ANNEXE
FAUT-IL MODIFIER LA CONSTITUTION AVANT LA RATIFICATION DU
TRAITÉ D'AMSTERDAM ?
Il n'est évidemment pas envisageable, dans le cadre de ce rapport,
d'examiner de manière systématique la compatibilité de
chacune des dispositions du traité d'Amsterdam avec la Constitution. En
revanche, il peut être intéressant de se reporter à la
décision rendue le 9 avril 1992 par le Conseil Constitutionnel sur le
traité de Maastricht afin de déterminer si, sur les
matières alors abordées par le Conseil Constitutionnel, un
raisonnement par analogie peut faire présager la nécessité
d'une révision constitutionnelle préalablement à la
ratification du traité d'Amsterdam.
En avril 1992, le Conseil avait jugé que le traité de Maastricht
nécessitait une révision de la Constitution en raison de trois
sortes de dispositions qu'il comprenait :
- celles portant sur la reconnaissance du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales ;
- celles portant sur l'établissement d'une politique monétaire et
d'une politique de change uniques ;
- enfin, celles portant sur les mesures relatives à l'entrée et
à la circulation des personnes.
Le traité d'Amsterdam ne comporte aucune disposition relative aux deux
premiers de ces sujets. En revanche, il modifie de manière notable les
compétences communautaires en matière de libre circulation des
personnes. C'est donc sur ces dispositions du traité d'Amsterdam que le
rappel de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel peut apporter un
éclairage judicieux.
Dans sa décision du 9 avril 1992, le Conseil Constitutionnel rappelle
donc d'abord que "
les engagements internationaux souscrits par les
autorités de la République française ne sauraient affecter
l'exercice par l'Etat des compétences qui relèvent des conditions
essentielles de sa souveraineté.
"
Puis, il considère que la détermination des "
pays tiers
dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du
franchissement des frontières extérieures des Etats
membres
" entre dans ces compétences qui relèvent des
conditions essentielles de la souveraineté.
Enfin, il ajoute que les conditions essentielles de la souveraineté
nationale ne sont pas affectées tant que cette détermination fait
l'objet d'une décision du Conseil des ministres de l'Union à
l'unanimité, mais qu'il n'en va plus de même dès lors qu'il
y a "
abandon de la règle de l'unanimité
". Dans
ce dernier cas, il y a contradiction avec la Constitution et une
révision constitutionnelle doit intervenir préalablement à
la ratification du traité.
On peut déduire de cette jurisprudence qu'une révision
constitutionnelle devra précéder la ratification du traité
d'Amsterdam si :
- d'une part, certaines des dispositions de ce traité entrent dans des
compétences qui relèvent des conditions essentielles de la
souveraineté ;
- d'autre part, ces dispositions peuvent être arrêtées par
les institutions de l'Union sans que l'unanimité soit requise.
1. Certaines dispositions du traité entrent-elles dans des compétences qui relèvent des conditions essentielles de la souveraineté ?
Sans vouloir être exhaustif, on peut relever que le
traité d'Amsterdam comporte notamment :
- " les normes et les modalités auxquelles doivent se conformer
les Etats membres pour effectuer les contrôles des personnes aux
frontières extérieures ; "
- " des mesures fixant les conditions dans lesquelles les
ressortissants
des pays tiers peuvent circuler librement sur le territoire des Etats membres
pendant une durée maximale de trois mois ; "
- " des mesures relatives à la politique d'immigration, dans les
domaines suivants :
a) conditions d'entrée et de séjour, ainsi que normes concernant
les procédures de délivrance par les Etats membres de visas et de
titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du
regroupement familial :
b) immigration clandestine et séjour irrégulier, y compris le
rapatriement des personnes en séjour irrégulier ; "
- " des mesures définissant les droits des ressortissants des pays
tiers en situation régulière de séjour dans un Etat membre
de séjourner dans les autres Etats membres et les conditions dans
lesquelles ils peuvent le faire. "
On reconnaîtra que, dès lors que le Conseil Constitutionnel a
estimé en 1992 que la détermination des "
pays tiers dont
les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement
des frontières extérieures des Etats membres
" entrait
dans les compétences qui relèvent des "
conditions
essentielles d'exercice de la souveraineté nationale
", il y a
tout lieu de penser qu'il estimera demain que tout ou partie des mesures
énumérées ci-dessus entrent également dans ces
compétences.
Il convient donc à présent d'examiner le mode de décision
retenu par le traité d'Amsterdam pour l'adoption de ces mesures.