2. La relative faiblesse capitalistique des activités postales n'impose pas de sociétisation
La sociétisation d'une entreprise publique
exposée au choc concurrentiel présente plusieurs avantages :
- elle lui confère une autonomie de gestion plus importante que le
régime d'établissement public ;
- elle lui fournit des instruments plus efficaces de
réactivité commerciale fort utiles dans un environnement
économique mouvant ;
- et son capital social constitue le meilleur moyen de nouer des alliances
stratégiques avec d'autres partenaires car il permet l'échange
d'actions.
Pour La Poste, les deux premiers avantages ne pourraient que lui permettre de
conforter et de dynamiser l'ensemble de ses activités, dans une logique
d'entreprise.
Quand on sait que l'opérateur est appelé à exercer une
part croissante de ses activités dans le secteur marchand, on ne peut
sous-estimer l'intérêt qu'il aurait à se libérer du
relatif carcan administratif dans lequel il évolue aujourd'hui.
Cependant, dans ce cas, ne serait-il pas tenté de succomber un peu trop
aux " sirènes " du marché et ne se trouverait-il pas
incité à privilégier l'objectif de
compétitivité au détriment de ses devoirs de service
public ?
La question mérite d'être formulée : les
bénéfices dégagés sur ses activités
concurrentielles plus librement exercées n'offriraient-ils pas, en
définitive, à La Poste le moyen le plus sûr d'assurer les
missions de service public que l'Etat lui impose sans lui en donner
véritablement, ou suffisamment, les ressources ? Le problème
ne se poserait d'ailleurs pas en ces termes, si l'Etat assurait pleinement les
conséquences des responsabilités qu'il confie à
l'opérateur public et s'il ne lui faisait pas encourir le risque, face
à la montée de la concurrence, de creuser les déficits.
Mais si, dans ces conditions, La Poste gagnerait vraisemblablement à
être moins soumise à la tutelle de l'Etat, ce dernier -et surtout
Bercy- n'y gagnerait sans doute pas. Aussi, eu égard aux tentations
évoquées précédemment, apparaîtrait-il
aujourd'hui imprudent de ne pas maintenir La Poste dans l'étroite orbite
de l'Etat.
Le troisième avantage de la sociétisation (les alliances,
notamment internationales, confortées par des échanges en
capital) n'a pas, eu égard à la situation postale
française, le caractère décisif qu'il présentait
pour France Télécom.
Pour France Télécom, il s'agissait d'un impératif vital si
la France voulait conserver son opérateur national dans le peloton de
tête des " grands mondiaux ".
En effet, l'importance des investissements à consentir dans le secteur
des télécommunications, au cours des dix ans à venir,
excluait que des accords d'importance puissent se nouer ailleurs qu'au centre
des groupes en présence. Quand les projets à développer
ensemble se chiffrent en dizaines de milliards de francs, on ne traite pas par
filiales interposées !
Tel n'est pas le cas dans le secteur postal. Les activités n'y ont pas
cette intensité capitalistique ; elles obéissent d'abord
à une logique d'industrie de main d'oeuvre. C'est pourquoi, en
l'état actuel de la situation, la négociation et la conclusion
d'alliances au travers de filiales n'apparaît pas une mauvaise solution.