5. Politique monétaire
Propositions E 719 et E 720
Com (96) 496 et Com (96) 499
Les travaux de la délégation portant sur l'examen de ces propositions relatives à la mise en place de l'euro (cadre juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de change) ont fait l'objet d'un rapport d'information distinct de M. Jacques GENTON.
Le rapport de M. Jacques Genton :
"
Euro et pacte de stabilité - Travaux de la
délégation
"
a été publié sous le n° 129 (1996-1997)
6. Marché intérieur
Proposition E 707
Com (96) 313 final
(Réunion de la délégation du 17 décembre
1996)
Présentation du texte par M. James Bordas :
La proposition d'acte communautaire E 707 vise à modifier le
règlement sur les concentrations d'entreprises adopté en 1989. En
janvier dernier, la Commission européenne avait publié un Livre
vert concernant la révision du règlement sur les concentrations
et la proposition E 707 fait suite à ce document.
La proposition E 707 compte en fait trois documents distincts : une
communication de la Commission européenne et deux propositions de
règlements.
Œ
La première proposition de règlement tend
à abaisser les seuils à partir desquels la Commission
européenne est compétente pour examiner des opérations de
concentration.
Actuellement, la Commission européenne est
compétente lorsque les conditions suivantes sont réalisées
:
·
le chiffre d'affaires sur le plan mondial de l'ensemble des
entreprises concernées dépasse 5 milliards d'écus ;
· le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la
Communauté par au moins deux des entreprises concernées
dépasse 250 millions d'écus.
En revanche, la Commission européenne n'est pas compétente,
même lorsque les seuils sont atteints, si chacune des entreprises
concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires
total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et
même Etat membre. C'est ce qu'on appelle la règle des deux tiers.
Les raisons avancées par la Commission
La Commission européenne propose d'abaisser les seuils
évoqués précédemment, respectivement de 5 à
3 milliards d'écus pour le chiffre d'affaires mondial et de 250 à
150 millions d'écus pour le chiffre d'affaires communautaire. Elle
estime en effet qu'elle doit être saisie de toutes les concentrations
ayant des effets transfrontaliers significatifs et que cela n'est pas le cas
avec les seuils actuels ; elle fait valoir que la situation présente
entraîne des distorsions de traitement et prive les entreprises qui sont
impliquées dans des opérations de concentration
transfrontalières des avantages du " guichet unique " (une
seule autorité compétente pour autoriser la concentration).
Par ailleurs, la Commission européenne soulève le problème
des notifications multiples, c'est-à-dire des concentrations qui
n'atteignent pas les seuils communautaires, mais qui impliquent l'intervention
de plusieurs autorités nationales de la concurrence. Chacune de ces
autorités nationales applique sa propre procédure et ses propres
critères d'examen, ce qui crée un risque
d'insécurité juridique et peut aboutir à des
décisions contradictoires.
La Commission européenne propose donc d'abaisser davantage encore les
seuils lorsque l'application des dispositions nationales impliquerait l'examen
dans au moins trois Etats membres d'une opération de concentration. Pour
ces opérations, les seuils seraient portés à 2 milliards
d'écus sur le plan mondial et à 100 millions d'écus sur le
plan communautaire.
Un raisonnement discutable
La Commission européenne n'apporte aucune véritable justification
économique de son souhait de voir abaisser les seuils. En cinq ans, elle
a rendu 382 décisions finales. Plus de 300 constataient qu'en
réalité aucun problème de concurrence ne se posait. On
peut donc s'interroger sur la nécessité d'élargir ce
contrôle. La Commission européenne reconnaît elle-même
que sa charge de travail en matière de concurrence devient
insupportable. En matière de concentrations, la Commission
européenne, en 1995, a connu une activité supérieure de
24% à celle de l'année 1994 où cette activité avait
déjà enregistré une progression de 50% par rapport aux
années précédentes. L'abaissement des seuils se traduirait
par la nécessité d'augmenter le personnel de la direction
générale de la concurrence et entraînerait, selon la
Commission, une dépense d'environ 1.700.000 écus.
Il existe en France un contrôle de la concurrence performant pour les
opérations de concentration qui n'atteignent pas les seuils
communautaires et l'élargissement des compétences de la
Commission européenne ne paraît pas justifié.
En revanche, il est clair que les notifications multiples dans plusieurs Etats
membres posent un véritable problème du fait de l'application de
règles différentes et du risque de décisions
contradictoires. C'est pourquoi l'abaissement des seuils aurait une
véritable utilité pour les opérations impliquant une
notification dans trois Etats membres au moins.
Toutefois, certaines difficultés juridiques pourraient là
également se poser. Dans le système envisagé, la
Commission européenne s'estimerait saisie dès lors que trois
autorités nationales se seraient considérées
compétentes en vertu de leurs droits nationaux. Si la compétence
de l'une des autorités nationales était contestée en
justice, la saisine de la Commission européenne risquerait de se trouver
également remise en cause. La solution proposée
n'éliminerait donc pas l'insécurité juridique.
La seconde proposition de règlement concerne pour l'essentiel
les entreprises communes. Il s'agit d'entreprises soumises au contrôle
conjoint de deux ou plusieurs autres entreprises économiquement
indépendantes les unes des autres.
La Commission européenne distingue actuellement deux types d'entreprises
communes qui ne font pas l'objet du même contrôle :
·
si la création d'une entreprise commune a pour objet ou pour
effet la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent
indépendantes, l'entreprise commune est dite coopérative et la
Commission l'examine au regard de l'article 85 du Traité de Rome relatif
aux ententes (cet examen se fait conformément à un
règlement de 1962, qui définit la procédure) ;
·
en revanche, si une entreprise commune accomplit de manière
durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome et
n'entraîne pas une coordination du comportement concurrentiel soit entre
les entreprises fondatrices, soit entre celles-ci et l'entreprise commune, elle
est dite concentrative et la Commission l'examine au regard du règlement
de 1989 sur les concentrations. On considère qu'il y a absence de
coordination du comportement concurrentiel lorsque les entreprises fondatrices
se retirent entièrement du marché de l'entreprise commune et
qu'aucune d'entre elles n'opère sur le marché en amont et en aval
ou voisin de l'unité commune.
Ce traitement différencié des entreprises communes concentratives
et des entreprises communes coopératives pose des difficultés,
dans la mesure où les procédures ne sont pas les mêmes et
où les délais sont différents. Ils sont en effet plus
longs lorsque la Commission examine les entreprises communes
coopératives dans le cadre du règlement de 1962 que lorsqu'elle
examine les entreprises concentratives dans le cadre du règlement de
1989.
La Commission européenne propose donc d'inclure les entreprises communes
coopératives de plein exercice dans le champ d'application du
règlement de 1989. Pour ce faire, le règlement préciserait
que la création d'une entreprise commune constitue une concentration
dès lors que l'entreprise commune accomplit de manière durable
toutes les fonctions d'une entité économique autonome. La
condition relative à l'absence de coordination du comportement
concurrentiel serait supprimée. Pour que le fond du contrôle ne
soit pas modifié, le règlement précise que la Commission
pourra appliquer les critères de l'article 85 du Traité de Rome
lorsque l'entreprise commune conduit à la coordination du comportement
concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes.
Cette solution devrait permettre de simplifier les procédures
appliquées aux entreprises communes et d'améliorer les
délais d'examen par la Commission européenne.
Toutefois, un problème particulier se pose. Lorsque la Commission
européenne examine le comportement d'entreprises au regard de l'article
85 sur les ententes, elle peut leur accorder, à certaines conditions,
une exemption lorsque leur comportement est contraire aux règles du
Traité. Cette exemption est accordée pour une durée
limitée et peut être remise en cause par la Commission. En
revanche, lorsque la Commission européenne donne son accord à une
opération de concentration, cet accord est définitif. Il est
souhaitable, pour des raisons de sécurité juridique, que cette
règle s'applique à toutes les opérations entrant dans le
champ d'application du règlement sur les concentrations et notamment aux
entreprises communes relevant à l'avenir de ce règlement.
Enfin, la proposition d'acte communautaire E 707 comporte des dispositions
de moindre importance. Pour les entreprises bancaires, les seuils à
partir desquels est appliqué le règlement sur les concentrations
sont appréciés en prenant comme critère le dixième
des actifs et non le chiffre d'affaires. Beaucoup ayant estimé que ce
critère ne reflétait pas de manière satisfaisante
l'activité d'un établissement, la Commission européenne
propose de le remplacer par le produit brut bancaire.
La délégation a adopté les conclusions proposées
par M. James Bordas sur la proposition E 707 (voir texte ci-après).
CONCLUSIONS DE LA DELEGATION SUR LA PROPOSITION D'ACTE COMMUNAUTAIRE TENDANT A MODIFIER LE REGLEMENT SUR LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS ENTRE ENTREPRISES
La délégation du Sénat pour l'Union
européenne,
- s'oppose aux propositions relatives à l'abaissement des seuils
à partir desquels une opération de concentration relève de
la compétence de la Commission européenne ;
- estime que les notifications d'opérations de concentration à
plusieurs autorités nationales posent un réel problème,
mais que la solution proposée par la Commission européenne n'est
pas acceptable dans la mesure où elle introduirait une certaine
insécurité juridique ;
- approuve l'inclusion des entreprises communes coopératives de plein
exercice dans le champ d'application du règlement sur les
concentrations ;
- s'oppose à l'introduction d'une clause de révocation des
exemptions qui pourraient être accordées dans ce cadre.