II. SYNTHÈSE COMPARATIVE DE DIFFÉRENTES PRÉVISIONS À MOYEN TERME
La projection, telle qu'elle vient d'être
présentée ci-dessus, pose plus de
questions
pour le moyen
terme qu'elle n'apporte de réponses. Mais ceci obéit à ce
que votre Rapporteur considère comme la " vocation " des
projections réalisées à l'aide de modèles. Ceux-ci
offrent en effet un cadre global parfaitement cohérent, fondé sur
l'observation des comportements passés : en cela, ils constituent plus
un outil " pédagogique " qui permet d'illustrer les
questions
et les choix de politique économique, qu'un instrument de
prévision.
C'est pourquoi, afin d'apporter quelques éléments de
réponse aux questions qui viennent d'être posées, il
paraît nécessaire de présenter des prévisions hors
modèle et " à dire d'expert ". Celles-ci n'ont pas le
même souci de cohérence globale, mais tentent d'intégrer un
diagnostic sur les modifications éventuelles des comportements des
agents économiques ou de la politique économique. Les
prévisions de deux organismes dont le Service des Etudes du Sénat
suit régulièrement les travaux, le
Bureau d'Informations et de
Prévisions Economiques
(BIPE) et le
Centre de Recherches pour
l'Expansion et le Développement de l'Economie
(REXECODE), seront
ainsi présentées ci-après. On peut déjà
souligner la forte
convergence
de ces scénarios - à
quelques nuances près - avec ceux de l'OFCE (cf. tableau ci-après
page 25).
Il a enfin semblé intéressant de donner les principales
conclusions d'une projection réalisée à l'aide du
modèle AMADEUS par l'
INSEE
. Cet exercice présente en effet
une double
originalité
: d'une part, c'est certainement le
scénario le plus
optimiste
parmi ceux actuellement
élaborés par les prévisionnistes ; d'autre part, en
multipliant les hypothèses sur les modifications des comportements des
agents économiques - et en en simulant les effets -, les experts de
l'INSEE apportent des réponses à quelques questions aujourd'hui
posées sur le moyen terme.
A. LA PRÉVISION DE REXECODE
L'institut de conjoncture REXECODE a présenté au
mois de juin dernier une prévision à moyen terme (1996-2000) dont
les résultats paraissent
très proches
de ceux de la
projection de l'OFCE.
Ils confirment le diagnostic d'un redémarrage à
court
terme
de l'activité, en France comme dans la plupart des pays
européens. Cette reprise serait tirée par l'arrêt du
processus de déstockage dans les entreprises et par
l'accélération de l'investissement. La croissance du PIB marchand
serait ainsi de 2,3 % en 1997 et de 2,7 % en 1998.
Par la suite, la France reviendrait sur un sentier de
croissance
ralentie
, voisin de
2 % l'an
en 1999 et 2000. Le cycle
d'investissement productif initié en 1994 atteindrait sa maturité
à l'horizon 1998. La croissance du stock de capital à cette date
serait suffisante pour répondre à la demande adressée aux
entreprises sans tension sur l'appareil productif. L'investissement des
entreprises cesserait à partir de là de jouer le rôle
moteur d'entraînement de la croissance.
La
consommation
des ménages devrait rester terne jusqu'à
l'horizon 2000 et ne ferait qu'accompagner la croissance. Elle serait
insuffisante pour assurer le relais de l'investissement, déclinant
à partir de 1998. Le taux d'épargne des ménages, dont
l'ajustement récent a joué un rôle d'amortisseur, ne
poursuivrait pas de mouvement important de baisse sur le moyen terme. Le niveau
du chômage contribuerait au maintien du climat d'incertitude et d'une
épargne de précaution, alors que les incitations à
constituer un capital en vue de la retraite se feront de plus en plus
pressantes.
Le taux de
chômage
diminuerait légèrement (de
0,4 point entre 1996 et 2000), alors que dans la projection de l'OFCE,
avec une croissance équivalente, il augmente. Cette divergence peut
s'expliquer par une hypothèse plus basse d'évolution des
ressources en main-d'oeuvre (de l'ordre de 100.000 actifs potentiels
supplémentaires chaque année) que celle retenue par l'OFCE
(140.000 actifs potentiels supplémentaires chaque année).
L'augmentation de l'emploi (de 0,6 % par an en moyenne) serait ainsi
suffisante pour absorber les arrivées sur le marché du travail.
REXECODE confirme par ailleurs le diagnostic d'un ralentissement de la
productivité du travail et d'un enrichissement durable du contenu en
emplois de la croissance.
Enfin, la France dégagerait des
excédents
confortables de
sa
balance courante
(1,3 % du PIB en moyenne), issus d'un lent
mouvement de réduction des déficits publics, associé au
maintien d'une capacité de financement importante des entreprises et
d'une stabilisation de l'épargne financière des ménages.
Un des intérêts de l'étude menée par REXECODE est de
proposer une réflexion sur le régime futur de
croissance
longue
et d'avancer la thèse selon laquelle un nouveau changement du
rythme de la croissance de longue période serait amorcé, un
premier changement étant déjà intervenu après le
premier choc pétrolier.
En effet, si l'on compare la tendance de la croissance des quinze
dernières années (1973-1989) à celle des six
dernières années (moyenne des taux de croissance de 1989 à
1995), on constate que la tendance actuelle mesurée sur le
" dernier cycle " est sensiblement au-dessous de la
tendance longue
aussi bien pour les Etats-Unis, le Japon que l'Europe
7(
*
)
. REXECODE en déduit que la
croissance tendancielle des économies développées se
serait affaiblie.
On peut dégager trois
facteurs
qui pourraient expliquer ce
ralentissement - que REXECODE considère comme
"
structurel
" - du rythme de croissance de longue
période :
- le
ralentissement de la productivité
: la
productivité globale des facteurs qui progressait avant 1973 à un
taux annuel moyen de croissance proche de 3 %, serait revenue depuis autour de
1 % par an sans réaccélération, à l'exception
peut-être des Etats-Unis. REXECODE met ainsi en avant ce que les
économistes nomment le " paradoxe de la
productivité "
8(
*
)
,
mais qui serait peut-être plus apparent que réel lorsqu'on
constate le plafonnement de l'effort de recherche dans les économies
avancées ;
- le
vieillissement démographique
: le ralentissement de
l'évolution de la population active expliquerait dans les pays
développés une bonne partie du fléchissement tendanciel de
la croissance (ce facteur est toutefois moins prononcé pour la France
que pour les autres grands pays industrialisés) ;
- les
taux d'intérêt réels à long terme
, qui
même s'ils diminuaient au cours des prochaines années resteraient
néanmoins largement
supérieurs au taux de croissance
.