III. LA POSTE : VECTEUR DU DÉBAT DÉMOCRATIQUE
Aux termes de l'article 11 de la Déclaration des
droits de l'Homme et du Citoyen: "
la libre communication des
pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de
l'homme
" et "
tout citoyen peut donc parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette
liberté dans les cas prévus par la loi".
La législation républicaine sur la presse découle de ces
principes. Le système varié d'aides budgétaires et
fiscales à la presse qu'elle a mis en place a pour but de favoriser le
débat démocratique en assurant la libre information du citoyen.
C'est dans ce cadre que s'inscrit le service public de
distribution de la
presse
assuré par La Poste. A ce titre, celle-ci transporte chaque
année plus de 2 milliards de journaux, soit près de 40 % de
la diffusion totale des périodiques.
Ce dispositif français d'aide à la distribution postale
connaît peu d'exemples comparables dans les autres pays occidentaux. Il a
d'ailleurs connu quelques turbulences au cours des dernières
années. C'est pourquoi a été opéré
récemment un rééquilibrage de son financement qui a
entraîné une réforme de la grille tarifaire postale et une
modification de la réglementation applicable tendant à son
assouplissement.
A. L'AIDE À LA PRESSE : TRADITION RÉPUBLICAINE DESTINÉE À PROMOUVOIR LE PLURALISME
La première aide que la puissance publique ait accordée à la presse fut -déjà !- une diminution du tarif postal votée par le Parlement sous le Directoire, en 1796 ou plus exactement le 4 thermidor an IV. Après cette première expérience, interrompue assez rapidement par des régimes plus autoritaires, l'aide postale à la presse a été réinventée par la IIIème République et s'est perpétuée jusqu'à nos jours.
1. Une aide qui s'inscrit dans la tradition républicaine
La loi du 4 thermidor précitée fut
édictée après que, peu de temps avant, une disposition
fiscale eût soumis les envois postaux à une taxe
spécifique. Nombre d'imprimeurs et d'éditeurs périodiques
protestèrent alors contre l'introduction de cette taxe, en faisant
valoir qu'elle était préjudiciable à la presse. Lors du
débat à l'issue duquel fut instituée la première
aide publique en faveur de la presse, Boissy d'Anglas exposa les principes qui
sous-tendent, aujourd'hui encore, l'aide postale :
"
La Révolution française est, [...], née du
progrès et du développement des lumières
accélérés par l'imprimerie
. Sa marche eût
été plus rapide [...], si le Peuple eût été
plus généralement instruit. Il n'eût pas été
la dupe de tant de charlatans politiques ; il eût apprécié
les systèmes de ceux qui parviennent à l'égarer ; [...].
Hébert, Chaumette et Marat ne pouvaient s'élever qu'à la
faveur des ténèbres, et ils séduisaient la multitude
à l'aide des erreurs qui l'oppressaient [...].
La circulation des lumières est maintenant aussi nécessaire
parmi nous que la circulation de l'air
; sans elle, tout se corrompt et se
détruit. Si donc, au lieu d'y employer tous les moyens du gouvernement
[...], vous y apportez des difficultés [...] elle cessera d'être
désirée : le Peuple se dégoutera [...] de tourner ses
idées vers les matières publiques ; [...].
L'imprimerie et la Poste ont changé la face de l'Univers, elles
doivent être les mobiles du monde.
[...].
La Poste n'est pas
seulement une ressource fiscale, c'est une institution. Si vous entravez l'une,
vous ralentissez l'autre
, [...],"
60(
*
)
.
Dans son principe, l'aide à la diffusion de la presse par voie
postale remonte donc aux origines de la démocratie.
Sous la IIIe République, la
loi de finances du
16 avril 1930
réserva cette aide aux journaux,
écrits et périodiques publiés dans un but
d'intérêt général pour l'instruction,
l'éducation et l'information du public, à condition qu'ils
respectent les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse et aient été enregistrés
préalablement à la direction des Postes.
Après la Seconde guerre mondiale, l'aide à la distribution de la
presse, qui avait disparu sous Vichy, fut rétablie afin de favoriser le
développement d'une presse d'opinion pluraliste exprimant les
différentes sensiblités issues de la Résistance.