C. PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE CES TRAVAUX

1°) En projection, la croissance française à moyen terme se situe autour de 2 % par an (2,25 % par an dans le scénario le plus optimiste).

Ce résultat est somme toute décevant dans la mesure où, en 2001, le PIB français n'aurait pas retrouvé son niveau tendanciel 5( * ) . Les effets de la récession de 1993 sur l'activité seraient ainsi durables . De même, l'économie française croîtrait à un rythme inférieur à son potentiel, de telle sorte que le nombre de chômeurs continuerait à augmenter (de l'ordre de 40.000 à 50.000 par an d'ici 2001).

Ces évolutions ne semblent pourtant pas imputables à l'orientation rigoureuse des finances publiques . On constate en effet que l'essentiel du redressement des finances publiques est opéré en début de période , alors que la croissance est la moins dynamique en fin de période .

La morosité des scénarios décrits en projection obéit à une autre logique : le niveau du chômage pèse sur les revendications salariales et freine l'évolution des salaires, du revenu et de la consommation des ménages.

Votre Rapporteur écrivait déjà, il y a dix-huit mois, en présentant les résultats de travaux de projections macroéconomiques 6( * ) qu'on pouvait déduire de " l'accumulation d'excédents des échanges extérieurs et (d') une hausse du pouvoir d'achat du salaire moyen inférieure aux gains de productivité... qu'une progression des salaires un peu plus rapide qu'il ne résulte du fonctionnement spontané du modèle serait « supportable» par l'économie française : la consommation des ménages, qui constitue dans la projection l'élément le plus atone de la demande, s'en trouverait renforcée d'autant ".

Cette conclusion, et les problèmes de politique économique qui la suscitent, paraît aujourd'hui devoir être moins prudemment affirmée : ainsi faudrait-il écrire qu'une progression plus rapide des salaires serait non seulement " supportable par l'économie française ", mais surtout " souhaitable ".

2°) Ceci conduit votre Délégation à remarquer que depuis qu'elle présente des projections macroéconomiques - cette année est la treizième... -, les problèmes de politique économique propres à la France ont totalement changé de nature. Schématiquement, jusqu'au milieu des années 1980, l'économie française se caractérisait par ses tendances inflationnistes, des pertes de compétitivité, un déficit des échanges extérieurs et une dégradation des comptes des entreprises. Ces évolutions avaient un facteur commun : la déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires . Il en est résulté une hausse du chômage.

Depuis le milieu des années 1980, et surtout depuis le début des années 1990, l'économie française est désinflationniste, sa compétitivité s'améliore (indépendamment des évolutions de change), elle accumule des excédents extérieurs et la situation financière des entreprises s'est considérablement redressée. Hormis sur la période 1986-1990, cela ne s'est toutefois pas traduit par une stimulation de la croissance et une stabilisation du chômage. On a ainsi l'impression - c'est en tout cas le message principal que l'on retire des travaux de projection de ces dernières années - que la consommation des ménages et la demande interne progressent de manière insuffisante pour soutenir l'activité. On peut en trouver l'origine dans la déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salaires et dans la faiblesse des évolutions salariales.

Les simulations réalisées à l'aide de modèles macroéconomiques montrent ainsi qu'à une dégradation des conditions de l' offre aurait succédé celle de la demande , avec la progression du chômage à la fois comme cause et conséquence de cette mutation.

3°) Dans les scénarios élaborés par l'OFCE, la croissance à moyen terme de l'économie française est sensiblement inférieure à celle de ses partenaires, telle qu'elle résulte des hypothèses d'environnement international de la projection. Or, on n'a jamais observé sur le passé d' écart durable de croissance entre la France et ses principaux partenaires, de sorte que ce différentiel de croissance à l'horizon 2001 paraît peu probable . Il convient dès lors de se demander comment pourraient se rejoindre les taux de croissance de la France et de ses partenaires :

- " par le bas ", ce qui voudrait dire que le scénario le plus pessimiste pour la France, caractérisé par la faiblesse de la demande interne, s'étendrait à l'ensemble de ses partenaires ? On pourrait le craindre lorsqu'on observe le caractère non-coopératif des politiques menées en Europe : chaque pays mène isolément des politiques d'" ajustement " tout en espérant de ses partenaires qu'ils contribueront à soutenir sa propre croissance ;

- ou " par le haut ", la croissance française rejoignant celle de ses partenaires selon un scénario de reprise cyclique forte du type de celle de 1986-1990 ? Comme en 1986 où la baisse des prix du pétrole a stimulé la croissance, ceci supposerait toutefois un " choc " positif : il pourrait résulter d'une forte baisse des taux d'intérêt à la suite de l'unification monétaire.Ceci exigerait, au niveau européen, une forte coordination des politiques économiques.

4°) On constate en projection que, malgré des hypothèses très rigoureuses sur l'évolution des dépenses publiques (dont l'évolution s'infléchit très nettement par rapport aux tendances antérieures), la réduction du besoin de financement des administrations est somme toute assez lente . Ceci illustre ainsi cette évidence - que votre Rapporteur n'hésite cependant jamais à rappeler - selon laquelle la maîtrise des comptes et de l'endettement publics passe certes par celle des dépenses, mais peut rester vaine si la croissance est faible .

5°) Dans le prolongement de cette idée, la projection apporte un éclairage de nature macroéconomique sur la problématique du financement de l' assurance-maladie .

Dans un contexte de croissance ralentie, et surtout de faible dynamisme des salaires, l'évolution des recettes tout d'abord ne paraît pas favorable en projection au rééquilibrage des comptes de l'assurance-maladie.

Par ailleurs, l'évolution des dépenses de santé, selon l'analyse de l'OFCE, même si elle n'a pas le caractère " explosif " qu'on lui prête généralement (sur longue période, elle est marquée par une nette décélération ), obéit cependant à une certaine inertie . Il paraît dès lors difficile d'imaginer sur le moyen terme un ralentissement encore plus marqué de la croissance des dépenses de santé que celui que décrit sa tendance " lourde ". Celles-ci continueraient donc à croître plus vite que le PIB, ce qui rendrait nécessaire une augmentation des prélèvements sur les ménages pour parvenir à un équilibre des comptes.

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