2. Sa situation actuelle
Cette empreinte du passé marque également
l'implantation du réseau de La Poste ainsi qu'en témoigne
l'annexe 5 relative à la répartition des points de contact
postaux par strates de communes.
En effet, aujourd'hui,
62 % des points de contact de La Poste se
trouvent dans des communes rurales regroupant 25 % de la population.
Ceci fait de La Poste une entreprise publique qui équipe mieux le monde
rural que les villes : il y a un établissement postal pour
990 habitants en Lozère et un pour 15.000 habitants en
Seine-Saint-Denis. Au total, il y a moins de 1.200 points postaux
(6,7 % du total) dans les villes de plus de 50.000 habitants, alors
que le quart de la population française et des clients de La Poste y
sont installés.
Même si le nombre plus important de guichets installés dans les
établissements urbains atténue substantiellement ce
déséquilibre, il n'en demeure pas moins tout à fait
significatif, ainsi qu'en atteste le tableau ci-après :
Zone urbaine |
Zone rurale |
|
Part dans la population française |
75 % |
25 % |
Part dans le nombre des communes |
12 % |
88 % |
Part dans le nombre de points de contact de La Poste |
38 % |
62 % |
Part dans les effectifs des guichets de La Poste |
62 % |
38 % |
En raison de cette préservation de l'implantation
rurale héritée du passé,
le maillage postal du pays est
le plus dense de tous les maillages territoriaux établis par les
entreprises dites de " réseau "
ou, à une
exception près, par les réseaux de nature commerciale. En effet,
seul le réseau constitué par les 37.000 débitants de
tabac est plus étendu mais, d'une part, il est essentiellement
concentré dans les villes et, d'autre part, il n'appartient pas à
une même entreprise.
A prendre des comparaisons dans le seul domaine financier, le Crédit
agricole -la banque verte- ne dispose que de 1.365 agences dans les
communes de moins de 2.000 habitants et la Caisse d'Epargne d'à
peine 500.
L'importance du réseau postal explique, qu'en dépit de son
ancrage rural, il irrigue également l'autre pôle des
fragilités territoriales :
les zones urbaines sensibles
. La
Poste est implantée dans 468 des 700 quartiers classés
difficiles, ce qui en fait, là encore, l'établissement public le
plus présent
57(
*
)
.
Présente aux deux extrémités du spectre des
problèmes territoriaux, La Poste est donc indéniablement un des
principaux leviers de leur résolution.
Tant ce caractère que la densité du réseau favorisent des
effets de proximité qui créent une sorte de rapprochement
identitaire des citadins et des ruraux autour de La Poste et des valeurs du
service public. Sans doute, les citadins rencontrent-ils rarement de
difficultés liées à l'éloignement. Mais la distance
moyenne d'accès à un point postal à partir des communes
rurales non équipées n'étant que de
6,5 kilomètres, il est fort peu de ruraux qui se trouvent à
plus de vingt minutes d'une poste, dès lors qu'ils peuvent utiliser un
véhicule. L'inégalité -relative- d'accès se doit
d'ailleurs d'être relativisée. Les citadins sont bien plus souvent
que les ruraux amenés, à certaines heures, à prendre place
dans des files d'attente avant de se voir délivrer la prestation
attendue. Ceci atténue les avantages de proximité pouvant exister
dans les villes.
Si on pouvait raisonner sur des moyennes globales de durée
d'accès au service,
il est probable que ceci révélerait
que La Poste est, dans l'ensemble et même si la situation pourrait encore
être significativement améliorée pour certains, un service
public devant lequel les Français sont très égaux
.
C'est également
un de ceux au travers desquels s'exerce
très concrètement leur solidarité collective
. Ils en
ont tous plus ou moins conscience et cet aspect psychologique de la donne
postale ne doit pas être négligé.
Le réseau postal dense et ramifié qui couvre l'ensemble du
territoire national est présenté traditionnellement comme le
support naturel de la mission courrier et de la mission financière de
l'exploitant public.
Cependant, les 73.000 tournées de facteurs
58(
*
)
qui, chaque jour apportent les
correspondances dans les foyers et dans les entreprises, ne s'appuient pas
toutes -loin s'en faut !- sur les quelque 17.000 points de contact
postaux. L'amélioration de la distribution du courrier entreprise par La
Poste tend même à reposer sur une réduction du nombre de
points où les facteurs sont appelés à remplir leurs
sacoches et à préparer leurs tournées.
Surtout, à
l'étranger
, cela a été
exposé précédemment
59(
*
)
,
des
postes
assumant des
missions similaires à celles de La Poste française -et investies
d'un rôle aussi important que celui imparti à cette
dernière dans l'aménagement des territoires-
développent de plus en plus fréquemment des stratégies
dont la réussite
-tant en termes de qualité de service aux
citoyens que de renforcement des liens territoriaux-
ne supposent pas
nécessairement l'existence d'un réseau taillé sur le
modèle de ceux construits au XIXe siècle.
Ces postes étrangères
, à commencer par celles
d'Allemagne et de Suède où les questions d'aménagement du
territoire se posent avec acuité,
ont-elles tort
?
L'approbation de leur approche du service postal territorial par les
autorités politiques nationales, les élus locaux, les
associations de consommateurs et, très nettement en Suède, les
organisations syndicales, ne permet guère de répondre par
l'affirmative à une telle question.
Faut-il voir dans la capillarité fine du réseau français
un atout indispensable à la bonne réalisation des
activités financières ? Là encore, les exemples
étrangers ne permettent pas de s'en convaincre.
Peut-on donc considérer, sur le plan strictement commercial, que les
résultats des services financiers postaux seraient moindre avec un
réseau moins dense ? La Poste ne paraît pas en douter. Pourtant,
lorsqu'on compare l'évolution globale des parts de marché de La
Poste à celle de ses compétiteurs dans le secteur financier, on
ne constate pas que la rationalisation des réseaux concurrents ait
entraîné un accroissement corrélatif des positions de La
Poste.
En outre, si la plus large présence de proximité était
nécessaire à la réussite commerciale en ce domaine,
comment se fait-il que le Crédit agricole, avec près de
8 fois moins d'agences que La Poste dans les communes de moins de
2.000 habitants, fasse pour le moins jeu égal avec La Poste au sein
de la clientère rurale ?
En conséquence, les arguments expliquant la force de la présence
immobilière de La Poste sur le territoire par la rationalité
économique ou commerciale peuvent-ils emporter l'adhésion ? Votre
rapporteur en doute.
Pour lui,
la présence postale sur le territoire est avant tout un
impératif d'ordre social et est ressentie comme tel
. Par certains
aspects plus profonds, elle ne relève d'ailleurs pas totalement de la
raison ; elle procède pour beaucoup de
l'affectif
. Entre La
Poste et les Français, entre La Poste et les élus locaux, il y a
un attachement de nature viscérale qui a "
des raisons que la
raison ignore
", mais qui n'est pas sans puissants motifs.