Rapport d'information n° 14 - sur le Traité d'Amsterdam
M. Christian de LA MALENE, Sénateur
Délégation du Sénat pour l'Union européenne - Rapport d'information n°14 - 1997/1998
Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. LES PRINCIPAUX ASPECTS DU TRAITE
-
A. LES QUESTIONS INSTITUTIONNELLES
-
1. Le fonctionnement des institutions
- a) Le Parlement européen
- b) Le Conseil (2(2) Dans l'ensemble de ce rapport, le terme " le Conseil " désigne le Conseil de l'Union européenne, qui est composé, selon les domaines, du ministre compétent de chaque Etat membre, et où chaque Etat dispose d'un certain nombre de voix en cas de vote, alors que le Conseil européen est composé des chefs d'Etat ou de Gouvernement, et statue par consensus.)
- c) La Commission
- d) La Cour de justice
- e) L'application du principe de subsidiarité
- f) Les Parlements nationaux
- g) La " comitologie "
- h) Les coopérations renforcées
- 2. Les modifications des principes de base des communautés et de l'Union
-
1. Le fonctionnement des institutions
- B. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU PREMIER PILIER
- C. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU DEUXIEME PILIER
- D. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU TROISIEME PILIER
-
A. LES QUESTIONS INSTITUTIONNELLES
- II. ELÉMENTS D'APPRÉCIATION
-
I. LES PRINCIPAUX ASPECTS DU TRAITE
- EXAMEN DU RAPPORT PAR LA DELEGATION
- ANNEXE
N° 14
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1997
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne (1),
sur
le Traité d'Amsterdam,
Par M. Christian de LA MALÈNE,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de
: MM. Jacques Genton,
président
; James Bordas, Michel
Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon,
vice-présidents
; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant,
secrétaires
; Robert Badinter, Denis Badré, Mme
Danielle Bidard-Reydet, MM. Gérard Delfau, Charles Descours, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont,
Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann
Gaillard, Pierre Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien
Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme
Danièle Pourtaud, MM. Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca
Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel
Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le traité d'Amsterdam clôt un cycle de
négociations qui, préparé par les travaux du " groupe
Westendorp ", s'est poursuivi sous trois présidences successives de
l'Union. Ces négociations ont été suivies de près
par les Parlements nationaux comme par le Parlement européen. La
délégation du Sénat pour l'Union européenne a ainsi
consacré, depuis décembre 1994, dix rapports d'information
à la Conférence intergouvernementale. Elle a entendu chaque mois
à ce sujet le ministre des Affaires européennes.
Le moment est venu de prendre la mesure des résultats des
négociations, dans l'optique du débat de ratification qui
pourrait se dérouler au printemps 1998.
Le présent rapport s'efforce, dans un premier temps, de
présenter de manière synthétique les principaux aspects du
traité. Puis il propose des éléments
d'appréciation, sans pour autant avancer une conclusion d'ensemble.
Enfin, une annexe examine le problème de la conformité de ce
texte à la Constitution.
I. LES PRINCIPAUX ASPECTS DU TRAITE
A. LES QUESTIONS INSTITUTIONNELLES
1. Le fonctionnement des institutions
a) Le Parlement européen
·
La procédure de codécision entre le
Parlement et le Conseil est étendue à de nouvelles
matières
. Elle couvre désormais la plupart des domaines
où le Conseil statue à la majorité qualifiée
(à l'exception de la politique agricole commune et de la politique
commerciale commune) ; elle a également été retenue
pour quelques sujets où le Conseil continue de décider à
l'unanimité (libre circulation des citoyens de l'Union, accès aux
professions non salariées, sécurité sociale des
travailleurs migrants). Les principaux domaines auxquels est étendue la
procédure de codécision sont les suivants : la majeure partie des
dispositions de la politique sociale et de la politique de l'emploi ; la libre
circulation des citoyens de l'Union ; la santé publique ; le droit
d'établissement ; la politique des transports ; la formation
professionnelle ; certains aspects de la politique régionale ; la
recherche ; l'environnement ; les réseaux
transeuropéens ; la coopération au
développement...
(1(
*
))
.
· Par ailleurs,
cette procédure est modifiée
. Si un
accord n'est pas intervenu après deux lectures par chaque institution,
un comité de conciliation est convoqué. En cas d'échec de
la conciliation ou de rejet par le Conseil ou le Parlement européen de
l'accord intervenu, le texte est réputé non adopté. Ainsi,
le Parlement et le Conseil sont désormais placés strictement
à égalité
; selon les dispositions
antérieures, le Conseil avait, en cas de désaccord persistant, la
faculté d'adopter le texte en discussion par une ultime lecture :
certes, le Parlement européen pouvait alors rejeter à la
majorité absolue de ses membres le texte ainsi adopté, mais dans
ce cas, il portait seul la responsabilité de l'échec de la
procédure.
·
La désignation du président de la Commission
européenne
est désormais soumise, séparément,
à l'approbation du Parlement européen (qui, dans un second vote,
approuve ensuite la composition du collège des commissaires).
· Le nombre des membres du Parlement européen est plafonné
à 700 membres dans la perspective de l'élargissement.
· Le Parlement reçoit le pouvoir de définir, en accord avec
le Conseil, "
le statut et les
conditions
générales d'exercice des fonctions de ses membres
". Un
protocole confirme qu'il siège à Strasbourg pour ses douze
sessions plénières mensuelles ; les réunions de commission
ainsi que les sessions plénières additionnelles continuent
à se tenir à Bruxelles et les services du Parlement restent
installés à Luxembourg.
b) Le Conseil (2( * ))
·
La décision à la majorité
qualifiée s'applique à de nouveaux domaines
: les principales
dispositions de la politique sociale ; la politique de l'emploi ; la
santé publique ; la lutte anti-fraude ; le programme cadre de
recherche...
(3(
*
))
· Le Conseil détermine les cas dans lesquels il doit être
considéré comme agissant en sa qualité de
législateur ; dans ces cas, les résultats et les explications des
votes, ainsi que les déclarations inscrites au procès-verbal,
sont rendus publics.
· S'agissant de la
pondération des votes au Conseil
, il est
prévu dans un protocole annexé que, lorsque l'Union comptera de
seize à vingt membres, la pondération actuelle devra normalement
être modifiée par la mise en place, soit d'une nouvelle
pondération, soit d'un système de double majorité. Le
protocole ne rend pas obligatoire cette modification, mais il en fait une
condition du changement de la composition de la Commission qui, toujours dans
l'hypothèse d'une Union de 16 à 20 membres, devrait en principe
comprendre un commissaire par Etat membre : en l'absence d'une révision
du système de pondération, les " grands " Etats
garderaient donc un second commissaire.
c) La Commission
· La question de la composition de la Commission
européenne est réglée par le protocole qui vient
d'être évoqué.
· La Commission est placée plus nettement sous l'autorité
de son président ; elle doit remplir sa mission "
dans le
respect des orientations politiques
" définies par ce dernier.
·
Le contrôle politique du Parlement européen sur la
Commission est renforcé par un mécanisme de " double
investiture "
: le Parlement investit tout d'abord le président
de la Commission, puis il investit la Commission en tant que collège,
après audition de chacun des membres pressentis.
d) La Cour de justice
La composition, l'organisation et le fonctionnement de la
Cour
demeurent inchangés. En revanche,
ses attributions sont
étendues
:
- elle est désormais explicitement compétente pour
vérifier que les actes communautaires respectent les droits fondamentaux
tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de
l'homme et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles des
Etats membres.
- sa compétence est par ailleurs étendue, sous réserve de
certaines adaptations, aux matières transférées du
troisième vers le premier pilier :
visas, asile, immigration et
autres politiques liées à la libre circulation des personnes
.
- enfin, la Cour de justice reçoit
des compétences accrues
à l'égard du troisième pilier " maintenu "
:
un Etat membre ou la Commission peut lui adresser un recours en annulation
d'une "
décision-cadre
" ou d'une
"
décision
" ; elle peut être appelée
à statuer sur les différends entre Etats membres concernant
l'interprétation de l'ensemble des actes relevant du troisième
pilier, et sur les différends entre un ou plusieurs Etats membres et la
Commission concernant spécifiquement l'interprétation des
conventions établies dans le cadre de ce même pilier ; enfin,
chaque Etat membre peut lui reconnaître une compétence pour
statuer à titre préjudiciel sur la validité et
l'interprétation des différentes catégories d'actes
relevant du troisième pilier.
e) L'application du principe de subsidiarité
La subsidiarité fait l'objet d'un protocole qui confirme, tout en les précisant, les conclusions du Conseil européen d'Edimbourg (décembre 1992) et les dispositions de l'accord interinstitutionnel d'octobre 1993 entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil.
f) Les Parlements nationaux
Les Parlements nationaux sont évoqués dans un
protocole comprenant deux principaux aspects :
- un délai de six semaines devra être normalement observé
entre la présentation officielle d'une proposition législative
par la Commission européenne et son inscription à l'ordre du jour
du Conseil ;
- la COSAC est officialisée ; elle peut "
soumettre toute
contribution
" à l'attention des institutions de l'Union,
particulièrement en ce qui concerne le troisième pilier, la
subsidiarité et les questions relatives aux droits fondamentaux.
g) La " comitologie "
Le traité d'Amsterdam ne contient pas de nouvelle disposition dans ce domaine. Toutefois, une déclaration invite la Commission à présenter, avant la fin de 1998, une proposition relative aux modalités de l'exercice des compétences d'exécution qui lui sont conférées.
h) Les coopérations renforcées
Le dispositif retenu prend la forme, d'une part, d'une clause
générale, et d'autre part, de clauses spécifiques
adaptées respectivement aux premier et troisième piliers (pour le
deuxième pilier, c'est la formule de "
l'abstention
constructive
" qui a été retenue).
La clause générale
précise notamment qu'une
coopération renforcée doit être lancée par au moins
une majorité d'Etats membres, ne doit être utilisée qu'en
dernier ressort, et rester ouverte à tous les Etats membres.
Les dispositions institutionnelles des traités s'appliquent sous deux
réserves :
- au sein du Conseil, seuls les représentants des Etats participant
à la coopération renforcée prennent part aux votes ;
- les dépenses sont à la charge des Etats participants.
Le Parlement et la Commission jouent leur rôle avec la totalité de
leurs membres.
· La clause propre au
premier pilier
précise notamment
qu'une coopération renforcée concernant ce pilier ne peut
être lancée qu'avec l'accord de la Commission européenne.
L'autorisation est en principe accordée par le Conseil à la
majorité qualifiée, mais si un Etat membre s'y oppose
"
pour des raisons de politique nationale
importantes
", il
n'est pas procédé au vote (la question peut alors être
renvoyée au Conseil européen en vue d'une décision
à l'unanimité). Lorsqu'un Etat souhaite se joindre à une
coopération renforcée déjà engagée, c'est la
Commission qui décide des suites à donner à sa demande.
· La clause propre au
troisième pilier
précise que,
dans le cas de ce pilier, l'autorisation de lancer une coopération
renforcée est accordée par le Conseil après avis de la
Commission. La décision est prise à la majorité
qualifiée, mais, comme dans le cas du premier pilier, un Etat membre
peut s'y opposer en invoquant "
des raisons de politique nationale
importantes
". Lorsqu'un Etat souhaite se joindre à une
coopération renforcée, sa demande est réputée
approuvée à l'expiration d'un délai de quatre mois sauf
si, dans ce délai, les Etats participants ont décidé
à la majorité qualifiée de la "
tenir en
suspens
".
· La Cour de Justice est compétente, dans tous les cas, pour
vérifier si les coopérations renforcées respectent les
compétences et les objectifs de la Communauté et de l'Union ;
elle est également compétente pour contrôler le respect des
conditions de lancement des coopérations renforcées et des
procédures permettant aux autres Etats membres de s'y joindre
ultérieurement.
2. Les modifications des principes de base des communautés et de l'Union
Plusieurs dispositions du traité d'Amsterdam tendent à faire figurer plus explicitement certaines préoccupations sociales et humaines dans les principes de la construction européenne.
a) Sanctions contre un Etat membre en cas de non-respect des principes démocratiques et des droits de l'homme
Le Conseil européen, après avoir constaté à l'unanimité qu'un Etat membre viole de manière grave et persistante ces principes, peut décider, à la majorité qualifiée, de suspendre certains des droits de cet Etat, y compris son droit de vote au sein du Conseil.
b) Non-discrimination
Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut prendre des mesures pour " combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les croyances, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ".
c) Egalité hommes/femmes
Ce principe fait désormais partie des principes de base de la Communauté (art. 2 et 3 du traité).
d) Droits sociaux et emploi
Les droits sociaux sont désormais mentionnés dans le préambule du traité sur l'Union européenne ; par ailleurs, un " niveau élevé de l'emploi " devient un objectif de base de l'Union (article B du traité) et de la Communauté (articles 2 et 3 du traité).
e) Services publics
Un nouvel article 7 D précise que, sans préjudice des articles du traité concernant la concurrence et les aides d'Etat, la Communauté et les Etats membres veillent à ce que les services d'intérêt économique général " fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ".
f) Environnement
Le principe du " développement durable " est affirmé dans le Préambule et à l'article B du traité sur l'Union européenne, ainsi qu'à l'article 2 du traité instituant la Communauté européenne. Un nouvel article de ce dernier traité précise en outre que les exigences environnementales doivent être intégrées à toutes les politiques menées par la Communauté.
g) Citoyenneté de l'Union
Une nouvelle rédaction de l'article sur la citoyenneté européenne précise que celle-ci " complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ".
B. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU PREMIER PILIER
(Une importante modification du premier pilier est le transfert dans celui-ci d'une partie des questions relevant jusqu'à présent du troisième pilier ; ce point est présenté plus loin).
1. Le nouveau titre sur l'emploi
Ce nouveau titre prévoit que
les Etats membres
considèrent la promotion de l'emploi comme une question
d'intérêt commun et qu'ils coordonnent au sein du Conseil leur
action dans ce domaine.
Sur la base d'un rapport annuel élaboré conjointement avec la
Commission européenne, le Conseil définit chaque année des
"
lignes directrices
" dont les Etats
"
tiennent
compte
" dans leurs politiques de l'emploi. Chaque Etat membre
transmet chaque année au Conseil et à la Commission un rapport
sur sa politique de l'emploi
" à la lumière "
de
ces
" lignes directrices
".
Le Conseil statuant à la majorité qualifiée peut adresser
des recommandations aux Etats membres. Il peut également, en
codécision avec le Parlement européen, adopter des
"
actions d'encouragement
" destinées à
développer les échanges d'informations et à favoriser des
expériences pilotes.
Un Comité de l'emploi à caractère consultatif est
placé auprès du Conseil. Il est chargé de suivre la
situation de l'emploi et de formuler des avis.
2. La politique sociale
Le protocole social annexé au traité de Maastricht, désormais accepté par la Grande-Bretagne, est en conséquence intégré au traité instituant la Communauté européenne. Son contenu est pour l'essentiel conservé. Toutefois, le traité d'Amsterdam introduit la possibilité pour le Conseil d'adopter, en codécision avec le Parlement européen, des mesures d'encouragement destinées à développer les échanges d'informations et à " promouvoir des approches novatrices ".
3. Les régions ultrapériphériques
Le nouveau traité prévoit que le Conseil statuant à la majorité qualifiée devra adopter des " mesures spécifiques " fixant les conditions d'application du traité aux régions ultrapériphériques. Ainsi est ouverte la possibilité pour les départements d'outre-mer de conserver un régime fiscal particulier, notamment en ce qui concerne l'octroi de mer.
4. Les pays et territoires d'outre-mer
Les PTOM font l'objet d'une déclaration invitant le
Conseil à réexaminer avant février 2000 le régime
d'association avec les objectifs suivants :
- " promouvoir plus efficacement le développement
économique et social des PTOM ;
- " développer les relations économiques entre les PTOM et
l'Union européenne ;
- " mieux prendre en compte la diversité et la
spécificité de chaque PTOM, y compris en ce qui concerne la
liberté d'établissement
;
- " améliorer l'efficacité de l'instrument
financier ".
C. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU DEUXIEME PILIER
1. La procédure de décision
La PESC est dotée d'un nouvel instrument, les
" stratégies communes
", qui précisent les
objectifs de l'Union et les moyens pour les atteindre.
Les stratégies
communes sont arrêtées par le Conseil européen
sur
recommandation du Conseil. Lorsqu'une stratégie commune a
été décidée, le Conseil peut adopter à la
majorité qualifiée les actions communes et les positions communes
nécessaires à sa mise en oeuvre.
En l'absence d'une stratégie commune, des actions communes ou des
positions communes ne peuvent être adoptées par le Conseil
qu'à l'unanimité. Mais les mesures nécessaires à la
mise en oeuvre des actions et positions communes ainsi adoptées sont
décidées, quant à elles, à la majorité
qualifiée.
Lorsqu'une décision doit être prise à l'unanimité,
l'abstention d'un ou plusieurs Etats n'empêche pas l'adoption de cette
décision. Un Etat membre qui s'abstient lors d'un vote peut
" assortir son abstention d'une déclaration
formelle
"
: dans ce cas, sans être tenu d'appliquer la décision, il accepte
que celle-ci engage l'Union. Toutefois, si les Etats membres qui s'abstiennent
en assortissant leur abstention d'une déclaration formelle
représentent plus du tiers des voix au Conseil, la décision n'est
pas adoptée.
Lorsqu'une décision doit être prise à la majorité
qualifiée, si un Etat membre s'y oppose en invoquant "
des
raisons de politique nationale importantes
", il n'est pas
procédé au vote. La question peut être renvoyée au
Conseil européen en vue d'une décision à
l'unanimité.
2. La préparation et la mise en oeuvre des décisions
Une déclaration prévoit la création d'une
unité de planification de la PESC et d'alerte rapide
. Elle est
placée sous la responsabilité du Secrétaire
général du Conseil.
Le Secrétaire général du Conseil reçoit la
fonction de Haut représentant pour la PESC
. Il assiste le Conseil
"
en contribuant notamment à la formulation, à
l'élaboration et à la mise en oeuvre des décisions
politiques et, le cas échéant, en agissant au nom du Conseil et,
à la demande de la présidence, en conduisant le dialogue
politique avec des tiers
". Il est nommé par le Conseil
statuant à l'unanimité. Il est assisté d'un
secrétaire général adjoint du Conseil qui est responsable
de la gestion du secrétariat général.
Pour la représentation extérieure de l'Union,
le
système de la " troïka " est remplacée par une
nouvelle formule
: la présidence représente l'Union ; elle
est "
assistée
" par le Secrétaire
général du Conseil en sa qualité de Haut
représentant pour la PESC ; la Commission est "
pleinement
associée
" aux tâches de représentation de l'Union
; la présidence est en outre "
assistée, le cas
échéant, par l'Etat membre qui exercera la présidence
suivante
" ; enfin, comme par le passé, le Conseil peut nommer
un représentant spécial pour une question politique
spécifique.
Pour l'élaboration et la mise en oeuvre des actes de l'Union ayant des
implications dans le domaine de la défense, le principe reste le
"
recours à l'UEO
" avec laquelle sont
recommandées
" des relations institutionnelles plus
étroites
" en vue d'une "
intégration
éventuelle de l'UEO dans l'Union, si le Conseil européen en
décide ainsi ",
cela sous réserve des
" exigences constitutionnelles respectives
" des Etats
membres.
Le recours à l'UEO porte sur les tâches entrant dans le cadre des
missions dites " de Petersberg " : missions humanitaires et
d'évacuation, missions de maintien de la paix, missions de forces de
combat pour la gestion des crises, y compris les missions de
rétablissement de la paix. Pour que les Etats membres de l'Union qui ne
sont pas membres de l'UEO puissent, le cas échéant, participer
à ces tâches, le Conseil "
adopte les modalités
pratiques nécessaires
" en accord avec les institutions de
l'UEO.
L'Union reçoit la capacité de conclure des accords internationaux
dans le cadre de la PESC. Le Conseil statue à l'unanimité pour
autoriser la Présidence à engager des négociations, puis
pour conclure de tels accords.
3. Le financement de la PESC
Les dépenses de la PESC sont à la charge du
budget des Communautés sauf dans les cas où le Conseil, statuant
à l'unanimité, en décide autrement ; par
dérogation, les dépenses afférentes à des
opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la
défense ne sont jamais à la charge du budget communautaire.
La procédure budgétaire ordinaire s'applique aux dépenses
de la PESC qui entrent dans le budget communautaire
. Ces dépenses ne
font pas partie des " dépenses obligatoires ", pour
lesquelles
le Conseil a le dernier mot
; un accord interinstitutionnel entre le
Conseil, le Parlement et la Commission définit toutefois des
modalités pratiques particulières, qui sont notamment
destinées à permettre de faire face aux situations d'urgence.
4. Les relations économiques extérieures
Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut étendre aux négociations concernant les secteurs des services et de la propriété intellectuelle le système de négociation applicable aux négociations concernant les marchandises, telles qu'elles figurent à l'article 113 du traité (la Commission négocie au nom de la Communauté, sur la base d'un mandat du Conseil, en consultation avec un comité composé de représentants des Etats membres).
D. LES MODIFICATIONS APPORTEES AU TROISIEME PILIER
La réforme du troisième pilier comprend deux
aspects :
- le transfert dans le premier pilier (ou
" communautarisation ")
d'une partie des questions qui relevaient jusqu'à présent du
troisième pilier, à savoir les mesures concernant la libre
circulation des personnes, l'asile et l'immigration ;
- une réforme du troisième pilier maintenu.
1. Les questions transférées dans le premier pilier
a) La libre circulation des personnes
Le Conseil doit, dans un délai de cinq ans à
compter de l'entrée en vigueur du traité :
- décider la suppression de tout contrôle aux frontières
intérieures de l'Union,
- définir les conditions de franchissement des frontières
extérieures de l'Union (modalités de contrôle,
règles relatives aux visas pour les séjours d'une durée
maximale de trois mois),
- définir les conditions dans lesquelles les ressortissants des pays
tiers peuvent circuler librement dans l'Union pendant une durée maximale
de trois mois.
La réalisation de la libre circulation est soumise à certaines
contraintes :
- la suppression des contrôles est liée à des
" mesures d'accompagnement
" directement liées à
la libre circulation et concernant les contrôles aux frontières,
l'asile et l'immigration, ainsi qu'à "
des mesures visant
à prévenir et combattre la criminalité
" ;
- les mesures qui se substituent à celles découlant de la
convention de Schengen devront assurer
" au moins le même niveau
de protection et de sécurité
".
Des dérogations sont prévues pour certains Etats membres :
-
le Royaume-Uni et l'Irlande
bénéficient d'une
dérogation qui vaut pour la libre circulation et plus
généralement pour l'ensemble des mesures concernant les
matières transférées du troisième vers le premier
pilier. Ces mesures ne leur sont normalement pas applicables ; ils ont
toutefois la possibilité de participer " à la carte "
à l'adoption et à l'application de certaines d'entre elles
(cependant, s'ils manifestent le souhait de participer à l'adoption
d'une mesure, mais si celle-ci ne peut être adoptée en raison de
leur opposition, le Conseil peut, à l'issue d'un " délai
raisonnable ", adopter néanmoins la mesure, qui ne leur est
dès lors pas applicable).
-
le Danemark
bénéficie également d'une
dérogation pour l'ensemble des mesures concernant les matières
transférées du troisième vers le premier pilier. Sa
situation est toutefois différente de celle du Royaume-Uni et de
l'Irlande, car il participe à la convention de Schengen. Le
traité prévoit en conséquence que, lorsque le Conseil
prend des mesures qui constituent un développement de l'"acquis de
Schengen ", le Danemark décide, dans les six mois, s'il incorpore
ces mesures dans sa législation nationale. Si sa décision est
positive, elle crée une obligation de droit international pour le
Danemark vis-à-vis des Etats membres ayant adopté ces mesures ;
si sa décision est négative, les autres Etats signataires de la
convention de Schengen doivent "
examiner les mesures
appropriées à prendre
".
Le traité prévoit "
l'incorporation de l'acquis de
Schengen dans le cadre de l'Union européenne
". A compter
de l'entrée en vigueur du traité, l'acquis de Schengen s'applique
directement aux treize Etats membres signataires de la convention de Schengen
(les quinze Etats membres moins le Royaume-Uni et l'Irlande) et le Conseil se
substitue au Comité exécutif Schengen ; le développement
de l'acquis de Schengen prend la forme d'une "
coopération
renforcée au sein de l'Union
" entre ces treize Etats, sous
réserve de la position particulière du Danemark et compte tenu de
l'association de l'Islande et de la Norvège, qui n'est pas remise en
question.
b) L'asile et l'immigration
Le Conseil doit arrêter dans les cinq ans :
- des mesures relatives à l'asile (critères de
détermination de l'Etat membre chargé de l'examen de la demande,
normes minimales d'accueil, conditions d'octroi et de retrait du statut de
réfugié),
- des mesures concernant les personnes déplacées (octroi d'une
protection temporaire, équilibre entre les efforts consentis par les
Etats membres),
- des mesures relatives à l'immigration (conditions d'entrée et
de séjour, immigration clandestine),
- des mesures concernant les droits des ressortissants des pays tiers en
situation régulière, et les conditions dans lesquelles ils
peuvent séjourner dans les autres Etats membres.
c) La coopération judiciaire en matière civile
Dans la mesure nécessaire au fonctionnement du
marché intérieur, le Conseil est habilité à prendre
des mesures concernant la coopération judiciaire en matière
civile ayant une incidence transfrontalière.
Il s'agit notamment :
- d'améliorer la signification transfrontière des actes, la
coopération en matière d'obtention des preuves, la reconnaissance
et l'exécution des décisions,
- de favoriser la compatibilité des règles applicables dans les
Etats membres en matière de procédure civile et de conflits de
compétences.
d) La procédure de décision applicable aux matières transférées dans le premier pilier
Durant les cinq années suivant l'entrée en
vigueur du traité, le Conseil statue à
l'unanimité
sur proposition de la Commission ou à l'initiative d'un Etat membre. Le
Parlement européen est consulté. Toutefois, certaines mesures
concernent les visas (liste des pays tiers soumis à l'obligation de
visa, modèle-type de visa) sont, dès l'entrée en vigueur
du traité, prises à la majorité qualifiée sur
proposition de la Commission.
A l'issue de cette période de cinq ans, seule la Commission a
l'initiative des textes ; le Conseil, statuant à l'unanimité,
peut
décider d'appliquer la procédure de codécision
à la totalité ou à une partie des questions
transférées du troisième vers le premier pilier (dans le
cadre de cette procédure, les textes sont adoptés dans les
mêmes termes par le Parlement et le Conseil statuant à la
majorité qualifiée). Toutefois, certaines mesures concernant les
visas (conditions de délivrance, règles en matière de visa
uniforme) sont d'office régies par la procédure de
codécision à l'issue du délai de cinq ans.
2. La réforme du troisième pilier maintenu
a) La redéfinition du domaine du troisième pilier
Si les questions concernant la libre circulation, l'asile et
l'immigration, ainsi que la coopération judiciaire en matière
civile, sont retirées du troisième pilier et
transférées dans le premier, en revanche,
les objectifs du
troisième pilier maintenu sont définis en termes plus larges
,
comprenant désormais en tant qu'objectifs à part entière
la lutte contre le racisme et la xénophobie, le terrorisme, la traite
d'êtres humains et les crimes contre les enfants, le trafic de drogue, le
trafic d'armes, la corruption et la fraude.
Les missions d'Europol sont renforcées. Il peut notamment appuyer la
préparation et la mise en oeuvre d'actions opérationnelles
menées par des équipes conjointes et coordonner des
enquêtes.
Parmi les objectifs de la coopération en matière pénale
figure l'adoption de mesures "
instaurant des règles minimales
relatives aux éléments constitutifs des infractions
pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la
criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de
drogue
. "
b) Les instruments et la procédure de décision
De nouveaux instruments sont mis en place :
- la "
décision-cadre
", qui porte sur
le
rapprochement des législations et réglementations
; laissant
aux Etats membres le choix de la forme et des moyens, elle ne peut avoir de
portée contraignante qu'après transposition dans les
législations nationales.
- la "
décision
", qui porte sur l'engagement d'une
action et prend effet par l'intermédiaire des mesures de mise en oeuvre
adoptées par le Conseil.
Par ailleurs, le régime des
conventions
établies par le
Conseil est modifié : une fois qu'elles ont été
adoptées par la moitié au moins des Etats membres, elles entrent
en vigueur pour ces mêmes Etats.
Le Conseil statue
à l'unanimité
à l'initiative de
la Commission ou de tout Etat membre. Toutefois, les mesures de mise en oeuvre
des décisions engageant une action sont prises à la
majorité qualifiée, et les mesures d'application des conventions
sont arrêtées à la majorité des deux tiers.
L'extension du champ de la codécision
N.B. : La procédure de codécision est tout
d'abord étendue par les accords d'Amsterdam à certaines
dispositions existantes
du traité ; celles-ci figurent ci-dessous
en caractères normaux. Elle est également appliquée
à certaines
dispositions nouvelles
, qui figurent ci-dessous en
italiques.
Les nouveaux domaines régis par la procédure de codécision
sont les suivants :
Article 6 : Réglementation visant à garantir l'interdiction
de toute discrimination fondée sur la nationalité.
Article 8 A : Mesures destinées à faciliter l'exercice du
droit de circulation et de séjour des citoyens de l'Union sur le
territoire des Etats membres.
Article 51 : Mesures nécessaires pour l'établissement de la
libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système
permettant d'assurer aux travailleurs et à leurs ayants droit :
a) la totalisation, pour l'ouverture et le maintien du droit aux
prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes
prises en considération par les différentes législations
nationales ;
b) le paiement des prestations aux personnes résidant sur les
territoires des Etats membres.
Article 56, par. 2 : Coordination des dispositions législatives,
réglementaires et administratives prévoyant, en matière de
droit d'établissement, un régime spécial pour les
ressortissants étrangers pour des raisons d'ordre public, de
sécurité publique et de santé publique.
Article 57, par. 2 : Coordination des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des Etats membres concernant
l'accès aux activités non salariées et l'exercice de ces
activités.
Article 73 0
:
Mesures fixant les procédures et conditions
de délivrance des visas par les Etats membres, et définissant un
modèle type de visa (après une période de 5 ans
suivant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam).
Articles 75 et 84 : Politique commune des transports.
Article 109 R
:
Actions d'encouragement dans le domaine de
l'emploi.
Article 116
:
Mesures destinées à renforcer la
coopération douanière entre les Etats membres et entre ceux-ci et
la Commission.
Article 118 : Politique sociale (= prescriptions minimales +
par. 1 et 2 encouragement à la coopération) dans les domaines
suivants : - santé et sécurité des travailleurs,
conditions de travail, information et consultation des travailleurs,
égalité hommes/femmes dans le travail.
Art. 119 : Égalité hommes/femmes en matière d'emploi
et application du principe de l'égalité des
rémunérations pour un même travail ou un travail de
même valeur.
Article 125 : Décisions d'application relatives au Fonds social
européen (FSE).
Article 127 : Politique de formation professionnelle.
Article 129
:
Politique de santé publique (mesures fixant
les normes de qualité et sécurité des organes et
substances d'origine humaine, mesures dans le domaine vétérinaire
et phytosanitaires dans un but de santé publique).
Article 129 A : Mesures qui appuient et complètent la politique des
Etats membres dans le domaine de la protection du consommateur.
Article 129 D : Établissement et développement de
réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du
transport, des télécommunications et de l'énergie.
Article 130 E : Décisions d'application relatives au Fonds
européen de développement régional (FEDER).
Article 130 I : Programme-cadre de recherche et de développement
technologique.
Article 130 S : Politique de l'environnement (sauf mesures concernant la
fiscalité, l'affectation des sols et la gestion des ressources
hydrauliques, et le choix par un Etat membre de la structure de son
approvisionnement énergétique).
Article 130 N : Politique de coopération.
Article 191 A
:
Droit d'accès aux documents du Conseil, de
la Commission et du Parlement européen.
Article 209 A
:
Mesures de prévention de la fraude portant
atteinte aux intérêts financiers de la Communauté, et
mesures de lutte contre cette fraude.
Article 213 A
:
Mesures en vue de l'établissement de
statistiques.
Article 213 B
:
Mise en place d'un organe indépendant de
contrôle chargé de surveiller l'application aux institutions et
organes de l'Union des règles sur le traitement des données
à caractère personnel.
L'extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil
Article 56 :
Coordination des dispositions
législatives,
par. 2 réglementaires et administratives prévoyant, en
matière de droit d'établissement, un régime spécial
pour les ressortissants étrangers pour des raisons d'ordre public, de
sécurité publique et de santé publique.
Article 109
:
Elaboration de lignes directrices pour les politiques
par. 2 de l'emploi.
Article 109 R
:
Actions d'encouragement dans le domaine de
l'emploi.
Article 116
:
Mesures destinées à renforcer la
coopération douanière entre les Etats membres et entre ceux-ci et
la Commission.
Article 118
:
Lutte contre l'exclusion sociale.
par. 2, al. 3
Article 119 : Égalité hommes/femmes en matière d'emploi
et
par. 3 application du principe de l'égalité des
rémunérations pour un même travail ou un travail de
même valeur.
Article 129 : Politique de santé publique (mesures fixant les normes
de qualité et sécurité des organes et substances d'origine
humaine, mesures dans le domaine vétérinaire et phytosanitaires
dans un but de santé publique).
Article 130 I : Programme-cadre de recherche et de développement
technologique.
Article 130 O : Création d'entreprises communes en matière de
par. 1 recherche et de développement technologique.
Article 191 A : Droit d'accès aux documents du Conseil, de la
Commission et du Parlement européen.
Article 209 A : Mesures de prévention de la fraude portant atteinte
aux intérêts financiers de la Communauté, et mesures de
lutte contre cette fraude.
Article 213 B : Mise en place d'un organe indépendant de
contrôle chargé de surveiller l'application aux institutions et
organes de l'Union des règles sur le traitement des données
à caractère personnel.
Article 227 : Mesures spécifiques fixant les conditions
par. 2 d'application du traité aux régions
ultrapériphériques.
II. ELÉMENTS D'APPRÉCIATION
A. OBSERVATIONS SUR LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITE
1. L'absence de réponse aux problèmes institutionnels
La caractéristique la plus marquante du traité d'Amsterdam est de renvoyer à plus tard la solution du problème principal qu'il avait à résoudre, à savoir l'adaptation des institutions dans la perspective de l'élargissement. Le seul changement institutionnel important qu'il apporte est l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen, et notamment l'extension du champ de la codécision : or, quelle que soit l'opinion qu'on porte par ailleurs sur l'opportunité de cette mesure, il est du moins manifeste que, comme elle ne s'accompagne d'aucune amélioration des autres aspects du processus de décision, elle se traduira nécessairement par un alourdissement de celui-ci, alors que l'objectif assigné aux négociateurs était au contraire un surcroît d'efficacité. Ainsi, du point de vue institutionnel, le traité d'Amsterdam n'a-t-il pas répondu aux espoirs placés en lui.
a) La Commission
Dans les débats qui ont entouré la CIG, les
principales critiques adressées au fonctionnement de la Commission
portaient sur l'éparpillement des responsabilités, le manque de
collégialité et la tendance -notamment dans le cas des relations
économiques extérieures- à s'affranchir du contrôle
du Conseil.
La seule disposition du traité destinée à donner plus de
cohérence à l'action de la Commission est une nouvelle
rédaction de l'article 163, qui prévoit désormais
que :
" La Commission remplit sa mission dans le respect des
orientations politiques définies par son président "
. Il
est difficile de préciser la portée de ce texte très
général (qui ne donne pas explicitement autorité au
président de la Commission sur les membres de celles-ci), d'autant que
le président de la Commission n'avait pas jusqu'à présent
été considéré comme habilité à
définir des
" orientations politiques "
.
Sans doute faut-il mettre en rapport cette disposition avec le nouveau
mécanisme d'investiture de la Commission par le Parlement
européen : celui-ci investit d'abord le président de la
Commission, puis, dans un second temps, accorde sa confiance au collège
des commissaires, après les avoir entendus un à un. Ce
mécanisme -qui n'est pas sans évoquer la IVème
République- conduira naturellement le Parlement à investir le
président de la Commission sur la base d'orientations politiques que ce
dernier devra s'efforcer de traduire dans la vie de la Commission.
Dans cette optique, les accords d'Amsterdam paraissent s'écarter
sensiblement de la conception qui avait jusque-là imprégné
les traités, et qui mettait en avant l'indépendance de la
Commission européenne, afin de lui permettre de dégager des
intérêts communs aux Etats membres et de remplir une fonction de
médiation entre ces derniers.
Par ailleurs, le
" protocole sur les institutions dans la
perspective
de l'élargissement "
qui est annexé au traité ne
prévoit une limitation des effectifs de la Commission que d'une
manière conditionnelle : la Commission comprendra un seul national de
chaque Etat membre à la condition qu'un accord ait été
trouvé pour revoir la pondération des votes au Conseil. Le
problème de la réduction du nombre des commissaires, souvent
considérée comme la clef d'une répartition des
compétences plus efficace et d'une meilleure cohérence
d'ensemble, n'est donc pas réglé. La portée de ce
protocole est d'ailleurs relative et n'emporte aucune conséquence
juridique puisque, en tout état de cause, la modification du nombre des
commissaires comme celle des règles de pondération des votes au
Conseil doivent prendre la forme d'une révision des traités.
Si l'on considère à la fois l'absence de réforme de la
Commission et l'influence accrue dont le Parlement européen disposera
sur elle -en raison du nouveau mécanisme d'investiture et de l'extension
du champ de la codécision- on peut craindre que le traité
d'Amsterdam n'aboutisse à un certain affaiblissement de sa
capacité à être un trait d'union entre les Etats membres.
b) Le Conseil
Les débats de la CIG concernant le Conseil ont
principalement porté sur la repondération des votes, l'extension
du vote à la majorité qualifiée, et l'insuffisance de la
coordination des travaux.
Ce dernier point, qui ne requiert d'ailleurs pas nécessairement une
modification des traités, n'est pas abordé par les accords
d'Amsterdam.
Le nouveau traité n'étend le vote à la majorité
qualifiée qu'à un nombre réduit de domaines,
principalement la recherche, le développement technologique, et
certaines compétences nouvelles en matière d'emploi, de politique
sociale, de santé, et de lutte contre la fraude.
Enfin, aucun accord n'a été obtenu sur une nouvelle
pondération des votes. Ce point peut paraître
particulièrement préoccupant. Le rapport de M. James Bordas,
au nom de la délégation du Sénat, sur
" La
réforme des institutions européennes : champ des décisions
à la majorité qualifiée et pondération des
votes "
(n° 348, 1996-97), a montré en effet que les
élargissements successifs avaient conduit à une distorsion
croissante entre les droits de vote de chaque Etat et les
réalités démographiques et financières, et que
l'élargissement à l'Est allait nécessairement
accroître ces déséquilibres si les règles de
pondération en vigueur étaient maintenues.
Sans une réforme, on peut craindre, à terme, une
dégradation de la cohésion de l'Union et du sentiment de
légitimité de ses décisions. Les Etats dont l'importance
démographique et l'effort contributif ne sont pas convenablement pris en
compte risquent d'accepter de plus en plus difficilement de " jouer le
jeu ", notamment lorsque les mesures à prendre auront des
implications financières importantes.
Or, le
" protocole sur les institutions dans la perspective de
l'élargissement "
n'établit pas clairement un lien entre
une révision de la pondération des votes et la réalisation
de l'élargissement. En toute hypothèse, l'âpreté des
négociations de la CIG sur ce point suggère qu'il sera difficile
d'obtenir une solution satisfaisante.
L'absence de réforme du fonctionnement du Conseil s'accompagne d'un
affaiblissement de sa position par rapport au Parlement européen. Le
nouveau mécanisme d'investiture de la Commission devrait avoir pour
effet de distendre quelque peu les liens entre celle-ci et le Conseil ;
par ailleurs, la réforme de la procédure de codécision, en
supprimant la troisième lecture qui permettait au Conseil de mettre le
Parlement en situation de prendre la responsabilité d'un échec,
équivaut à une réduction relative du rôle du Conseil
dans le processus de décision.
Cette nouvelle situation institutionnelle intervient dans un contexte
préoccupant. Le Conseil " Affaires Générales ",
aux effectifs pléthoriques et à l'ordre du jour surchargé,
n'est plus en mesure d'assurer une supervision des travaux du Conseil dans leur
ensemble. L'allongement de la durée des réunions aboutit, dans
diverses formations du Conseil, à une présence intermittente de
l'échelon ministériel. Le rôle du COREPER qui, quant
à lui, n'est pas composé de responsables politiques soumis au
contrôle des Parlements nationaux, devient de plus en plus
déterminant.
On peut se demander comment une institution au fonctionnement ainsi
altéré parviendra à jouer pleinement son rôle
vis-à-vis de la Commission sur laquelle elle aura moins de prise, et
à conserver toute son influence dans un système de
codécision où le Parlement européen disposera
désormais du même poids qu'elle.
c) Le Parlement européen
· Le Parlement européen voit ses
prérogatives substantiellement renforcées par le traité
d'Amsterdam. La désignation du président de la Commission
européenne, l'importante extension du champ d'application de la
procédure de codécision, et le droit de regard reconnu au
Parlement sur les dépenses opérationnelles de la politique
étrangère et de sécurité commune, forment un
ensemble d'une grande portée, dont les conséquences ne pourront
être véritablement mesurées qu'avec le temps.
Cet accroissement des pouvoirs du Parlement européen ne s'accompagne
d'aucun effort pour encadrer ses travaux.
Le rapport de M. Jacques Genton, au nom de la délégation du
Sénat, sur
" le fonctionnement parlementaire du traité
sur l'Union européenne "
(n° 339, 1994-95), avait
souligné la nécessité d'une telle évolution :
" La question d'un éventuel accroissement des pouvoirs du
Parlement européen ne peut être valablement posée sans
qu'interviennent au préalable une clarification et une rationalisation.
Il est indispensable que l'étendue des pouvoirs actuels du Parlement
européen soit clairement établie, afin d'éviter à
l'avenir que des interprétations extérieures ne conduisent
à une remise en cause de l'équilibre institutionnel défini
par le traité et ratifié par les Parlements nationaux. Les
prérogatives du Parlement européen devraient en outre être
encadrées de manière à accroître son
efficacité "
(p. 28).
En 1996, votre Rapporteur, étudiant la question du mode
d'élection pour les élections européennes, avait
également estimé que
" l'élection au suffrage
universel des parlementaires européens aurait dû être
accompagnée de la rédaction d'une " loi fondamentale "
définissant les compétences exactes du Parlement européen,
préconisant clairement ce qu'il peut faire et ce qu'il ne peut pas
faire " (4(
*
))
A la lecture du traité, on ne peut que constater que cet appel à
la rationalisation et au renforcement de l'efficacité des travaux du
Parlement européen n'a pas été entendu. Le seul
élément en ce sens est le plafonnement du nombre de
députés européens à 700, dans la perspective des
élargissements futurs de l'Union européenne.
D'autres évolutions auraient pourtant été
nécessaires. Ainsi, le Parlement européen ne devrait-il avoir
à se prononcer que sur des textes réellement législatifs,
c'est-à-dire fixant des règles fondamentales ; trop souvent,
aujourd'hui, il doit statuer sur une multitude de textes d'ordre technique, qui
viennent s'ajouter aux nombreuses résolutions qu'il adopte de sa propre
initiative sur les sujets les plus variés, brouillant la perception de
la répartition des compétences entre les institutions de l'Union.
Aucun texte ne venant encadrer ses compétences, l'Assemblée de
Strasbourg a par ailleurs tendance à chercher en permanence une
extension de ses prérogatives. La signature d'accords
interinstitutionnels avec le Conseil et la Commission européenne a
été l'instrument privilégié de cet effort au cours
des dernières années. Ces accords, parfois prévus par le
traité, sont normalement destinés à résoudre un
différend entre les institutions communautaires ; mais certains d'entre
eux ont permis au Parlement européen de se voir reconnaître,
notamment en matière de discipline budgétaire, des pouvoirs que
les traités ne lui accordaient pas.
Toujours en matière budgétaire, le Parlement européen a
essayé d'accroître ses prérogatives en tentant de modifier
la classification entre dépenses obligatoires et dépenses non
obligatoires au sein du budget communautaire : sur les dépenses non
obligatoires, le Parlement détient en effet le dernier mot dans la
procédure budgétaire, alors qu'au contraire, sur les
dépenses obligatoires, le Conseil européen décide en
dernier ressort. Aucune clarification n'ayant été apportée
par le traité d'Amsterdam dans ces domaines, l'on peut craindre de voir
resurgir des différends entre le Parlement européen et le Conseil
des ministres sur l'étendue de leurs responsabilités respectives.
· Par ailleurs, un des aspects du renforcement des pouvoirs du Parlement
européen pourrait être particulièrement source de
difficultés. L'article J 18 introduit par le nouveau traité
prévoit en effet que les dépenses opérationnelles de la
politique étrangère et de sécurité commune sont
à la charge du budget communautaire, sauf en matière de
défense et lorsque le Conseil en décide autrement à
l'unanimité. Le même article dispose en outre que
" la
procédure budgétaire fixée dans le traité
constituant la Communauté européenne s'applique aux
dépenses [de la PESC] qui sont à la charge du budget des
Communautés européennes "
, ce qui signifie que ces
dépenses sont classées parmi les dépenses non
obligatoires.
Un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil et
la Commission européenne, apporte des précisions sur la
procédure applicable en cette matière. En vertu de cet accord, le
Conseil et le Parlement européen doivent parvenir chaque année
à un accord sur le montant des dépenses opérationnelles de
la PESC. A défaut d'accord, le montant inscrit au budget
précédent sera reconduit, sauf si la Commission propose de
diminuer ce montant. Dans ces conditions, le Conseil ne peut imposer sa
volonté contre l'avis du Parlement européen.
Cette évolution paraît difficilement justifiable. Le Parlement
européen se voit en effet reconnaître des prérogatives
importantes à l'égard du budget de la PESC, alors qu'il n'a qu'un
pouvoir consultatif dans cette matière qui demeure essentiellement
intergouvernementale. On perçoit mal la cohérence d'une telle
formule ; toujours est-il qu'elle ne manquera pas d'encourager le Parlement
à poursuivre ses efforts pour voir disparaître la distinction
entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires. Les
dépenses de la politique de l'Union la plus intergouvernementale ayant
désormais un statut très proche de celui des dépenses non
obligatoires, il deviendra notamment de plus en plus difficile de justifier le
maintien d'un régime de dépenses obligatoires pour une politique
aussi intégrée que la politique agricole commune.
Les pouvoirs étendus que reçoit ainsi le Parlement
européen dans le domaine de la PESC contrastent par ailleurs avec
l'absence de rôle reconnu aux Parlements nationaux dans ce domaine. Le
protocole sur les Parlements nationaux annexé au traité, qui leur
accorde un délai minimum pour l'examen des propositions communautaires,
ne concerne pas les textes relatifs à la PESC. Les dispositions du
même protocole relatives à la COSAC prévoient que celle-ci
pourra examiner les propositions d'actes en relation avec la mise en place d'un
espace de liberté, de sécurité et de justice, mais
n'évoquent pas la PESC. On peut s'interroger sur la pertinence d'un
dispositif qui, à propos d'une politique essentiellement
intergouvernementale, élargit les prérogatives du Parlement
européen tout en ignorant les Parlements nationaux.
· Au total, il est à craindre que le renforcement des pouvoirs du
Parlement européen, dans la mesure où il ne s'accompagne ni d'un
meilleur encadrement des travaux de cette Assemblée, ni d'une
réforme du fonctionnement de la Commission et du Conseil, n'aboutisse
à altérer un équilibre institutionnel déjà
fragilisé par le dernier élargissement de l'Union.
L'absence de clarification dans certains domaines -notamment la classification
des dépenses budgétaires et les questions de
" comitologie "
(5(
*
))
- qui ont
donné lieu au cours dernières années à
d'incessantes controverses, apparaît comme un facteur
supplémentaire de risque d'instabilité.
d) Les coopérations renforcées
Tout au long de la CIG, le thème des
coopérations renforcées est apparu comme une possible solution de
rechange devant la difficulté à obtenir l'unanimité pour
réviser en profondeur les traités.
Un consensus pour " avancer " à quinze paraissant très
incertain, et appelé à le devenir de plus en plus à mesure
des nouveaux élargissements, il semblait que la seule solution pour
dépasser le dilemme " approfondissement ou
élargissement " était de permettre aux Etats qui en avaient
la volonté et la capacité de réaliser ensemble certains
approfondissements de la construction européenne, dans le respect de
l'acquis communautaire, les autres Etats ayant la faculté de les
rejoindre ultérieurement.
Cette perspective a cependant suscité d'âpres débats. Les
partisans de l'" orthodoxie communautaire " ont eu tendance
à
considérer avec circonspection les formules de différenciation
autres que celles permettant aux Etats membres d'avancer à des rythmes
différents vers le même point, l'idée d'une
différenciation non limitée dans le temps leur paraissant porter
atteinte à la vocation fédérale de l'Union. Les Etats les
plus bénéficiaires de l'effort de cohésion
économique et sociale craignaient, quant à eux, de ne plus
être des membres à part entière d'une Union plus
différenciée et de moins pouvoir bénéficier, dans
ces conditions, de la solidarité financière communautaire.
Le dispositif finalement retenu par le traité se ressent de ces
débats et soumet les coopérations renforcées à de
fortes contraintes.
Tout d'abord, tout Etat membre peut bloquer le lancement d'une
coopération renforcée en invoquant des
" raisons de
politique nationale importantes
"
. Aucun contrôle de la
Cour de justice n'est possible sur la nature des raisons
invoquées : en effet, aux termes du traité, dès lors
qu'un Etat fait jouer cette clause, il n'est pas procédé à
un vote, ce qui a pour conséquence qu'il n'existe pas
d'élément positif pouvant servir de base à un recours.
Ainsi, chaque Etat dispose d'un pouvoir souverain de blocage. (Il en est de
même dans le cas de la PESC, où la formule des
" coopérations renforcées " est remplacée par
celle de " l'abstention constructive ").
Ensuite, le Parlement européen et la Commission jouent leur rôle
dans la mise en oeuvre des coopérations renforcées avec la
totalité de leurs membres. Compte tenu de l'extension des pouvoirs du
Parlement européen, une éventuelle coopération
renforcée dans le premier pilier sera, dans de nombreux domaines, mise
en oeuvre en codécision avec cette Assemblée, ce qui aura pour
effet que des parlementaires dont l'Etat ne participera pas à la
coopération renforcée participeront néanmoins à la
prise des décisions.
Enfin, les coopérations renforcées sont soumises à des
conditions de lancement (exigence d'une majorité d'Etats membres), de
fond (exigence d'utilisation seulement en dernier ressort) et de
procédure (exigence d'ouverture à tous les Etats membres,
principe de la possibilité pour les non-participants de se joindre
ultérieurement à la coopération renforcée) qui
tendent à enfermer l'utilisation de cet instrument dans
d'étroites limites.
Ainsi encadrée, la formule des coopérations renforcées
répondra difficilement aux espoirs placés en elle. Conçue
au départ comme un moyen d'éviter d'avoir à obtenir
l'unanimité, elle ne pourra en pratique être mise en oeuvre que
sur la base d'un consensus. Ces dispositions nouvelles ne peuvent donc
paraître, au total, comme une compensation à l'absence de
réforme institutionnelle préparant l'élargissement.
e) Les Parlements nationaux et la subsidiarité
· Le protocole sur l'application du principe de
subsidiarité qui est annexé au nouveau traité revient,
pour l'essentiel, à confirmer l'interprétation et les pratiques
adoptées depuis le Conseil européen d'Edimbourg à la fin
de 1992. Ce principe reste donc privé de garantie d'application et il
n'y a pas lieu de s'attendre à le voir jouer un plus grand rôle
dans la vie de la Communauté. Cette consécration du
statu
quo
paraît d'autant plus discutable que, dans la perspective de
l'élargissement, il serait manifestement souhaitable que l'Union se
concentre davantage sur ses missions essentielles.
· Le protocole sur les Parlements nationaux comprend, quant à lui,
deux aspects bien distincts.
Le premier tend à garantir un délai de six semaines pour l'examen
des propositions législatives de la Commission, relevant du premier ou
du troisième pilier, avant que le Conseil ne se prononce à leur
sujet. L'intérêt pratique de cette disposition dépendra
étroitement de l'interprétation que le Conseil donnera de la
notion de " proposition législative ".
Le second aspect consiste à officialiser la COSAC. Cette reconnaissance
conduira-t-elle cet organisme à chercher à jouer un plus grand
rôle qu'aujourd'hui ? Faute d'accorder explicitement un rôle
consultatif à la COSAC, le protocole n'est pas en lui-même de
nature à lui faire renoncer au principe du consensus qui a
jusqu'à présent limité la portée de ses travaux. Ce
sont donc les conclusions que la COSAC tirera elle-même du protocole qui
en feront ou non la base d'une association collective plus étroite des
Parlements nationaux aux activités de l'Union.
· D'une manière générale, l'objectif de donner
à l'Union un fonctionnement plus démocratique n'a reçu
qu'une traduction limitée dans le traité. Certes, les pouvoirs du
Parlement européen sont accrus, mais sans que sa
représentativité soit améliorée ; la
pondération des votes au Conseil reste également
inchangée, et l'association des Parlements nationaux ne progresse
guère.
2. Des progrès mesurés dans les autres domaines
a) Le renforcement de la dimension sociale et humaine
· Le nouveau chapitre sur l'emploi, principalement
destiné à montrer que cette préoccupation centrale des
opinions publiques a été prise en compte, n'ouvre pas la voie
à un transfert à l'échelon communautaire de la politique
de l'emploi -transfert dont on voit mal, au demeurant, quelle valeur
ajoutée il ajouterait en lui-même à l'efficacité de
la lutte contre le chômage.
Il est en réalité de l'intérêt de l'Union que la
politique de l'emploi soit menée à l'échelon national. Les
résultats de la politique menée par chaque Etat sont
mutatis
mutandis
un enseignement pour tous les autres ; il y aurait beaucoup moins
d'enseignements à tirer des résultats d'une politique de l'emploi
unique. En outre, les conséquences néfastes d'une politique
erronée seraient plus graves si celle-ci affectait simultanément
l'ensemble des marchés du travail en Europe. Enfin, il est
nécessaire d'avoir des politiques tenant compte des
caractéristiques propres à chaque marché du travail.
C'est donc à juste titre que les nouvelles dispositions sur l'emploi ne
prévoient pas de mécanisme contraignant pour les Etats membres,
mais seulement une coordination pouvant déboucher sur des
recommandations ou des incitations. Les gouvernements pourront trouver dans ce
dispositif un appui pour faire accepter aux opinions publiques certaines
évolutions.
· L'intégration au traité du protocole social, qui
consacre la fin de l'" exception britannique " dans ce
domaine, est
un point positif. Les prescriptions minimales qui sont de la compétence
de la Communauté ont pour raison d'être d'éviter un
" dumping social " entre les Etats membres : elles ne
prennent
tout leur intérêt que si tous les appliquent.
· La meilleure prise en compte des droits sociaux dans les articles
définissant les principes de base de la Communauté doit
également être soulignée, même si les
conséquences concrètes sur les politiques menées en seront
vraisemblablement réduites.
· Enfin, le renforcement de la dimension sociale et humaine s'est traduit
par l'acceptation de certaines demandes de la France. Il en est ainsi de la
reconnaissance plus explicite de la nécessité de permettre aux
" services d'intérêt général "
d'être en mesure d'
" accomplir leurs missions "
. Il
en
est de même des dispositions prévoyant des
" mesures
spécifiques "
pour les régions
ultrapériphériques.
En revanche, la déclaration concernant les Pays et territoires
d'Outre-mer est des plus décevantes, puisqu'elle prévoit un
simple réexamen du régime d'association, alors que cette formule
n'est manifestement plus adaptée à la situation de ces
territoires, dont les problèmes spécifiques appelleraient une
révision du traité lui-même.
b) Une réforme limitée des piliers intergouvernementaux
· Le traité d'Amsterdam apporte certains
progrès dans la définition d'un cadre pour la PESC :
l'introduction du vote à la majorité qualifiée au stade
des mesures d'application (sous réserve du droit de veto de chaque Etat
pour des "
raisons de politique nationale
importantes
"), et
celle de l'" abstention constructive " permettant à un Etat
membre de se dissocier d'une action qu'il n'entend pas pour autant bloquer,
sont autant d'éléments de souplesse supplémentaires.
Le nouveau système de représentation extérieure de
l'Union paraît plus rationnel que la formule de la
" troïka " et plus à même de favoriser une certaine
crédibilité.
Le changement de statut du secrétaire général du Conseil,
qui aura désormais dans ses attributions le rôle de Haut
représentant pour la PESC et aura sous sa responsabilité
l'"
unité de planification et d'alerte rapide
" dont
le
traité prévoit la création, répond partiellement
à la demande française de renforcement de la cohérence, de
la continuité et de la " visibilité " de la PESC d'une
manière conforme au caractère intergouvernemental de cette
politique.
Néanmoins, la portée de ces dispositions nouvelles ne doit pas
être surestimée.
L'amélioration des " outils " de la PESC ne saurait, à
elle seule, favoriser l'affirmation de l'Union sur la scène
internationale dès lors qu'une volonté politique en ce sens n'est
pas réellement partagée par les Etats membres. Or, le refus de
l'intégration de l'UEO dans l'Union, comme celui de donner clairement un
profil " politique " au Haut représentant, suggèrent
que le chemin qui reste à faire est plus important que le chemin
parcouru.
Par ailleurs, le droit de regard accordé au Parlement européen
sur les dépenses de la PESC altère la cohérence du
dispositif et risque d'associer bien inutilement cette politique d'essence
intergouvernementale aux incertitudes institutionnelles qui
caractérisent aujourd'hui la Communauté.
· La réforme du troisième pilier peut paraître assez
éloignée de l'objectif initialement assigné à la
CIG de parvenir à des mécanismes permettant de lutter plus
efficacement contre la délinquance internationale.
Le transfert dans le premier pilier d'une partie des questions relevant du
troisième pilier -notamment la libre circulation des personnes, l'asile,
l'immigration, la coopération judiciaire en matière civile-
s'effectue certes dans le respect des conditions essentielles posées par
la France, notamment en ce qui concerne le maintien intégral de
l'" acquis Schengen ".
Toutefois, des raisons d'efficacité avaient été
présentées comme la principale justification de ce transfert. Or,
la règle de l'unanimité est maintenue pour les cinq années
suivant l'entrée en vigueur du traité, et son abandon partiel ou
total à l'issue de cette période suppose une décision
unanime du Conseil
(6(
*
))
. En outre, le traité
est ainsi rédigé, sur ce point, qu'un passage à la
majorité qualifiée s'accompagne nécessairement d'un
pouvoir de codécision pour le Parlement européen. Il n'est pas
certain, dès lors, que le passage à la majorité
qualifiée puisse être le gage d'une efficacité accrue et
l'on peut penser que certains Etats membres hésiteront d'autant plus
à abandonner, le moment venu, la règle de l'unanimité.
La réforme du troisième pilier " maintenu " contient
des aspects positifs, en particulier l'élargissement des objectifs de la
coopération en matière pénale, l'assouplissement du
régime des conventions et l'introduction de la possibilité
d'adopter des " décisions-cadres " portant sur le
rapprochement des législations et réglementations.
Cependant, la CIG n'a pas donné satisfaction à la demande
formulée par la France d'introduire le vote à la majorité
qualifiée pour instaurer des règles minimales relatives aux
éléments constitutifs des infractions pénales et aux
sanctions applicables dans les domaines de la criminalité
organisée, du terrorisme et du trafic de drogue. On peut craindre, dans
ces conditions, que les nouvelles dispositions n'apportent pas à la
coopération dans ces domaines le " saut qualitatif " dans
l'efficacité qui serait nécessaire face au développement
de la criminalité transfrontière.
B. QUELQUES REMARQUES PLUS GENERALES
1. Une occasion manquée
a) Un bilan décevant
Il est assez facile de dresser le bilan des
négociations, longues et mûrement préparées, qui ont
conduit au traité d'Amsterdam.
Sur ce qui paraissait constituer le principal enjeu de la CIG,
c'est-à-dire la réforme des institutions dans la perspective de
l'élargissement, la CIG n'a permis aucun progrès.
Quelques avancées non négligeables ont été
accomplies dans le sens d'un renforcement de la PESC, mais elles ne
s'accompagnent d'aucun véritable progrès dans le domaine de la
défense, et la cohérence du dispositif est altérée
par le classement des crédits de la PESC en dépenses non
obligatoires.
La réforme du troisième pilier aboutit à un dispositif
complexe qui risque de ne pas apporter le surcroît d'efficacité
qui serait nécessaire dans la lutte contre la grande délinquance
internationale.
L'affirmation plus explicite de la dimension humaine et sociale de la
Communauté répond à une attente des opinions, mais les
orientations fondamentales de la construction européenne ne s'en
trouveront pas bouleversées.
Sur un certain nombre de points particuliers, à la demande de tel ou tel
pays ou groupe de pays, le nouveau traité va combler des lacunes. La
France a ainsi obtenu au moins partiellement satisfaction pour certaines de ses
demandes ponctuelles : meilleure reconnaissance de la notion de service public,
statut particulier des DOM, confirmation du siège du Parlement
européen...
Mais, au total, le seul changement vraiment saillant qu'apporte le nouveau
traité, c'est une augmentation importante des pouvoirs du Parlement
européen, thème qui n'est apparu à aucun moment comme une
priorité commune dans les négociations.
Ce dernier aspect s'explique notamment par l'évolution de la position de
la France dans la phase ultime des négociations. Traditionnellement
réticente vis-à-vis d'un renforcement des pouvoirs du Parlement
européen, la France était réservée sur l'extension
du champ de la procédure de codécision, et s'opposait en tout
état de cause à une réforme de cette procédure ; en
même temps, elle avait laissé entendre qu'elle pourrait se rallier
à une extension de la codécision si ses propres demandes
institutionnelles, notamment la repondération des votes au Conseil,
étaient acceptées en contrepartie. Or, finalement, la France n'a
pas obtenu satisfaction sur ses demandes institutionnelles et a
néanmoins accepté non seulement l'extension de la
codécision, mais encore la réforme de celle-ci. C'est ce qui a
amené certains observateurs à considérer que la France,
ayant été amenée à faire d'importantes concessions
sans obtenir de contrepartie, avait cessé d'apparaître comme un
acteur central ou du moins " incontournable ".
Mais, au-delà des considérations d'ordre national, le principal
inconvénient du traité d'Amsterdam est de ne pas avoir
levé l'hypothèque institutionnelle, alors que l'Union va devoir
affronter, dans les années qui viennent, plusieurs
échéances capitales : achèvement de l'Union
économique et monétaire, élargissement à l'Est,
redéfinition des perspectives financières et réforme des
fonds structurels, relance des négociations commerciales internationales
et poursuite de la réforme de la politique agricole commune.
Si la CIG avait réussi à réformer les institutions
communautaires, l'Union aurait été plus forte pour affronter ces
échéances et, en même temps, les controverses
institutionnelles n'auraient pu " polluer " ces négociations
déjà difficiles en elles-mêmes.
Dès lors, même si le traité d'Amsterdam améliore sur
certains points le traité de Maastricht, on peut le considérer,
au total, comme une occasion manquée. La durée et l'ampleur des
négociations, l'importance si souvent soulignée des enjeux,
laissaient espérer autre chose ; la montagne a accouché -non sans
mal- d'une souris.
b) Des négociations peu structurées
La CIG semble avoir manqué d'une ligne directrice
suffisamment nette. Initialement prévue pour régler certaines
questions sur lesquelles les Etats membres n'avaient pu se mettre d'accord lors
des négociations du traité de Maastricht, elle a
été - à la suite des controverses qui ont entouré
l'élargissement de l'Union à l'Autriche, la Finlande et la
Suède - chargée d'adapter les institutions de l'Union à la
perspective d'un nouvel élargissement ; en outre, dans le cours des
négociations, le renforcement de la " dimension humaine et
sociale " de l'Union est devenu un des enjeux du nouveau traité.
Ainsi, alors que l'Acte unique était clairement centré sur
l'achèvement du marché intérieur, et le traité de
Maastricht sur l'union économique et monétaire, l'enjeu de la
nouvelle CIG n'apparaissait pas aussi nettement et n'était pas
perçu de la même manière par tous les Etats membres.
La CIG a aussi - et peut-être surtout - souffert de l'absence d'une force
d'impulsion et d'entraînement, d'un " leadership ". La
Commission européenne, gênée par le débat sur sa
composition et par la pression du Parlement européen, n'a joué
qu'un rôle effacé. L'axe franco-allemand, à la
différence des précédentes négociations, ne s'est
pas traduit par des initiatives de nature à orienter la CIG : les
documents présentés en commun, d'un contenu souvent très
général et peu précis, n'étaient pas de nature
à sortir la Conférence de l'impasse.
Dans ces conditions, les délégations n'étaient pas
véritablement contraintes de se situer par rapport à une approche
constructive ; elles ont eu dès lors tendance à adopter des
attitudes défensives privilégiant les considérations
d'ordre interne :
- l'Allemagne, qui défendait au départ une approche ambitieuse,
notamment au sujet de la réforme du troisième pilier et de
l'extension de la majorité qualifiée, a fini au contraire par
adopter une position restrictive, semble-t-il sous l'influence des
gouvernements des Länder ;
- la Grande-Bretagne, en adoptant pour des raisons de politique
intérieure une attitude de réserve systématique, s'est
trouvée " hors jeu " pendant la majeure partie de la
Conférence ;
- l'Italie et l'Espagne, principalement soucieuses de participer sans retard
à l'Union économique et monétaire et de préserver
la politique de cohésion, avaient d'autres priorités que les
questions institutionnelles ;
- les " petits " pays ont cherché avant tout à
éviter une diminution de leur poids dans les institutions.
Ce contexte n'était pas favorable aux ambitieux projets de
réforme institutionnelle présentés par la France : une
Commission resserrée, plus collégiale et plus responsable, une
plus juste pondération des votes au Conseil, une association plus
étroite des Parlements nationaux, le développement d'une
identité de défense par l'intégration de l'UEO à
l'Union ; n'ayant pu entraîner la Conférence dans cette voie,
la France a finalement abandonné l'essentiel de ses exigences.
c) La CIG, l'euro et l'élargissement
La CIG s'est trouvée également handicapée
par le fait d'être en concurrence avec deux grandes
échéances -qui sont aussi deux défis pour l'Union- la
réalisation de l'union monétaire et l'élargissement
à l'Est. Pour ne gêner en rien ces deux grandes affaires, il
était fondamental de conclure la CIG rapidement et de ne provoquer
aucune crise entre les Etats membres. Les conséquences de cette attitude
s'avèrent néanmoins ambiguës.
· En ce qui concerne l'union économique et monétaire,
l'achèvement de la CIG dans les délais prévus a fait
disparaître une des dernières incertitudes pesant sur la mise en
place de l'euro. Le respect du calendrier de l'union monétaire
paraît plus assuré que jamais.
En même temps, la minceur des résultats de la CIG risque de
créer des difficultés non pour l'union monétaire
elle-même, mais pour ses mesures d'accompagnement.
L'absence d'amélioration du processus de décision pourrait
-surtout si le choix des Etats participant à la monnaie unique
dès son lancement suscitait des clivages importants entre les pays
membres- entraver les efforts d'harmonisation qui se révéleront
sans doute nécessaires, notamment dans le domaine fiscal, lorsque
l'union monétaire fera sentir ses effets. Les lourdes contraintes
posées à l'égard des coopérations renforcées
permettront difficilement d'utiliser cet instrument pour faire fonctionner la
" zone euro " à supposer que celle-ci ne regroupe qu'une
partie des Etats membres. D'une manière générale, la
persistance inévitable des controverses institutionnelles durant les
prochaines années ne favorisera pas la cohésion politique qui
serait souhaitable pour franchir ce cap entouré de nombreuses inconnues.
· En ce qui concerne l'élargissement à l'Est, la
conclusion de la CIG ouvre la voie à l'ouverture des négociations
au début de l'année prochaine. Néanmoins, les faiblesses
du traité d'Amsterdam aboutiront à une interférence entre
le processus d'élargissement et la recherche d'une solution aux
problèmes institutionnels laissés non résolus. Le
protocole sur les institutions annexé au traité établit
ainsi un lien entre le premier élargissement qui fera suite à la
ratification du traité et une réduction des effectifs de la
Commission à un national par Etat membre, mais sous réserve d'un
accord sur la pondération des votes au Conseil. Dès l'origine,
l'élargissement à l'Est sera donc inextricablement
mêlé aux controverses institutionnelles, et cette
difficulté se poursuivra dans le temps, puisque le même protocole
prévoit un "
réexamen complet
" des dispositions
institutionnelles lorsque l'Union sera sur le point de compter plus de vingt
membres.
L'élargissement à l'Est traduira la réunification du
continent après la fin de la guerre froide ; un Etat qui
" prendrait en otage " ce processus dans le cadre de
négociations institutionnelles verrait sa crédibilité
durablement entamée, compte tenu de la portée historique de
l'enjeu. On a donc peine à imaginer que la poursuite de la controverse
institutionnelle puisse aboutir à un blocage de l'élargissement,
même si certains Etats membres -voire le Parlement européen-
brandissent périodiquement une telle menace. Mais il est clair que le
mélange des genres entre élargissement et révision
institutionnelle nuira à l'un comme à l'autre de ces processus.
La manière dont l'élargissement sera appréhendé
sera tributaire d'arrière-pensées institutionnelles, et c'est
probablement une Union déjà élargie qui devra, à
l'unanimité, procéder au "
réexamen
complet
" de ses institutions.
2. Quels enseignements ?
· Le maigre bilan de la CIG incite certains à
remettre en cause la procédure même de révision des
traités, qui devrait selon eux, reposer sur l'intervention d'une sorte
d'"assemblée constituante ", dont les travaux seraient
éventuellement préparés par un " comité des
sages ".
On peut toutefois remarquer que, en tout état de cause, puisque la
procédure de révision est définie par les traités,
une modification de cette procédure ne pourrait résulter que
d'une conférence intergouvernementale, c'est-à-dire d'un accord
unanime des Etats membres. Mais comment les Etats membres, après n'avoir
pu s'accorder sur une réforme institutionnelle de quelque ampleur,
seraient-ils soudain unanimes pour s'engager dans une démarche de
réforme bien plus radicale que les projets qui viennent
d'échouer ?
De plus - à moins de prévoir la suppression des ratifications
nationales - on voit mal comment une procédure du type
" assemblée constituante " permettrait de s'assurer du
nécessaire consensus des Etats membres.
Au demeurant, une telle procédure serait-elle plus démocratique
que la procédure actuelle ? La CIG s'est déroulée, en
bonne partie, sous le regard des Parlements nationaux qui, dans nombre des
Etats membres, ont entretenu un dialogue régulier avec leur
Gouvernement, donnant ainsi un caractère démocratique à
l'exercice. L'intervention du Parlement européen - préfigurant ce
que pourrait être celle d'une " assemblée constituante "
- paraît avoir, quant à elle, pris des formes assez
éloignées des canons du contrôle démocratique :
d'une part, seuls les deux groupes les plus importants du Parlement
européen ont pu effectivement jouer un rôle, et d'autre part, les
négociations sur l'extension des pouvoirs du Parlement européen
et sur la procédure budgétaire applicable à la PESC ont
été l'aspect le plus opaque de la CIG.
Même du strict point de vue de l'efficacité, l'exemple n'est
d'ailleurs guère plus probant, puisque le Parlement européen
n'est parvenu à prendre position que sur certains aspects seulement de
la CIG (ceux concernant ses propres pouvoirs).
S'agissant enfin de l'intervention d'un " comité des
sages " -
expédient ô combien classique - ne serait-ce pas là
empiéter sans nécessité sur le rôle de
médiation et de proposition incombant à l'Etat exerçant la
présidence ainsi qu'à la Commission européenne ?
Au total, les arguments en faveur d'une réforme de la procédure
de révision ne semblent guère convaincants ; comme on peut par
ailleurs douter de leur réalisme, il paraît probable que les
révisions ultérieures des traités continueront à
s'effectuer dans le cadre actuel.
· En tout état de cause, la marge pour des réformes
institutionnelles paraît désormais très étroite.
La résistance victorieuse des " petits " pays ne manquera
pas
de les inciter à persévérer dans leur opposition aux
tentatives de réduire leur surreprésentation au sein des
institutions de l'Union.
En conséquence, l'idée française d'une
Commission
resserrée
, avec moins de commissaires que d'Etats membres, n'a
manifestement que des chances limitées d'aboutir dans un avenir
prévisible. On peut se demander si le résultat le plus tangible
du lancement du débat sur cette idée n'aura pas
été, finalement, de mettre sur la sellette le second commissaire
des " grands " Etats.
Le thème de la
repondération des votes au Conseil
n'a pas
été écarté des conclusions de la Conférence.
Il est clair, néanmoins, qu'il sera désormais très
difficile d'obtenir une évolution satisfaisante sur ce point. Les
" petits " Etats membres continueront en effet à faire
valoir
le risque d'un refus de ratification si leur place au sein du Conseil devait
diminuer. De plus, la CIG a montré que les tentatives de
repondération posaient la question de l'équilibre non seulement
entre le groupe des " grands " et celui des
" petits "
Etats membres, mais aussi au sein de chacun de ces deux groupes. Dans ces
conditions, le risque est grand de voir la plupart des Etats membres se
rallier, le moment venu, à la formule de la " double
majorité " (qui consiste à ajouter à l'exigence de la
majorité qualifiée en voix, calculée avec la
pondération actuelle, un critère de majorité
qualifiée démographique) : or, cette solution présenterait
pour la France l'inconvénient de rompre
de facto
au sein du
Conseil la parité avec l'Allemagne qui a déjà disparu au
sein du Parlement européen.
Quoi qu'il en soit, les difficultés rencontrées par la CIG
suggèrent qu'une repondération, si elle intervient, restera d'une
ampleur limitée : la surreprésentation des " petits "
Etats sera atténuée, non supprimée, cela alors même
que l'élargissement à l'Est va accentuer encore le
déséquilibre entre " grands " et
" petits "
Etats. Par ailleurs, une éventuelle repondération aura un
coût pour les " grands " Etats, puisque les conclusions de
la
CIG la subordonnent à la suppression du second commissaire de ces
derniers. En outre, alors que la France avait tout au long de la
Conférence établi un lien entre l'extension du champ des
décisions à la majorité qualifiée et la mise en
place d'une nouvelle pondération, ce lien a été finalement
abandonné lors du Conseil européen d'Amsterdam ; les moyens
de pression disponibles sont donc désormais réduits.
Sur
l'association des Parlements nationaux
, la CIG paraît avoir
épuisé la marge de progrès disponible, compte tenu des
réticences des pays nordiques et des réserves du
Parlement européen.
Enfin, même si la Conférence a débouché sur un
renforcement des instruments de la PESC, elle a également
consacré l'absence d'une volonté politique commune de donner
naissance à une
identité européenne de
défense
, dont la première étape eut été
l'intégration de l'UEO à l'Union. Comme l'élargissement
à l'Est semble devoir conforter cette tendance, on peut conclure que,
dans ce domaine également, les perspectives d'avancées
importantes sont désormais très restreintes pour l'avenir proche.
· Dans ces conditions, la réalisation de l'Union
économique et monétaire apparaît plus que jamais comme le
ciment essentiel de la construction européenne dans les années
qui viennent.
La physionomie de l'Europe à venir semble être dès lors
celle d'une union économique, certes fortement structurée par des
politiques communes et par une union monétaire, mais sans
véritable dimension politique au sens d'une volonté d'agir
ensemble et d'affirmer une identité commune sur la scène
internationale.
Depuis les débuts de la construction européenne, la France a
considéré que celle-ci était -au prix de restrictions de
sa souveraineté- le seul moyen pour elle de retrouver, en liaison avec
ses partenaires, une influence politique perdue. Les pertes de
souveraineté sont aisément constatables ; le regain d'influence
politique qui devait les récompenser est plus difficile à
percevoir. A l'issue de la CIG, l'Europe paraît pencher plus vers une
" zone de libre échange améliorée " que vers un
ensemble politique ayant un rayonnement autonome.
EXAMEN DU RAPPORT PAR LA DELEGATION
La délégation s'est réunie le 1er
octobre, sous la présidence de M. Jacques Genton, pour l'examen du
présent rapport.
M. Christian de La Malène
a tout d'abord
présenté les principales dispositions du traité, abordant
tour à tour les questions institutionnelles et les modifications
apportées à chacun des trois piliers de l'Union
européenne. Puis, dans un second temps, il a apporté des
éléments d'appréciation sur ce texte, en soulignant
notamment les points suivants :
- le traité renvoie à plus tard la solution du principal
problème qu'il avait à résoudre, l'adaptation des
institutions dans la perspective de l'élargissement ; le protocole
mentionnant la nécessité d'une réforme avant
l'élargissement n'offre aucune garantie véritable car il est
rédigé en de tels termes qu'il n'a pas par lui-même de
force obligatoire ;
- le seul changement important est l'accroissement des pouvoirs du Parlement
européen ; en l'absence d'une réforme corrélative de
la Commission et du Conseil, il pourrait altérer l'équilibre des
institutions et porter atteinte à l'indépendance de la Commission
qui était un des éléments essentiels du système
institutionnel communautaire ;
- quelques avancées non négligeables ont été
accomplies dans le sens d'un renforcement de la PESC, mais elles ne
s'accompagnent d'aucun véritable progrès dans le domaine de la
défense, et la cohérence du dispositif est compromise par le
classement des crédits de la PESC en dépenses non
obligatoires ;
- la réforme du troisième pilier aboutit à un dispositif
complexe qui risque de ne pas apporter le surcroît d'efficacité
qui serait nécessaire dans la lutte contre la grande délinquance
internationale ;
- l'affirmation plus explicite de la dimension humaine et sociale de la
Communauté répond à une attente des opinions, mais les
orientations fondamentales de la construction européenne ne s'en
trouveront pas bouleversées ;
- sur un certain nombre de points particuliers, à la demande de tel ou
tel pays ou groupe de pays, le nouveau traité va combler des lacunes. La
France a ainsi obtenu au moins partiellement satisfaction pour certaines de ses
demandes ponctuelles : meilleure reconnaissance de la notion de service
public, statut particulier des DOM, confirmation du siège du Parlement
européen...
Concluant son propos, M. Christian de La Malène a
estimé que la réalisation de l'Union économique et
monétaire apparaissait plus que jamais comme le ciment essentiel de la
construction européenne dans les années qui viennent, et que,
dès lors, la physionomie de l'Europe à venir semblait celle d'une
union économique, certes fortement structurée par des politiques
communes et par une union monétaire, mais sans véritable
dimension politique au sens d'une volonté d'agir ensemble et d'affirmer
une identité commune sur la scène internationale.
Enfin, il a ajouté que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel
donnait à penser qu'il serait nécessaire de réviser la
Constitution préalablement à la ratification du traité
d'Amsterdam.
M. Jacques Genton s'est félicité que le rapport donne
une vue d'ensemble des problèmes posés par le traité
d'Amsterdam.
M. Xavier de Villepin a demandé des précisions sur la
date de ratification du traité et sur l'initiative conjointe de la
Belgique, de la France et de l'Italie pour une relance du processus de
réforme. Il s'est interrogé sur l'éventualité d'un
résultat négatif lors du référendum au Danemark.
M. Christian de La Malène a indiqué que,
compte tenu des risques d'interférence entre le débat sur le
traité et les décisions sur l'euro, il lui paraissait probable
que le processus de ratification s'engagerait plutôt dans la
deuxième moitié du premier semestre de 1998. Il a
précisé que l'initiative évoquée avait pris la
forme d'une déclaration annexée au traité, sans
portée contraignante, soulignant la volonté des signataires
d'établir un lien entre la réforme des institutions et les
premières négociations d'élargissement, et mettant
l'accent sur la nécessité d'étendre le champ des
décisions à la majorité qualifiée.
M. Denis Badré a exprimé sa perplexité devant le
dispositif prévu pour les coopérations renforcées,
craignant que ce nouveau dispositif ne décourage les coopérations
renforcées à l'extérieur de l'Union tout en les rendant
très difficiles à l'intérieur de celle-ci, même si
le nouveau texte ouvre malgré tout certaines possibilités. Il
s'est déclaré déçu par l'absence de réforme
institutionnelle préalable à l'élargissement. Le
Gouvernement, a-t-il estimé, a commis une erreur en relançant
inutilement le débat sur le pacte de stabilité au moment
même où les négociations institutionnelles entraient dans
leur phase finale. Le protocole sur les institutions annexé au
traité, a-t-il ajouté, n'offre aucune garantie, et la
déclaration de la Belgique, de la France et de l'Italie n'a en
réalité qu'une portée réduite. Concluant son
propos, il s'est interrogé sur l'opportunité de ralentir le
processus d'élargissement, la réforme des institutions devant
être prioritaire.
M. Christian de La Malène a souligné que
l'élargissement à l'Est était un processus de
portée historique et de caractère irrésistible, tandis
que le déroulement de la Conférence intergouvernementale avait
montré qu'il n'existait pas de véritable mouvement de fond pour
une réforme des institutions. Cet écart, a-t-il ajouté,
est d'autant plus préoccupant qu'il sera plus difficile encore de
réformer les institutions quand l'Union aura entamé son
élargissement.
M. Denis Badré a estimé que, dans ces conditions, on ne
pouvait plus que compter sur le rôle intégrateur de l'euro.
Mme Danielle Bidard-Reydet s'est interrogée sur les
modalités de ratification du traité.
M. Christian de La Malène, approuvé par
M. Jacques Genton, a estimé que ce texte ne donnerait pas lieu
à un référendum, mais à une approbation
parlementaire.
M. Pierre Fauchon s'est préoccupé de voir l'Allemagne en
dehors de l'initiative italo-franco-belge. A Maastricht, a-t-il observé,
l'Allemagne était prête à avancer vers l'intégration
politique, la France plus prudente : aujourd'hui les rôles sont
renversés. Puis, faisant référence à des propos de
M. Valéry Giscard d'Estaing, il a estimé que la réforme
qui s'était avérée impossible à quinze le serait
a fortiori avec de nouveaux membres, et que, dans ces conditions, l'Europe
pencherait vers une zone de libre échange améliorée,
même si le rôle intégrateur de l'euro pouvait contrebalancer
quelque peu cette tendance ; dès lors, a-t-il conclu, une
véritable intégration politique suppose le regroupement des Etats
réellement décidés à avancer et la formation d'un
" noyau dur " de l'Union.
M. Christian de La Malène a souligné que les
dispositions relatives aux coopérations renforcées ne
paraissaient pas de nature à favoriser la formation d'un " noyau
dur ".
M. James Bordas, après s'être félicité que le
rapport donne une présentation synthétique des principaux aspects
du traité, a souhaité que la distinction des rôles
respectifs du Conseil européen et du Conseil de l'Union
européenne apparaisse plus nettement.
Puis la délégation a décidé à
l'unanimité d'autoriser la publication du présent rapport.
ANNEXE
FAUT-IL MODIFIER LA CONSTITUTION AVANT LA RATIFICATION DU
TRAITÉ D'AMSTERDAM ?
Il n'est évidemment pas envisageable, dans le cadre de ce rapport,
d'examiner de manière systématique la compatibilité de
chacune des dispositions du traité d'Amsterdam avec la Constitution. En
revanche, il peut être intéressant de se reporter à la
décision rendue le 9 avril 1992 par le Conseil Constitutionnel sur le
traité de Maastricht afin de déterminer si, sur les
matières alors abordées par le Conseil Constitutionnel, un
raisonnement par analogie peut faire présager la nécessité
d'une révision constitutionnelle préalablement à la
ratification du traité d'Amsterdam.
En avril 1992, le Conseil avait jugé que le traité de Maastricht
nécessitait une révision de la Constitution en raison de trois
sortes de dispositions qu'il comprenait :
- celles portant sur la reconnaissance du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales ;
- celles portant sur l'établissement d'une politique monétaire et
d'une politique de change uniques ;
- enfin, celles portant sur les mesures relatives à l'entrée et
à la circulation des personnes.
Le traité d'Amsterdam ne comporte aucune disposition relative aux deux
premiers de ces sujets. En revanche, il modifie de manière notable les
compétences communautaires en matière de libre circulation des
personnes. C'est donc sur ces dispositions du traité d'Amsterdam que le
rappel de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel peut apporter un
éclairage judicieux.
Dans sa décision du 9 avril 1992, le Conseil Constitutionnel rappelle
donc d'abord que "
les engagements internationaux souscrits par les
autorités de la République française ne sauraient affecter
l'exercice par l'Etat des compétences qui relèvent des conditions
essentielles de sa souveraineté.
"
Puis, il considère que la détermination des "
pays tiers
dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du
franchissement des frontières extérieures des Etats
membres
" entre dans ces compétences qui relèvent des
conditions essentielles de la souveraineté.
Enfin, il ajoute que les conditions essentielles de la souveraineté
nationale ne sont pas affectées tant que cette détermination fait
l'objet d'une décision du Conseil des ministres de l'Union à
l'unanimité, mais qu'il n'en va plus de même dès lors qu'il
y a "
abandon de la règle de l'unanimité
". Dans
ce dernier cas, il y a contradiction avec la Constitution et une
révision constitutionnelle doit intervenir préalablement à
la ratification du traité.
On peut déduire de cette jurisprudence qu'une révision
constitutionnelle devra précéder la ratification du traité
d'Amsterdam si :
- d'une part, certaines des dispositions de ce traité entrent dans des
compétences qui relèvent des conditions essentielles de la
souveraineté ;
- d'autre part, ces dispositions peuvent être arrêtées par
les institutions de l'Union sans que l'unanimité soit requise.
1. Certaines dispositions du traité entrent-elles dans des compétences qui relèvent des conditions essentielles de la souveraineté ?
Sans vouloir être exhaustif, on peut relever que le
traité d'Amsterdam comporte notamment :
- " les normes et les modalités auxquelles doivent se conformer
les Etats membres pour effectuer les contrôles des personnes aux
frontières extérieures ; "
- " des mesures fixant les conditions dans lesquelles les
ressortissants
des pays tiers peuvent circuler librement sur le territoire des Etats membres
pendant une durée maximale de trois mois ; "
- " des mesures relatives à la politique d'immigration, dans les
domaines suivants :
a) conditions d'entrée et de séjour, ainsi que normes concernant
les procédures de délivrance par les Etats membres de visas et de
titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du
regroupement familial :
b) immigration clandestine et séjour irrégulier, y compris le
rapatriement des personnes en séjour irrégulier ; "
- " des mesures définissant les droits des ressortissants des pays
tiers en situation régulière de séjour dans un Etat membre
de séjourner dans les autres Etats membres et les conditions dans
lesquelles ils peuvent le faire. "
On reconnaîtra que, dès lors que le Conseil Constitutionnel a
estimé en 1992 que la détermination des "
pays tiers dont
les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement
des frontières extérieures des Etats membres
" entrait
dans les compétences qui relèvent des "
conditions
essentielles d'exercice de la souveraineté nationale
", il y a
tout lieu de penser qu'il estimera demain que tout ou partie des mesures
énumérées ci-dessus entrent également dans ces
compétences.
Il convient donc à présent d'examiner le mode de décision
retenu par le traité d'Amsterdam pour l'adoption de ces mesures.
2. Y a-t-il " abandon de la règle de l'unanimité " ?
Sur ce point, comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs, les
dispositions du traité d'Amsterdam sont loin d'être
marquées au coin de la simplicité. On peut résumer ainsi
le dispositif :
- durant les cinq premières années d'application du
traité, le Conseil statue à l'unanimité ;
- après cette période de cinq ans, le Conseil prend à
l'unanimité une décision afin d'abandonner la règle de
l'unanimité pour tout ou partie des mesures
énumérées ci-dessus.
Le traité de Maastricht avait déjà retenu une formule
évolutive puisqu'il prévoyait la règle de
l'unanimité jusqu'au 1
er
janvier 1996 et le passage à
la majorité qualifiée à compter de cette date. Et le
Conseil Constitutionnel en avait conclu qu'il n'y avait pas
contrariété avec la Constitution jusqu'à cette date, mais
qu'il n'en allait plus de même au-delà.
La seule différence entre la procédure retenue par le
traité de Maastricht et celle du traité d'Amsterdam tient au fait
que, dans le premier cas, le passage à la majorité
qualifiée était automatique alors que, dans le second, il est
subordonné à un vote à l'unanimité du Conseil.
Doit-on en déduire que le mécanisme respecte la
souveraineté nationale puisque la France, par la voie de son
représentant au Conseil, peut empêcher le passage à la
majorité qualifiée ?
Il semble difficile d'admettre un tel raisonnement. Dès lors que
l'abandon de la règle de l'unanimité en de telles matières
serait susceptible, d'après les termes mêmes utilisés par
le Conseil Constitutionnel, d'affecter les conditions essentielles d'exercice
de la souveraineté nationale, il serait contraire à la
Constitution. Or, seul le pouvoir constituant a la compétence de faire
disparaître cette contrariété en modifiant la Constitution.
Mais le pouvoir exécutif, pas plus que le pouvoir législatif
d'ailleurs, ne dispose de cette compétence.
Il nous reste toutefois à évoquer un dernier point. La
révision constitutionnelle de 1992 est intervenue après la
décision du Conseil Constitutionnel d'avril 1992. N'a-t-elle pas
déjà modifié la Constitution de telle manière que
les dispositions du traité d'Amsterdam ne lui sont plus contraires ? La
réponse découle du texte même de l'article 88-2 de la
Constitution. En vertu de ce texte, la France a seulement consenti les
transferts de compétences nécessaires à "
la
détermination des règles relatives au fonctionnement des
frontières extérieures des Etats membres "
et elle ne
l'a fait que "
selon les modalités prévues par le
traité sur l'Union européenne signé le 7 février
1992 ".
*
* *
En conclusion de cette rapide analyse, il semble donc
apparaître clairement que :
- le traité d'Amsterdam comporte des dispositions que le Conseil
Constitutionnel, en fonction de sa jurisprudence antérieure, a de fortes
chances de faire entrer dans la catégorie des
" compétences qui relèvent des conditions essentielles de
la souveraineté
" ;
- le traité d'Amsterdam prévoit la possibilité d'un
abandon de la règle de l'unanimité pour l'exercice par l'Union
européenne de ces compétences ;
- la révision constitutionnelle de 1992 n'a consenti à certains
transferts de compétences que selon les modalités prévues
par le traité de Maastricht.
Extrait de la Décision du Conseil constitutionnel
n° 92-308 DC
du 9 avril 1992
Sur les mesures relatives à l'entrée et à
la circulation des personnes :
Considérant que, dans sa rédaction issue de l'article G du
traité sur l'Union européenne, l'article 3 du traité
instituant la Communauté comporte dans les conditions et selon les
rythmes prévus par ce traité :
" d) des mesures relatives
à l'entrée et à la circulation des personnes dans le
marché intérieur conformément à l'article 100
C " ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 100 C le Conseil
des ministres des communautés européennes
, " statuant
à l'unanimité sur proposition de la Commission et après
consultation du Parlement européen, détermine les pays tiers dont
les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement
des frontières extérieures des Etats membres
" ; qu'il
est stipulé au paragraphe 2 du même article que
" dans le
cas où survient dans un pays tiers une situation d'urgence confrontant
la Communauté à la menace d'un afflux soudain de ressortissants
de ce pays, le conseil peut, statuant à la majorité
qualifiée sur recommandation de la commission, rendre obligatoire, pour
une période ne pouvant excéder six mois, l'obtention d'un visa
par les ressortissants du pays en question "
; qu'il est
précisé que cette obligation peut être prorogée
selon la procédure définie au paragraphe 1 ;
Considérant que le paragraphe 3 de l'article 100 C énonce
qu'à compter du 1er janvier 1996 le conseil
adoptera " à
la majorité qualifiée les décisions visées au
paragraphe 1 "
dudit article et qu'avant cette date le conseil,
statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la
commission et après consultation du Parlement européen,
arrête les mesures relatives à l'institution d'un modèle
type de visa ; que le paragraphe 4 de l'article 100 C prescrit que, dans
les domaines
" visés "
audit article
,
" la
Commission est tenue d'instruire toute demande formulée par un Etat
membre et tendant à ce qu'elle fasse une proposition au
Conseil "
; que, selon le paragraphe 5,
" le présent
article ne porte pas atteinte à l'exercice des responsabilités
qui incombent aux Etats membres pour le maintien de l'ordre public et la
sauvegarde de la sécurité intérieure ; .../...
Considérant que les engagements internationaux souscrits par les
autorités de la République française ne sauraient affecter
l'exercice par l'Etat de compétences qui relèvent des conditions
essentielles de sa souveraineté ; que ne sont pas contraires à
cette exigence les dispositions de l'article 100 C qui sont relatives
à la détermination des pays tiers dont les ressortissants doivent
être munis d'un visa lors du franchissement des frontières
extérieures des Etats membres, dès lors qu'elles concernent la
période antérieure au
1er janvier 1996 ; qu'en effet la
politique commune des visas à l'égard des pays tiers est
décidée par le Conseil des ministres des communautés
à l'unanimité, sous la seule réserve de mesures de
sauvegarde motivées par l'urgence et temporaires dans leurs effets ;
qu'en revanche l'abandon de la règle de l'unanimité à
compter du 1er janvier 1996, comme le prévoit le paragraphe 3 de
l'article 100 C, pourrait conduire, en dépit des dispositions des
paragraphes 4 et 5 du même article, à ce que se trouvent
affectées des conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale ;
Considérant qu'il suit de là qu'en l'état, le paragraphe 3
de l'article 100 C ajouté au traité instituant la
Communauté européenne par l'article G du traité sur
l'Union européenne est contraire à la Constitution.
Article 88-2 de la Constitution
Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'union économique et monétaire européenne ainsi qu'à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne.
(1) Voir infra p. 20-21-22
(2) Dans l'ensemble de ce rapport, le terme " le Conseil "
désigne
le Conseil de l'Union européenne
, qui est
composé, selon les domaines, du ministre compétent de chaque Etat
membre, et où chaque Etat dispose d'un certain nombre de voix en cas de
vote, alors que
le Conseil européen
est composé des chefs
d'Etat ou de Gouvernement, et statue par consensus.
(3) Voir infra p.23-24
(4) " Faut-il modifier le mode de scrutin pour les élections
européennes ? ", Rapport n° 123, 5 décembre 1996
(5) Voir le rapport de M. Michel Caldaguès, au nom de la
délégation du Sénat, sur " la fonction
d'exécution des normes au sein de la Communauté " (n°
126, 7 décembre 1994)
(6) Cette formule constitue néanmoins une évolution par rapport
au traité de Maastricht. Celui-ci, à son article K 9 (la fameuse
" passerelle communautaire "), prévoyait déjà la
possibilité de communautariser certaines matières du
troisième pilier et d'y introduire le vote à la majorité
qualifiée : seulement la décision devait non seulement être
prise par le Conseil à l'unanimité, mais encore être
ratifiée par les Etats membres " conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives ".