D. LA RÉFORME DE 1990 : DE L'ADMINISTRATION D'ÉTAT À L'EXPLOITATION AUTONOME
La Poste et les Télécommunications demeurent des
services spécifiques de l'ETAT entre 1923, date de l'institution du
budget annexe, et 1991, année de la création effective de deux
opérateurs publics distincts. En près de 70 ans, cette
structure administrative bicéphale ne connaît donc pas de
réforme structurelle d'importance, alors même que la population
française croît de 40 à 56 millions d'habitants et que la
population urbaine passe de 50 % à 75 % de la population
totale
17(
*
)
. Au cours de cette
période, si l'on excepte quelques grandes grèves telles que
celles de 1974 (partie du centre de tri de Paris-Brune) et de 1988 (dite des
" camions jaunes "), le service postal d'Etat satisfait les
besoins
d'une économie en forte croissance, peu soumise à la concurrence
internationale.
Certes, en 1987, la publication du Livre vert européen sur les
Télécommunications met l'accent sur la nécessité
d'une adaptation de ce secteur à l'évolution des technologies
mais aucune réflexion analogue n'est conduite sur les perspectives
d'évolution du secteur postal. On note seulement, en 1987, l'amorce
d'une étude visant à assujettir La Poste et France
Télécom à un nouveau statut juridique. Ce projet de
réforme se heurte à un mouvement de protestation des
organisations représentatives du personnel.
Au vu de cette réaction, le principal parti de l'opposition
parlementaire, qui sera appelé à revenir rapidement aux affaires,
fait alors de l'immutabilité du statut de La Poste l'un des axes de son
programme de Gouvernement. Comme le relèvera, quelques années
plus tard, Gérard Moine, qui a été directeur de cabinet de
Paul Quilès, au moment où celui-ci exerçait les fonctions
de ministre des Postes et Télécommunications : "
En avril
1988, les socialistes ont pris des positions qui sont comprises ainsi :
" Personne ne bouge ". C'était la position politique qui
correspondait à l'état d'esprit des gens des PTT qui avaient
identifié le changement avec le danger
"
18(
*
)
. A cette époque, KPN, la poste
néerlandaise, a déjà entamé sa réforme
depuis deux ans.
Cette crispation sociale et ce manque de clairvoyance permettent
vraisemblablement d'expliquer que l'élaboration de la loi du
2 juillet 1990 ait finalement nécessité près de
deux ans et que la réforme opérée ait eu des
ambitions plus limitées que d'autres menées, à la
même époque, ailleurs en Europe.