C. LA POSTE INSTRUMENT DE L'UNITÉ NATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE : UN SOUCI D'HIER, UNE PRÉOCCUPATION D'AUJOURD'HUI

L'accroissement des échanges économiques, au XIXè siècle, l'unification postale du pays, la diffusion de l'idée que l'intensification des flux financiers est bénéfique à la croissance du pays ont fait de la Poste l'un des acteurs essentiels du développement de l'économie française aussi bien au XIXe siècle qu'au XXe siècle.

1. La desserte postale des campagnes

A la fin de la Révolution et sous l'Empire, l'organisation postale est divisée, dans les départements, entre un bureau principal départemental, des bureaux secondaires et des bureaux de distribution. Mais, hormis Paris et sa région où, à compter du début des années 1820, la distribution se fait chaque jour à domicile, et les vingt premières villes du royaume qui sont reliées trois fois par jour à la capitale, l'acheminement du courrier reste d'une grande lenteur. Certes, les communes les plus riches ont pris l'initiative d'entretenir des " messagers administratifs " chargés de les relier au réseau national, mais les autres -l'immense majorité- doivent attendre le passage, souvent aléatoire, du " piéton " de la sous-préfecture.

C'est ainsi que la desserte des zones rurales -qui abritent alors l'essentiel de la population française- n'est opérée qu'à la fin de la Restauration. Présentant aux députés le projet qui allait devenir la loi du 10 juin 1829 relative à l'établissement d'un service de poste dans toutes les communes du royaume, le baron de Villeneuve déclarait :

" Il y a en ce moment en France 1.799 bureaux ou distributions de poste. Les communes dans lesquelles sont situés ces établissements reçoivent leurs dépêches tous les jours avec une promptitude remarquable, mais les autres, c'est à dire les 35.587 communes dépourvues de relations directes avec la poste sont forcées d'envoyer chercher à leurs frais lettres et journaux dans le bureau le plus voisin.

Dans quelques localités, les habitants se cotisent pour organiser un transport commun ; dans beaucoup d'autres, on attend en paix que quelque occasion fortuite, ou le passage hebdomadaire du piéton de la sous-préfecture vienne mettre dans la main des destinataires des lettres vieillies dans les casiers de la direction. Le même inconvénient se fait ressentir pour le départ des lettres. Le nouveau projet établit dans chaque commune du royaume une boîte aux lettres où tout individu pourra jeter sa correspondance pour toute espèce de destination, et il attache à chaque bureau ou distribution de poste un nombre suffisant de facteurs piétons offrant des garanties désirables [sic] chargés de porter à domicile, tous les deux jours, les dépêches arrivées au bureau d'où ils dépendent [...].

Il suffirait de ce simple exposé pour faire sentir l'immense avantage qui va résulter pour la majeure partie de la population de l'établissement du nouveau service, mais cette amélioration n'est pas la seule que la poste s'est proposée. Dans les petits bureaux, il n'y a point de facteurs, et dans les grands leur nombre est insuffisant ; on est donc obligé d'envoyer chercher au guichet ses lettres, ses journaux, obligation pénible, surtout si l'on habite un hameau ou un faubourg éloigné. Par le projet de loi, les lettres seront maintenant remises sans nouveaux frais au domicile de chaque habitant des communes où sont situés les bureaux ou distributions.

Les populations agglomérées, les châteaux isolés apprécieront ce perfectionnement
" 12( * ) .

A compter de 1830, du fait de la loi précitée, l'administration des postes fait transporter et distribuer, au moins tous les deux jours, les lettres et journaux à destination des communes rurales. Mais ce nouveau service est très coûteux. Aussi institue-t-on pour le financer une surtaxe calculée sous la forme d'un droit fixe : le " décime rural " majorant d'un dixième (un décime par franc) le prix des lettres délivrées dans les campagnes. L'extension de la desserte rurale s'accompagne donc d'une double inégalité entre villes et campagnes : inégalité tarifaire d'une part, inégalité de desserte d'autre part.

Cependant, le mouvement de " postalisation " du pays est amorcé et plus rien ne l'arrêtera. En 1832, la distribution rurale devient journalière. Et, en 1848, la seconde République naissante abroge le décime rural dans le même temps qu'elle introduit en France une invention postale anglaise totalement novatrice : le timbre.

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