les
" petits côtés " du rectangle caspien et ceux dont les
réserves en hydrocarbures paraissent les plus réduites.
L
'Azerbaïdjan et
le Kazakhstan
qui, disposent de côtes
importantes, et souhaitent pouvoir exploiter à leur seul profit le sol
et le sous-sol de la Caspienne s'opposent à cette prétention. Le
soutien apporté par les Etats-Unis à l'Azerbaïdjan et au
Kazakhstan dans leur opposition aux vues russes, renforce la position des deux
Etats et favorise l'implantation des intérêts pétroliers
américains dans le Caucase et en Asie centrale.
Le Turkménistan
mène une politique autonome. Proche de
Téhéran, il soutient la position russe et s'est accordé
avec ces deux pays sur un statut de la Caspienne reconnaissant aux pays
riverains une zone nationale de 45 miles (le droit international
autorisant 12 miles) où chacun dispose de droits exclusifs sur les
hydrocarbures, le reste de la Caspienne étant territoire commun. En
même temps, Achkhabad laisse planer le doute sur ses intentions
concernant ses pourparlers avec les compagnies occidentales sur l'utilisation
de sa zone exclusive.
Soutenu par les Etats-Unis, l'Azerbaïdjan défend officiellement sa
souveraineté sur sa zone de la Caspienne. Néanmoins, l'opposition
russe à la thèse azérie pourrait évoluer si
l'Azerbaïdjan s'ouvrait aux intérêts pétroliers russes
(une importante participation russe à l'accord AIOC a été
obtenue) et s'accordait avec la Russie sur le tracé d'oléoducs
évoluant le pétrole de la Caspienne.
Le Kazakhstan se range du côté azéri tout en
ménageant Moscou, conformément à sa politique
régionale et du fait de sa très forte dépendance
économique à l'égard de la Russie. Il est notamment ouvert
aux intérêts russes dans l'exploitation des hydrocarbures.
Lacs et mers pouvant être soit divisés en secteurs soit
gérés en commun, un accord entre les parties mettrait un terme
à ce conflit.
Cet accord pourrait voir le jour dans les mois à venir. En effet, au
mois d'avril dernier, la Russie a accepté le principe du partage des
réserves pétrolières de la Caspienne aux conditions du
Kazakhstan et de l'Azerbaïdjan. En renonçant à certains
gisements, la Russie pourrait néanmoins voir ses chances d'obtenir plus
rapidement l'attribution d'importants droits de transport pétrolier.