2. La lutte contre le crime international particulièrement dans le domaine des drogues illicites avec le cas d'Europol et le rôle des Parlements
Le colonel Willy Bruggeman,
coordonnateur adjoint
d'Europol, a tout d'abord procédé à une analyse de la
criminalité en Europe avant d'aborder la coopération
policière, notamment dans le cadre d'Europol.
La criminalité progresse de façon inquiétante en Europe,
notamment avec la présence nouvelle de bandes organisées d'Europe
de l'Est. On est passé, en quelques années, de groupes nationaux
pluridisciplinaires à des groupes très spécialisés,
par exemple dans la délinquance informatique ou économique,
groupes qui tentent d'imposer leur monopole dans leur secteur d'action
spécialisé. Une des menaces les plus graves porte sur le trafic
et la vente de drogues synthétiques illicites.
Face à cette criminalité, l'Europe est en situation de faiblesse,
essentiellement parce qu'elle ne dispose pas d'un espace judiciaire
adapté, malgré les tentatives positives que constituent l'accord
de Schengen et Europol. Il faut améliorer les structures de
coopération entre agences nationales de sécurité et faire
évoluer le droit pénal des Etats. Une des limites de la
coopération policière tient en particulier aux
législations différentes entre Etats comme c'est le cas pour les
écoutes téléphoniques et les procédures
pénales.
Europol, dont la convention n'est pas encore ratifiée, fonctionne sur la
base d'un groupe d'officiers de liaison nationaux (police et douanes),
parfaitement au fait des particularités de chaque droit national et
ayant une bonne connaissance linguistique. Europol fonctionne à la fois
selon une logique fédérale (par exemple dans le domaine de
l'analyse du renseignement) et selon une logique nationale (dans la mesure
où les officiers de liaison sont des représentants des Etats).
Tant que la convention ne sera pas ratifiée, Europol sera une simple
centrale d'échange d'informations, notamment afin de respecter les
impératifs de protection des données à caractère
personnel.
Pour l'avenir, l'Europe est confrontée à l'absolue
nécessité de faire évoluer la coopération
judiciaire qui fonctionne selon des procédures désuètes
d'un autre âge. Il faut plus de souplesse dans les procédures,
dès le début des enquêtes de police. Il faut donner plus de
logique et d'efficacité à la matière du troisième
pilier du traité. Il faut pouvoir traiter le blanchiment de l'argent.
Lord Geddes (Chambre des Lords du Royaume-Uni)
s'est
préoccupé de la convention relative à Europol en sa
qualité de président de la commission de l'intérieur de la
Chambre des Lords. Celle-ci avait conclu, sur la base d'une enquête
menée en 1994 par Lord Slynn of Hadley, qu'Europol devait être
responsable de ses actions, notamment au regard des droits des individus. Le
Parlement européen et les parlements nationaux doivent être
informés de ses activités. Pour éviter des
interprétations divergentes dans les différents Etats, la Cour de
Justice des Communautés doit être compétente. Le
gouvernement britannique n'a pas suivi la chambre des Lords sur ce point du
fait de sa position de principe sur la "non communautarisation" du
troisième pilier du traité.
M. Raymond Langendries
(Chambre des représentants de
Belgique)
a insisté sur le rôle de plaque tournante de la
criminalité internationale qu'est devenue la Belgique. Les affaires de
pédophilie ont créé une situation nouvelle
inquiétante dans ce pays. La Belgique a plaidé, lors du Conseil
des ministres des 26 et 27 septembre 1996, pour une approche européenne
de la criminalité transfrontière, notamment par la mise en oeuvre
d'une action commune dans le cadre du troisième pilier du traité.
On constate maintenant une fissure grave au sien de la société
belge entre les politiques et la population du fait du développement de
l'insécurité.
Mme Maria Paola Colombo Svevo
(Parlement européen)
a
estimé qu'il n'y a pas à l'heure actuelle assez de
flexibilité dans la lutte contre le crime. On doit trouver une forme de
coopération pratique entre les Etats sous le contrôle des
parlements nationaux. On ne peut attendre de miracles du renforcement de cette
coopération alors que la criminalité s'est mondialisée. Il
faut cependant tenter d'être efficace, notamment avec Europol dont les
parlements doivent au plus vite ratifier la convention avec le protocole sur la
Cour de Justice des Communautés.
M. José Hedeiros-Ferreira (Assemblée de la République
du Portugal)
a constaté qu'il avait fallu cinq années de
négociations pour aboutir à la mise en place de l'Unité
provisoire d'Europol. Combien d'années encore seront nécessaires
pour la ratification de la convention définitive ? Il faut franchir
un saut qualitatif dans la lutte contre la criminalité. Les parlements
nationaux doivent intervenir dans le contrôle de la coopération
judiciaire et policière en Europe.
Le colonel Willy Bruggeman
a rappelé qu'Europol avait
été lancé il y a trois ans sur la base d'une
décision ministérielle pour la lutte contre les trafics de
drogue. La convention est nécessaire pour régler la question du
statut du personnel et du fonctionnement financier de l'institution. L'action
commune d'origine a été élargie à d'autres domaines
: vols de voitures, immigration clandestine, matières fissiles, trafic
des êtres humains y compris la pornographie. La convention est un cadre
parfois trop limitatif pour l'action d'Europol, mais l'annexe qui décrit
ses compétences laisse de la souplesse. Des compromis ont pu être
trouvé en matière de contrôle démocratique ainsi que
d'intervention de la Cour de justice. Europol répond à d'autres
objectifs qu'Interpol et ne double pas cette organisation mondiale.
M. Ignacio Guardans (
Cortes Generales
d'Espagne)
a insisté
sur le fait que la coopération policière et judiciaire ne peut
fonctionner correctement qu'avec une confiance mutuelle entre les agences des
différents Etats. La forme actuelle de coopération remonte au
XVII
ème
siècle et est totalement inadaptée
à notre époque. Il faut parvenir à une véritable
révolution dans ce domaine. Il faut supprimer l'intervention du
politique dans les procédures judiciaires et mettre en place des accords
réciproques d'extradition. Des mesures concrètes peuvent
être mises en place dans le cadre du traité de Schengen. L'Espagne
est en faveur du transfert d'une partie des compétences du
troisième pilier dans le premier pilier.
M. Pieter Ter Veer
(Deuxième Chambre des Etats
Généraux des Pays-Bas)
s'est déclaré en faveur
d'une ratification rapide de la convention d'Europol. Les Etats doivent
être à l'écoute les uns des autres et ils doivent faire des
suggestions concrètes pour rendre plus efficace la coopération
policière en Europe.
M. Francesco Ferrari
(Chambre des députés
italienne)
a estimé qu'Europol est le symbole de la lutte contre la
criminalité. Il faut lever les obstacles bureaucratiques à la
coopération des polices. Mais il faut aussi disposer d'un système
de protection des données à caractère personnel. Ce n'est
pas seulement un problème technique : il faut savoir éduquer
la population et s'attaquer aux causes de la criminalité que sont le
chômage et la pauvreté.
M. Jürgen Meyer (
Bundestag
allemand)
a expliqué les
raisons pour lesquelles le Bundestag s'était opposé, dans le
passé, à la ratification de la convention d'Europol faute
d'intervention de la Cour de justice dans l'interprétation du
traité. La question est maintenant réglée et on doit
chercher à aller plus loin avec Europol. Cette organisation devrait
disposer de pouvoirs exécutifs dans le cadre d'une harmonisation du
droit pénal des différents Etats.
Mme Nicole Catala
a regretté l'absence d'harmonisation des
législations sur les stupéfiants en Europe, malgré les
obligations contenues dans le traité de Schengen. Par ailleurs trop
d'organes s'occupent de la drogue. D'un autre côté, l'article K 2
du traité n'exempte pas les Etats de leurs responsabilités dans
la lutte contre la criminalité. La communautarisation de cette
matière pose de grandes difficultés du fait de la
sensibilité de certains domaines, comme par exemple celui du terrorisme.
Elle a soulevé des réserves sur l'intervention de la Cour de
justice en raison même de la sensibilité de ces matières.
Mme Lydie Err (Chambre des députés du Luxembourg)
a
indiqué que le parlement luxembourgeois n'a pas encore reçu le
projet de loi de ratification de la convention Europol, qui doit encore
être examiné par le Conseil d'Etat. Elle a regretté
l'absence d'implication du Parlement européen et des parlement nationaux
dans l'élaboration de la convention, ce qui aurait facilité sa
ratification. Elle s'est encore interrogée sur la
nécessité d'harmoniser les procédures judiciaires alors
qu'il serait possible d'appliquer des règles
d'extraterritorialité des peines pour les matières
traitées par Europol. Elle s'est encore interrogée sur les
relations informatiques entre l'organisation Schengen et Europol.
Mme Lene Espersen
(
Folketing
danois)
a souligné que
la convention sur les contrôles aux frontières extérieures
n'est toujours pas signée. Ceci montre qu'au-delà des textes il
faut une volonté politique pour régler les questions de la lutte
contre la criminalité internationale. Un autre exemple est celui de
l'accord avec la Russie. Les parlements nationaux doivent être
particulièrement attentifs à la ratification de ces textes. Au
Danemark, la commission européenne du Parlement est très
vigilante : elle a défini le mandat de négociation du ministre
dans les matières du troisième pilier.
En réponse aux différents intervenants, le
colonel Willy
Bruggeman
a surtout insisté sur la nécessité de
modifier le processus de décision au sein du troisième pilier
qui, du fait de l'existence de cinq niveaux de négociation et de la
règle de l'unanimité, est particulièrement lourd et
inefficace.