III. UN COMPÉTITEUR STRATÉGIQUE DE LA FRANCE SOUCIEUX DE SON IDENTITÉ, DE SON INFLUENCE ET DE SES INTÉRÊTS
A. UNE RELATION À RELANCER ENTRE DEUX TRÈS ANCIENS ALLIÉS
1. Un dialogue politique exigeant pour solder les différends et se tourner vers l'avenir
Comme l'a rappelé la vice-présidente du groupe d'amitié Turquie-France, Tuba Vural Çokal, l'établissement de relations diplomatiques entre la France et la Turquie remonte à 1484 tandis que le Traité d'Alliance entre François Ier et Soliman le Magnifique a été paraphé en 1536. Cette longue histoire explique pourquoi, au-delà des désaccords inévitables que génèrent les relations internationales, les responsables des deux pays conservent une estime réciproque et la conviction ancrée que la force des intérêts mutuels doit prévaloir à long terme. C'est la raison pour laquelle le déplacement de la délégation sénatoriale était attendu et souhaité par les deux parties afin de relancer un dialogue politique en perte de vitesse.
Ce dialogue est d'autant plus nécessaire que l'influence de la Turquie en France même n'a cessé de s'accroître ces dernières années, les représentants politiques turcs rencontrés rappelant opportunément que la France comptait sur son sol 800 000 ressortissants turcs dont la moitié possède la double nationalité. Le président de la commission de la défense de la Grande Assemblée nationale, Lulusi Akar, a insisté sur le rôle de cette communauté dans le dialogue bilatéral.
Les échanges politiques de haut niveau menés à Ankara ont aussi été l'occasion pour les responsables turcs issus de l'AKP de faire la liste des nombreux griefs qu'ils nourrissent à l'encontre de la France. Le président de la commission des affaires étrangères a, par exemple, déploré les positions prises par les deux assemblées parlementaires françaises sur la question des génocides arménien et assyro-chaldéen, estimant que « ce n'était pas le rôle des Parlements de juger des questions historiques ». La politique étrangère française a également été critiquée, qu'il s'agisse du soutien à l'Arménie lorsqu'elle occupait le Haut-Karabagh, du soutien à la Grèce et à la République de Chypre dans son différend avec les chypriotes turcs du nord de l'île et de la situation en Afrique.
Les membres de la délégation sénatoriale considèrent que la reprise du dialogue politique ne pouvait faire l'économie d'échanges sincères ne passant pas sous silence les points de divergence. Au-delà des griefs énumérés qui illustrent le plus souvent des points de vue différents, ils estiment que la Turquie est fondée à voir mieux reconnaître sa contribution à la solidité de l'Alliance atlantique, sa participation à la stabilité de l'Europe à l'occasion de la crise migratoire en Syrie et son intérêt à la valorisation des ressources maritimes, dans le respect du droit international.
2. Une image de la France à revaloriser auprès de l'opinion publique turque
Les membres de la délégation sénatoriale ont pu prendre la mesure de l'affaiblissement de la relation franco-turque qui ne concerne pas seulement le dialogue politique mais également l'évolution de l'opinion publique turque. La multiplication des désaccords diplomatiques comme les polémiques sur des sujets comme la place de la laïcité en France ont, en effet, accru la méconnaissance de notre pays qui fait par ailleurs l'objet d'un dénigrement régulier de la part de certains médias.
Cette « impopularité » auprès d'une part importante de l'opinion publique turque a pour conséquence de rendre moins attractifs les produits français, la destination touristique France ainsi que la culture et l'éducation françaises. On peut toutefois remarquer que l'image de la France demeure positive auprès des catégories de citoyens turcs les plus connectés ou les plus mobiles à l'international.
Les membres de la délégation considèrent que cette situation n'est pas satisfaisante et qu'elle nécessite de redoubler d'efforts pour améliorer l'image de la France en Turquie que ce soit en poursuivant le projet d'offre d'information en turc de France Médias Monde, en soutenant l'action des institutions culturelles françaises en Turquie et en maintenant la présence des établissements scolaires français.