TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ, MINISTRE DÉLÉGUÉE CHARGÉE DE L'AUTONOMIE ET DU HANDICAP, SUR LE BILAN DE LA LOI N° 2005- 102 DU 11 FÉVRIER 2005 POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

(Mardi 28 janvier 2025)

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous recevons à présent Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap, en association avec le groupe d'études sur le handicap, dont la présidente, Marie-Pierre Richer, n'a malheureusement pu se joindre à nous.

Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est diffusée en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande.

Madame la ministre, le Sénat organisera, mardi 11 février prochain, un important colloque qui marquera les vingt ans de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Nous sommes heureux de vous compter parmi les participants.

À cette occasion, de nombreux acteurs, dont les commissions du Sénat concernées par cette loi, dresseront un bilan de cette loi pour en souligner tant les apports que le chemin qu'il reste à parcourir pour l'intégration des personnes en situation de handicap.

Afin de préparer cette échéance, la commission des affaires sociales a créé une mission d'information, dont Marie-Pierre Richer, Chantal Deseyne et Corinne Féret sont les rapporteures, qui nous présentera le résultat de ses travaux la semaine prochaine. Les autres commissions ont choisi leur mode d'organisation, sous l'égide du groupe d'études Handicap. Tel est le cadre de cette audition, madame la ministre.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap. - Je me réjouis d'être parmi vous cet après-midi pour ces travaux ô combien importants consacrés à l'évaluation de la loi de 2005, dans le contexte assez particulier de la constitution récente du Gouvernement, après une précédente équipe qui fut éphémère.

Je tâcherai de maintenir une continuité avec les travaux et orientations portés par mes prédécesseurs, tout en me projetant vers l'avenir, avec une première échéance importante qui est évidemment l'adoption du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Viendra ensuite la construction d'une feuille de route, puisque François Bayrou a demandé aux ministres de faire des propositions.

Notre échange arrive donc à point nommé, car je souhaite pouvoir nourrir cette feuille de route des travaux d'évaluation de cette loi de 2005, en particulier des vôtres, mais également de ceux que produira la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, ainsi que des travaux du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Je tiens à mentionner les différentes propositions d'initiative sénatoriale qui permettront d'enrichir nos politiques en faveur des personnes handicapées. Je pense notamment à la loi pour améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants, présentée par Jocelyne Guidez, à la loi sur la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant la pause méridienne, portée par Cédric Vial, ou encore à la proposition de loi sur la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et d'autres maladies évolutives graves, portée par vous-même, monsieur le président, aux côtés de Gilbert Bouchet. Voilà autant d'initiatives qui vont dans le sens d'une société plus inclusive, à laquelle nous aspirons tous.

Nous sommes à la veille du vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes : c'est dans ce cadre que vous avez lancé un travail d'évaluation avec les autres commissions du Sénat pour dresser le bilan de la loi et voir le chemin parcouru, mais également celui qu'il nous reste à faire.

Je suis particulièrement attachée à cette méthode de co-construction avec le Parlement : c'est d'ailleurs ainsi qu'est née la loi de 2005, qui a été l'aboutissement de trois années de réflexion partagée entre les gouvernements successifs, le Parlement et les associations.

En renonçant à une approche strictement médicale du handicap et en affirmant dès son intitulé l'objectif d'intégration des personnes handicapées dans l'ensemble de la société, à rebours d'une politique reposant sur les dispositifs spécialisés, cette loi a porté une vision ambitieuse et réformatrice, trente ans après l'acte fondateur qu'a représenté la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées.

La loi de 2005 a d'abord permis d'introduire une nouvelle définition du handicap, permettant de prendre en compte l'ensemble des handicaps, qu'ils soient moteurs, sensoriels, cognitifs ou psychiques. De cette nouvelle définition ont découlé deux principes fondamentaux, à savoir l'accessibilité et la compensation, placés au service d'une société qui accorde les mêmes chances et les mêmes droits aux personnes en situation de handicap.

L'accessibilité doit permettre à chacun, quel que soit son handicap, de participer pleinement à la société, sans restriction. Plus la société sera accessible dans son ensemble, moins la compensation devra prendre le relais.

Afin de favoriser le maintien à domicile et une meilleure intégration dans l'espace public, l'obligation d'accessibilité s'impose aux différentes composantes de la vie collective, qu'il s'agisse des établissements recevant du public (ERP), des locaux professionnels, des logements, des transports, des écoles, des services publics ou encore de la communication en ligne.

Aujourd'hui, 900 000 ERP - sur les 2 millions que compte le pays - se sont engagés dans une démarche de mise en accessibilité, tandis que 97 gares nationales et 237 gares régionales sont intégrées dans les différents schémas d'accessibilité. Pour ce qui concerne le logement, plus de 31 000 dossiers avaient été déposés au titre du dispositif MaPrimeAdapt' en novembre 2024, contre 6 000 dossiers en mars de la même année.

La loi de 2005 a également reconnu à tout enfant porteur de handicap le droit d'être inscrit en milieu ordinaire, dans l'école dont relève son domicile, ce qui constitue un changement d'approche considérable pour casser les représentations, dès le plus jeune âge : l'école adaptée n'est désormais plus envisagée que lorsque l'éducation en milieu ordinaire s'avère impossible.

Nous comptons ainsi aujourd'hui plus de 520 000 élèves handicapés scolarisés dans nos écoles, collèges et lycées, avec un nombre toujours croissant d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) à leurs côtés. Des progrès restent là aussi nécessaires, mais le déploiement des pôles d'appui à la scolarité (PAS) permettra de fluidifier le travail entre professionnels de l'éducation nationale et professionnels du secteur médico-social.

En matière d'emploi, la loi de 2005 a aussi permis des progrès significatifs en étendant l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) à la fonction publique, tout en renforçant les sanctions financières en cas de non-respect de cette règle. Si la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) évalue à 111 300 le nombre d'entreprises publiques et privées soumises à l'OETH en 2022, et que le taux de chômage des personnes handicapées a nettement diminué, les défis en matière d'emploi restent considérables.

Pour ce qui est de la compensation, second pilier de la loi, l'ambition de la loi était élevée, avec l'objectif de permettre à chacun de faire face aux conséquences du handicap. Dès 2006, la prestation de compensation du handicap (PCH) a ainsi été mise en place pour prendre en charge les surcoûts liés au handicap.

Afin de faciliter l'accès aux droits et aux prestations, la loi a créé les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) comme guichet unique d'accueil, d'information et de conseil, en rassemblant l'ensemble des acteurs de la prise en charge du handicap, qui étaient jusqu'alors dispersés.

Si le temps qui m'est imparti ne me permet pas de dresser un bilan exhaustif des 101 articles de la loi de 2005, force est de reconnaître que ce texte a été porteur d'une approche radicalement différente du handicap et qu'il a permis des avancées significatives.

Pour autant, et encore plus dans le contexte de l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de l'été dernier, nous devons maintenir un haut niveau d'exigence pour parvenir véritablement à une société inclusive, des chantiers colossaux étant devant nous.

À l'occasion de la dernière réunion de la conférence nationale du handicap (CNH), le Président de la République a pris des engagements forts, notamment le remboursement intégral des fauteuils roulants, que nous pourrons enfin tenir dans les prochains jours. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a, quant à lui, réaffirmé l'engagement de l'ensemble du Gouvernement en faveur des personnes handicapées.

Une prochaine réunion du comité interministériel du handicap permettra de garantir le suivi de l'ensemble des travaux déjà engagés et de réfléchir à de nouvelles pistes d'action, y compris d'un point de vue législatif.

Je tiens donc à réaffirmer l'importance que j'attache au travail d'évaluation et aux propositions que vous formulerez afin de nourrir ma feuille de route et les prochains grands rendez-vous, au-delà du 11 février prochain.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Madame la ministre, nous nous sommes intéressées aux MDPH dans le cadre de notre mission d'information et nous avons constaté que la qualité de l'accompagnement est assez inégale sur le territoire, en particulier en matière de délais de traitement, en dépit des dispositifs mis en place par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour épauler ces structures. Quel regard portez-vous sur ces disparités territoriales et comment envisagez-vous de les résorber ?

Je souhaite également vous interroger sur la rémunération des travailleurs en établissements et services d'aide par le travail (Ésat). Vous avez sans doute consulté comme nous le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de février 2024, dont les conclusions sont pour le moins mitigées quant à l'augmentation de la garantie de rémunération des travailleurs Ésat au niveau du Smic. Ces établissements nous ont interpellées et ont manifesté une certaine inquiétude, dans la mesure où cette mesure pourrait conduire plus de la moitié des Ésat à une situation déficitaire. De plus, il semblerait qu'une telle mesure n'apporte pas une rémunération complémentaire aux travailleurs de ces établissements, en raison de la compensation qui s'opère par le biais de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner à ce rapport ? Comment concilier les droits des travailleurs en Ésat avec la pérennité financière de ces établissements ?

Enfin, pouvez-vous nous faire un point de situation concernant la prise en charge à 100 % des fauteuils roulants ?

Mme Corinne Féret, rapporteure. - Madame la ministre, depuis sa création en 2005, la PCH a connu des évolutions positives, tant sur le plan des conditions d'éligibilité que sur celui des charges couvertes : je pense notamment à la création de la PCH parentalité et à l'accès des personnes atteintes d'un trouble psychique, mental ou cognitif à cette prestation.

Néanmoins, l'article 13 de la loi de 2005 prévoyait la suppression, dans un délai de cinq ans, de la barrière d'âge fixée à 60 ans pour bénéficier de la PCH. Or, vingt ans plus tard, il n'en est rien et les personnes dont le handicap se déclare après 60 ans continuent de bénéficier, injustement, d'une prise en charge moins adaptée au travers de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

De surcroît, de plus en plus de personnes seront concernées par cette inégalité de traitement du fait du vieillissement de la population, et la suppression de cette distinction basée sur l'âge est l'une principales mesures demandées par le milieu associatif. Envisagez-vous la levée, ou au moins, l'augmentation de cette barrière d'âge ?

Par ailleurs, une réforme de la PCH enfant est-elle envisagée afin de mieux répondre aux besoins des enfants et des adolescents handicapés ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - En ce qui concerne les MDPH, j'ai été parlementaire avant d'être ministre et je suis conseillère départementale du Nord : je n'ignore donc pas les difficultés signalées par de nombreuses familles, dont la lourdeur administrative et des délais de traitement très inégaux d'un département à l'autre.

Il convient donc de simplifier l'accès, le remplissage et le traitement du dossier MDPH, car nous sommes entrés dans une forme de course consistant à augmenter les moyens de ces établissements afin de répondre à une hausse importante du nombre de dossiers, mais sans véritablement prendre à bras-le-corps la question de l'efficacité de la procédure de remplissage et de traitement. En outre, la question d'une meilleure harmonisation entre départements reste posée.

À cet effet, je mets actuellement sur pied un groupe de travail resserré - une task force - qui élaborera une série de propositions permettant d'alléger la structure du dossier, en s'appuyant sur l'expertise des professionnels des MDPH et en ayant comme leitmotiv la recherche de l'efficacité, au bénéfice des familles.

Certains circuits de décision - concernant la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), par exemple - pourraient être simplifiés, tandis qu'il existe des marges de progression importantes dans le développement du remplissage numérique des dossiers, remplis essentiellement à la main à l'heure actuelle. L'intelligence artificielle pourrait également nous apporter des solutions afin d'améliorer l'efficacité de ce traitement.

Je table sur une officialisation rapide de cette task force, afin qu'elle puisse rapidement se mettre au travail et produire des résultats. La CNSA accompagne bien sûr ces travaux, certaines MDPH parvenant à réduire leurs délais de traitement : nous nous inspirerons de leurs solutions.

Pour ce qui est des travailleurs des Ésat, je dois encore compléter mon analyse de la situation. La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a permis d'engager une dynamique de convergence des droits et de renforcement des liens entre le milieu ordinaire et les Ésat. Une convention a ainsi été récemment signée entre ces structures, France Travail et les Cap emploi, afin de multiplier les possibilités d'allers-retours et de concomitance entre un emploi à temps partiel en milieu ordinaire et le travail en Ésat.

Dans ce contexte, il importe de réaffirmer les droits des travailleurs des Ésat et de veiller à ce qu'ils puissent bénéficier d'un revenu digne, tout en soutenant le modèle économique de ces structures, ce que nous faisons d'ailleurs au moyen du Fonds d'accompagnement de la transformation des Ésat (Fatésat), afin de favoriser une diversification de leurs activités. J'ai par ailleurs bien noté la problématique du cumul avec l'AAH, mais j'ai besoin d'étudier ce point de façon plus approfondie.

J'en viens à la prise en charge intégrale des fauteuils roulants, qui est un engagement fort du Président de la République comme du Premier ministre. Nous avons besoin d'aller vite et je souhaite arrêter les grandes lignes du dispositif dans les prochains jours, afin que le remboursement de ces équipements soit effectif en septembre 2025. Il est vrai que la censure du précédent gouvernement a retardé ces travaux.

Pour ce qui est de la PCH et de la suppression de la barrière d'âge, la problématique est très complexe et nécessite des investigations plus poussées. Nous faisons face à deux objets différents dans la mesure où la PCH compense un risque susceptible de survenir, la solidarité devant être pleine et entière lorsqu'une personne est frappée de handicap, alors que la perte d'autonomie liée à l'âge nous concerne tous, dans le cadre d'un débat plus large sur le financement de la protection sociale face au mur démographique qui se profile.

Enfin, la réforme de la PCH enfant n'est pas encore à l'ordre du jour. À ce stade, je n'ai pas identifié un scénario faisant consensus, la situation actuelle présentant quelques avantages, comme le droit d'option. Une fois encore, ma feuille de route est en cours de construction et je continue de recueillir les propositions.

M. Khalifé Khalifé. - Madame la ministre, je salue votre annonce concernant les fauteuils roulants et souhaite que votre feuille de route puisse s'appliquer le plus longtemps possible, car je n'ai connu rien de moins que quatre ministres depuis mon entrée au Sénat, il y a à peine seize mois : nous souffrons de l'absence de suivi des dossiers qui en découle.

L'an dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité un amendement revenant sur l'amendement Creton - datant de 1989 - afin de libérer des places au sein des instituts médico-éducatifs (IME), car environ 10 000 d'entre elles sont occupées par des personnes devenues adultes depuis l'adoption de cet amendement, au détriment de personnes les plus jeunes. Nous n'avons toujours pas eu de réponse à cette question, qui a déjà été posée à vos trois prédécesseurs.

Par ailleurs, l'extension de la prime du Ségur, décidée en juillet dernier par l'un de vos prédécesseurs, pose problème à une série d'organismes hébergeant des personnes handicapées, qui ne peuvent pas assumer cette dépense supplémentaire de 185 euros par mois et par employé.

M. Bernard Jomier. - Madame la ministre, j'ai apprécié votre intervention liminaire : nous sommes nombreux à penser que les jeux Paralympiques ont été synonymes d'un changement culturel, l'ambiance dans les stades ayant été incroyable, ce qui doit nous inciter à avancer de manière plus déterminée.

Ma première question porte sur les soins dentaires : si des moyens ont été mis en place dans la dernière convention afin d'inciter les chirurgiens-dentistes à prendre en charge les personnes en situation de handicap, l'une des dispositions de ce texte a malheureusement créé une discrimination. En effet, la revalorisation de 100 euros n'est pas prise en charge à 100 % par l'assurance maladie. Or de nombreuses personnes handicapées - notamment celles qui vivent en institution médicalisée - ne disposent pas de mutuelle et les patients concernés doivent donc payer plus cher pour le même soin. De plus, les chirurgiens-dentistes hésitent à appliquer cette revalorisation afin de ne pas pénaliser le patient et de ne pas risquer de se retrouver avec un indu de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Comment comptez-vous résoudre cette situation ?

Ma deuxième question concerne l'accès des personnes en situation de handicap à la formation professionnelle et à l'emploi. Comme vous l'avez rappelé, la scolarisation en milieu ordinaire a beaucoup progressé, et c'est heureux, mais de nombreux jeunes souhaitent poursuivre une formation professionnelle dans ce même milieu, et nous n'avons guère progressé dans ce domaine. Les refus sont en effet généralisés et permanents et ces jeunes ne parviennent pas, en dehors de quelques secteurs, à poursuivre leur formation et à accéder à l'emploi en milieu ordinaire, alors qu'ils en ont la capacité. Quelles initiatives proposez-vous en la matière ?

Mme Jocelyne Guidez. - La loi de 2005 a ouvert la question de l'inclusion scolaire des enfants handicapés et nous pouvons nous féliciter du quadruplement du nombre d'élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire par rapport à 2006.

Début décembre, j'ai interrogé la ministre de l'éducation nationale sur les ruptures d'accompagnement des élèves handicapés qui bénéficient d'une AESH. De nombreuses familles regrettent le manque de stabilité pour leurs enfants ou des modifications d'affectations des AESH en cours d'année, sans concertation. Il serait pourtant nécessaire de garantir une continuité pédagogique à ces jeunes sur l'ensemble d'une année scolaire, voire sur l'ensemble du cycle scolaire.

À cette question orale, la ministre de l'époque n'a répondu que très partiellement. Quelles actions votre ministère compte-t-il mettre en oeuvre pour garantir aux enfants en situation de handicap la stabilité de leur accompagnant ? Envisagez-vous aussi des mesures visant à renforcer le dialogue entre les équipes éducatives et les familles, afin de sécuriser le parcours scolaire de ces élèves dans des conditions dignes et stables ?

Par ailleurs, il y a un aidant derrière chaque enfant et chaque personne handicapée, ce qui m'amène à évoquer le dispositif de relayage. La loi du 15 novembre 2024 relative aux troubles du neurodéveloppement (TND), que le Parlement a adopté à l'unanimité, a mis un terme, dans son article 9, à l'expérimentation relative au relayage à compter du 31 décembre dernier et prévoyait la pérennisation de ce dispositif à partir du 1er janvier 2025.

Cependant, cet article renvoyait à un décret d'application, qui n'a toujours pas été publié à ce jour. Par conséquent, les offres de relayage actuellement proposées aux aidants sont dépourvues d'une base légale ; s'y ajoute le fait que la censure n'a pas permis au PLFSS pour 2025 d'être adopté avant le 31 décembre alors que ce dernier comportait - à mon initiative, ainsi qu'à celle de Paul Christophe - un article permettant de repousser au 1er avril l'entrée en vigueur de l'article 9. Désormais, la seule solution consiste à publier le décret d'application : peut-on espérer qu'il soit rapidement signé ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Monsieur Khalifé, l'objectif est, d'une part, que les enfants en IME qui devraient être à l'école rejoignent celle-ci, libérant ainsi des places, et, d'autre part, de répondre aux jeunes adultes en leur offrant de nouvelles solutions leur permettant de sortir des IME. Plusieurs voies peuvent être empruntées à cet effet, dont les PAS, le fait de compléter l'offre de places en IME et les nouvelles solutions que je viens de mentionner.

Concernant ces deux dernières voies, le plan 50 000 solutions doit se déployer, en précisant que 15 000 d'entre elles doivent être créées dès cette année, sous réserve de l'adoption du PLFSS, qui programme 270 millions d'euros pour financer cet effort, au lieu des 200 millions d'euros initialement prévus. Nous entendons accélérer dans ce domaine, les agences régionales de santé (ARS) ayant beaucoup travaillé à la définition des besoins sur les territoires, en lien avec les départements et les organismes gestionnaires.

Vous rappelez également les difficultés liées aux primes du Ségur de la santé. L'État a néanmoins pu, en grande partie, apporter le soutien nécessaire. Sans doute doit-il consentir d'autres efforts, mais il ne pourra le faire que dans le cadre budgétaire contraint qui est le nôtre. Cela fait donc partie des arbitrages à rendre ; je vous renvoie à cet égard à nos débats de la semaine dernière, lors de l'examen du PLF. En outre, les départements doivent aussi y mettre du leur. Des discussions ont été engagées à cet égard avec Départements de France pour élargir les marges de manoeuvre.

Sur la question des soins dentaires, monsieur Jomier, je n'ai pas de réponse à apporter dans l'immédiat à la question précise que vous avez posée ; je vous répondrai ultérieurement.

Cela étant, j'ai annoncé le lancement d'une mission Santé sur l'accès aux soins des handicapés, dans le cadre du dixième anniversaire de la charte Romain Jacob, afin de dresser un bilan de la situation et de repérer les bonnes pratiques et les freins en la matière, puis de soutenir de nouvelles initiatives. Pour l'administration de soins dentaires, il y a une initiative intéressante dans le Calvados : le matériel nécessaire est embarqué dans un véhicule et le dentiste se rend dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS), de sorte que les personnes handicapées soient préparées et accompagnées par leurs éducateurs. Le praticien gagne ainsi du temps, car il peut faire plusieurs consultations d'un coup, tout en étant dans un environnement sécurisé ; cela donne en outre de la souplesse. Il y a beaucoup d'autres initiatives intéressantes sur le terrain. Cette mission permettra de les identifier.

Sur les stages en milieu ordinaire, je suis d'accord avec vous, il y a des efforts à faire pour ouvrir davantage l'entreprise, mais aussi l'université. Néanmoins, les progrès sont réels dans les perceptions et les mentalités, notamment dans les entreprises. Il y a des dispositifs intéressants, les entreprises s'engagent ou se regroupent en faveur de l'inclusion, mais il faut les soutenir, pour rendre les choses plus faciles, promouvoir leurs initiatives et embarquer les plus petites, pour lesquelles c'est beaucoup plus difficile.

Madame Guidez, vous évoquiez l'accompagnement scolaire et la question des AESH. Une des solutions doit venir des pôles d'appui à la scolarité. Ces pôles permettent de proposer, territoire par territoire, des renforts d'enseignants formés et du personnel médico-social. L'objectif est de mieux accompagner les enseignants, les AESH, les familles, les enfants. Cela fonctionne dans les expérimentations, mais il faut accélérer le processus ; je m'en suis entretenue avec Élisabeth Borne, qui est très sensible à la question de l'inclusion. L'objectif est d'aider les enseignants dans cette démarche, car ils se retrouvent parfois dans des situations difficiles et je ne veux rien lâcher sur l'objectif de l'inclusion des enfants à l'école. C'est la promesse de la loi de 2005 et je souhaite qu'elle soit tenue. On ne recule pas sur ce sujet, puisque nous continuons de recruter des AESH et de nous intéresser à leur formation et à leur parcours de carrière.

Sur le dispositif de relayage, le retard s'explique par la censure du gouvernement précédent et par l'absence de loi de financement de la sécurité sociale. Nous souhaitons publier les décrets en avril au plus tard.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je souhaite vous interroger sur le fonds départemental de compensation du handicap (FDC), qui fournit une aide financière complémentaire à la PCH visant à réduire le reste à charge du bénéficiaire, après participation des financeurs sollicités par le dossier unique de demande de financement. Avant d'accorder cette aide, les départements pouvaient prendre en compte les ressources des bénéficiaires, mais, depuis une évolution législative sur le sujet, une participation égale à 10 % des ressources annuelles nettes d'impôts leur est imposée, ce qui déstabilise les finances des MDPH. L'État entend-il compenser cette mesure ?

Je souhaite ensuite vous faire une suggestion, madame la ministre : dématérialisons les cartes d'invalidité, de stationnement et de priorité. Cela favoriserait la lutte contre la fraude, tout en permettant de faire une importante économie budgétaire. Il serait intéressant de savoir le montant consacré par l'État à l'impression de toutes ces cartes.

Mme Monique Lubin. - L'accessibilité des établissements recevant du public est loin d'être effective, de même que l'accès au numérique. Une programmation législative sur trois à cinq ans, prévoyant des moyens précis, ne serait-elle pas opportune ? Quelles sont les ambitions du Gouvernement concernant le fonds territorial d'accessibilité, dont les ressources sont très peu sollicitées en raison d'un manque de notoriété et d'une trop grande complexité ? Que comptez-vous faire pour que cette obligation devienne une réalité à brève échéance ?

En novembre 2024, l'association France Assos Santé a rappelé que la loi obligeait les entreprises de plus de vingt salariés à employer au moins 6 % de handicapés. Cette obligation n'est toujours pas respectée : ce taux ne s'élève qu'à 3,5 % dans le privé et à 5,5 % dans le public. Confirmez-vous ces éléments ? Allez-vous vous emparer de cette question ?

Mme Martine Berthet. - Ma première question porte sur l'accessibilité des logements. Un bilan de l'application des objectifs d'accessibilité des logements devait être réalisé cinq ans après la promulgation de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan). Ce rapport a bien été remis par l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) fin 2023, mais n'a toujours pas été transmis au Parlement. Sera-ce bientôt le cas ?

Ma deuxième question porte sur le fonds territorial d'accessibilité, qui a été très peu utilisé en 2024 parce qu'il est trop complexe. Or ce fonds est intéressant pour les commerces. Sera-t-il reconduit en 2025 et simplifié ?

Mme Patricia Demas. - Il y a une difficulté pour les handicapés à accéder aux soins de premiers recours, en médecine générale, en soins dentaires et en gynécologie. Comment l'offre de soins pourrait-elle s'organiser mieux sur le territoire, puisque 25 % des personnes handicapées ont des difficultés à accéder aux soins de premier recours ? Quelle place le maillage du territoire aura-t-il dans votre feuille de route ?

Ma seconde question porte sur la simplification des démarches administratives et sur l'obtention de la prime d'activité pour les allocataires de l'AAH. À ce jour, il faut deux déclarations différentes, avec des montants nets sociaux différents. Pourquoi ne pas prévoir une déclaration unique des ressources, pour simplifier ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Madame Romagny, sur le FDC, je n'ai pas d'élément assez précis pour vous répondre immédiatement, je le ferai ultérieurement. Avec la prise en charge des fauteuils roulants par l'assurance maladie, peut-être aurons-nous de nouvelles marges de manoeuvre, puisque ce fonds ne financera plus ces appareils.

Je vous remercie de votre proposition de dématérialisation des cartes d'invalidité, de stationnement et autres. Cela fait partie des propositions intéressantes à prendre en compte dans le cadre de la task force que j'évoquais, car ces dossiers engorgent les MDPH.

Madame Lubin, sur l'accès au numérique, nous sommes bien équipés en matière de réglementation : la loi et les directives européennes sont claires. Nous devons tous faire un effort en la matière, car nous sommes en retard. Le Gouvernement a néanmoins fourni des outils et des méthodes, car l'État fournit du conseil et de l'accompagnement pour rendre les sites accessibles, même s'il n'est pas parfaitement exemplaire. Nous devons tenir cet engagement.

Le fonds territorial d'accessibilité est en effet peu utilisé. Il n'était pas très connu et il a été détourné de son usage ; en outre, c'est vrai, il n'est pas simple d'usage. J'ai donc demandé à la délégation interministérielle à l'accessibilité (DIA) de faciliter l'accès à cet outil. En outre, nous avons, au travers du service civique, de jeunes ambassadeurs qui encouragent les communes et les commerces à mobiliser ce fonds. Sur l'accessibilité des ERP, ce fonds apporte des solutions, mais il faut lui donner un coup d'accélérateur ; on ne peut plus accepter que les commerces ne soient pas tous accessibles. Du reste, pour les commerçants, restaurateurs ou professions libérales qui bénéficient de ce fonds, cela représente de nouveaux clients.

Sur l'obligation d'emploi des handicapés, je partage votre analyse. Les employeurs ne sont pas tous au rendez-vous. Nous devons collectivement être plus performants, plus efficaces et ouvrir les portes de l'entreprise aux handicapés. Ces derniers demandent surtout que l'on reconnaisse leurs compétences et leur envie de travailler. Ils veulent avoir toute leur place en entreprise, où ils démontrent qu'ils apportent beaucoup. Nous devons simplifier certains dispositifs ; je pense en particulier à l'emploi accompagné, qui assiste les employeurs dans l'accueil d'une personne handicapée. Cet outil fonctionne bien, notamment pour le handicap psychique, mais il n'est pas très utilisé : nous comptons 10 000 emplois accompagnés, alors que nous en visons 30 000 et que nous avons le budget requis. Cela exige de la simplification et je travaille en ce sens avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et avec France travail.

Madame Berthet, si le rapport d'application de la loi Élan était prévu et a été produit, il n'y a pas de raison que le Parlement n'en dispose pas. Je me pencherai sur cette question.

Madame Demas, votre question sur l'accès aux soins rejoint le sujet précédemment abordé. C'est une préoccupation pour moi, il est déjà difficile d'accéder à l'offre de soins dans certains territoires, mais c'est encore plus le cas pour les personnes handicapées. La mission d'évaluation de la charte Romain Jacob et d'amélioration de la formation des professionnels de santé en matière de handicap vise à mieux prendre en charge les handicapés. Par ailleurs, le PLFSS comporte de belles mesures pour l'accès aux soins des handicapés, notamment des femmes, avec par exemple la consultation handi-gynécologique, qui permet de mieux prendre en charge le patient, d'autant que les femmes handicapées sont les plus exposées aux violences sexuelles. Il est donc important que le PLFSS soit adopté.

Mme Annie Le Houérou. - On promeut l'inclusion, mais celle-ci ne répond pas à toutes les situations et les IME continuent de prendre en charge certains besoins particuliers ; les deux aspects sont indispensables. Or on manque de places dans ces établissements.

En ce qui concerne les compensations du Ségur de la santé, vous appelez les départements à s'engager, mais nombre d'entre eux ne sont plus en mesure de le faire, faute de budget. Ils comptent donc sur l'accompagnement de l'État.

Peut-on faire le bilan des dispositifs d'autorégulation, mis en place pour accompagner les enfants souffrant de troubles autistiques ? Dans ma circonscription, il y a une école qui propose ce dispositif. Cela fonctionne bien, mais très peu d'enfants peuvent en bénéficier, puisqu'il n'y a que six places pour tout le département.

Enfin, l'accès à l'emploi reste difficile et l'on constate notamment de nombreux licenciements pour inaptitude.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Oui !

Mme Annie Le Houérou. - Ce sujet a-t-il été identifié par vos services et envisagez-vous des mesures ? Comment garder ces personnes dans l'entreprise ?

M. Jean-Luc Fichet. - Vous avez évoqué l'accompagnement pour les entreprises qui accueillent des personnes handicapées. En matière de handicap, notre constante doit être l'accompagnement social. Les personnes handicapées n'ont pas de difficultés insurmontables au travail, à l'école, en formation ou dans leur vie de famille s'ils bénéficient d'un suivi social adapté à leurs besoins et leur donnant une certaine sérénité. Or le système est aujourd'hui trop complexe : ils ont des travailleurs sociaux dans les Ésat, des tutelles, leur famille, leur patron, des formateurs, toutes sortes de dispositifs d'aide, qui en outre ne sont pas cohérents entre eux. Comment leur donner un accompagnement de qualité tout au long de la vie ? L'inclusion ne fonctionne à l'école que s'il y a des AESH. De même, les chefs d'entreprise sont plutôt d'accord pour respecter la loi, mais quand le salarié est confronté à des problèmes de mobilité ou de santé, vers qui peut-il se tourner ? Le travailleur social n'est souvent pas disponible. Comment les rendre plus sereins ?

Mme Laure Darcos. - Je suis membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je suis présente à votre audition, madame la ministre, en tant que membre du groupe d'études Handicap.

Je souhaite vous alerter sur certains points.

En application de la loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, issue d'une proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, le ministre de l'éducation nationale a publié une circulaire extrêmement confuse, à telle enseigne que certains départements n'ont pas pu l'appliquer à la rentrée dernière. Nous avons saisi la ministre de l'éducation nationale de ce problème, mais nous vous serions reconnaissants de pousser de votre côté. Cette loi permet aux AESH d'avoir des temps complets et aux enfants d'être accompagnés pendant le déjeuneur.

Nombre de spectacles ne sont à ce jour pas accessibles via le pass Culture pour les jeunes atteints de handicap. Pourriez-vous travailler à cette question avec la ministre de la culture ?

Par ailleurs, il reste beaucoup de progrès à faire sur les campus universitaires et dans les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), dont les logements sont peu adaptés aux handicapés. Il faut garantir une égalité de traitement. Cette question avait d'ailleurs été évoquée lors de l'examen de la loi de 2005.

Enfin, pour finir sur une note positive, la Fédération française du bâtiment Essonne a produit un beau document sur les travaux publics et l'accès à ce secteur des jeunes handicapés. (L'oratrice remet le document à Mme la ministre déléguée.)

M. Daniel Chasseing. - Pour les soins, la complémentaire devrait être disponible partout pour les salariés. Certains Ésat sont en déficit et ne paient donc pas la moitié de la complémentaire. L'État devait prendre en charge 50 % de la part employeur. Qu'en est-il ?

Par ailleurs, il conviendrait de renforcer les passerelles entre les Ésat, les entreprises adaptées et le milieu professionnel, voire les foyers occupationnels pour les personnes psychotiques. Il n'y a pas de suivi ; les gens sont casés dans un endroit et y restent toute leur vie. Comment améliorer cet accompagnement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Madame Le Houérou, j'ai répondu précédemment à vos questions. Pour ce qui concerne les dispositifs d'autorégulation, je suis d'accord avec vous, ils donnent de bons résultats. Je souhaite donc les évaluer et les déployer, car ils participent à l'école inclusive. J'ai répondu sur le Ségur de la santé. Je suis conseillère départementale, donc je connais les difficultés des départements à ce sujet. Nous avons beaucoup discuté avec l'association Départements de France pour trouver des moyens de soutien. D'ailleurs, le PLFSS comporte des mesures d'aide aux départements, en maintenant les taux de compensation, en suivant les dépenses d'APA et de PCH et en engageant un travail de convergence vers une meilleure compensation. Le dialogue est renoué ; il faut désormais avancer de concert avec les départements, pour mieux valoriser ces métiers.

Les licenciements pour inaptitude sont en effet un phénomène en hausse, alors que des solutions existent. J'ai soutenu, avec Pascale Gruny, la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail ; elle prévoit de nombreux dispositifs, qui sont en cours de déploiement. Je pense notamment à une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle ou à une visite à mi-carrière, autant d'outils devant permettre de mieux anticiper les situations et de maintenir les intéressés dans l'emploi. Il faut en outre renforcer le lien entre les teams Handicap de France Travail et les pôles de prévention et de santé au travail, afin de mieux accompagner le parcours des handicapés et d'éviter d'arriver à l'inaptitude.

Monsieur Fichet, vous parlez de la difficulté de s'y retrouver, face à la multitude des dispositifs et des acteurs. Nous prenons des mesures pour améliorer la lisibilité de tout cela. Cela passe par les teams Handicap de France Travail, par le rapprochement des Cap emploi et de France Travail, pour que les conseillers travaillent ensemble et assurent un suivi. L'emploi accompagné doit être mieux connecté avec France Travail, afin que les parcours soient plus fluides. Nous souhaitons avancer vers la transformation de l'offre, pour que les acteurs du médico-social apportent les bonnes réponses aux besoins des bénéficiaires. Il faut passer d'une logique de placement des bénéficiaires à une logique de plateforme de services coordonnés, qui réponde à leurs besoins. Le service public départemental de l'autonomie (SPDA) doit également permettre d'améliorer la réponse dans les territoires.

Madame Darcos, en ce qui concerne la circulaire d'application de la loi Vial, je souhaite entamer une discussion avec l'auteur de la proposition de loi et la ministre de l'éducation nationale, afin de simplifier le dispositif. Dans le PLF, il est prévu un recrutement de 2 000 AESH, qui deviennent un contingent important de l'éducation nationale. Il y a des moyens à la disposition des enfants, mais il en faut encore plus loin.

Sur le pass Culture, j'ai reçu ce matin les députés Yannick Monnet et Sophie Mette, qui ont mené une mission sur l'accès à la culture. Leurs travaux nourriront la feuille de route interministérielle sur la culture et nous avons bien identifié le problème que vous soulevez.

Je partage votre avis sur l'accessibilité des universités et l'accueil des étudiants. Je suis effarée par les différences de traitement d'une université à l'autre. Il faut y remédier. On peut rencontrer des difficultés financières, mais le premier facteur est la volonté de s'engager à accueillir correctement les étudiants.

Mme Laure Darcos. - Ne serait-ce que pour les examens !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Mais aussi pour l'accès aux cours, aux outils, aux supports. On ne doit pas transiger.

Monsieur Chasseing, nous avons parlé, la semaine dernière, lors de l'examen du PLF, du modèle économique des Ésat. Le Sénat a adopté le principe du soutien aux Ésat pour apporter un cofinancement aux mutuelles. Le PLF va poursuivre son chemin parlementaire.

De même, les parcours professionnels des personnes handicapées doivent être plus fluides, je suis d'accord avec vous. Nous prenons cet engagement, avec France Travail, avec le réseau des Ésat ; l'accompagnement doit être plus fluide, favoriser la mixité entre emploi ordinaire et emploi en Ésat, les allers-retours. Ces changements sont à l'oeuvre, mais doivent se poursuivre.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je veux revenir sur la question de la barrière d'âge, qui devrait être résolue depuis quinze ans. Vous devriez engager des concertations autour de ce sujet. Nous avons examiné une proposition de loi introduisant une exception pour une maladie, mais on va devoir multiplier les textes pour résoudre tous les problèmes ! Lorsque a été créée la branche autonomie, nous espérions que ce problème serait résolu.

Par ailleurs, si le vieillissement est inéluctable, la perte d'autonomie des personnes âgées ne l'est pas ! C'est un risque qui se prévient et qui se compense ; seule une personne sur treize bénéficie de l'APA, il y en a donc douze qui ne la touchent pas. Tant que l'on ne s'attellera pas à ce chantier difficile, tant que l'on repoussera la résolution de cette question de ministre en ministre, on gardera des taux élevés de non-recours et on ne répondra pas à une demande sociale importante. Il faudrait que vous vous engagiez à une concertation sur le sujet. Ou alors, abrogeons carrément cet article !

Mme Corinne Imbert. - L'école pour tous est un bel idéal, mais il y a des acteurs qu'il ne faut pas oublier : les enseignants, qui se retrouvent parfois en grande difficulté, notamment quand ils accueillent des enfants souffrant de troubles du comportement et qui ont un dossier à la MDPH. On ne peut pas fermer les yeux sur cette situation, qui concerne même des enseignants expérimentés. Au-delà du bel idéal, il faut tenir compte de la réalité sur le terrain, car certains enseignants sont victimes d'agressions. On peut maintenir le cap de l'école pour le plus grand nombre, mais il faudrait aussi rouvrir des places en IME.

Ma question porte sur le remboursement à 100 % des fauteuils roulants. Pouvez-vous nous en dire plus ? Ce taux s'appliquera-t-il sur la base d'un tarif de responsabilité inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables ? Y aura-t-il un plafond ?

M. Yves Bleunven. - Un mot revient beaucoup cet après-midi : la simplification. Elle s'impose vraiment en matière de handicap.

À ma permanence, en quelques mois, j'ai reçu deux personnes se trouvant dans la même situation. Ils devaient constituer un dossier de retraite anticipée pour travailleur handicapé, car ils souffrent tous les deux d'une maladie congénitale les frappant d'un handicap de naissance. On leur parle de périodes lacunaires alors qu'ils ont travaillé toute leur vie. Ils n'ont jamais demandé la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Le premier a mis deux ans et demi pour obtenir sa retraite et le second cinq ans, après deux procédures.

Avant de faire appel à l'intelligence artificielle, faisons appel à l'intelligence humaine et au bon sens...

M. Michel Canévet. - Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la nécessité de prendre en compte le vieillissement de la population des travailleurs, ce qui pose, pour les entreprises adaptées, un problème de productivité et d'accidentologie du travail. Il conviendrait de rencontrer les intéressés, qui auraient des propositions intéressantes à formuler.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Inscrirez-vous dans votre feuille de route la création de places et de structures, comme les Ésat, les IME, les maisons d'accueil spécialisées (MAS) ? Je reçois beaucoup de personnes au bord du désespoir, parce qu'elles ne trouvent aucune solution pour le placement d'un enfant ou d'un jeune adulte autiste.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Madame Poncet Monge, mon approche est différente de la vôtre sur la barrière d'âge. Je n'envisage pas de modifier le dispositif actuel. Je l'ai dit, je prépare ma feuille de route, je m'appuie sur les travaux du Sénat, de l'Assemblée nationale, du Cese, du CNCPH. Puis, je définirai des priorités.

Sur la perte d'autonomie, j'entends vos remarques, l'autonomie ne se perd pas de la même manière pour tout le monde. Le SPDA doit permettre d'aller vers les personnes âgées, de faire de la prévention et de préserver l'autonomie le plus longtemps possible.

Madame Imbert, soyons clairs : je suis parfaitement consciente des difficultés auxquelles sont confrontés les enseignants, il ne s'agit pas de mettre un couvercle dessus et de regarder ailleurs. On a besoin d'accompagner l'école inclusive, en répartissant mieux les enfants en fonction de leur handicap ; il n'y a pas que la participation à la classe ordinaire, il y a les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), les Ésat, les IME, qui se transforment pour que l'enfant soit à temps partiel à l'école de son quartier.

C'est ce type de solutions qu'il faut mettre en oeuvre, selon les besoins de l'enfant et en accompagnant les professionnels. Les pôles d'appui à la scolarité doivent donc se déployer pour apporter des moyens supplémentaires importants. En outre, j'ai déjà évoqué les 50 000 solutions d'accompagnement destinées à débloquer des places en IME.

Nous reviendrons sur l'école pour tous, car c'est un enjeu majeur. En effet, sur le terrain, des expériences très difficiles entraînent des retours en arrière, alors que de telles situations auraient pu être évitées, avec les bonnes solutions. Il ne faut pas rester sur ces mauvaises expériences ; on doit envisager tous les outils possibles, pour tenir la promesse de cette école pour tous, qui est le ferment de la société inclusive. Les personnes handicapées souhaitent être pleinement dans la société et cela commence à l'école.

Sur le remboursement des fauteuils roulants, nous envisageons de mettre en place un remboursement intégral par catégorie de fauteuil, avec un prix limite de vente et un système d'inscription en nom de marque accélérée pour les fauteuils n'entrant dans aucune catégorie. Nous sommes sur le point d'aboutir à une bonne solution, qui conviendrait aux associations et aux fabricants.

Monsieur Bleunven, vous avez évoqué les questions de simplification. Je suis pleinement d'accord avec vous, nous devons nous battre pour cela. C'est l'objet de cette task force. Vous avez raison, à côté de l'intelligence artificielle, il y a l'intelligence humaine et le bon sens, et les acteurs de terrain en sont fortement pourvus. C'est pourquoi je veux m'appuyer sur leur expérience et sur celle des usagers et des familles. Laurent Marcangeli et moi sommes très attachés à la simplification pour les usagers du service public.

Monsieur Canévet, j'ai en tête la situation des entreprises adaptées, je suis disposée à les rencontrer pour parler de l'emploi des personnes handicapées. Je les ai d'ailleurs rencontrées une première fois dans le cadre de la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées.

Madame Apourceau-Poly, vous m'interrogez sur ma feuille de route. Elle n'est pas encore écrite, mais je vous la présenterai volontiers si vous m'invitez. Elle comporte d'ores et déjà la création de places et de solutions, conformément aux engagements de la conférence nationale du handicap. Le budget consacré à la création de 50 000 solutions est sanctuarisé, sous réserve que l'on adopte le PLFSS ; sans cela, je le répète, aucune solution ne sera possible. Le budget prévu a été porté de 200 à 270 millions d'euros. Les départements, les ARS et les organismes gestionnaires ont défini les besoins et les solutions adaptées ; elles sont prêtes à les sortir des tiroirs. J'ai le pied sur l'accélérateur, je n'attends que l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour trouver une solution à la masse de tous les « amendements Creton » et pour donner du répit aux aidants. Nous avons besoin de ces 50 000 solutions.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos questions, remarques et propositions.

M. Philippe Mouiller, président. - Merci de cette audition, qui anticipe un peu sur votre feuille de route.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo, qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

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