4. Les dégâts provoqués par ces détournements organisés de courrier
Les postes perdantes et les plus menacées sont celles
des pays industrialisés ayant un large marché intérieur et
des coûts élevés (France, Allemagne, Italie et Japon,
notamment).
Cette activité de repostage permet aux postes de petits pays (Pays-Bas,
Danemark) ou de pays excentrés (Royaume-Uni) de concentrer des volumes
importants de courrier afin de pouvoir, le moment venu, organiser des
réseaux alternatifs de distribution, pour écrémer le
marché de grands pays en commençant par le marché
français qui est le premier par la taille en Europe.
C'est notamment grâce aux profits cyniquement réalisés dans
l'activité de repostage que KPN a ainsi pu lancer une OPA sur la
société TNT
100(
*
)
d'un montant de 2 milliards de dollars qui lui permet aujourd'hui de
caresser des ambitions mondiales sur le marché de la messagerie.
Au fil du temps, ce phénomène n'a cessé de s'amplifier et
de se développer de manière sauvage. Aujourd'hui, c'est le
courrier national qui est le plus exposé (repostage ABA). Les
sociétés et postes se livrant au repostage domicilient
fictivement les expéditions dans des pays tiers afin de transformer le
courrier national en courrier international. En pareil cas, La Poste
française reçoit, dans le pire des cas, 0,27 franc pour une
lettre de 20 g et, dans le meilleur des cas, 1,50 franc au lieu de 3
francs.
La Poste souffre donc d'un appauvrissement lié à ce piratage,
sous l'effet conjugué du manque à gagner du courrier ainsi
détourné et du coût de distribution de ce dernier non
couvert par les frais terminaux. En d'autres termes, chaque pli reposté
qu'elle reçoit correspond à la fois à une perte
commerciale et à une perte financière
générées par des comportements déloyaux.
Cette
situation est donc intolérable.
Elle entraîne d'ores et
déjà des
débours
évalués
par
La Poste
entre
600 et 700 millions de francs par an
.
Cette concurrence déloyale est d'autant plus malsaine qu'elle
entraîne des
délocalisations dans la production du courrier
qui, quoiqu'elles ne soient pas indépendantes de l'efficacité du
producteur, ne reposent pas non plus sur la seule logique économique,
puisque les tarifs attractifs qui les suscitent
découlent d'abord
d'un cynique détournement des règles d'un système
d'inspiration humaniste
.
Pour La Poste
, si le système CEPT devait perdurer,
le
repostage ABA pourrait représenter
, selon les scénarios de
développements concurrentiels,
une perte nette annuelle de 2
à 9 milliards de francs par an à l'horizon 2000
, et ce
uniquement sur le courrier " facilement délocalisable "
(envois en nombre).
Dans un tel contexte, il faut être conscient que l'émergence
d'acteurs sur le marché ABA (de même que, à moindre
échelle, sur le marché du ABC), n'est pas le résultat
d'une efficacité plus grande des entrants et ne contribue donc pas
à améliorer l'optimum économique. Au contraire,
puisqu'elle repose sur des signaux distordus du marché, elle
dégrade non seulement l'économie de la distribution du courrier,
mais aussi tout le jeu de la concurrence sur les activités connexes.
La Poste doit s'adapter à la concurrence lorsqu'elle est loyale et
disposer des moyens pour lutter contre elle lorsqu'elle est
déloyale.
Or, les dispositifs aujourd'hui à sa disposition
sont inefficaces.