II. LES LOIS « EGALIM » SOUFFRENT D'UN DÉFICIT D'APPLICATION, VOIRE DE CONTOURNEMENTS

A. LA CONTRACTUALISATION ÉCRITE ET LES INDICATEURS SONT LOIN D'ÊTRE GÉNÉRALISÉS

La contractualisation amont, entre producteurs et acheteurs est un volet structurant du dispositif Egalim, destiné à mieux préserver la rémunération des agriculteurs.

Selon les chiffres transmis par la DGCCRF, le nombre de contrôles effectués sur l'amont agricole a augmenté de 75 % entre 2022 et 2023. Ils ont notamment porté sur la présence d'un contrat écrit, pour les filières pour lesquelles elle est obligatoire - notamment les filières animales, les filières laitières et quelques appellations viticoles.

1. En principe obligatoire, la contractualisation écrite n'est pas suffisamment appliquée à l'amont agricole

Les rapporteurs déplorent que la contractualisation écrite, généralisée par la loi dite « Egalim 2 » de 202115(*), soit faiblement appliquée et ait peu progressé depuis. Au sein des filières qui sont légalement soumises à l'obligation, c'est-à-dire la quasi-totalité des productions animales, la contractualisation est peu développée - hormis pour la filière laitière où elle est historiquement plus ancrée, depuis 2011.

Dans la filière bovine, où elle a été généralisée à partir de 2022, le taux de contractualisation déclaré en volume entre les abattoirs et leur apporteur est passé de seulement 17 % à 2022 à 25 % fin 2023, selon l'observatoire de la contractualisation bovine mis en place par l'interprofession, Interbev.

La DGCCRF constate également que les 175 contrôles menés en 2023 ont fait ressortir de nombreux manquements avec une insuffisante application de la loi, notamment l'absence de proposition de contrat émanant du producteur agricole ou de son groupement à son acheteur. Ces constats ont justifié l'inflexion apportée à l'orientation « pédagogique » mise en oeuvre lors des premières années d'application de la loi compte tenu de la fragilité du secteur. Ainsi en 2024, 4 injonctions ont été prononcées sur la base de constats de 2023 à l'égard d'acheteurs de taille significative concernant des défauts de contractualisation et deux avertissements ont été adressés à des professionnels au titre des manquements constatés en 2023 dans les filières bovines.

2. Des indicateurs de référence peu généralisés malgré leur intérêt

D'après de nombreux acteurs auditionnés, les indicateurs ont entraîné un « avant » et un « après » Egalim en ce qui concerne les dialogues entre les organisations de producteurs et les entreprises, car ils fournissent une base de discussion ainsi qu'un référentiel fiable et objectif.

Néanmoins, de nombreux indicateurs ne sont pas publiés par les interprofessions, parfois faute d'accord entre les acteurs. Ainsi, pour les vaches laitières, les brebis de réforme, pour certains animaux reproducteurs, certains vins, le lait de vache bio, les productions céréalières bio ou de nombreux fruits et légumes, il n'existe pas d'indicateur de référence émis par l'interprofession.

L'absence de ces indicateurs peut avoir un impact sur les clauses de révision automatique qui sont, en vertu de la loi Egalim 2, obligatoirement intégrées dans les contrats conclus entre fournisseurs et distributeurs. La formule de révision inclut des indicateurs, dont obligatoirement des indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture lorsque l'acquisition de la matière première agricole fait l'objet d'un contrat écrit16(*).

Les rapporteurs enjoignent les interprofessions à prendre leurs responsabilités pour publier ces indicateurs de référence.


* 15 Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

* 16 Article L. 443-8 du code de commerce.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page