III. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ENTRE L'EUROPE ET LE PACIFIQUE SUD
A. LA RÉGIME D'ASSOCIATION UNISSANT LA POLYNÉSIE FRANÇAISE À L'EUROPE
Contrairement aux départements d'outre-mer, les territoires d'outre-mer sont pas partie intégrante de la Communauté européenne.
En application des articles 131 et suivants du traité de Rome, ils figurent dans la catégorie dite des PTOM (pays et territoire d'outre-mer) et bénéficient d'un régime spécifique d'association à la Communauté économique européenne défini par une décision d'association du 30 juin 1986, renouvelée le 25 juillet 1991. Sur le plan économique, ils bénéficient de concours financiers européens par l'intermédiaire du fonds européen de développement (FED).
1. Les concours du FED
Le fonds européen de développement est alimenté par des contributions des Etats membres. Les versements qu'il effectue sont attribués directement au territoire bénéficiaire sans transiter préalablement par le budget de l'Etat. Chaque FED a une durée de cinq ans : le VIIème FED ayant couvert la période de 1990-1994, le suivant concerne la période 1995-1999.
Deux types de concours doivent être distingués : l'aide programmable (70 % de l'enveloppe globale) relative aux programmes indicatifs territoriaux et l'aide au financement de l'économie et à des dépenses exceptionnelles (aides d'urgence consécutives à des catastrophes naturelles). Mais, comme le souligne le rapport de l'Institut d'émission d'outre-mer pour 1994, « la lourdeur de gestion du FED en compromet souvent l'efficacité et l'impact économique, d'autant que sa mise en oeuvre ne comporte aucun délai » .
Il convient toutefois d'indiquer qu'au titre du VIIème FED, la Polynésie française a été destinataire de concours s'élevant à 13,1 millions d'ECU sur une enveloppe de 30,5 millions d'ECU pour les territoires d'outre-mer, soit près de 45 %. Mais le taux d'engagement du VIIème FED, de 63,9 % pour l'ensemble des PTOM français, n'a été que de 25 % pour la Polynésie française.
2. Un régime d'association critiqué
La décision d'association du 25 juillet 1991 définit un régime d'échanges commerciaux favorable aux PTOM et donc à la Polynésie française.
Elle prévoit le libre accès au marché européen de tous les produits originaires des PTOM. Ces produits sont ainsi exemptés de droits de douane, de taxes d'effet équivalent ou de mesures de contingentement. Certains produits importés de pays tiers dans les territoires et réexportés vers l'Union européenne sont également exonérés sous certaines conditions.
En revanche, les PTOM conservent la possibilité de percevoir des droits de douane sur l'importation des produits communautaires, s'ils estiment nécessaire à la préservation de leur développement. Or, l'Union européenne reste le principal fournisseur de la Polynésie française avec 58 % des produits importés dont 45 % pour la France seule. Cependant, en vertu de article 132 du traité de Rome qui prescrit tout traitement discriminatoire et impose que les mesures de protection s'appliquent indistinctement à tous les ressortissants européens, la Polynésie française ne peut taxer les marchandises provenant des autres pays communautaires dès lors qu'elle ne taxe pas celles importées de France. Elle estime donc subir un manque à gagner, non compensé par les concours du FED.
Il convient toutefois de préciser que si un décret du 14 octobre 1954 interdit aux territoires d'outre-mer de percevoir des droits de douane sur les importations en provenance du reste du territoire national, la difficulté a pu être contournée par la Polynésie française, le territoire ayant, dans l'exercice de sa compétence fiscale, institué un droit fiscal d'entrée applicable à tous les produits, y compris ceux importés de métropole. Les droits de douane et droits entrée représentent ainsi plus de 35 % de recettes territoriales.
Une équation juridique similaire s'applique en matière de droit établissement et de libre prestations de services de ressortissants communautaires : les mesures protectrices qui peuvent être définies en accord avec la Commission européenne doivent s'appliquer à tous, y compris aux ressortissants de la métropole. Or, en la matière, aucun échappatoire n'a pu être trouvé. Comme l'explique notre excellent collègue Daniel Millaud, dans son rapport élaboré au nom de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne intitulé « Pour une réforme des dispositions du traité de Rome sur l'association des pays et territoires d'outre-mer » :
« Ces principes ne posent aucune difficulté aux PTOM non français. Ainsi les Antilles néerlandaises ont institué un système d'autorisation préalable à l'établissement des ressortissants étrangers, qui s'applique à tous ressortissants de la Communauté, y compris aux néerlandais résidant aux Pays-Bas.
Les territoires d'outre-mer et collectivités territoriales français ne peuvent procéder de la même manière. La Constitution française contient en effet deux principes fondamentaux, le principe d'égalité et le principe d'indivisibilité de la république, qui interdisent aux territoires d'outre-mer d'opérer une discrimination entre les ressortissants et les français de métropole.
Tout contrôle de ce type conduirait soit à une violation du traité de Rome soit à une violation de la Constitution. Or, compte tenu de leur attractivité géographique et de l'étroitesse de leur marché local du travail, certains PTOM français, en particulier ceux du Pacifique, peuvent craindre que le régime du droit d'établissement puisse à terme être source de difficultés et de tensions locales. Il est absolument nécessaire pour ces territoires très petits de pouvoir exercer un contrôle sur l'installation de ressortissants communautaires » .
Le Gouvernement du territoire a d'ailleurs émis les plus vives protestations contre une proposition de la Commission européenne tendant à élargir le droit de libre établissement aux salariés européens.
L'association ayant pour objectif, aux termes de l'article 131 du traité de Rome, de favoriser le développement des PTOM, la conférence intergouvernementale qui se réunira prochainement afin de modifier le régime de libre établissement dans les territoires d'outre-mer devrait résoudre ce problème spécifique tenant à l'impossible discrimination, en l'état actuel du droit, entre les ressortissants de l'Etat avec lequel le territoire entretient des relations privilégiées et les autres ressortissants communautaires.
L'Assemblée territoriale, par une délibération du 23 novembre 1995, a d'ailleurs émis un voeux tendant à ce que « le Gouvernement de la république mette tout en oeuvre à l'occasion des travaux de la conférence intergouvernementale de 1996, pour assurer aux territoires d'outre-mer leur statut d'associés à l'Union européenne dans le respect de leur statut autonome au sein de la République française » .