TITRE PREMIER -
LA POSTE, OPÉRATEUR MAJEUR DE SERVICE
PUBLIC
ET ACTEUR ÉCONOMIQUE DE PREMIER PLAN,
FACE AU DÉFI
DE LA MODERNISATION
Instrument de l'unité politique -que l'on songe aux
postes des grands empires de Rome ou de Tamerlan - la lettre est depuis
l'Antiquité le véhicule des échanges dans toutes les
civilisations de l'écrit. Elle accompagne aussi bien l'unification
politique des grands États européens que, plus récemment,
les progrès de l'alphabétisation et l'intégration des
campagnes dans la société industrielle.
La lettre est fille du développement des communications et de l'emprise
de la civilisation sur les moeurs. Dès l'antiquité, les
Lettres à Lucilius
ou les
Commentaires sur la guerre
des Gaules
ont témoigné d'échanges
intellectuels, culturels et politiques et, qui plus est, initié un genre
littéraire dont les
Lettres persanes
offriront, au
siècle des Lumières, une brillante illustration. Mais, l'histoire
postale est tout autant, si ce n'est davantage, liée à
l'économie. C'est ainsi qu'au Moyen-Age, le système de la
" lettre de change " a permis d'unifier des espaces
économiques et de pallier le manque de numéraire par la
circulation d'une monnaie de papier.
Aujourd'hui, La Poste française, à l'instar de toutes les autres
postes, ne peut ignorer les bouleversements technologiques qui annoncent
l'avènement de ce qu'il est convenu d'appeler la société
de l'information. De même, elle ne peut rester indifférente aux
mutations programmées de son environnement réglementaire
traditionnel, que portent en germe les orientations retenues par l'Union
européenne, ou à l'agressivité croissante de certains de
ses homologues étrangères et des nouveaux acteurs ayant
émergé dans son secteur d'activité au cours des quinze
dernières années.
Toutes ces évolutions vont dans le même sens et constituent autant
de ruptures avec les modèles d'hier. Elles affaiblissent durablement la
suprématie et l'organisation séculaire des opérateurs
postaux historiques. Elles ne semblent, en effet, guère laisser de
doutes sur l'inéluctabilité du passage de systèmes
monopolistiques et nationaux à un modèle concurrentiel et
international à même de mettre à mal le concept même
de frontière et, partout, la notion de " territoire
postal ".
Jusqu'au milieu du XXe siècle, les grandes postes ont mené une
stratégie du " pré carré ", protégeant
leurs marchés par des murailles réglementaires. A l'ère
des stations orbitales, la stratégie du " rempart et de la
casemate " paraît avoir fait long feu ! Les changements qui
s'annoncent en sont-ils pour autant acceptables sans inventaire ?
Vraisemblablement pas !
En France, les liens tissés entre La Poste et les citoyens ainsi
qu'entre La Poste et les territoires restent très forts et il ne saurait
être question de les distendre. Pour votre rapporteur, il convient
à l'évidence de les préserver, voire de les conforter.
Pour ce faire, la voie à suivre paraît tracée : prendre les
mesures permettant
d'adapter La Poste que nous aimons aux contraintes de la
nouvelle donne postale.
Pourtant, alors que le monde postal connaît des changements que l'on
peut, sans abus de langage, qualifier d'historiques, La Poste, se
révèle aujourd'hui éprouver, malgré les efforts
considérables déjà accomplis, quelques difficultés
à dépasser les contradictions entre les legs de son passé
et les exigences du temps présent.
Quelle sera la place des services postaux dans la société de
demain et comment y garantir à La Poste française une position
conforme à nos traditions de service public et à son immense
potentiel ? Telle est la première question que doivent se poser ceux
dont la mission est de préparer l'avenir.
De ce point de vue, le passé peut fournir d'utiles leçons. Celles
délivrées par l'observation de ce qui se passe hors de nos
frontières, par l'analyse des positions qu'occupe notre opérateur
national, par l'étude des défis qui lui sont lancés et par
l'examen tant de ses forces que de ses faiblesses, sont également
indispensables. Un tel diagnostic n'est-il pas le préalable
indispensable à toute prescription ultérieure de remède ?