Rapport d'information n° 14 - sur le Traité d'Amsterdam


M. Christian de LA MALENE, Sénateur


Délégation du Sénat pour l'Union européenne - Rapport d'information n°14 - 1997/1998

Table des matières






N° 14

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1997

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1),

sur


le Traité d'Amsterdam,

Par M. Christian de LA MALÈNE,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Michel Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon, vice-présidents ; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant, secrétaires ; Robert Badinter, Denis Badré, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Gérard Delfau, Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Pierre Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.

Union européenne. - Traité d'Amsterdam - Réforme institutionnelle - Elargissement de la Communauté - Rapports d'information.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le traité d'Amsterdam clôt un cycle de négociations qui, préparé par les travaux du " groupe Westendorp ", s'est poursuivi sous trois présidences successives de l'Union. Ces négociations ont été suivies de près par les Parlements nationaux comme par le Parlement européen. La délégation du Sénat pour l'Union européenne a ainsi consacré, depuis décembre 1994, dix rapports d'information à la Conférence intergouvernementale. Elle a entendu chaque mois à ce sujet le ministre des Affaires européennes.

Le moment est venu de prendre la mesure des résultats des négociations, dans l'optique du débat de ratification qui pourrait se dérouler au printemps 1998.

Le présent rapport s'efforce, dans un premier temps, de présenter de manière synthétique les principaux aspects du traité. Puis il propose des éléments d'appréciation, sans pour autant avancer une conclusion d'ensemble. Enfin, une annexe examine le problème de la conformité de ce texte à la Constitution.

I. LES PRINCIPAUX ASPECTS DU TRAITE

A. LES QUESTIONS INSTITUTIONNELLES

1. Le fonctionnement des institutions

a) Le Parlement européen

· La procédure de codécision entre le Parlement et le Conseil est étendue à de nouvelles matières . Elle couvre désormais la plupart des domaines où le Conseil statue à la majorité qualifiée (à l'exception de la politique agricole commune et de la politique commerciale commune) ; elle a également été retenue pour quelques sujets où le Conseil continue de décider à l'unanimité (libre circulation des citoyens de l'Union, accès aux professions non salariées, sécurité sociale des travailleurs migrants). Les principaux domaines auxquels est étendue la procédure de codécision sont les suivants : la majeure partie des dispositions de la politique sociale et de la politique de l'emploi ; la libre circulation des citoyens de l'Union ; la santé publique ; le droit d'établissement ; la politique des transports ; la formation professionnelle ; certains aspects de la politique régionale ; la recherche ; l'environnement ; les réseaux transeuropéens ; la coopération au développement... (1( * )) .



· Par ailleurs, cette procédure est modifiée . Si un accord n'est pas intervenu après deux lectures par chaque institution, un comité de conciliation est convoqué. En cas d'échec de la conciliation ou de rejet par le Conseil ou le Parlement européen de l'accord intervenu, le texte est réputé non adopté. Ainsi, le Parlement et le Conseil sont désormais placés strictement à égalité ; selon les dispositions antérieures, le Conseil avait, en cas de désaccord persistant, la faculté d'adopter le texte en discussion par une ultime lecture : certes, le Parlement européen pouvait alors rejeter à la majorité absolue de ses membres le texte ainsi adopté, mais dans ce cas, il portait seul la responsabilité de l'échec de la procédure.



· La désignation du président de la Commission européenne est désormais soumise, séparément, à l'approbation du Parlement européen (qui, dans un second vote, approuve ensuite la composition du collège des commissaires).

· Le nombre des membres du Parlement européen est plafonné à 700 membres dans la perspective de l'élargissement.



· Le Parlement reçoit le pouvoir de définir, en accord avec le Conseil, " le statut et les conditions générales d'exercice des fonctions de ses membres ". Un protocole confirme qu'il siège à Strasbourg pour ses douze sessions plénières mensuelles ; les réunions de commission ainsi que les sessions plénières additionnelles continuent à se tenir à Bruxelles et les services du Parlement restent installés à Luxembourg.

b) Le Conseil (2( * ))

· La décision à la majorité qualifiée s'applique à de nouveaux domaines : les principales dispositions de la politique sociale ; la politique de l'emploi ; la santé publique ; la lutte anti-fraude ; le programme cadre de recherche... (3( * ))



· Le Conseil détermine les cas dans lesquels il doit être considéré comme agissant en sa qualité de législateur ; dans ces cas, les résultats et les explications des votes, ainsi que les déclarations inscrites au procès-verbal, sont rendus publics.

· S'agissant de la pondération des votes au Conseil , il est prévu dans un protocole annexé que, lorsque l'Union comptera de seize à vingt membres, la pondération actuelle devra normalement être modifiée par la mise en place, soit d'une nouvelle pondération, soit d'un système de double majorité. Le protocole ne rend pas obligatoire cette modification, mais il en fait une condition du changement de la composition de la Commission qui, toujours dans l'hypothèse d'une Union de 16 à 20 membres, devrait en principe comprendre un commissaire par Etat membre : en l'absence d'une révision du système de pondération, les " grands " Etats garderaient donc un second commissaire.

c) La Commission

· La question de la composition de la Commission européenne est réglée par le protocole qui vient d'être évoqué.

· La Commission est placée plus nettement sous l'autorité de son président ; elle doit remplir sa mission " dans le respect des orientations politiques " définies par ce dernier.

· Le contrôle politique du Parlement européen sur la Commission est renforcé par un mécanisme de " double investiture " : le Parlement investit tout d'abord le président de la Commission, puis il investit la Commission en tant que collège, après audition de chacun des membres pressentis.

d) La Cour de justice

La composition, l'organisation et le fonctionnement de la Cour demeurent inchangés. En revanche, ses attributions sont étendues :

- elle est désormais explicitement compétente pour vérifier que les actes communautaires respectent les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles des Etats membres.

- sa compétence est par ailleurs étendue, sous réserve de certaines adaptations, aux matières transférées du troisième vers le premier pilier : visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes .

- enfin, la Cour de justice reçoit des compétences accrues à l'égard du troisième pilier " maintenu " : un Etat membre ou la Commission peut lui adresser un recours en annulation d'une " décision-cadre " ou d'une " décision " ; elle peut être appelée à statuer sur les différends entre Etats membres concernant l'interprétation de l'ensemble des actes relevant du troisième pilier, et sur les différends entre un ou plusieurs Etats membres et la Commission concernant spécifiquement l'interprétation des conventions établies dans le cadre de ce même pilier ; enfin, chaque Etat membre peut lui reconnaître une compétence pour statuer à titre préjudiciel sur la validité et l'interprétation des différentes catégories d'actes relevant du troisième pilier.

e) L'application du principe de subsidiarité

La subsidiarité fait l'objet d'un protocole qui confirme, tout en les précisant, les conclusions du Conseil européen d'Edimbourg (décembre 1992) et les dispositions de l'accord interinstitutionnel d'octobre 1993 entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil.

f) Les Parlements nationaux

Les Parlements nationaux sont évoqués dans un protocole comprenant deux principaux aspects :

- un délai de six semaines devra être normalement observé entre la présentation officielle d'une proposition législative par la Commission européenne et son inscription à l'ordre du jour du Conseil ;

- la COSAC est officialisée ; elle peut " soumettre toute contribution " à l'attention des institutions de l'Union, particulièrement en ce qui concerne le troisième pilier, la subsidiarité et les questions relatives aux droits fondamentaux.

g) La " comitologie "

Le traité d'Amsterdam ne contient pas de nouvelle disposition dans ce domaine. Toutefois, une déclaration invite la Commission à présenter, avant la fin de 1998, une proposition relative aux modalités de l'exercice des compétences d'exécution qui lui sont conférées.

h) Les coopérations renforcées

Le dispositif retenu prend la forme, d'une part, d'une clause générale, et d'autre part, de clauses spécifiques adaptées respectivement aux premier et troisième piliers (pour le deuxième pilier, c'est la formule de " l'abstention constructive " qui a été retenue).

La clause générale précise notamment qu'une coopération renforcée doit être lancée par au moins une majorité d'Etats membres, ne doit être utilisée qu'en dernier ressort, et rester ouverte à tous les Etats membres.

Les dispositions institutionnelles des traités s'appliquent sous deux réserves :

- au sein du Conseil, seuls les représentants des Etats participant à la coopération renforcée prennent part aux votes ;

- les dépenses sont à la charge des Etats participants.

Le Parlement et la Commission jouent leur rôle avec la totalité de leurs membres.

· La clause propre au premier pilier précise notamment qu'une coopération renforcée concernant ce pilier ne peut être lancée qu'avec l'accord de la Commission européenne. L'autorisation est en principe accordée par le Conseil à la majorité qualifiée, mais si un Etat membre s'y oppose " pour des raisons de politique nationale importantes ", il n'est pas procédé au vote (la question peut alors être renvoyée au Conseil européen en vue d'une décision à l'unanimité). Lorsqu'un Etat souhaite se joindre à une coopération renforcée déjà engagée, c'est la Commission qui décide des suites à donner à sa demande.



· La clause propre au troisième pilier précise que, dans le cas de ce pilier, l'autorisation de lancer une coopération renforcée est accordée par le Conseil après avis de la Commission. La décision est prise à la majorité qualifiée, mais, comme dans le cas du premier pilier, un Etat membre peut s'y opposer en invoquant " des raisons de politique nationale importantes ". Lorsqu'un Etat souhaite se joindre à une coopération renforcée, sa demande est réputée approuvée à l'expiration d'un délai de quatre mois sauf si, dans ce délai, les Etats participants ont décidé à la majorité qualifiée de la " tenir en suspens ".



· La Cour de Justice est compétente, dans tous les cas, pour vérifier si les coopérations renforcées respectent les compétences et les objectifs de la Communauté et de l'Union ; elle est également compétente pour contrôler le respect des conditions de lancement des coopérations renforcées et des procédures permettant aux autres Etats membres de s'y joindre ultérieurement.

2. Les modifications des principes de base des communautés et de l'Union

Plusieurs dispositions du traité d'Amsterdam tendent à faire figurer plus explicitement certaines préoccupations sociales et humaines dans les principes de la construction européenne.

a) Sanctions contre un Etat membre en cas de non-respect des principes démocratiques et des droits de l'homme

Le Conseil européen, après avoir constaté à l'unanimité qu'un Etat membre viole de manière grave et persistante ces principes, peut décider, à la majorité qualifiée, de suspendre certains des droits de cet Etat, y compris son droit de vote au sein du Conseil.

b) Non-discrimination

Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut prendre des mesures pour " combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les croyances, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ".

c) Egalité hommes/femmes

Ce principe fait désormais partie des principes de base de la Communauté (art. 2 et 3 du traité).

d) Droits sociaux et emploi

Les droits sociaux sont désormais mentionnés dans le préambule du traité sur l'Union européenne ; par ailleurs, un " niveau élevé de l'emploi " devient un objectif de base de l'Union (article B du traité) et de la Communauté (articles 2 et 3 du traité).

e) Services publics

Un nouvel article 7 D précise que, sans préjudice des articles du traité concernant la concurrence et les aides d'Etat, la Communauté et les Etats membres veillent à ce que les services d'intérêt économique général " fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ".

f) Environnement

Le principe du " développement durable " est affirmé dans le Préambule et à l'article B du traité sur l'Union européenne, ainsi qu'à l'article 2 du traité instituant la Communauté européenne. Un nouvel article de ce dernier traité précise en outre que les exigences environnementales doivent être intégrées à toutes les politiques menées par la Communauté.

g) Citoyenneté de l'Union

Une nouvelle rédaction de l'article sur la citoyenneté européenne précise que celle-ci " complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ".

B. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU PREMIER PILIER

(Une importante modification du premier pilier est le transfert dans celui-ci d'une partie des questions relevant jusqu'à présent du troisième pilier ; ce point est présenté plus loin).

1. Le nouveau titre sur l'emploi

Ce nouveau titre prévoit que les Etats membres considèrent la promotion de l'emploi comme une question d'intérêt commun et qu'ils coordonnent au sein du Conseil leur action dans ce domaine.

Sur la base d'un rapport annuel élaboré conjointement avec la Commission européenne, le Conseil définit chaque année des " lignes directrices " dont les Etats " tiennent compte " dans leurs politiques de l'emploi. Chaque Etat membre transmet chaque année au Conseil et à la Commission un rapport sur sa politique de l'emploi " à la lumière " de ces " lignes directrices ".

Le Conseil statuant à la majorité qualifiée peut adresser des recommandations aux Etats membres. Il peut également, en codécision avec le Parlement européen, adopter des " actions d'encouragement " destinées à développer les échanges d'informations et à favoriser des expériences pilotes.

Un Comité de l'emploi à caractère consultatif est placé auprès du Conseil. Il est chargé de suivre la situation de l'emploi et de formuler des avis.

2. La politique sociale

Le protocole social annexé au traité de Maastricht, désormais accepté par la Grande-Bretagne, est en conséquence intégré au traité instituant la Communauté européenne. Son contenu est pour l'essentiel conservé. Toutefois, le traité d'Amsterdam introduit la possibilité pour le Conseil d'adopter, en codécision avec le Parlement européen, des mesures d'encouragement destinées à développer les échanges d'informations et à " promouvoir des approches novatrices ".

3. Les régions ultrapériphériques

Le nouveau traité prévoit que le Conseil statuant à la majorité qualifiée devra adopter des " mesures spécifiques " fixant les conditions d'application du traité aux régions ultrapériphériques. Ainsi est ouverte la possibilité pour les départements d'outre-mer de conserver un régime fiscal particulier, notamment en ce qui concerne l'octroi de mer.

4. Les pays et territoires d'outre-mer

Les PTOM font l'objet d'une déclaration invitant le Conseil à réexaminer avant février 2000 le régime d'association avec les objectifs suivants :

- " promouvoir plus efficacement le développement économique et social des PTOM ;

- " développer les relations économiques entre les PTOM et l'Union européenne ;

- " mieux prendre en compte la diversité et la spécificité de chaque PTOM, y compris en ce qui concerne la liberté d'établissement
;

- " améliorer l'efficacité de l'instrument financier ".

C. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU DEUXIEME PILIER

1. La procédure de décision

La PESC est dotée d'un nouvel instrument, les " stratégies communes ", qui précisent les objectifs de l'Union et les moyens pour les atteindre. Les stratégies communes sont arrêtées par le Conseil européen sur recommandation du Conseil. Lorsqu'une stratégie commune a été décidée, le Conseil peut adopter à la majorité qualifiée les actions communes et les positions communes nécessaires à sa mise en oeuvre.

En l'absence d'une stratégie commune, des actions communes ou des positions communes ne peuvent être adoptées par le Conseil qu'à l'unanimité. Mais les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des actions et positions communes ainsi adoptées sont décidées, quant à elles, à la majorité qualifiée.

Lorsqu'une décision doit être prise à l'unanimité, l'abstention d'un ou plusieurs Etats n'empêche pas l'adoption de cette décision. Un Etat membre qui s'abstient lors d'un vote peut " assortir son abstention d'une déclaration formelle " : dans ce cas, sans être tenu d'appliquer la décision, il accepte que celle-ci engage l'Union. Toutefois, si les Etats membres qui s'abstiennent en assortissant leur abstention d'une déclaration formelle représentent plus du tiers des voix au Conseil, la décision n'est pas adoptée.

Lorsqu'une décision doit être prise à la majorité qualifiée, si un Etat membre s'y oppose en invoquant " des raisons de politique nationale importantes ", il n'est pas procédé au vote. La question peut être renvoyée au Conseil européen en vue d'une décision à l'unanimité.

2. La préparation et la mise en oeuvre des décisions

Une déclaration prévoit la création d'une unité de planification de la PESC et d'alerte rapide . Elle est placée sous la responsabilité du Secrétaire général du Conseil.

Le Secrétaire général du Conseil reçoit la fonction de Haut représentant pour la PESC . Il assiste le Conseil " en contribuant notamment à la formulation, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des décisions politiques et, le cas échéant, en agissant au nom du Conseil et, à la demande de la présidence, en conduisant le dialogue politique avec des tiers ". Il est nommé par le Conseil statuant à l'unanimité. Il est assisté d'un secrétaire général adjoint du Conseil qui est responsable de la gestion du secrétariat général.

Pour la représentation extérieure de l'Union, le système de la " troïka " est remplacée par une nouvelle formule : la présidence représente l'Union ; elle est " assistée " par le Secrétaire général du Conseil en sa qualité de Haut représentant pour la PESC ; la Commission est " pleinement associée " aux tâches de représentation de l'Union ; la présidence est en outre " assistée, le cas échéant, par l'Etat membre qui exercera la présidence suivante " ; enfin, comme par le passé, le Conseil peut nommer un représentant spécial pour une question politique spécifique.

Pour l'élaboration et la mise en oeuvre des actes de l'Union ayant des implications dans le domaine de la défense, le principe reste le " recours à l'UEO " avec laquelle sont recommandées " des relations institutionnelles plus étroites " en vue d'une " intégration éventuelle de l'UEO dans l'Union, si le Conseil européen en décide ainsi ", cela sous réserve des " exigences constitutionnelles respectives " des Etats membres. Le recours à l'UEO porte sur les tâches entrant dans le cadre des missions dites " de Petersberg " : missions humanitaires et d'évacuation, missions de maintien de la paix, missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix. Pour que les Etats membres de l'Union qui ne sont pas membres de l'UEO puissent, le cas échéant, participer à ces tâches, le Conseil " adopte les modalités pratiques nécessaires " en accord avec les institutions de l'UEO.

L'Union reçoit la capacité de conclure des accords internationaux dans le cadre de la PESC. Le Conseil statue à l'unanimité pour autoriser la Présidence à engager des négociations, puis pour conclure de tels accords.

3. Le financement de la PESC

Les dépenses de la PESC sont à la charge du budget des Communautés sauf dans les cas où le Conseil, statuant à l'unanimité, en décide autrement ; par dérogation, les dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense ne sont jamais à la charge du budget communautaire.

La procédure budgétaire ordinaire s'applique aux dépenses de la PESC qui entrent dans le budget communautaire . Ces dépenses ne font pas partie des " dépenses obligatoires ", pour lesquelles le Conseil a le dernier mot ; un accord interinstitutionnel entre le Conseil, le Parlement et la Commission définit toutefois des modalités pratiques particulières, qui sont notamment destinées à permettre de faire face aux situations d'urgence.

4. Les relations économiques extérieures

Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut étendre aux négociations concernant les secteurs des services et de la propriété intellectuelle le système de négociation applicable aux négociations concernant les marchandises, telles qu'elles figurent à l'article 113 du traité (la Commission négocie au nom de la Communauté, sur la base d'un mandat du Conseil, en consultation avec un comité composé de représentants des Etats membres).

D. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU TROISIEME PILIER

La réforme du troisième pilier comprend deux aspects :

- le transfert dans le premier pilier (ou " communautarisation ") d'une partie des questions qui relevaient jusqu'à présent du troisième pilier, à savoir les mesures concernant la libre circulation des personnes, l'asile et l'immigration ;

- une réforme du troisième pilier maintenu.

1. Les questions transférées dans le premier pilier

a) La libre circulation des personnes

Le Conseil doit, dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du traité :

- décider la suppression de tout contrôle aux frontières intérieures de l'Union,

- définir les conditions de franchissement des frontières extérieures de l'Union (modalités de contrôle, règles relatives aux visas pour les séjours d'une durée maximale de trois mois),

- définir les conditions dans lesquelles les ressortissants des pays tiers peuvent circuler librement dans l'Union pendant une durée maximale de trois mois.

La réalisation de la libre circulation est soumise à certaines contraintes :

- la suppression des contrôles est liée à des " mesures d'accompagnement " directement liées à la libre circulation et concernant les contrôles aux frontières, l'asile et l'immigration, ainsi qu'à " des mesures visant à prévenir et combattre la criminalité " ;

- les mesures qui se substituent à celles découlant de la convention de Schengen devront assurer " au moins le même niveau de protection et de sécurité ".

Des dérogations sont prévues pour certains Etats membres :

- le Royaume-Uni et l'Irlande bénéficient d'une dérogation qui vaut pour la libre circulation et plus généralement pour l'ensemble des mesures concernant les matières transférées du troisième vers le premier pilier. Ces mesures ne leur sont normalement pas applicables ; ils ont toutefois la possibilité de participer " à la carte " à l'adoption et à l'application de certaines d'entre elles (cependant, s'ils manifestent le souhait de participer à l'adoption d'une mesure, mais si celle-ci ne peut être adoptée en raison de leur opposition, le Conseil peut, à l'issue d'un " délai raisonnable ", adopter néanmoins la mesure, qui ne leur est dès lors pas applicable).

- le Danemark bénéficie également d'une dérogation pour l'ensemble des mesures concernant les matières transférées du troisième vers le premier pilier. Sa situation est toutefois différente de celle du Royaume-Uni et de l'Irlande, car il participe à la convention de Schengen. Le traité prévoit en conséquence que, lorsque le Conseil prend des mesures qui constituent un développement de l'"acquis de Schengen ", le Danemark décide, dans les six mois, s'il incorpore ces mesures dans sa législation nationale. Si sa décision est positive, elle crée une obligation de droit international pour le Danemark vis-à-vis des Etats membres ayant adopté ces mesures ; si sa décision est négative, les autres Etats signataires de la convention de Schengen doivent " examiner les mesures appropriées à prendre ".

Le traité prévoit " l'incorporation de l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne ". A compter de l'entrée en vigueur du traité, l'acquis de Schengen s'applique directement aux treize Etats membres signataires de la convention de Schengen (les quinze Etats membres moins le Royaume-Uni et l'Irlande) et le Conseil se substitue au Comité exécutif Schengen ; le développement de l'acquis de Schengen prend la forme d'une " coopération renforcée au sein de l'Union " entre ces treize Etats, sous réserve de la position particulière du Danemark et compte tenu de l'association de l'Islande et de la Norvège, qui n'est pas remise en question.

b) L'asile et l'immigration

Le Conseil doit arrêter dans les cinq ans :

- des mesures relatives à l'asile (critères de détermination de l'Etat membre chargé de l'examen de la demande, normes minimales d'accueil, conditions d'octroi et de retrait du statut de réfugié),

- des mesures concernant les personnes déplacées (octroi d'une protection temporaire, équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres),

- des mesures relatives à l'immigration (conditions d'entrée et de séjour, immigration clandestine),

- des mesures concernant les droits des ressortissants des pays tiers en situation régulière, et les conditions dans lesquelles ils peuvent séjourner dans les autres Etats membres.

c) La coopération judiciaire en matière civile

Dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché intérieur, le Conseil est habilité à prendre des mesures concernant la coopération judiciaire en matière civile ayant une incidence transfrontalière.

Il s'agit notamment :

- d'améliorer la signification transfrontière des actes, la coopération en matière d'obtention des preuves, la reconnaissance et l'exécution des décisions,

- de favoriser la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres en matière de procédure civile et de conflits de compétences.

d) La procédure de décision applicable aux matières transférées dans le premier pilier

Durant les cinq années suivant l'entrée en vigueur du traité, le Conseil statue à l'unanimité sur proposition de la Commission ou à l'initiative d'un Etat membre. Le Parlement européen est consulté. Toutefois, certaines mesures concernent les visas (liste des pays tiers soumis à l'obligation de visa, modèle-type de visa) sont, dès l'entrée en vigueur du traité, prises à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission.

A l'issue de cette période de cinq ans, seule la Commission a l'initiative des textes ; le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider d'appliquer la procédure de codécision à la totalité ou à une partie des questions transférées du troisième vers le premier pilier (dans le cadre de cette procédure, les textes sont adoptés dans les mêmes termes par le Parlement et le Conseil statuant à la majorité qualifiée). Toutefois, certaines mesures concernant les visas (conditions de délivrance, règles en matière de visa uniforme) sont d'office régies par la procédure de codécision à l'issue du délai de cinq ans.

2. La réforme du troisième pilier maintenu

a) La redéfinition du domaine du troisième pilier

Si les questions concernant la libre circulation, l'asile et l'immigration, ainsi que la coopération judiciaire en matière civile, sont retirées du troisième pilier et transférées dans le premier, en revanche, les objectifs du troisième pilier maintenu sont définis en termes plus larges , comprenant désormais en tant qu'objectifs à part entière la lutte contre le racisme et la xénophobie, le terrorisme, la traite d'êtres humains et les crimes contre les enfants, le trafic de drogue, le trafic d'armes, la corruption et la fraude.

Les missions d'Europol sont renforcées. Il peut notamment appuyer la préparation et la mise en oeuvre d'actions opérationnelles menées par des équipes conjointes et coordonner des enquêtes.

Parmi les objectifs de la coopération en matière pénale figure l'adoption de mesures " instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue . "

b) Les instruments et la procédure de décision

De nouveaux instruments sont mis en place :

- la " décision-cadre ", qui porte sur le rapprochement des législations et réglementations ; laissant aux Etats membres le choix de la forme et des moyens, elle ne peut avoir de portée contraignante qu'après transposition dans les législations nationales.

- la " décision ", qui porte sur l'engagement d'une action et prend effet par l'intermédiaire des mesures de mise en oeuvre adoptées par le Conseil.

Par ailleurs, le régime des conventions établies par le Conseil est modifié : une fois qu'elles ont été adoptées par la moitié au moins des Etats membres, elles entrent en vigueur pour ces mêmes Etats.

Le Conseil statue à l'unanimité à l'initiative de la Commission ou de tout Etat membre. Toutefois, les mesures de mise en oeuvre des décisions engageant une action sont prises à la majorité qualifiée, et les mesures d'application des conventions sont arrêtées à la majorité des deux tiers.

L'extension du champ de la codécision

N.B. : La procédure de codécision est tout d'abord étendue par les accords d'Amsterdam à certaines dispositions existantes du traité ; celles-ci figurent ci-dessous en caractères normaux. Elle est également appliquée à certaines dispositions nouvelles , qui figurent ci-dessous en italiques.

Les nouveaux domaines régis par la procédure de codécision sont les suivants :

Article 6 : Réglementation visant à garantir l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité.

Article 8 A : Mesures destinées à faciliter l'exercice du droit de circulation et de séjour des citoyens de l'Union sur le territoire des Etats membres.

Article 51 : Mesures nécessaires pour l'établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d'assurer aux travailleurs et à leurs ayants droit :

a) la totalisation, pour l'ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales ;

b) le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des Etats membres.

Article 56, par. 2 : Coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant, en matière de droit d'établissement, un régime spécial pour les ressortissants étrangers pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

Article 57, par. 2 : Coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres concernant l'accès aux activités non salariées et l'exercice de ces activités.

Article 73 0 : Mesures fixant les procédures et conditions de délivrance des visas par les Etats membres, et définissant un modèle type de visa (après une période de 5  ans suivant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam).

Articles 75 et 84 : Politique commune des transports.

Article 109 R : Actions d'encouragement dans le domaine de l'emploi.

Article 116
: Mesures destinées à renforcer la coopération douanière entre les Etats membres et entre ceux-ci et la Commission.

Article 118 : Politique sociale (= prescriptions minimales +

par. 1 et 2 encouragement à la coopération) dans les domaines suivants : - santé et sécurité des travailleurs, conditions de travail, information et consultation des travailleurs, égalité hommes/femmes dans le travail.

Art. 119 : Égalité hommes/femmes en matière d'emploi et application du principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.

Article 125 : Décisions d'application relatives au Fonds social européen (FSE).

Article 127 : Politique de formation professionnelle.

Article 129 : Politique de santé publique (mesures fixant les normes de qualité et sécurité des organes et substances d'origine humaine, mesures dans le domaine vétérinaire et phytosanitaires dans un but de santé publique).

Article 129 A : Mesures qui appuient et complètent la politique des Etats membres dans le domaine de la protection du consommateur.

Article 129 D : Établissement et développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie.

Article 130 E : Décisions d'application relatives au Fonds européen de développement régional (FEDER).

Article 130 I : Programme-cadre de recherche et de développement technologique.

Article 130 S : Politique de l'environnement (sauf mesures concernant la fiscalité, l'affectation des sols et la gestion des ressources hydrauliques, et le choix par un Etat membre de la structure de son approvisionnement énergétique).

Article 130 N : Politique de coopération.

Article 191 A : Droit d'accès aux documents du Conseil, de la Commission et du Parlement européen.

Article 209 A
: Mesures de prévention de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté, et mesures de lutte contre cette fraude.

Article 213 A
: Mesures en vue de l'établissement de statistiques.

Article 213 B
: Mise en place d'un organe indépendant de contrôle chargé de surveiller l'application aux institutions et organes de l'Union des règles sur le traitement des données à caractère personnel.

L'extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil

Article 56 : Coordination des dispositions législatives,

par. 2 réglementaires et administratives prévoyant, en matière de droit d'établissement, un régime spécial pour les ressortissants étrangers pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

Article 109 : Elaboration de lignes directrices pour les politiques

par. 2 de l'emploi.

Article 109 R
: Actions d'encouragement dans le domaine de l'emploi.

Article 116 : Mesures destinées à renforcer la coopération douanière entre les Etats membres et entre ceux-ci et la Commission.

Article 118
: Lutte contre l'exclusion sociale.

par. 2, al. 3

Article 119 : Égalité hommes/femmes en matière d'emploi et

par. 3 application du principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.

Article 129 : Politique de santé publique (mesures fixant les normes de qualité et sécurité des organes et substances d'origine humaine, mesures dans le domaine vétérinaire et phytosanitaires dans un but de santé publique).


Article 130 I : Programme-cadre de recherche et de développement technologique.

Article 130 O : Création d'entreprises communes en matière de

par. 1 recherche et de développement technologique.

Article 191 A : Droit d'accès aux documents du Conseil, de la Commission et du Parlement européen.

Article 209 A : Mesures de prévention de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté, et mesures de lutte contre cette fraude.

Article 213 B : Mise en place d'un organe indépendant de contrôle chargé de surveiller l'application aux institutions et organes de l'Union des règles sur le traitement des données à caractère personnel.

Article 227 : Mesures spécifiques fixant les conditions

par. 2 d'application du traité aux régions ultrapériphériques.

II. ELÉMENTS D'APPRÉCIATION

A. OBSERVATIONS SUR LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITE

1. L'absence de réponse aux problèmes institutionnels

La caractéristique la plus marquante du traité d'Amsterdam est de renvoyer à plus tard la solution du problème principal qu'il avait à résoudre, à savoir l'adaptation des institutions dans la perspective de l'élargissement. Le seul changement institutionnel important qu'il apporte est l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen, et notamment l'extension du champ de la codécision : or, quelle que soit l'opinion qu'on porte par ailleurs sur l'opportunité de cette mesure, il est du moins manifeste que, comme elle ne s'accompagne d'aucune amélioration des autres aspects du processus de décision, elle se traduira nécessairement par un alourdissement de celui-ci, alors que l'objectif assigné aux négociateurs était au contraire un surcroît d'efficacité. Ainsi, du point de vue institutionnel, le traité d'Amsterdam n'a-t-il pas répondu aux espoirs placés en lui.

a) La Commission

Dans les débats qui ont entouré la CIG, les principales critiques adressées au fonctionnement de la Commission portaient sur l'éparpillement des responsabilités, le manque de collégialité et la tendance -notamment dans le cas des relations économiques extérieures- à s'affranchir du contrôle du Conseil.

La seule disposition du traité destinée à donner plus de cohérence à l'action de la Commission est une nouvelle rédaction de l'article 163, qui prévoit désormais que : " La Commission remplit sa mission dans le respect des orientations politiques définies par son président " . Il est difficile de préciser la portée de ce texte très général (qui ne donne pas explicitement autorité au président de la Commission sur les membres de celles-ci), d'autant que le président de la Commission n'avait pas jusqu'à présent été considéré comme habilité à définir des " orientations politiques " .

Sans doute faut-il mettre en rapport cette disposition avec le nouveau mécanisme d'investiture de la Commission par le Parlement européen : celui-ci investit d'abord le président de la Commission, puis, dans un second temps, accorde sa confiance au collège des commissaires, après les avoir entendus un à un. Ce mécanisme -qui n'est pas sans évoquer la IVème République- conduira naturellement le Parlement à investir le président de la Commission sur la base d'orientations politiques que ce dernier devra s'efforcer de traduire dans la vie de la Commission.

Dans cette optique, les accords d'Amsterdam paraissent s'écarter sensiblement de la conception qui avait jusque-là imprégné les traités, et qui mettait en avant l'indépendance de la Commission européenne, afin de lui permettre de dégager des intérêts communs aux Etats membres et de remplir une fonction de médiation entre ces derniers.

Par ailleurs, le " protocole sur les institutions dans la perspective de l'élargissement " qui est annexé au traité ne prévoit une limitation des effectifs de la Commission que d'une manière conditionnelle : la Commission comprendra un seul national de chaque Etat membre à la condition qu'un accord ait été trouvé pour revoir la pondération des votes au Conseil. Le problème de la réduction du nombre des commissaires, souvent considérée comme la clef d'une répartition des compétences plus efficace et d'une meilleure cohérence d'ensemble, n'est donc pas réglé. La portée de ce protocole est d'ailleurs relative et n'emporte aucune conséquence juridique puisque, en tout état de cause, la modification du nombre des commissaires comme celle des règles de pondération des votes au Conseil doivent prendre la forme d'une révision des traités.

Si l'on considère à la fois l'absence de réforme de la Commission et l'influence accrue dont le Parlement européen disposera sur elle -en raison du nouveau mécanisme d'investiture et de l'extension du champ de la codécision- on peut craindre que le traité d'Amsterdam n'aboutisse à un certain affaiblissement de sa capacité à être un trait d'union entre les Etats membres.

b) Le Conseil

Les débats de la CIG concernant le Conseil ont principalement porté sur la repondération des votes, l'extension du vote à la majorité qualifiée, et l'insuffisance de la coordination des travaux.

Ce dernier point, qui ne requiert d'ailleurs pas nécessairement une modification des traités, n'est pas abordé par les accords d'Amsterdam.

Le nouveau traité n'étend le vote à la majorité qualifiée qu'à un nombre réduit de domaines, principalement la recherche, le développement technologique, et certaines compétences nouvelles en matière d'emploi, de politique sociale, de santé, et de lutte contre la fraude.

Enfin, aucun accord n'a été obtenu sur une nouvelle pondération des votes. Ce point peut paraître particulièrement préoccupant. Le rapport de M. James Bordas, au nom de la délégation du Sénat, sur " La réforme des institutions européennes : champ des décisions à la majorité qualifiée et pondération des votes " (n° 348, 1996-97), a montré en effet que les élargissements successifs avaient conduit à une distorsion croissante entre les droits de vote de chaque Etat et les réalités démographiques et financières, et que l'élargissement à l'Est allait nécessairement accroître ces déséquilibres si les règles de pondération en vigueur étaient maintenues.

Sans une réforme, on peut craindre, à terme, une dégradation de la cohésion de l'Union et du sentiment de légitimité de ses décisions. Les Etats dont l'importance démographique et l'effort contributif ne sont pas convenablement pris en compte risquent d'accepter de plus en plus difficilement de " jouer le jeu ", notamment lorsque les mesures à prendre auront des implications financières importantes.

Or, le " protocole sur les institutions dans la perspective de l'élargissement " n'établit pas clairement un lien entre une révision de la pondération des votes et la réalisation de l'élargissement. En toute hypothèse, l'âpreté des négociations de la CIG sur ce point suggère qu'il sera difficile d'obtenir une solution satisfaisante.

L'absence de réforme du fonctionnement du Conseil s'accompagne d'un affaiblissement de sa position par rapport au Parlement européen. Le nouveau mécanisme d'investiture de la Commission devrait avoir pour effet de distendre quelque peu les liens entre celle-ci et le Conseil ; par ailleurs, la réforme de la procédure de codécision, en supprimant la troisième lecture qui permettait au Conseil de mettre le Parlement en situation de prendre la responsabilité d'un échec, équivaut à une réduction relative du rôle du Conseil dans le processus de décision.

Cette nouvelle situation institutionnelle intervient dans un contexte préoccupant. Le Conseil " Affaires Générales ", aux effectifs pléthoriques et à l'ordre du jour surchargé, n'est plus en mesure d'assurer une supervision des travaux du Conseil dans leur ensemble. L'allongement de la durée des réunions aboutit, dans diverses formations du Conseil, à une présence intermittente de l'échelon ministériel. Le rôle du COREPER qui, quant à lui, n'est pas composé de responsables politiques soumis au contrôle des Parlements nationaux, devient de plus en plus déterminant.

On peut se demander comment une institution au fonctionnement ainsi altéré parviendra à jouer pleinement son rôle vis-à-vis de la Commission sur laquelle elle aura moins de prise, et à conserver toute son influence dans un système de codécision où le Parlement européen disposera désormais du même poids qu'elle.

c) Le Parlement européen

· Le Parlement européen voit ses prérogatives substantiellement renforcées par le traité d'Amsterdam. La désignation du président de la Commission européenne, l'importante extension du champ d'application de la procédure de codécision, et le droit de regard reconnu au Parlement sur les dépenses opérationnelles de la politique étrangère et de sécurité commune, forment un ensemble d'une grande portée, dont les conséquences ne pourront être véritablement mesurées qu'avec le temps.

Cet accroissement des pouvoirs du Parlement européen ne s'accompagne d'aucun effort pour encadrer ses travaux.

Le rapport de M. Jacques Genton, au nom de la délégation du Sénat, sur " le fonctionnement parlementaire du traité sur l'Union européenne " (n° 339, 1994-95), avait souligné la nécessité d'une telle évolution : " La question d'un éventuel accroissement des pouvoirs du Parlement européen ne peut être valablement posée sans qu'interviennent au préalable une clarification et une rationalisation. Il est indispensable que l'étendue des pouvoirs actuels du Parlement européen soit clairement établie, afin d'éviter à l'avenir que des interprétations extérieures ne conduisent à une remise en cause de l'équilibre institutionnel défini par le traité et ratifié par les Parlements nationaux. Les prérogatives du Parlement européen devraient en outre être encadrées de manière à accroître son efficacité " (p. 28).

En 1996, votre Rapporteur, étudiant la question du mode d'élection pour les élections européennes, avait également estimé que " l'élection au suffrage universel des parlementaires européens aurait dû être accompagnée de la rédaction d'une " loi fondamentale " définissant les compétences exactes du Parlement européen, préconisant clairement ce qu'il peut faire et ce qu'il ne peut pas faire " (4( * ))

A la lecture du traité, on ne peut que constater que cet appel à la rationalisation et au renforcement de l'efficacité des travaux du Parlement européen n'a pas été entendu. Le seul élément en ce sens est le plafonnement du nombre de députés européens à 700, dans la perspective des élargissements futurs de l'Union européenne.

D'autres évolutions auraient pourtant été nécessaires. Ainsi, le Parlement européen ne devrait-il avoir à se prononcer que sur des textes réellement législatifs, c'est-à-dire fixant des règles fondamentales ; trop souvent, aujourd'hui, il doit statuer sur une multitude de textes d'ordre technique, qui viennent s'ajouter aux nombreuses résolutions qu'il adopte de sa propre initiative sur les sujets les plus variés, brouillant la perception de la répartition des compétences entre les institutions de l'Union.

Aucun texte ne venant encadrer ses compétences, l'Assemblée de Strasbourg a par ailleurs tendance à chercher en permanence une extension de ses prérogatives. La signature d'accords interinstitutionnels avec le Conseil et la Commission européenne a été l'instrument privilégié de cet effort au cours des dernières années. Ces accords, parfois prévus par le traité, sont normalement destinés à résoudre un différend entre les institutions communautaires ; mais certains d'entre eux ont permis au Parlement européen de se voir reconnaître, notamment en matière de discipline budgétaire, des pouvoirs que les traités ne lui accordaient pas.

Toujours en matière budgétaire, le Parlement européen a essayé d'accroître ses prérogatives en tentant de modifier la classification entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires au sein du budget communautaire : sur les dépenses non obligatoires, le Parlement détient en effet le dernier mot dans la procédure budgétaire, alors qu'au contraire, sur les dépenses obligatoires, le Conseil européen décide en dernier ressort. Aucune clarification n'ayant été apportée par le traité d'Amsterdam dans ces domaines, l'on peut craindre de voir resurgir des différends entre le Parlement européen et le Conseil des ministres sur l'étendue de leurs responsabilités respectives.

· Par ailleurs, un des aspects du renforcement des pouvoirs du Parlement européen pourrait être particulièrement source de difficultés. L'article J 18 introduit par le nouveau traité prévoit en effet que les dépenses opérationnelles de la politique étrangère et de sécurité commune sont à la charge du budget communautaire, sauf en matière de défense et lorsque le Conseil en décide autrement à l'unanimité. Le même article dispose en outre que " la procédure budgétaire fixée dans le traité constituant la Communauté européenne s'applique aux dépenses [de la PESC] qui sont à la charge du budget des Communautés européennes " , ce qui signifie que ces dépenses sont classées parmi les dépenses non obligatoires.

Un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne, apporte des précisions sur la procédure applicable en cette matière. En vertu de cet accord, le Conseil et le Parlement européen doivent parvenir chaque année à un accord sur le montant des dépenses opérationnelles de la PESC. A défaut d'accord, le montant inscrit au budget précédent sera reconduit, sauf si la Commission propose de diminuer ce montant. Dans ces conditions, le Conseil ne peut imposer sa volonté contre l'avis du Parlement européen.

Cette évolution paraît difficilement justifiable. Le Parlement européen se voit en effet reconnaître des prérogatives importantes à l'égard du budget de la PESC, alors qu'il n'a qu'un pouvoir consultatif dans cette matière qui demeure essentiellement intergouvernementale. On perçoit mal la cohérence d'une telle formule ; toujours est-il qu'elle ne manquera pas d'encourager le Parlement à poursuivre ses efforts pour voir disparaître la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires. Les dépenses de la politique de l'Union la plus intergouvernementale ayant désormais un statut très proche de celui des dépenses non obligatoires, il deviendra notamment de plus en plus difficile de justifier le maintien d'un régime de dépenses obligatoires pour une politique aussi intégrée que la politique agricole commune.

Les pouvoirs étendus que reçoit ainsi le Parlement européen dans le domaine de la PESC contrastent par ailleurs avec l'absence de rôle reconnu aux Parlements nationaux dans ce domaine. Le protocole sur les Parlements nationaux annexé au traité, qui leur accorde un délai minimum pour l'examen des propositions communautaires, ne concerne pas les textes relatifs à la PESC. Les dispositions du même protocole relatives à la COSAC prévoient que celle-ci pourra examiner les propositions d'actes en relation avec la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, mais n'évoquent pas la PESC. On peut s'interroger sur la pertinence d'un dispositif qui, à propos d'une politique essentiellement intergouvernementale, élargit les prérogatives du Parlement européen tout en ignorant les Parlements nationaux.

· Au total, il est à craindre que le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, dans la mesure où il ne s'accompagne ni d'un meilleur encadrement des travaux de cette Assemblée, ni d'une réforme du fonctionnement de la Commission et du Conseil, n'aboutisse à altérer un équilibre institutionnel déjà fragilisé par le dernier élargissement de l'Union.

L'absence de clarification dans certains domaines -notamment la classification des dépenses budgétaires et les questions de " comitologie " (5( * )) - qui ont donné lieu au cours dernières années à d'incessantes controverses, apparaît comme un facteur supplémentaire de risque d'instabilité.

d) Les coopérations renforcées

Tout au long de la CIG, le thème des coopérations renforcées est apparu comme une possible solution de rechange devant la difficulté à obtenir l'unanimité pour réviser en profondeur les traités.

Un consensus pour " avancer " à quinze paraissant très incertain, et appelé à le devenir de plus en plus à mesure des nouveaux élargissements, il semblait que la seule solution pour dépasser le dilemme " approfondissement ou élargissement " était de permettre aux Etats qui en avaient la volonté et la capacité de réaliser ensemble certains approfondissements de la construction européenne, dans le respect de l'acquis communautaire, les autres Etats ayant la faculté de les rejoindre ultérieurement.

Cette perspective a cependant suscité d'âpres débats. Les partisans de l'" orthodoxie communautaire " ont eu tendance à considérer avec circonspection les formules de différenciation autres que celles permettant aux Etats membres d'avancer à des rythmes différents vers le même point, l'idée d'une différenciation non limitée dans le temps leur paraissant porter atteinte à la vocation fédérale de l'Union. Les Etats les plus bénéficiaires de l'effort de cohésion économique et sociale craignaient, quant à eux, de ne plus être des membres à part entière d'une Union plus différenciée et de moins pouvoir bénéficier, dans ces conditions, de la solidarité financière communautaire.

Le dispositif finalement retenu par le traité se ressent de ces débats et soumet les coopérations renforcées à de fortes contraintes.

Tout d'abord, tout Etat membre peut bloquer le lancement d'une coopération renforcée en invoquant des " raisons de politique nationale importantes " . Aucun contrôle de la Cour de justice n'est possible sur la nature des raisons invoquées : en effet, aux termes du traité, dès lors qu'un Etat fait jouer cette clause, il n'est pas procédé à un vote, ce qui a pour conséquence qu'il n'existe pas d'élément positif pouvant servir de base à un recours. Ainsi, chaque Etat dispose d'un pouvoir souverain de blocage. (Il en est de même dans le cas de la PESC, où la formule des " coopérations renforcées " est remplacée par celle de " l'abstention constructive ").

Ensuite, le Parlement européen et la Commission jouent leur rôle dans la mise en oeuvre des coopérations renforcées avec la totalité de leurs membres. Compte tenu de l'extension des pouvoirs du Parlement européen, une éventuelle coopération renforcée dans le premier pilier sera, dans de nombreux domaines, mise en oeuvre en codécision avec cette Assemblée, ce qui aura pour effet que des parlementaires dont l'Etat ne participera pas à la coopération renforcée participeront néanmoins à la prise des décisions.

Enfin, les coopérations renforcées sont soumises à des conditions de lancement (exigence d'une majorité d'Etats membres), de fond (exigence d'utilisation seulement en dernier ressort) et de procédure (exigence d'ouverture à tous les Etats membres, principe de la possibilité pour les non-participants de se joindre ultérieurement à la coopération renforcée) qui tendent à enfermer l'utilisation de cet instrument dans d'étroites limites.

Ainsi encadrée, la formule des coopérations renforcées répondra difficilement aux espoirs placés en elle. Conçue au départ comme un moyen d'éviter d'avoir à obtenir l'unanimité, elle ne pourra en pratique être mise en oeuvre que sur la base d'un consensus. Ces dispositions nouvelles ne peuvent donc paraître, au total, comme une compensation à l'absence de réforme institutionnelle préparant l'élargissement.

e) Les Parlements nationaux et la subsidiarité

· Le protocole sur l'application du principe de subsidiarité qui est annexé au nouveau traité revient, pour l'essentiel, à confirmer l'interprétation et les pratiques adoptées depuis le Conseil européen d'Edimbourg à la fin de 1992. Ce principe reste donc privé de garantie d'application et il n'y a pas lieu de s'attendre à le voir jouer un plus grand rôle dans la vie de la Communauté. Cette consécration du statu quo paraît d'autant plus discutable que, dans la perspective de l'élargissement, il serait manifestement souhaitable que l'Union se concentre davantage sur ses missions essentielles.

· Le protocole sur les Parlements nationaux comprend, quant à lui, deux aspects bien distincts.

Le premier tend à garantir un délai de six semaines pour l'examen des propositions législatives de la Commission, relevant du premier ou du troisième pilier, avant que le Conseil ne se prononce à leur sujet. L'intérêt pratique de cette disposition dépendra étroitement de l'interprétation que le Conseil donnera de la notion de " proposition législative ".

Le second aspect consiste à officialiser la COSAC. Cette reconnaissance conduira-t-elle cet organisme à chercher à jouer un plus grand rôle qu'aujourd'hui ? Faute d'accorder explicitement un rôle consultatif à la COSAC, le protocole n'est pas en lui-même de nature à lui faire renoncer au principe du consensus qui a jusqu'à présent limité la portée de ses travaux. Ce sont donc les conclusions que la COSAC tirera elle-même du protocole qui en feront ou non la base d'une association collective plus étroite des Parlements nationaux aux activités de l'Union.

· D'une manière générale, l'objectif de donner à l'Union un fonctionnement plus démocratique n'a reçu qu'une traduction limitée dans le traité. Certes, les pouvoirs du Parlement européen sont accrus, mais sans que sa représentativité soit améliorée ; la pondération des votes au Conseil reste également inchangée, et l'association des Parlements nationaux ne progresse guère.

2. Des progrès mesurés dans les autres domaines

a) Le renforcement de la dimension sociale et humaine

· Le nouveau chapitre sur l'emploi, principalement destiné à montrer que cette préoccupation centrale des opinions publiques a été prise en compte, n'ouvre pas la voie à un transfert à l'échelon communautaire de la politique de l'emploi -transfert dont on voit mal, au demeurant, quelle valeur ajoutée il ajouterait en lui-même à l'efficacité de la lutte contre le chômage.

Il est en réalité de l'intérêt de l'Union que la politique de l'emploi soit menée à l'échelon national. Les résultats de la politique menée par chaque Etat sont mutatis mutandis un enseignement pour tous les autres ; il y aurait beaucoup moins d'enseignements à tirer des résultats d'une politique de l'emploi unique. En outre, les conséquences néfastes d'une politique erronée seraient plus graves si celle-ci affectait simultanément l'ensemble des marchés du travail en Europe. Enfin, il est nécessaire d'avoir des politiques tenant compte des caractéristiques propres à chaque marché du travail.

C'est donc à juste titre que les nouvelles dispositions sur l'emploi ne prévoient pas de mécanisme contraignant pour les Etats membres, mais seulement une coordination pouvant déboucher sur des recommandations ou des incitations. Les gouvernements pourront trouver dans ce dispositif un appui pour faire accepter aux opinions publiques certaines évolutions.

· L'intégration au traité du protocole social, qui consacre la fin de l'" exception britannique " dans ce domaine, est un point positif. Les prescriptions minimales qui sont de la compétence de la Communauté ont pour raison d'être d'éviter un " dumping social " entre les Etats membres : elles ne prennent tout leur intérêt que si tous les appliquent.

· La meilleure prise en compte des droits sociaux dans les articles définissant les principes de base de la Communauté doit également être soulignée, même si les conséquences concrètes sur les politiques menées en seront vraisemblablement réduites.

· Enfin, le renforcement de la dimension sociale et humaine s'est traduit par l'acceptation de certaines demandes de la France. Il en est ainsi de la reconnaissance plus explicite de la nécessité de permettre aux " services d'intérêt général " d'être en mesure d' " accomplir leurs missions " . Il en est de même des dispositions prévoyant des " mesures spécifiques " pour les régions ultrapériphériques.

En revanche, la déclaration concernant les Pays et territoires d'Outre-mer est des plus décevantes, puisqu'elle prévoit un simple réexamen du régime d'association, alors que cette formule n'est manifestement plus adaptée à la situation de ces territoires, dont les problèmes spécifiques appelleraient une révision du traité lui-même.

b) Une réforme limitée des piliers intergouvernementaux

· Le traité d'Amsterdam apporte certains progrès dans la définition d'un cadre pour la PESC : l'introduction du vote à la majorité qualifiée au stade des mesures d'application (sous réserve du droit de veto de chaque Etat pour des " raisons de politique nationale importantes "), et celle de l'" abstention constructive " permettant à un Etat membre de se dissocier d'une action qu'il n'entend pas pour autant bloquer, sont autant d'éléments de souplesse supplémentaires.

Le nouveau système de représentation extérieure de l'Union paraît plus rationnel que la formule de la " troïka " et plus à même de favoriser une certaine crédibilité.

Le changement de statut du secrétaire général du Conseil, qui aura désormais dans ses attributions le rôle de Haut représentant pour la PESC et aura sous sa responsabilité l'" unité de planification et d'alerte rapide " dont le traité prévoit la création, répond partiellement à la demande française de renforcement de la cohérence, de la continuité et de la " visibilité " de la PESC d'une manière conforme au caractère intergouvernemental de cette politique.

Néanmoins, la portée de ces dispositions nouvelles ne doit pas être surestimée.

L'amélioration des " outils " de la PESC ne saurait, à elle seule, favoriser l'affirmation de l'Union sur la scène internationale dès lors qu'une volonté politique en ce sens n'est pas réellement partagée par les Etats membres. Or, le refus de l'intégration de l'UEO dans l'Union, comme celui de donner clairement un profil " politique " au Haut représentant, suggèrent que le chemin qui reste à faire est plus important que le chemin parcouru.

Par ailleurs, le droit de regard accordé au Parlement européen sur les dépenses de la PESC altère la cohérence du dispositif et risque d'associer bien inutilement cette politique d'essence intergouvernementale aux incertitudes institutionnelles qui caractérisent aujourd'hui la Communauté.

· La réforme du troisième pilier peut paraître assez éloignée de l'objectif initialement assigné à la CIG de parvenir à des mécanismes permettant de lutter plus efficacement contre la délinquance internationale.

Le transfert dans le premier pilier d'une partie des questions relevant du troisième pilier -notamment la libre circulation des personnes, l'asile, l'immigration, la coopération judiciaire en matière civile- s'effectue certes dans le respect des conditions essentielles posées par la France, notamment en ce qui concerne le maintien intégral de l'" acquis Schengen ".

Toutefois, des raisons d'efficacité avaient été présentées comme la principale justification de ce transfert. Or, la règle de l'unanimité est maintenue pour les cinq années suivant l'entrée en vigueur du traité, et son abandon partiel ou total à l'issue de cette période suppose une décision unanime du Conseil (6( * )) . En outre, le traité est ainsi rédigé, sur ce point, qu'un passage à la majorité qualifiée s'accompagne nécessairement d'un pouvoir de codécision pour le Parlement européen. Il n'est pas certain, dès lors, que le passage à la majorité qualifiée puisse être le gage d'une efficacité accrue et l'on peut penser que certains Etats membres hésiteront d'autant plus à abandonner, le moment venu, la règle de l'unanimité.

La réforme du troisième pilier " maintenu " contient des aspects positifs, en particulier l'élargissement des objectifs de la coopération en matière pénale, l'assouplissement du régime des conventions et l'introduction de la possibilité d'adopter des " décisions-cadres " portant sur le rapprochement des législations et réglementations.

Cependant, la CIG n'a pas donné satisfaction à la demande formulée par la France d'introduire le vote à la majorité qualifiée pour instaurer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue. On peut craindre, dans ces conditions, que les nouvelles dispositions n'apportent pas à la coopération dans ces domaines le " saut qualitatif " dans l'efficacité qui serait nécessaire face au développement de la criminalité transfrontière.

B. QUELQUES REMARQUES PLUS GENERALES

1. Une occasion manquée

a) Un bilan décevant

Il est assez facile de dresser le bilan des négociations, longues et mûrement préparées, qui ont conduit au traité d'Amsterdam.

Sur ce qui paraissait constituer le principal enjeu de la CIG, c'est-à-dire la réforme des institutions dans la perspective de l'élargissement, la CIG n'a permis aucun progrès.

Quelques avancées non négligeables ont été accomplies dans le sens d'un renforcement de la PESC, mais elles ne s'accompagnent d'aucun véritable progrès dans le domaine de la défense, et la cohérence du dispositif est altérée par le classement des crédits de la PESC en dépenses non obligatoires.

La réforme du troisième pilier aboutit à un dispositif complexe qui risque de ne pas apporter le surcroît d'efficacité qui serait nécessaire dans la lutte contre la grande délinquance internationale.

L'affirmation plus explicite de la dimension humaine et sociale de la Communauté répond à une attente des opinions, mais les orientations fondamentales de la construction européenne ne s'en trouveront pas bouleversées.

Sur un certain nombre de points particuliers, à la demande de tel ou tel pays ou groupe de pays, le nouveau traité va combler des lacunes. La France a ainsi obtenu au moins partiellement satisfaction pour certaines de ses demandes ponctuelles : meilleure reconnaissance de la notion de service public, statut particulier des DOM, confirmation du siège du Parlement européen...

Mais, au total, le seul changement vraiment saillant qu'apporte le nouveau traité, c'est une augmentation importante des pouvoirs du Parlement européen, thème qui n'est apparu à aucun moment comme une priorité commune dans les négociations.

Ce dernier aspect s'explique notamment par l'évolution de la position de la France dans la phase ultime des négociations. Traditionnellement réticente vis-à-vis d'un renforcement des pouvoirs du Parlement européen, la France était réservée sur l'extension du champ de la procédure de codécision, et s'opposait en tout état de cause à une réforme de cette procédure ; en même temps, elle avait laissé entendre qu'elle pourrait se rallier à une extension de la codécision si ses propres demandes institutionnelles, notamment la repondération des votes au Conseil, étaient acceptées en contrepartie. Or, finalement, la France n'a pas obtenu satisfaction sur ses demandes institutionnelles et a néanmoins accepté non seulement l'extension de la codécision, mais encore la réforme de celle-ci. C'est ce qui a amené certains observateurs à considérer que la France, ayant été amenée à faire d'importantes concessions sans obtenir de contrepartie, avait cessé d'apparaître comme un acteur central ou du moins " incontournable ".

Mais, au-delà des considérations d'ordre national, le principal inconvénient du traité d'Amsterdam est de ne pas avoir levé l'hypothèque institutionnelle, alors que l'Union va devoir affronter, dans les années qui viennent, plusieurs échéances capitales : achèvement de l'Union économique et monétaire, élargissement à l'Est, redéfinition des perspectives financières et réforme des fonds structurels, relance des négociations commerciales internationales et poursuite de la réforme de la politique agricole commune.

Si la CIG avait réussi à réformer les institutions communautaires, l'Union aurait été plus forte pour affronter ces échéances et, en même temps, les controverses institutionnelles n'auraient pu " polluer " ces négociations déjà difficiles en elles-mêmes.

Dès lors, même si le traité d'Amsterdam améliore sur certains points le traité de Maastricht, on peut le considérer, au total, comme une occasion manquée. La durée et l'ampleur des négociations, l'importance si souvent soulignée des enjeux, laissaient espérer autre chose ; la montagne a accouché -non sans mal- d'une souris.

b) Des négociations peu structurées

La CIG semble avoir manqué d'une ligne directrice suffisamment nette. Initialement prévue pour régler certaines questions sur lesquelles les Etats membres n'avaient pu se mettre d'accord lors des négociations du traité de Maastricht, elle a été - à la suite des controverses qui ont entouré l'élargissement de l'Union à l'Autriche, la Finlande et la Suède - chargée d'adapter les institutions de l'Union à la perspective d'un nouvel élargissement ; en outre, dans le cours des négociations, le renforcement de la " dimension humaine et sociale " de l'Union est devenu un des enjeux du nouveau traité.

Ainsi, alors que l'Acte unique était clairement centré sur l'achèvement du marché intérieur, et le traité de Maastricht sur l'union économique et monétaire, l'enjeu de la nouvelle CIG n'apparaissait pas aussi nettement et n'était pas perçu de la même manière par tous les Etats membres.

La CIG a aussi - et peut-être surtout - souffert de l'absence d'une force d'impulsion et d'entraînement, d'un " leadership ". La Commission européenne, gênée par le débat sur sa composition et par la pression du Parlement européen, n'a joué qu'un rôle effacé. L'axe franco-allemand, à la différence des précédentes négociations, ne s'est pas traduit par des initiatives de nature à orienter la CIG : les documents présentés en commun, d'un contenu souvent très général et peu précis, n'étaient pas de nature à sortir la Conférence de l'impasse.

Dans ces conditions, les délégations n'étaient pas véritablement contraintes de se situer par rapport à une approche constructive ; elles ont eu dès lors tendance à adopter des attitudes défensives privilégiant les considérations d'ordre interne :

- l'Allemagne, qui défendait au départ une approche ambitieuse, notamment au sujet de la réforme du troisième pilier et de l'extension de la majorité qualifiée, a fini au contraire par adopter une position restrictive, semble-t-il sous l'influence des gouvernements des Länder ;

- la Grande-Bretagne, en adoptant pour des raisons de politique intérieure une attitude de réserve systématique, s'est trouvée " hors jeu " pendant la majeure partie de la Conférence ;

- l'Italie et l'Espagne, principalement soucieuses de participer sans retard à l'Union économique et monétaire et de préserver la politique de cohésion, avaient d'autres priorités que les questions institutionnelles ;

- les " petits " pays ont cherché avant tout à éviter une diminution de leur poids dans les institutions.

Ce contexte n'était pas favorable aux ambitieux projets de réforme institutionnelle présentés par la France : une Commission resserrée, plus collégiale et plus responsable, une plus juste pondération des votes au Conseil, une association plus étroite des Parlements nationaux, le développement d'une identité de défense par l'intégration de l'UEO à l'Union ; n'ayant pu entraîner la Conférence dans cette voie, la France a finalement abandonné l'essentiel de ses exigences.

c) La CIG, l'euro et l'élargissement

La CIG s'est trouvée également handicapée par le fait d'être en concurrence avec deux grandes échéances -qui sont aussi deux défis pour l'Union- la réalisation de l'union monétaire et l'élargissement à l'Est. Pour ne gêner en rien ces deux grandes affaires, il était fondamental de conclure la CIG rapidement et de ne provoquer aucune crise entre les Etats membres. Les conséquences de cette attitude s'avèrent néanmoins ambiguës.

· En ce qui concerne l'union économique et monétaire, l'achèvement de la CIG dans les délais prévus a fait disparaître une des dernières incertitudes pesant sur la mise en place de l'euro. Le respect du calendrier de l'union monétaire paraît plus assuré que jamais.

En même temps, la minceur des résultats de la CIG risque de créer des difficultés non pour l'union monétaire elle-même, mais pour ses mesures d'accompagnement.

L'absence d'amélioration du processus de décision pourrait -surtout si le choix des Etats participant à la monnaie unique dès son lancement suscitait des clivages importants entre les pays membres- entraver les efforts d'harmonisation qui se révéleront sans doute nécessaires, notamment dans le domaine fiscal, lorsque l'union monétaire fera sentir ses effets. Les lourdes contraintes posées à l'égard des coopérations renforcées permettront difficilement d'utiliser cet instrument pour faire fonctionner la " zone euro " à supposer que celle-ci ne regroupe qu'une partie des Etats membres. D'une manière générale, la persistance inévitable des controverses institutionnelles durant les prochaines années ne favorisera pas la cohésion politique qui serait souhaitable pour franchir ce cap entouré de nombreuses inconnues.

· En ce qui concerne l'élargissement à l'Est, la conclusion de la CIG ouvre la voie à l'ouverture des négociations au début de l'année prochaine. Néanmoins, les faiblesses du traité d'Amsterdam aboutiront à une interférence entre le processus d'élargissement et la recherche d'une solution aux problèmes institutionnels laissés non résolus. Le protocole sur les institutions annexé au traité établit ainsi un lien entre le premier élargissement qui fera suite à la ratification du traité et une réduction des effectifs de la Commission à un national par Etat membre, mais sous réserve d'un accord sur la pondération des votes au Conseil. Dès l'origine, l'élargissement à l'Est sera donc inextricablement mêlé aux controverses institutionnelles, et cette difficulté se poursuivra dans le temps, puisque le même protocole prévoit un " réexamen complet " des dispositions institutionnelles lorsque l'Union sera sur le point de compter plus de vingt membres.

L'élargissement à l'Est traduira la réunification du continent après la fin de la guerre froide ; un Etat qui " prendrait en otage " ce processus dans le cadre de négociations institutionnelles verrait sa crédibilité durablement entamée, compte tenu de la portée historique de l'enjeu. On a donc peine à imaginer que la poursuite de la controverse institutionnelle puisse aboutir à un blocage de l'élargissement, même si certains Etats membres -voire le Parlement européen- brandissent périodiquement une telle menace. Mais il est clair que le mélange des genres entre élargissement et révision institutionnelle nuira à l'un comme à l'autre de ces processus. La manière dont l'élargissement sera appréhendé sera tributaire d'arrière-pensées institutionnelles, et c'est probablement une Union déjà élargie qui devra, à l'unanimité, procéder au " réexamen complet " de ses institutions.

2. Quels enseignements ?

· Le maigre bilan de la CIG incite certains à remettre en cause la procédure même de révision des traités, qui devrait selon eux, reposer sur l'intervention d'une sorte d'"assemblée constituante ", dont les travaux seraient éventuellement préparés par un " comité des sages ".

On peut toutefois remarquer que, en tout état de cause, puisque la procédure de révision est définie par les traités, une modification de cette procédure ne pourrait résulter que d'une conférence intergouvernementale, c'est-à-dire d'un accord unanime des Etats membres. Mais comment les Etats membres, après n'avoir pu s'accorder sur une réforme institutionnelle de quelque ampleur, seraient-ils soudain unanimes pour s'engager dans une démarche de réforme bien plus radicale que les projets qui viennent d'échouer ?

De plus - à moins de prévoir la suppression des ratifications nationales - on voit mal comment une procédure du type " assemblée constituante " permettrait de s'assurer du nécessaire consensus des Etats membres.

Au demeurant, une telle procédure serait-elle plus démocratique que la procédure actuelle ? La CIG s'est déroulée, en bonne partie, sous le regard des Parlements nationaux qui, dans nombre des Etats membres, ont entretenu un dialogue régulier avec leur Gouvernement, donnant ainsi un caractère démocratique à l'exercice. L'intervention du Parlement européen - préfigurant ce que pourrait être celle d'une " assemblée constituante " - paraît avoir, quant à elle, pris des formes assez éloignées des canons du contrôle démocratique : d'une part, seuls les deux groupes les plus importants du Parlement européen ont pu effectivement jouer un rôle, et d'autre part, les négociations sur l'extension des pouvoirs du Parlement européen et sur la procédure budgétaire applicable à la PESC ont été l'aspect le plus opaque de la CIG.

Même du strict point de vue de l'efficacité, l'exemple n'est d'ailleurs guère plus probant, puisque le Parlement européen n'est parvenu à prendre position que sur certains aspects seulement de la CIG (ceux concernant ses propres pouvoirs).

S'agissant enfin de l'intervention d'un " comité des sages " - expédient ô combien classique - ne serait-ce pas là empiéter sans nécessité sur le rôle de médiation et de proposition incombant à l'Etat exerçant la présidence ainsi qu'à la Commission européenne ?

Au total, les arguments en faveur d'une réforme de la procédure de révision ne semblent guère convaincants ; comme on peut par ailleurs douter de leur réalisme, il paraît probable que les révisions ultérieures des traités continueront à s'effectuer dans le cadre actuel.

· En tout état de cause, la marge pour des réformes institutionnelles paraît désormais très étroite.

La résistance victorieuse des " petits " pays ne manquera pas de les inciter à persévérer dans leur opposition aux tentatives de réduire leur surreprésentation au sein des institutions de l'Union.

En conséquence, l'idée française d'une Commission resserrée , avec moins de commissaires que d'Etats membres, n'a manifestement que des chances limitées d'aboutir dans un avenir prévisible. On peut se demander si le résultat le plus tangible du lancement du débat sur cette idée n'aura pas été, finalement, de mettre sur la sellette le second commissaire des " grands " Etats.

Le thème de la repondération des votes au Conseil n'a pas été écarté des conclusions de la Conférence. Il est clair, néanmoins, qu'il sera désormais très difficile d'obtenir une évolution satisfaisante sur ce point. Les " petits " Etats membres continueront en effet à faire valoir le risque d'un refus de ratification si leur place au sein du Conseil devait diminuer. De plus, la CIG a montré que les tentatives de repondération posaient la question de l'équilibre non seulement entre le groupe des " grands " et celui des " petits " Etats membres, mais aussi au sein de chacun de ces deux groupes. Dans ces conditions, le risque est grand de voir la plupart des Etats membres se rallier, le moment venu, à la formule de la " double majorité " (qui consiste à ajouter à l'exigence de la majorité qualifiée en voix, calculée avec la pondération actuelle, un critère de majorité qualifiée démographique) : or, cette solution présenterait pour la France l'inconvénient de rompre de facto au sein du Conseil la parité avec l'Allemagne qui a déjà disparu au sein du Parlement européen.

Quoi qu'il en soit, les difficultés rencontrées par la CIG suggèrent qu'une repondération, si elle intervient, restera d'une ampleur limitée : la surreprésentation des " petits " Etats sera atténuée, non supprimée, cela alors même que l'élargissement à l'Est va accentuer encore le déséquilibre entre " grands " et " petits " Etats. Par ailleurs, une éventuelle repondération aura un coût pour les " grands " Etats, puisque les conclusions de la CIG la subordonnent à la suppression du second commissaire de ces derniers. En outre, alors que la France avait tout au long de la Conférence établi un lien entre l'extension du champ des décisions à la majorité qualifiée et la mise en place d'une nouvelle pondération, ce lien a été finalement abandonné lors du Conseil européen d'Amsterdam ; les moyens de pression disponibles sont donc désormais réduits.

Sur l'association des Parlements nationaux , la CIG paraît avoir épuisé la marge de progrès disponible, compte tenu des réticences des pays nordiques et des réserves du Parlement européen.

Enfin, même si la Conférence a débouché sur un renforcement des instruments de la PESC, elle a également consacré l'absence d'une volonté politique commune de donner naissance à une identité européenne de défense , dont la première étape eut été l'intégration de l'UEO à l'Union. Comme l'élargissement à l'Est semble devoir conforter cette tendance, on peut conclure que, dans ce domaine également, les perspectives d'avancées importantes sont désormais très restreintes pour l'avenir proche.

· Dans ces conditions, la réalisation de l'Union économique et monétaire apparaît plus que jamais comme le ciment essentiel de la construction européenne dans les années qui viennent.

La physionomie de l'Europe à venir semble être dès lors celle d'une union économique, certes fortement structurée par des politiques communes et par une union monétaire, mais sans véritable dimension politique au sens d'une volonté d'agir ensemble et d'affirmer une identité commune sur la scène internationale.

Depuis les débuts de la construction européenne, la France a considéré que celle-ci était -au prix de restrictions de sa souveraineté- le seul moyen pour elle de retrouver, en liaison avec ses partenaires, une influence politique perdue. Les pertes de souveraineté sont aisément constatables ; le regain d'influence politique qui devait les récompenser est plus difficile à percevoir. A l'issue de la CIG, l'Europe paraît pencher plus vers une " zone de libre échange améliorée " que vers un ensemble politique ayant un rayonnement autonome.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA DELEGATION

La délégation s'est réunie le 1er octobre, sous la présidence de M. Jacques Genton, pour l'examen du présent rapport.

M. Christian de La Malène a tout d'abord présenté les principales dispositions du traité, abordant tour à tour les questions institutionnelles et les modifications apportées à chacun des trois piliers de l'Union européenne. Puis, dans un second temps, il a apporté des éléments d'appréciation sur ce texte, en soulignant notamment les points suivants :

- le traité renvoie à plus tard la solution du principal problème qu'il avait à résoudre, l'adaptation des institutions dans la perspective de l'élargissement ; le protocole mentionnant la nécessité d'une réforme avant l'élargissement n'offre aucune garantie véritable car il est rédigé en de tels termes qu'il n'a pas par lui-même de force obligatoire ;

- le seul changement important est l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen ; en l'absence d'une réforme corrélative de la Commission et du Conseil, il pourrait altérer l'équilibre des institutions et porter atteinte à l'indépendance de la Commission qui était un des éléments essentiels du système institutionnel communautaire ;

- quelques avancées non négligeables ont été accomplies dans le sens d'un renforcement de la PESC, mais elles ne s'accompagnent d'aucun véritable progrès dans le domaine de la défense, et la cohérence du dispositif est compromise par le classement des crédits de la PESC en dépenses non obligatoires ;

- la réforme du troisième pilier aboutit à un dispositif complexe qui risque de ne pas apporter le surcroît d'efficacité qui serait nécessaire dans la lutte contre la grande délinquance internationale ;

- l'affirmation plus explicite de la dimension humaine et sociale de la Communauté répond à une attente des opinions, mais les orientations fondamentales de la construction européenne ne s'en trouveront pas bouleversées ;

- sur un certain nombre de points particuliers, à la demande de tel ou tel pays ou groupe de pays, le nouveau traité va combler des lacunes. La France a ainsi obtenu au moins partiellement satisfaction pour certaines de ses demandes ponctuelles : meilleure reconnaissance de la notion de service public, statut particulier des DOM, confirmation du siège du Parlement européen...

Concluant son propos, M. Christian de La Malène a estimé que la réalisation de l'Union économique et monétaire apparaissait plus que jamais comme le ciment essentiel de la construction européenne dans les années qui viennent, et que, dès lors, la physionomie de l'Europe à venir semblait celle d'une union économique, certes fortement structurée par des politiques communes et par une union monétaire, mais sans véritable dimension politique au sens d'une volonté d'agir ensemble et d'affirmer une identité commune sur la scène internationale.

Enfin, il a ajouté que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel donnait à penser qu'il serait nécessaire de réviser la Constitution préalablement à la ratification du traité d'Amsterdam.

M. Jacques Genton s'est félicité que le rapport donne une vue d'ensemble des problèmes posés par le traité d'Amsterdam.

M. Xavier de Villepin a demandé des précisions sur la date de ratification du traité et sur l'initiative conjointe de la Belgique, de la France et de l'Italie pour une relance du processus de réforme. Il s'est interrogé sur l'éventualité d'un résultat négatif lors du référendum au Danemark.

M. Christian de La Malène a indiqué que, compte tenu des risques d'interférence entre le débat sur le traité et les décisions sur l'euro, il lui paraissait probable que le processus de ratification s'engagerait plutôt dans la deuxième moitié du premier semestre de 1998. Il a précisé que l'initiative évoquée avait pris la forme d'une déclaration annexée au traité, sans portée contraignante, soulignant la volonté des signataires d'établir un lien entre la réforme des institutions et les premières négociations d'élargissement, et mettant l'accent sur la nécessité d'étendre le champ des décisions à la majorité qualifiée.

M. Denis Badré a exprimé sa perplexité devant le dispositif prévu pour les coopérations renforcées, craignant que ce nouveau dispositif ne décourage les coopérations renforcées à l'extérieur de l'Union tout en les rendant très difficiles à l'intérieur de celle-ci, même si le nouveau texte ouvre malgré tout certaines possibilités. Il s'est déclaré déçu par l'absence de réforme institutionnelle préalable à l'élargissement. Le Gouvernement, a-t-il estimé, a commis une erreur en relançant inutilement le débat sur le pacte de stabilité au moment même où les négociations institutionnelles entraient dans leur phase finale. Le protocole sur les institutions annexé au traité, a-t-il ajouté, n'offre aucune garantie, et la déclaration de la Belgique, de la France et de l'Italie n'a en réalité qu'une portée réduite. Concluant son propos, il s'est interrogé sur l'opportunité de ralentir le processus d'élargissement, la réforme des institutions devant être prioritaire.

M. Christian de La Malène a souligné que l'élargissement à l'Est était un processus de portée historique et de caractère irrésistible, tandis que le déroulement de la Conférence intergouvernementale avait montré qu'il n'existait pas de véritable mouvement de fond pour une réforme des institutions. Cet écart, a-t-il ajouté, est d'autant plus préoccupant qu'il sera plus difficile encore de réformer les institutions quand l'Union aura entamé son élargissement.

M. Denis Badré a estimé que, dans ces conditions, on ne pouvait plus que compter sur le rôle intégrateur de l'euro.

Mme Danielle Bidard-Reydet s'est interrogée sur les modalités de ratification du traité.

M. Christian de La Malène, approuvé par M. Jacques Genton, a estimé que ce texte ne donnerait pas lieu à un référendum, mais à une approbation parlementaire.

M. Pierre Fauchon s'est préoccupé de voir l'Allemagne en dehors de l'initiative italo-franco-belge. A Maastricht, a-t-il observé, l'Allemagne était prête à avancer vers l'intégration politique, la France plus prudente : aujourd'hui les rôles sont renversés. Puis, faisant référence à des propos de M. Valéry Giscard d'Estaing, il a estimé que la réforme qui s'était avérée impossible à quinze le serait a fortiori avec de nouveaux membres, et que, dans ces conditions, l'Europe pencherait vers une zone de libre échange améliorée, même si le rôle intégrateur de l'euro pouvait contrebalancer quelque peu cette tendance ; dès lors, a-t-il conclu, une véritable intégration politique suppose le regroupement des Etats réellement décidés à avancer et la formation d'un " noyau dur " de l'Union.

M. Christian de La Malène a souligné que les dispositions relatives aux coopérations renforcées ne paraissaient pas de nature à favoriser la formation d'un " noyau dur ".

M. James Bordas, après s'être félicité que le rapport donne une présentation synthétique des principaux aspects du traité, a souhaité que la distinction des rôles respectifs du Conseil européen et du Conseil de l'Union européenne apparaisse plus nettement.

Puis la délégation a décidé à l'unanimité d'autoriser la publication du présent rapport.

ANNEXE

FAUT-IL MODIFIER LA CONSTITUTION AVANT LA RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM ?

Il n'est évidemment pas envisageable, dans le cadre de ce rapport, d'examiner de manière systématique la compatibilité de chacune des dispositions du traité d'Amsterdam avec la Constitution. En revanche, il peut être intéressant de se reporter à la décision rendue le 9 avril 1992 par le Conseil Constitutionnel sur le traité de Maastricht afin de déterminer si, sur les matières alors abordées par le Conseil Constitutionnel, un raisonnement par analogie peut faire présager la nécessité d'une révision constitutionnelle préalablement à la ratification du traité d'Amsterdam.

En avril 1992, le Conseil avait jugé que le traité de Maastricht nécessitait une révision de la Constitution en raison de trois sortes de dispositions qu'il comprenait :

- celles portant sur la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales ;

- celles portant sur l'établissement d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques ;

- enfin, celles portant sur les mesures relatives à l'entrée et à la circulation des personnes.

Le traité d'Amsterdam ne comporte aucune disposition relative aux deux premiers de ces sujets. En revanche, il modifie de manière notable les compétences communautaires en matière de libre circulation des personnes. C'est donc sur ces dispositions du traité d'Amsterdam que le rappel de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel peut apporter un éclairage judicieux.

Dans sa décision du 9 avril 1992, le Conseil Constitutionnel rappelle donc d'abord que " les engagements internationaux souscrits par les autorités de la République française ne sauraient affecter l'exercice par l'Etat des compétences qui relèvent des conditions essentielles de sa souveraineté. "

Puis, il considère que la détermination des " pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres " entre dans ces compétences qui relèvent des conditions essentielles de la souveraineté.

Enfin, il ajoute que les conditions essentielles de la souveraineté nationale ne sont pas affectées tant que cette détermination fait l'objet d'une décision du Conseil des ministres de l'Union à l'unanimité, mais qu'il n'en va plus de même dès lors qu'il y a " abandon de la règle de l'unanimité ". Dans ce dernier cas, il y a contradiction avec la Constitution et une révision constitutionnelle doit intervenir préalablement à la ratification du traité.

On peut déduire de cette jurisprudence qu'une révision constitutionnelle devra précéder la ratification du traité d'Amsterdam si :

- d'une part, certaines des dispositions de ce traité entrent dans des compétences qui relèvent des conditions essentielles de la souveraineté ;

- d'autre part, ces dispositions peuvent être arrêtées par les institutions de l'Union sans que l'unanimité soit requise.

1. Certaines dispositions du traité entrent-elles dans des compétences qui relèvent des conditions essentielles de la souveraineté ?

Sans vouloir être exhaustif, on peut relever que le traité d'Amsterdam comporte notamment :

- " les normes et les modalités auxquelles doivent se conformer les Etats membres pour effectuer les contrôles des personnes aux frontières extérieures ; "

- " des mesures fixant les conditions dans lesquelles les ressortissants des pays tiers peuvent circuler librement sur le territoire des Etats membres pendant une durée maximale de trois mois ; "

- " des mesures relatives à la politique d'immigration, dans les domaines suivants :

a) conditions d'entrée et de séjour, ainsi que normes concernant les procédures de délivrance par les Etats membres de visas et de titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du regroupement familial :

b) immigration clandestine et séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier ; "

- " des mesures définissant les droits des ressortissants des pays tiers en situation régulière de séjour dans un Etat membre de séjourner dans les autres Etats membres et les conditions dans lesquelles ils peuvent le faire. "


On reconnaîtra que, dès lors que le Conseil Constitutionnel a estimé en 1992 que la détermination des " pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres " entrait dans les compétences qui relèvent des " conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ", il y a tout lieu de penser qu'il estimera demain que tout ou partie des mesures énumérées ci-dessus entrent également dans ces compétences.

Il convient donc à présent d'examiner le mode de décision retenu par le traité d'Amsterdam pour l'adoption de ces mesures.

2. Y a-t-il " abandon de la règle de l'unanimité " ?

Sur ce point, comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs, les dispositions du traité d'Amsterdam sont loin d'être marquées au coin de la simplicité. On peut résumer ainsi le dispositif :

- durant les cinq premières années d'application du traité, le Conseil statue à l'unanimité ;

- après cette période de cinq ans, le Conseil prend à l'unanimité une décision afin d'abandonner la règle de l'unanimité pour tout ou partie des mesures énumérées ci-dessus.

Le traité de Maastricht avait déjà retenu une formule évolutive puisqu'il prévoyait la règle de l'unanimité jusqu'au 1 er janvier 1996 et le passage à la majorité qualifiée à compter de cette date. Et le Conseil Constitutionnel en avait conclu qu'il n'y avait pas contrariété avec la Constitution jusqu'à cette date, mais qu'il n'en allait plus de même au-delà.

La seule différence entre la procédure retenue par le traité de Maastricht et celle du traité d'Amsterdam tient au fait que, dans le premier cas, le passage à la majorité qualifiée était automatique alors que, dans le second, il est subordonné à un vote à l'unanimité du Conseil.

Doit-on en déduire que le mécanisme respecte la souveraineté nationale puisque la France, par la voie de son représentant au Conseil, peut empêcher le passage à la majorité qualifiée ?

Il semble difficile d'admettre un tel raisonnement. Dès lors que l'abandon de la règle de l'unanimité en de telles matières serait susceptible, d'après les termes mêmes utilisés par le Conseil Constitutionnel, d'affecter les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, il serait contraire à la Constitution. Or, seul le pouvoir constituant a la compétence de faire disparaître cette contrariété en modifiant la Constitution. Mais le pouvoir exécutif, pas plus que le pouvoir législatif d'ailleurs, ne dispose de cette compétence.

Il nous reste toutefois à évoquer un dernier point. La révision constitutionnelle de 1992 est intervenue après la décision du Conseil Constitutionnel d'avril 1992. N'a-t-elle pas déjà modifié la Constitution de telle manière que les dispositions du traité d'Amsterdam ne lui sont plus contraires ? La réponse découle du texte même de l'article 88-2 de la Constitution. En vertu de ce texte, la France a seulement consenti les transferts de compétences nécessaires à " la détermination des règles relatives au fonctionnement des frontières extérieures des Etats membres " et elle ne l'a fait que " selon les modalités prévues par le traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992 ".

*

* *

En conclusion de cette rapide analyse, il semble donc apparaître clairement que :

- le traité d'Amsterdam comporte des dispositions que le Conseil Constitutionnel, en fonction de sa jurisprudence antérieure, a de fortes chances de faire entrer dans la catégorie des " compétences qui relèvent des conditions essentielles de la souveraineté " ;

- le traité d'Amsterdam prévoit la possibilité d'un abandon de la règle de l'unanimité pour l'exercice par l'Union européenne de ces compétences ;

- la révision constitutionnelle de 1992 n'a consenti à certains transferts de compétences que selon les modalités prévues par le traité de Maastricht.

Extrait de la Décision du Conseil constitutionnel n° 92-308 DC

du 9 avril 1992

Sur les mesures relatives à l'entrée et à la circulation des personnes :

Considérant que, dans sa rédaction issue de l'article G du traité sur l'Union européenne, l'article 3 du traité instituant la Communauté comporte dans les conditions et selon les rythmes prévus par ce traité : " d) des mesures relatives à l'entrée et à la circulation des personnes dans le marché intérieur conformément à l'article 100 C " ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 100 C le Conseil des ministres des communautés européennes , " statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, détermine les pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres " ; qu'il est stipulé au paragraphe 2 du même article que " dans le cas où survient dans un pays tiers une situation d'urgence confrontant la Communauté à la menace d'un afflux soudain de ressortissants de ce pays, le conseil peut, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la commission, rendre obligatoire, pour une période ne pouvant excéder six mois, l'obtention d'un visa par les ressortissants du pays en question " ; qu'il est précisé que cette obligation peut être prorogée selon la procédure définie au paragraphe 1 ;

Considérant que le paragraphe 3 de l'article 100 C énonce qu'à compter du 1er janvier 1996 le conseil adoptera " à la majorité qualifiée les décisions visées au paragraphe 1 " dudit article et qu'avant cette date le conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la commission et après consultation du Parlement européen, arrête les mesures relatives à l'institution d'un modèle type de visa ; que le paragraphe 4 de l'article 100 C prescrit que, dans les domaines " visés " audit article , " la Commission est tenue d'instruire toute demande formulée par un Etat membre et tendant à ce qu'elle fasse une proposition au Conseil " ; que, selon le paragraphe 5, " le présent article ne porte pas atteinte à l'exercice des responsabilités qui incombent aux Etats membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure ;  .../...

Considérant que les engagements internationaux souscrits par les autorités de la République française ne sauraient affecter l'exercice par l'Etat de compétences qui relèvent des conditions essentielles de sa souveraineté ; que ne sont pas contraires à cette exigence les dispositions de l'article 100 C qui sont relatives à la détermination des pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres, dès lors qu'elles concernent la période antérieure au
1er janvier 1996 ; qu'en effet la politique commune des visas à l'égard des pays tiers est décidée par le Conseil des ministres des communautés à l'unanimité, sous la seule réserve de mesures de sauvegarde motivées par l'urgence et temporaires dans leurs effets ; qu'en revanche l'abandon de la règle de l'unanimité à compter du 1er janvier 1996, comme le prévoit le paragraphe 3 de l'article 100 C, pourrait conduire, en dépit des dispositions des paragraphes 4 et 5 du même article, à ce que se trouvent affectées des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

Considérant qu'il suit de là qu'en l'état, le paragraphe 3 de l'article 100 C ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l'article G du traité sur l'Union européenne est contraire à la Constitution.

Article 88-2 de la Constitution

Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'union économique et monétaire européenne ainsi qu'à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne.



(1) Voir infra p. 20-21-22

(2) Dans l'ensemble de ce rapport, le terme " le Conseil " désigne le Conseil de l'Union européenne , qui est composé, selon les domaines, du ministre compétent de chaque Etat membre, et où chaque Etat dispose d'un certain nombre de voix en cas de vote, alors que le Conseil européen est composé des chefs d'Etat ou de Gouvernement, et statue par consensus.

(3) Voir infra p.23-24

(4) " Faut-il modifier le mode de scrutin pour les élections européennes ? ", Rapport n° 123, 5 décembre 1996

(5) Voir le rapport de M. Michel Caldaguès, au nom de la délégation du Sénat, sur " la fonction d'exécution des normes au sein de la Communauté " (n° 126, 7 décembre 1994)

(6) Cette formule constitue néanmoins une évolution par rapport au traité de Maastricht. Celui-ci, à son article K 9 (la fameuse " passerelle communautaire "), prévoyait déjà la possibilité de communautariser certaines matières du troisième pilier et d'y introduire le vote à la majorité qualifiée : seulement la décision devait non seulement être prise par le Conseil à l'unanimité, mais encore être ratifiée par les Etats membres " conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ".

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