4. Alléger les charges de La Poste en soutenant davantage le portage à domicile
Nous l'avons vu, au delà de certaines densités
démographiques, le portage
203(
*
)
à domicile des journaux est un
très bon vecteur de fidélisation des abonnés et, par
là même, un excellent outil d'enracinement commercial par les
titres.
Très développé aux Etats-Unis et au Japon, le portage a
également fait ses preuves dans des pays européens : il
représente 88 % de la diffusion des quotidiens aux Pays-Bas,
60 % en Allemagne
204(
*
)
et
50 % au Royaume-Uni. En France, il est encore modérément
pratique et on en connaît une des principales raisons : ses coûts
ne résistent pas à la comparaison avec ceux -largement
subventionnés- de la distribution postale. Pourtant son
développement, ces dernières années, en dépit de ce
handicap dissuasif révèle à quel point il peut constituer
une réponse adaptée à la distribution de certaines formes
de presse dans des zones d'habitat dense. A n'en pas douter, si la donne
tarifaire n'était pas autant déséquilibrée, le
portage serait beaucoup plus utilisé qu'aujourd'hui, notamment par les
quotidiens.
Pour cette raison, en 1996, le Gouvernement -reprenant à son compte les
mesures décidées par le précédent Gouvernement sur
la base du plan d'aide à la presse présenté par Nicolas
Sarkozy- a décidé de commencer à corriger ce
déséquilibre préjudiciable à la liberté
économique de la presse. Pour favoriser le recours au portage,
un
fonds de répartition
doté de 15 millions de francs a
été mis en place en 1997. Pour cette dernière
année, l'aide comprend deux parts égales : la première est
assise sur le nombre d'exemplaires portés au cours de l'année
1996 ; la seconde est fonction de l'accroissement du nombre d'exemplaires
portés entre le premier semestre 1996 et le premier semestre 1997. Pour
1998, le projet de loi de Finances propose de porter cette dotation à
45 millions de francs.
Par ailleurs, le décret n°96-678 du 30 juillet 1996 a
institué, pour une période de 5 ans
un fonds pour le
remboursement des charges sociales
acquittées par les entreprises de
presse pour le portage des seuls quotidiens nationaux, afin de tenir compte des
difficultés rencontrées par cette forme de presse pour
développer le portage. Pour 1997, première année de mise
en oeuvre de cette aide, le fonds était doté de 2,4 millions de
francs.
Ces deux mesures vont dans le bon sens mais leur modestie au regard des masses
financières de l'aide postale à la presse démontre la
limite de la correction ainsi opérée. Songeons que
cumulées, à elles deux, elles représentent 0,38 % du
total de cette dernière, telle qu'elle ressort de l'évaluation du
présent rapport !
Pourtant, si le portage prend son essor en France, comme il l'a fait à
l'étranger, il apparaîtrait logique, au vu des avantages dont il
est paré, d'en escompter dans la limite des zones de son intervention :
- une amélioration de la délivrance des journaux aux
abonnés ;
- un renforcement de l'implantation commerciale des titres ;
-
un allégement de la lourde charge supportée par La
Poste
pour le transport de la presse ;
- et éventuellement à terme, une réduction
corrélative de la subvention versée à ce titre par le
budget général.
La Poste ne saurait a priori qu'y gagner
et ce d'autant plus que rien ne
l'empêcherait de développer, au travers de filiales
spécifiques, ses activités de portage pour mieux valoriser ses
savoir-faire " amont " et sa bonne connaissance des
contraintes de la
distribution de la presse. Ne considère-t-elle pas, d'ores et
déjà, que si le service public de la distribution de la presse
relève de ses missions historiques, elle ne devrait pas en supporter le
coût dont le financement incombe, selon elle, entièrement à
l'Etat. Le portage ne peut donc, en définitive, que l'alléger
d'une charge indue.
De toutes façons, l'opérateur ne peut que demeurer un partenaire
majeur des journaux : il restera le mieux placé pour assurer le
transport des titres nationaux sur les centres de regroupement du portage et,
d'autre part, lui seul sera à même d'assurer la desserte des zones
les moins densément peuplées, tant en deçà de
certains seuils le portage n'est pas viable économiquement. Il n'en
demeure pas moins que, même dans cette perspective, La Poste n'en aura
pas moins à améliorer la qualité de son service en zone
rurale.
La presse, les citoyens et l'Etat gagneraient également à la mise
en oeuvre d'une telle orientation puisque tous y trouveraient la satisfaction
de leur intérêt. Or, le moment paraît bien choisi pour
impulser cette politique car la hausse des tarifs postaux programmée par
les accords " Galmot " va tendre à réduire
l'écart de coût entre le portage et l'acheminement postal.
Actuellement de 0,91 franc à 1,11 francs par numéro, le tarif
d'affranchissement de la plupart des quotidiens devrait passer à une
fourchette comprise entre 1,08 franc et 1,40 franc, voire davantage à
partir de 2001, et se rapprocher ainsi du prix du portage qui, dans les
meilleures hypothèses (zones d'habitat dense à fort taux de
pénétration) s'élève de 1,20 franc à 1,30
franc l'exemplaire.
Accélérons donc d'une manière pragmatique le mouvement
en faveur du développement du portage. Doublons l'aide au portage
prévue pour 1998. Portons-la à 90 millions au lieu de 45 millions
de francs !
Puis, évaluons les effets d'une injection aussi significative d'argent
public dans ce secteur d'activité
(en un an, multiplication par 6 de
l'aide)
avant de décider du sort de la politique ainsi
engagée. Mais si les effets constatés sont bien ceux
prévus, n'hésitons pas alors à poursuivre plus avant.
Suggérer de ponctionner le budget de l'Etat constituait un discours
parlementaire aisé à tenir avant l'instauration de la Ve
République par le général de Gaulle. Tel n'est plus le cas
aujourd'hui. Les dépenses budgétaires proposées par le
Parlement doivent être gagées par un produit d'imposition.
Aussi, pour financer la mesure préconisée, votre rapporteur
propose-t-il de lui affecter, à due concurrence, une partie du produit
de la taxe sur les recettes publicitaires des supports dis " hors
médias ", dont l'instauration a été votée par
l'Assemblée nationale lors de la discussion en première lecture
du projet de loi de finances pour 1998.