IV. STABILITÉ POLITIQUE ET FRAGILITÉS
Six ans
après l'indépendance, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le
Turkménistan ont échappé aux troubles intérieurs
qui ont affecté d'autres Républiques de l'ancienne Union
Soviétique. L'Asie centrale, que l'on présentait comme une
" poudrière ", a-t-elle trouvé son équilibre ou
la stabilité qu'elle connaît depuis la fin de l'ère
soviétique n'est-elle que superficielle et temporaire ?
Il n'est pas facile de répondre. Les observateurs que la mission a pu
rencontrer ont souligné qu'il était malaisé de
décrypter les évolutions de la région, faute d'une grille
de lecture pertinente.
Il apparaît cependant que les principaux facteurs d'instabilité
que l'on recensait en 1991 ne se sont pas révélés aussi
importants que prévus
: les régimes politiques
évoluent lentement et de manière différenciée, mais
assurent, du moins à court terme, une certaine continuité
politique. Celle-ci n'en comporte pas moins, pour l'avenir des
éléments de fragilité.
A. DES RÉGIMES DE POUVOIR PERSONNEL
La concentration du pouvoir exécutif aux mains du chef de l'Etat et un parlementarisme de façade caractérisent les régimes politiques du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan et du Turkménistan.
1. Un pouvoir exécutif concentré dans les mains du chef de l'État
Depuis
1991, la vie politique de chacun des trois pays est marquée par la
personnalité de leur Président.
La première Constitution kazakhe
de 1993, établissait un
régime de type présidentiel. Le président,
M. Noursoultan Nazarbaev, ancien premier secrétaire du parti
communiste kazakh, nommait, orientait et démettait le Gouvernement. Il
avait l'initiative des lois, pouvait mettre son veto à celles qu'il
désapprouvait et avait le droit d'organiser un référendum.
M. Nazarbaev, après avoir dissout le Soviet Suprême en 1993,
gouverna par décret jusqu'au mois de mars 1994, date à
laquelle eurent lieu de nouvelles élections parlementaires.
En mars 1995, après l'annulation des élections de 1994,
M. Nazarbaev fit, par référendum, prolonger son mandat
jusqu'en 2001. En août 1995, un nouveau référendum consacra
l'adoption d'une nouvelle Constitution ménageant au Président des
pouvoirs encore accrus.
Au terme de cette nouvelle Constitution, le Président a le droit de
dissoudre le Parlement bicaméral et détient l'essentiel des
prérogatives constitutionnelles.
Aux termes de
la Constitution de la République
d'Ouzbékistan
, adoptée en décembre 1992, le
Président, M. Islam Karimov, détient l'essentiel du pouvoir.
Il nomme les hâkim (gouverneurs) de province. Il décide de
l'organisation administrative, peut annuler et modifier les décisions de
l'administration centrale ou locale.
Le 26 mars 1995, un référendum a prolongé son
pouvoir jusqu'à 2000, avec 99 % des suffrages.
La vie politique au Turkménistan
est dominée par la
personnalité de M. Saparmourat Niyazov dit " Turkmenbashi "
-chef des turkmènes- qui fait l'objet d'un culte de la
personnalité omniprésent.
A la fois chef de l'Etat et chef du Gouvernement, le Président Niyazov a
été réélu en juin 1992 avec 99,5 % des
suffrages. La Constitution, adoptée en mai 1992, institue un
régime de type présidentiel, le chef de l'Etat concentrant entre
ses mains l'essentiel des pouvoirs. Reconduit dans ses fonctions jusqu'en 2002
par le référendum du 15 janvier 1994, le Turkmenbashi
envisagerait de se faire désigner par " l'Assemblée du
peuple turkmène " président à vie.
La mission sénatoriale a observé que le nom du Président
était donné aux grandes avenues des villes, à
l'aéroport d'Achkabad, la capitale, et au seul port sur la mer
Caspienne, l'ex-Krasnovodsk.