3. ESKOM face à la technologie nucléaire
3.1 Koeberg, un projet tourmenté
La mise en service de la centrale de Koeberg (deux réacteurs REP de 920 MW) est l'aboutissement d'un processus complexe, dont l'origine la plus lointaine peut être trouvée dans les années 20. À cette date des études mettent en évidence la présence de quantités d'uranium non négligeables dans les minerais aurifères présents dans le sous-sol du Witwatersrand (région de Johannesburg). Après la Seconde guerre mondiale, à l'instigation des nations occidentales et avec le soutien technique du Laboratoire central de Métallurgie (Ministère de l'Industrie), l'industrie minière construit les installations permettant de récupérer l'uranium extrait avec le minerai aurifère. L'Afrique du Sud devient rapidement un des plus importants producteurs du monde occidental.
Un programme de recherche nucléaire débute en 1948, sous l'égide de l' Atomic Energy Board fondé à cette fin. En 1956 une commission est constituée afin de réfléchir à l'introduction de l'électricité nucléaire dans le pays ; son rapport publié 5 ans après ne débouche sur aucune recommandation. En 1963 cependant, l'éventualité d'une émergence prochaine de l'électricité nucléaire amène les autorités à adopter une loi définissant un régime d'autorisation pour les installations nucléaires, le Nuclear Installations Licensing and Security Act.
En 1965 le Gouvernement relance la réflexion, en demandant pour des raisons stratégiques que les technologies étudiées concernent uniquement les réacteurs fonctionnant à l'uranium naturel. L'objectif était d'éviter de tomber sous les fourches caudines des pays fournisseurs de services d'enrichissement - à l'époque les États-Unis, Le rapport de la nouvelle commission, publié en mai 1968, tranche pour la technique canadienne CANDU contre les MAGNOX britanniques.
Au tournant des années 70, l'AEC et ESKOM s'accordent pour confier à l'électricien les principaux pouvoirs de décision en matière d'opportunité, tandis que l'AEC conservera les pouvoirs réglementaires au sein d'une division spécialement créée en son sein. Ces années voient une triple évolution dans le paysage énergétique : 1/ la crise pétrolière relance l'intérêt pour le développement de l'énergie nucléaire ; 2/ les coûts en capital s'accroissent au rythme de plus de 10 % l'an ; 3/ plusieurs pays se lancent dans la construction d'usines d'enrichissement susceptibles d'alimenter le marché mondial. Dans ces conditions ESKOM décide de s'orienter vers des réacteurs utilisant de l'uranium enrichi, dont les coûts en capital (et de façon plus marginale les coûts d'exploitation) sont plus faibles que pour les réacteurs à l'uranium naturel et pour lesquels le « risque politique » devient plus réduit.
En 1971 la division nucléaire d'ESKOM entreprend un voyage d'études en France, en République fédérale d'Allemagne et au Royaume Uni, afin d'y observer le fonctionnement des programmes nucléaires. Selon l'expression employée par J. COLLEY, chef de la division nucléaire, "nous avons parlé aux personnes exploitant les centrales, et non aux personnes qui les vendaient". Les préférences des techniciens se portent vers les modèles à eau bouillante (REB) mais les préférences des politiques s'en éloignent : le seul fournisseur de REB est GENERAL ELECTRIC, constructeur américain.
Le site d'implantation de la première centrale est choisi depuis longtemps Confrontés à la fin des années 60 à une croissance très forte de la demande d'électricité dans la province du Cap, les planificateurs d'ESKOM se trouvaient a priori placés devant une alternative redoutable. Soit ils construisaient de nouvelles lignes électriques haute tension sur plus de 1 500 kilomètres pour alimenter la province à partir des centrales à charbon implantées près des grands gisements du Nord. Soit ils construisaient sur place une centrale à charbon, quitte à devoir lui amener (par trains ou bateaux) 5 millions de tonnes de charbon environ chaque année. Une centrale nucléaire avait toute sa justification dans ce contexte géographique contraignant.
Un appel d'offres est lancé en 1974 : il porte sur la fourniture de deux réacteurs d'environ 1 000 MW et de 6 charges de combustibles. Des offres sont reçues de 5 vendeurs et après un examen préliminaire, ESKOM établit une short list pour un « deuxième tour » : y sont inscrits un consortium multinational (États-Unis, Pays-Bas, Suisse) mené par GENERAL ELECTRIC, un consortium allemand et un consortium français mené par FRAMATOME. C'est la seconde opération engagée par FRAMATOME à l'étranger, après les centrales belges de Tihange-1 (1969), Tihange-2 et Doel-3 (1974).
ESKOM signe une lettre d'intention avec le consortium GENERAL ELECTRIC. Restent à conclure les accords intergouvernementaux nécessaires à l'exportation des technologies, des matériels et des matières (combustibles) nécessaires. La Suisse ne cause aucun problème ; l'attitude des États-Unis est plus ambiguë mais ne semble pas soulever de difficultés insurmontables ; en revanche le Gouvernement néerlandais est soumis à une forte pression parlementaire contestant les échanges avec l'Afrique du Sud en général et les échanges nucléaires en particulier. Réduit à l'inaction, le Gouvernement néerlandais ne peut signer l'accord indispensable et la date limite est dépassée. Le contrat échappe au consortium.
ESKOM se retourne alors vers les offres allemande et française. La proposition allemande pour des réacteurs REB est éliminée. La proposition allemande de réacteurs REP est jugée supérieure à l'offre française au plan technique, mais le montage financier des Français emporte la décision. Le contrat est signé à Johannesburg et Paris les 5 et 6 juillet 1976 ; l'accord intergouvernemental est signé en octobre de la même année. Il est rapidement suivi d'un accord tripartite Afrique du Sud-France-AIEA sur les clauses de sauvegarde appliquées à Koeberg (5 ( * )) .
La centrale de Koeberg a été construite dans le cadre d'un contrat « clefs en mains » par un consortium rassemblant FRAMATOME (îlot nucléaire), ALSTHOM-ATLANTIQUE (groupes turbo-alternateurs) et SPIE-BATIGNOLLES (génie civil). BROWN BOVERI et CONCOR ont assuré la fourniture des équipements haute tension.
La fourniture de l'uranium enrichi et du combustible ont été le cadre de multiples péripéties, impliquant au plus haut niveau les Gouvernements sud-africain et américain. Alors que la coopération avec l'Afrique du Sud avait bien fonctionné jusque vers le milieu des années 60, le Gouvernement américain avait peu à peu acquis la conviction de l'existence d'un programme militaire, ou tout au moins de visées militaires. De plus le développement de la production d'uranium sur le sol même des États-Unis réduisait l'intérêt stratégique d'entretenir de bonnes relations politiques avec l'Afrique du Sud. Le début des années 70 voit une dégradation certaine de ces relations, accélérée par l'arrivée de l'Administration CARTER. L'avenir de Koeberg, avant et après que le contrat portant sur les réacteurs ait été signé, n'était pas véritablement assuré.
Dans son ouvrage Koeberg, la success story nucléaire d'ESKOM (janvier 1995), le journaliste S. MURRAY révèle que l'Afrique du Sud aurait obtenu grâce à un accord secret conclu en 1981 le bon accomplissement d'un contrat d'enrichissement conclu avec les États-Unis en 1974 et suspendu de façon unilatérale par les Américains. La contrepartie aurait été l'engagement de discussions sur l'indépendance de la Namibie et le droit de visite accordé aux inspecteurs américains dans l'installation d'enrichissement de Valindaba.
Enfin l'histoire mouvementée de Koeberg débouche le 18 décembre 1982 sur un attentat perpétré très vraisemblablement par l'ANC. Les plans de Koeberg avaient été dérobés de la bibliothèque centrale d'ESKOM et l'auteur du délit, un sympathisant notoire de l'ANC, avait été arrêté, jugé et emprisonné en 1979 (6 ( * )) . Celui-ci était persuadé que Koeberg n'était qu'une façade destinée à justifier les objectifs militaires inavoués du programme d'enrichissement lancé en août 1970 avec l'adoption par le Parlement de l' Uranium Enrichment Act (7 ( * )) .
ESKOM savait ainsi que Koeberg était une cible privilégiée pour l'ANC. Elle savait également qu'un éventuel attentat serait réalisé avant toute arrivée de combustible sur le site. Dans la nuit du 18 décembre 1982, deux bombes explosent sur les couvercles de cuve et endommagent sérieusement les mécanismes de barres de commande ; deux autres bombes causent des dégâts matériels très importants dans les installations électriques. Le projet Koeberg prend plus d'une année de retard.
C'est le dernier obstacle important avant le bon achèvement du projet-réacteurs sont mis en service en 1984 et 1985.
3.2 Organisation générale et principes de fonctionnement d'ESKOM en matière de sûreté nucléaire
La centrale de Koeberg constitue une division spéciale au sein de l'organigramme de l'électricien ESKOM. Elle est rattachée à la Direction de la Production, placée sous la responsabilité hiérarchique du directeur général d'ESKOM. La Direction de la Technologie comporte un département de sûreté nucléaire, chargé d'apporter un soutien en exploitation à la centrale ; il semble (mais l'information recueillie n'a pas été très claire) que la Direction de la technologie abrite également le département charge de la gestion du combustible nucléaire. Un conseiller pour les questions nucléaires est directement rattaché à la direction générale de l'entreprise.
Les rapports avec l'autorité de sûreté semblent entachés de quelques préventions. J. NICHOLLS, chef du département « Sûreté nucléaire » (Division de la technologie) m'a ainsi indiqué que son département est parfois plus rapide que l'autorité de sûreté dans le traitement de certains problèmes. Il a également ajouté que l'autorité de sûreté est parfois « à la remorque » d'ESKOM sur certaines questions.
Le département de sûreté nucléaire semble être chargé de piloter certaines des diverses coopérations internationales entreprises par ESKOM. L'électricien a adhéré au consortium mondial des exploitants nucléaires, WANO, en 1989 : soutien aux opérateurs, échange d'informations, évaluations croisées (WANO peer review). Il entretient des liens étroits avec l' Institute for Nuclear Power Opération américain : soutien aux opérateurs, assistance technique, échange d'informations, soutien en situation d'urgence, évaluations croisées (INPO peer review). Les liens avec l'AIEA se sont renforcés depuis la levée de l'embargo ; mes interlocuteurs étaient manifestement heureux que leur pays ait été réadmis au sein de la communauté nucléaire officielle (et étatique) internationale.
Les relations sont également suivies avec les organismes français. J. NICHOLLS s'est toutefois montré parfois assez critique sur le contenu de ces coopérations. Forfanterie vis-à-vis du « Français de passage » ou sentiment justifié ? je manque évidemment d'éléments pour répondre :
- le FRAMATOME Owners Group, qui rassemble les clients de FRAMATOME et permet l'échange d'informations techniques, est trop déséquilibré : EDF est trop puissant vis-à-vis de FRAMATOME, alors que les autres électriciens n'ont pas acquis suffisamment d'indépendance technique pour se démarquer des options de FRAMATOME et engager de véritables discussions sur ces options ; les principaux thèmes de discussions avec FRAMATOME concernent l'intégrité du circuit primaire et le vieillissement de la cuve ;
- la coopération avec EDF est essentielle, mais les gens d'EDF ont souvent tendance à ne vouloir parler que des problèmes qui concernent d'abord EDF ; par ailleurs "ils ne parlent des problèmes que lorsqu'ils ont trouvé la solution !".
Cependant J. NICHOLLS affirme que "rester en ligne avec EDF est fondamental pour notre niveau de sûreté nucléaire". La politique d'ESKOM semble par ailleurs osciller entre deux directions :
- suivre intensivement les pratiques françaises : ceci procure assurément un niveau élevé de sûreté mais a un coût assez important pour un petit exploitant ;
- acquérir plus d'indépendance : cela permet de mettre au point des solutions adaptées au contexte local mais se heurte trop souvent au manque de qualification technique dans les équipes actuelles d'ESKOM.
Les relations contractuelles entre EDF et Koeberg remontent à 1982 : transmission de documents d'exploitation, échanges de questions-réponses sur des sujets techniques particuliers. EDF est intervenue dans la formation des équipes d'exploitation. Des échanges d'ingénieurs sont effectués périodiquement (chimie, maintenance, exploitation, etc.).
Au début de 1995, la direction générale d'ESKOM a demandé à EDF d'élargir le contrat existant et de renforcer son assistance afin d'aider Koeberg à maintenir la sûreté nucléaire à un niveau comparable à celui des centrales françaises, ainsi qu'à diminuer le coût du kWh produit. Plusieurs domaines privilégiés de coopération ont été identifiés : évaluation de la sûreté, retour d'expérience sur le fonctionnement des réacteurs, prolongation de la durée de vie des installations, gestion des pièces détachées. Plus généralement ESKOM souhaite profiter de façon plus approfondie de l'effet de série et de l'organisation des Moyens centraux du Parc mis en oeuvre par EDF. À la mi-février 1996, EDF m'indiquait que rien n'était encore conclu et que les discussions sur les modalités contractuelles du partenariat étaient toujours en cours. Les premières actions communes envisagées concerneraient l'évaluation de sûreté et l'écriture du rapport de sûreté de Koeberg.
Notons enfin que les liens entre EDF et ESKOM concernent également les autres aspects du métier d'électricien : transport en haute tension, distribution, formation du personnel, etc. Un protocole conclu en février 1992 institue une large coopération, EDF prenant par exemple une part active au programme Électricité pour tous ; en novembre 1993 une filiale commune d'électrification a été constituée.
3.3 La politique de sûreté à la centrale de Koeberg
L'organisation interne de la « division Koeberg » montre une bonne séparation entre les fonctions de production et les fonctions de sûreté. La majorité des travaux de maintenance est effectuée par les personnels de Koeberg (300 personnes affectées à ces activités), sauf pour certains travaux spécialisés qui sont confies à des contractants locaux ou des experts étrangers (8 ( * )) . Une centaine de firmes travaillent pour la centrale (prestation de services, fourniture d'équipements) ; les emplois induits sont évalués à 600 pour ce seul secteur (près de 2000 pour l'extraction de l'uranium nécessaire à Koeberg)
M. FITZPATRICK, chef du département de sûreté nucléaire à la centrale de Koeberg, m'a présenté les grilles d'indicateurs utilisés par la hiérarchie pour synthétiser les points forts et les points faibles de la sûreté : le niveau de référence des indicateurs est établi en fonction de l'examen des meilleures pratiques internationales ; sur chacune des cases de cette grille, la centrale se positionne en vert, jaune ou rouge selon ses performances. L'un des facteurs des bonnes performances globales enregistrées ces dernières années tient à la qualité de la chimie maintenue dans le circuit primaire : la corrosion de ce circuit est bien maîtrisée (ce qui a d'ailleurs des répercussions potentielles importantes sur l'exposition des travailleurs en arrêt de tranche).
La direction de la centrale a reconnu l'importance du facteur humain. Elle a récemment décidé de modifier l'organisation de la formation. Les opérateurs en salle de commande passent toutes les 6 semaines sur simulateur (mais je ne sais pas s'il s'agit d'un simulateur « pleine échelle »). Dans une perspective toute anglo-saxonne, la hiérarchie réfléchit actuellement à la possibilité de lier la rémunération au niveau individuel de compétence, pour une référence déterminée pour chaque poste de travail.
La culture de sûreté est une action récente mais abordée avec volontarisme. Une mission de l'AIEA en 1991 avait regretté qu'il fût impossible à la direction de Koeberg de démontrer qu'elle avait une action déterminée pour la culture de sûreté. La réaction ne s'est pas fait attendre : un département d'amélioration de la sûreté nucléaire a été créé, qui a commencé son travail par l'étude approfondie des rapports de P. TANGUY Inspecteur général pour la sûreté nucléaire à EDF. Les moyens mis au service de la vigilance pour la sûreté ont été renforcés : mise en place d'une hot Une téléphonique de Records of Nuclear Safety Concern, mini rapports rédigeables par tout un chacun, sur tout événement ou toute question touchant à la sûreté. Ces mini rapports sont compilés et analysés par le département d'amélioration de la sûreté nucléaire.
Plus récemment d'autres initiatives ont été mises en place : définition du programme STAR (Stop, Think, Act, Report), édition d'une feuille bi-mensuelle SCAN (Safety Culture Awareness News), « concours » d'émulation mensuel (rémunéré) pour les actions positives menées pour la sûreté, séminaire sur la vigilance en matière de sûreté nucléaire (4 jours en mars 1994, un jour de « rafraîchissement » en août 1995). De façon générale, la direction de la centrale cherche à développer les réflexes d'auto-évaluation, qu'elle juge essentiels pour la culture de sûreté.
Je dois mentionner certains éléments d'information qui semblent montrer quelques particularités de la centrale de Koeberg vis-à-vis des centrales exploitées par EDF. D'après ce que j'ai pu observer et écouter, ces particularités concernent essentiellement les situations de crise :
- pour la politique d'intervention hors site, c'est le chef d'urgence qui a la responsabilité de décider de l'évacuation éventuelle des populations (le préfet en France) ; par ailleurs la centrale a adopté à l'origine la philosophie américaine, qui demande de procéder à l'évacuation dans un rayon de 16 km autour de la centrale ; cependant l'urbanisation croissante et difficilement contrôlable dans les environs de Koeberg amène la direction à réfléchir sur l'éventualité d'adopter la démarche française : évacuation dans un rayon de 5 km, confinement dans un rayon de 10 km ; un calendrier a été distribué dans un rayon de 40 km, portant au verso des informations générales sur la centrale ainsi que des informations sur la conduite à tenir en cas d'accident sévère ;
- après l'accident de Three Mile Island, les procédures de conduite accidentelles appliquées à Koeberg ont été modifiées dans le même sens que les procédures américaines, alors qu'EDF a opté pour l'approche par états (APE) ; j'ai demandé à EDF des précisions sur les différences entre ces deux processus ; la réponse d'EDF est exposée à l'issue de ce chapitre.
3.4 La radioprotection des personnels à Koeberg
Le département de sûreté nucléaire comprend une division plus spécialement chargée de la protection radiologique. Elle a pour fonctions d'établir et mettre à jour les standards de protection utilisés dans les installations nucléaires et non nucléaires, d'étudier les développements récents en matière de protection radiologique (9 ( * )) , d'assurer un soutien de radioprotection en exploitation, d'assurer le service interne de dosimétrie, de gérer l'ensemble des déchets solides, liquides et gazeux générés par la centrale, de contrôler qu'ils ont un impact acceptable sur l'environnement. La division rassemble 81 personnes actuellement, mais une réduction à 67 est programmée pour 1997-98 grâce à la dévolution des tâches de routine à un sous-traitant.
M. BOYD, chef de la division de radioprotection, m'a indiqué que celle-ci utilise couramment un équivalent monétaire de l'homme Sievert pour ses actions d'optimisation. Ceci tendrait à prouver que l'optimisation chez l'exploitant est passée du stade du discours au stade de la mise en oeuvre courante.
De façon générale, la politique de radioprotection semble très prudente. Les premières mesures dosimétriques lors d'une opération d'inspection des couvercles de cuves ayant montré une valeur de 0,22 h.Sv, le chantier a été arrêté et les acteurs concernés ont pris le temps de définir une nouvelle méthode.
Il faut dire que le facteur temps est un paramètre moins limitant que dans les opérations menées sur les centrales d'EDF ou d'autres électriciens. La surcapacité électrique nationale fait que les arrêts de tranche sont beaucoup plus longs que ce qui est considéré comme normal dans d'autres pays. De même les performances dosimétriques s'expliquent par un facteur de charge global sur l'année assez faible, qui limite l'activation des circuits et des produits de corrosion.
Les rejets sont réglementés précisément : une limite de rejet a été fixée pour chaque radioélément. La centrale ne doit pas délivrer un équivalent de dose supérieur à 0,25 mSv/an aux personnes du public. Les calculs des doses « réellement » reçues par le groupe critique montrent un équivalent de dose délivré dix fois moindre, soit 0,025 mSv/an. En 1994, la dilution des rejets liquides dans l'environnement marin immédiat a été évaluée de façon expérimentale : la division de radioprotection a déterminé un coefficient de dilution de 500 environ.
Les déchets solides ont vu une amélioration spectaculaire : la centrale produisait 500 blocs de béton en 1987, mais seulement 120 en 1994. La cause essentielle était la mise en place d'un tri à la source efficace... et l'incitation à la réduction des coûts ! Koeberg reste au-dessus des meilleures pratiques internationales : des progrès sont encore nécessaires. Les déchets sont envoyés au site de Vaalputs, dans le désert de Kalahari. Ce site m'a été décrit comme "idéal" pour le stockage des déchets : très peu de précipitations, pas d'infiltration s d'eau, pas de séisme depuis 10 000 ans... Cependant, lors du premier départ des colis de déchets venant de Koeberg, le Ministre de l'Énergie a fait le voyage dans le camion, pour l'image de marque.
La gestion du combustible irradié commence à poser quelques problèmes : les piscines de Koeberg seront pleines en 1998. ESKOM a besoin d'un site d'entreposage. Les autorités et ESKOM commencent également à réfléchir à un site de stockage définitif, puisque la politique de l'Afrique du Sud a fait l'impasse sur le retraitement. ESKOM fait des provisions annuelles pour le financement de ce site à venir.
* 5 Dans l'ouvrage FRAMATOME, du bureau d'ingénierie nucléaire au groupe international (Albin Michel 1995 FRAMATOME écrit que "prétendre fabriquer et monter une centrale complète à 10 000 km de Paris, fût-ce en consortium avec des partenaires industriels compétents, représentait pour FRAMATOME en 1974 une véritable gageure En fait, l'offre de FRAMATOME n'avait pas été sélectionnée sur la short list pour le deuxième tour. La société demanda alors au client. ESKOM. la faveur d'être retenue simplement pour terminer cet exercice, nouveau pour elle, dans la cour des grands "Ce deuxième tour fut pourtant pris très au sérieux, et FRAMATOME obtient la deuxième place par ordre de préférence du client Puis la chance joua en sa faveur le consortium arrivé en tète, piloté par GENERAL ELECTRIC, se heurta très vite à des difficultés politiques insurmontables C'est ainsi que la société fut rappelée à la table des négociations et obtint finalement le contrat."
* 6 Il est aujourd'hui professeur à la Western Cape University.
* 7 Une usine pilote (Y-Plant) a commencé à fonctionner en 1971, l'usine principale (Z-Plant) a été complètement opérationnelle en mars 1977. Lors du débat parlementaire de 1970, le Premier ministre J. VORSTER avait indiqué que le but de ce programme était pacifique mais que l'Afrique du Sud ne serait en aucune façon limitée dans son effort de recherche et que le Gouvernement ne prendrait aucun risque que soient révélées les caractéristiques techniques mises en oeuvre. L'Afrique du Sud refusait par là même de se plier aux inspections internationales de non prolifération et entraînait son exclusion de la scène nucléaire mondiale. Les autorités affirment aujourd'hui que le programme nucléaire militaire n'a été décide qu'en 1977. Le premier engin factice (sans uranium) a été fabriqué cette même année, un second a été fabriqué en 1978 et chargé en uranium en 1979. L'uranium hautement enrichi utilisé dans les 6 engins construits au total a été fourni par l'usine Y-Plant.
* 8 FRAMEX, filiale de FRAMATOME créée en 1979, est chargée de gérer les contrats et la sous-traitance confiées aux industriels locaux lors de la construction puis de la maintenance des centrales.
* 9 Par exemple la division de radioprotection a étudie en détail les recommandations de la CIPR 60 pour voir si les standards adoptés pour la centrale de Koeberg devaient être modifies, et dans quelle mesure.